Pour une refondation de la gauche écologiste

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Le vote utile n'aura pas été assez massif pour dépasser l'extrême-droite et nous éviter le risque bien réel de sa victoire au deuxième tour. On peut craindre cependant, qu'en ignorant ce qui a donné à Mélenchon l'essentiel des votes de gauche au détriment des autres candidats, il s'en attribue tous les mérites. Pourtant rien ne serait pire que de laisser "La France Insoumise" devenir le parti hégémonique à gauche, la cantonnant à un rôle contestataire.

L'effondrement du Parti Socialiste et la difficulté des écologistes à convaincre pourraient au contraire donner lieu à la création d'un nouveau mouvement écologiste de gauche, ni libéral ni populiste, regroupant les écologistes et la social-démocratie, sur les ruines de leurs organisations, non pas derrière un leader à l'ancienne mais ancrée dans les territoires, s'appuyant sur les élus locaux pour un développement local et humain.

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Temps de suspens

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Il y a des moments où il est bon de garder le silence pour ne pas ajouter à la confusion ambiante en étalant ses opinions, ses pauvres convictions (et son incompétence), surtout quand les incertitudes se cumulent de la pandémie, du Brexit et de l'élection américaine empêchant toute prédiction à court terme. Il fallait attendre au moins l'élection présidentielle américaine mais plusieurs jours après, le suspens demeure quand à la suite pouvant facilement dégénérer. Le Brexit qui devait se régler en octobre reste lui aussi suspendu à des négociations ne pouvant déboucher que sur une réintégration à l'Europe ou une dangereuse période de chaos.

Même si  on se débarrasse finalement de Trump, il ne faut pas trop se rassurer que ce serait la fin de notre descente aux enfers et qu'on serait tiré d'affaire pour autant tant le niveau de connerie est au plus haut entre épidémie et terrorisme. Ce n'est sans doute pas que ce soit si pire qu'avant, mais c'est devenu quand même beaucoup plus visible, à en rester bouche bée ! Cela va des consternantes téléréalités et réseaux sociaux aux chaînes d'infos racoleuses et aux complotistes les plus fous (comme ceux de QAnon) qui ont micro ouvert, jusqu'aux polémiques scientifiques partisanes les plus bornées. Les intellectuels ne sont pas épargnés par ces logorrhées haineuses, perdant ce qui leur restait de crédit. Bien sûr, tout cela n'a rien de nouveau, pas plus que la recherche de boucs émissaires ni les illuminés sanguinaires (les crétins d'Action directe ne valaient pas mieux que les terroristes islamistes). La panique durcit l'hostilité entre fausses certitudes contraires, que ce soit sur la politique sanitaire, l'Islam, la laïcité, la France, nos valeurs, etc. Dans ce contexte d'affolement général, inutile de faire appel à la raison, mieux vaut laisser passer l'orage...

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Du référendum et des conceptions naïves de la démocratie

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La révolte contre l'injustice et le mensonge des écotaxes, imposées de plus par celui qui apparaissait comme le président des riches, a manifesté un déficit de démocratie accaparée par les élites parisiennes. La revendication de justice fiscale s'est muée ainsi en revendication démocratique qui s'est fixée sur le référendum d'initiative citoyenne (RIC), vieille revendication qu'on retrouve de l'extrême-droite à la gauche populiste et qui semble évidente (qui pourrait être contre?) mais qui existe déjà et dépend largement de son cadre, n'étant pas l'instrument rêvé d'une démocratie directe qui serait l'expression du peuple (parmi les thèmes qu'on voudrait soumettre à référendum, on entend souvent le rétablissement de la peine de mort et la suppression du RSA, il n'est pas dit qu'ils obtiendraient la majorité mais il y a beaucoup de haine pour les plus pauvres aussi, plus que pour les riches parfois).

Comme c'est une revendication qui ne coûte rien au pouvoir, elle sera sans doute octroyée, occupant les esprits plus que les rond-points dans les mois qui viennent. On peut soutenir une forme de RIC mais il n'a pas l'importance qu'on lui donne. C'est une mauvaise réponse à l'aspiration légitime à plus de démocratie mais qui témoigne surtout de conceptions très naïves de la démocratie, s'appuyant d'ailleurs en grande partie sur l'idéologie officielle de notre république avec sa si belle proclamation des droits de l'homme et du citoyen.

Ainsi, les insurgés peuvent invoquer le récit national pour réclamer ce pouvoir du peuple promis et toujours confisqué par le parlementarisme, ce qui est en fait l'appel à un pouvoir fort et une dictature de la majorité, dont le référendum est l'instrument privilégié, alors qu'il faudrait défendre des politiques de dialogue, une démocratie des minorités et des municipalités, à l'opposé du mythe d'un peuple uniforme (qui se tourne contre les étrangers avant de se retourner contre l'ennemi intérieur). Le piège, c'est que chacun se croit majoritaire (être le peuple) mais finit par se découvrir minoritaire, la majorité ne pensant décidément pas comme nous ! Ce qui est étonnant, c'est que les intellectuels eux-même donnent foi à ces vieilles illusions unanimistes de la démocratie, toujours divisée pourtant (au moins entre droite et gauche), comme s'ils ne retenaient pas les leçons de l'histoire - la vraie, pas la reconstruite. Le démocratisme ne sort pas de la tête de quelques idéologues plus ou moins illuminés mais se nourrit de toute une littérature donnant l'impression d'une régression de la sociologie, de l'histoire et de la philosophie politique.

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L’imposture populiste

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Ce qui devrait être le coeur de la philosophie, c'est bien la question politique, de son irrationalité et de son impuissance. La seule question philosophique sérieuse est celle de notre suicide collectif, la philosophie pratique ne pouvant se réduire à l'individuel qui n'est rien sans l'action collective. Ce que les anciens Grecs appelaient sagesse, celle des 7 sages, était une sagesse politique, bien si précieux car si rare au milieu des folies collectives. Platon lui-même n'aura pas brillé par ses tentatives d'occuper le rôle du roi-philosophe. Rien de plus difficile en effet que de faire régner la concorde et la justice quand tout s'y oppose, passions publiques et intérêts privés, mais surtout notre ignorance qui nous fait adhérer aux solutions simplistes de démagogues.

De nos jours, dans le monde des réseaux globalisés et des échanges marchands, c'est-à-dire d'un Etat de droit qui s'impose à nous et qu'on ne peut plus remettre en cause à cette échelle, on peut trouver cela encore plus désespérant car, au-delà du local, la portée de l'action politique s'en trouve extrêmement réduite par rapport aux cités antiques. Un peu comme dans les empires, et contrairement aux discours d'estrade, désormais les institutions démocratiques ne sont plus du tout dans nos pays l'émanation d'un peuple souverain mais s'adressent à la diversité des citoyens dans un ordre mondial établi (défendu par la puissance américaine au nom des droits de l'homme et de la marchandise).

C'est là qu'on aurait bien besoin d'une critique de la raison pratique qui en montre toutes les limites, comme la raison pure a dû admettre les siennes, au lieu de prétendre à un universel sans effectivité. Il s'agit de renverser l'idéalisme du sujet, actif et libre, en matérialisme d'une action dictée par l'extérieur. Alors qu'on s'enorgueillit de toutes parts de cultiver l'idéalisme des valeurs qui nous élèvent et les vertus du volontarisme, qui nous ferait triompher de tous les obstacles sur lesquels nos prédécesseurs s'étaient cassé le nez, il nous faudrait nous résoudre au contraire à un peu plus de modestie et une rationalité limitée confrontée à des forces sociales qui nous sont hostiles et des puissances matérielles qui nous contraignent. Ce n'est pas la radicalité du devoir-être, des bonnes intentions initiales, qu'il nous faudrait renier mais les fantasmes de toute-puissance qui font disparaître la dureté du réel, sa multiplicité et la part du négatif dans une surestimation délirante de nos moyens. Ce délire de présomption si enthousiasmant promet des lendemains qui déchantent et cherchent des boucs émissaires à la trahison d'un si beau projet (on a déjà connu). Au lieu de faire assaut de radicalité, s'enivrer de mots et faire violence à un réel qui nous résiste, il n'y a pas d'autre voie que d'essayer d'identifier les leviers qui nous restent et de guider son action sur ses résultats, on peut même dire sur son peu de résultat, question qui devrait nous préoccuper plus que tout car on ne peut en rester là.

Il ne fait aucun doute que ce monde est insupportable et qu'il faudrait le changer, il n'y a absolument pas coïncidence entre la pensée et l'être mais bien plutôt disjonction entre l'être et le devoir-être. Nous sommes loin de vivre dans le meilleur des mondes qu'on puisse célébrer. Comment ne pas avoir la rage, depuis toujours, contre les conditions qui nous sont faites et l'injustice universelle ? S'y ajoute désormais l'impératif des urgences écologiques qui rendent plus incontournable encore la nécessité de changer de vie. Il faut partir de ce dualisme initial, rencontre d'une pensée immatérielle menacée matériellement par le non-être qu'elle doit surmonter. Il ne suffit pas pour autant de vouloir pour pouvoir. C'est difficile à comprendre, encore plus à admettre, tant les solutions peuvent sembler relever de l'évidence, mais la réalité première que nous devons reconnaître est bien celle de notre échec, de l'impossible sur lequel on se cogne et du peu de portée d'années de militantisme comme des débats théoriques de l'époque. C'est le préalable pour essayer au moins de trouver les voies d'une action plus efficace, que ce ne soit pas un devoir-être pour rire.

La révolte se tourne naturellement vers les théories subversives disponibles qui prétendent offrir un débouché à sa volonté de changer le monde mais elle ne fait le plus souvent ainsi que se nourrir d'illusions. Depuis la fin du communisme, car notre problème est bien l'échec du communisme partout, les aspirations révolutionnaires à l'égalité et la justice, ne trouvant plus d'autres issues, ont dérivé de plus en plus vers l'extrême-droite, de l'islamisme au nationalisme. Au niveau théorique, on a assisté aussi à l'impensable retour d'une sorte de fascisme, sous la forme adoucie du "populisme", auquel Ernesto Laclau et Chantal Mouffe ont voulu donner une dangereuse caution intellectuelle, organisant la confusion entre gauche et droite, alors que, malgré leurs dénégations, le populisme reste l'appel à un pouvoir autoritaire, volontariste, souverainiste, nationaliste et identitaire.

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La tentation du pire

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La politique rend fou. Ce n'est pas une nouveauté mais toujours aussi effrayant à chaque fois que les camps adverses se mobilisent et qu'on ressent la pression de la foule. J'avais moi-même dénoncé la folie de se croire majoritaire et de refuser les alliances quand on ne fait même pas 15% des intentions de vote mais il n'est pas sûr pour autant que cette folie générale relève d'une analyse psychologique, encore moins d'une analyse sauvage comme s'y est risqué bien imprudemment Jacques-Alain Miller - le normalisateur du lacanisme - qui prône le vote utile dès le premier tour.

Critiquant une "analyste en formation" ayant déclaré : "Pour ma part, je préfère être vaincue que dupe", il croit, en effet, pouvoir dénoncer son narcissisme de la cause perdue, ce qui est tout autre chose que de se faire des illusions, mais surtout, après une réponse musclée de la dame, il en rajoute une couche en invoquant tous les modes de négation chez Freud : Verneinung, dénégation (se rencontre dans la névrose, et chez tout le monde) ; Verleugnung, déni (propre à la perversion) ; Verwerfung, forclusion (dans la psychose). Cette façon de répondre met profondément mal à l'aise, tout comme d'ailleurs de faire croire par une pétition d'analystes qu'on soutient une position politique en tant qu'analyste.

Je sais bien que Lacan a cru pouvoir dire en 1967 que "L'inconscient, c'est la politique", semblant prolonger "Psychologie collective et analyse du moi", mais il ne désignait ainsi que "ce qui lie les hommes entre eux" et cela n'empêche pas que ce soit un slogan critiquable lorsqu'il gomme la séparation radicale de l'individu et du collectif (ce que ne fait pas Freud). Le rapport de l'inconscient au politique doit être repensé. Même s'il est incontestablement très tentant de donner une interprétation psychologique à la division de la gauche qui la mène stupidement à la défaite, c'est juste vouloir ignorer les causes réelles de la situation. On pourrait accuser en retour ce psychologisme de refoulement (si ce n'est de forclusion) au profit d'une vision très naïve de la politique et de sa supposée rationalité, vision qu'on peut dire bourgeoise de la défense de l'ordre établi et du service des biens. C'est une position qui est assurément très raisonnable. Sauf que le réel est insupportable.

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La démocratie des minorités

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Derrière les péripéties qui nous divertissent comme spectateurs d'une élection à rebondissements, l'essentiel est bien la décomposition du champ politique, sans doute avant sa recomposition, mais le plus frappant dans cette désintégration des anciennes coalitions, à gauche comme à droite, c'est comme chaque composante peut se prétendre majoritaire et prendre le parti pour le tout, refusant toute alliance avec ceux qui ne pensent pas tout-à-fait comme eux ! Les plus radicaux imaginent que c'est en ne cédant rien sur leur radicalité qu'ils gagneront le pouvoir ! Mieux vaut rester pur que se compromettre, ne faisant qu'ajouter à la division. C'est que l'affluence aux meetings persuade monsieur 15% qu'il représente tout le peuple et les primaires se sont révélées l'expression des plus engagés, privilégiant un certain extrémisme (le programme de leurs rêves) sur les plus réalistes ou prudents, exacerbant les différences et figeant les oppositions.

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Articuler travail et revenu de base

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L'idée d'un revenu de base ou universel est incontestablement à la mode, pas seulement dans les milieux branchés de la silicon valley. En dehors des Verts et autres groupuscules, ici, c'est d'abord la droite qui s'en est emparée, notamment avec Dominique Villepin et son revenu citoyen de 850€. Désormais ce sont des socialistes qui en font un enjeu central de leur campagne, façon sans doute de se prétendre radical à bon compte car il faut voir ce que cela recouvre au-delà de la communication politique.

On peut remarquer comme, à chaque fois, la mesure semble improvisée, comme si on n'y avait pas pensé avant. Ainsi, Pour Manuel Valls, on est déjà passé du "revenu universel garanti" à un "minimum décent" pour ce qui n'est pourtant guère plus qu'une fusion de différents minima sociaux. On ne sait quel crédit on peut donner à l'affirmation que "ce minimum décent peut aller jusqu'à 800-850 euros (...) pour une personne seule en fonction des ressources, avec toujours le lien sur l'insertion, sur la formation". Le montant fait simplement référence sans doute au maximum de l'allocation aux adultes handicapés, ne signifiant pas que tous en profiteraient également car on n'est plus dans un revenu universel et inconditionnel, s'éloignant du revenu de base qui avait servi simplement d'amorce. Si cela ne va pas beaucoup plus loin qu'un rhabillement du système actuel et une simplification des procédures, un lien est gardé avec le travail bien que sous une forme dont on n'a pas de raison de penser que ce sera plus efficace que depuis la mise en place du RMI. J'insiste sur le fait que ce lien reste indispensable à un système viable et soutenable même s'il faut, en même temps, refuser tout travail forcé et permettre d'accéder au travail choisi.

Benoît Hamon est plus fidèle à la logique d'un "revenu universel d’existence" sauf que, du coup, son montant mensuel devra "dans un premier temps" être équivalent à celui du RSA (524€), avant de passer à 750€, une fois le processus lancé et expérimenté... On voit qu'il ne faut pas en attendre grand chose, "dans un premier temps" au moins. Personne ne prétendra qu'on peut vivre avec un RSA, que ce serait un revenu de liberté s'il n'est pas complété par un revenu d'activité. Le montant de 750€ correspond au montant que nous avions évalué comme minimal pour survivre, à la commission des Verts sur le revenu. L'objectif n'est donc pas critiquable mais sa réalisation douteuse ainsi que son financement si on ne se préoccupe pas de donner les moyens à chacun de valoriser ses compétences mais qu'on en fait une dépense nette. La question du revenu ne peut être détachée de la question du travail et de ses transformations actuelles, de l'environnement productif. Qu'une garantie de revenu soit un découplage du revenu et de la production immédiate n'empêche pas son lien global à la production, qu'il faut organiser.

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Plutôt Le Pen que Fillon ?

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A priori, c'est bouclé. Au second tour, Fillon ferait 67% contre Marine Le Pen 33%, sauf qu'il est devenu téméraire de se fier aux sondages et aux vainqueurs désignés d'avance. Si Juppé avait gagné la primaire, il était quasiment certain que les électeurs de gauche auraient fait barrage au Front National, cela me semble beaucoup moins évident avec Fillon et sa brutalité sociale.

Je ne m'aventurerais pas à faire des prédictions, il peut se passer beaucoup de choses jusqu'à l'élection et on ne sait pas encore combien de candidats à gauche vont concourir au plus ridicule, mais jamais les chances de l'accession de l'extrême-droite au pouvoir n'ont été aussi grandes. Il paraît que les frontistes s'inquiètent plutôt d'une hémorragie de leurs électeurs vers le champion de la droite conservatrice... mais libérale et européiste. Pas de quoi séduire l'électorat populaire en tout cas. Tout se jouera donc entre ceux qui se laisseront tenter par la purge sociale et les électeurs de gauche qui ne se dérangeront pas cette fois-ci pour aller voter contre un populisme qui a incontestablement le vent en poupe un peu partout. Vraiment, je ne vois pas Fillon élu - un autre arrivant en deuxième place aurait beaucoup plus de chance de mobiliser largement.

On est quand même effaré de voir comme tout tourne au plus mal avec le chiffon rouge de la droite la plus bête du monde et l'éclatement d'une gauche en miette complètement irresponsable entre dogmatismes et ambitions personnelles (idiotes car promises à l'humiliation), nous réduisant au rôle de spectateurs du désastre annoncé. Au moment où chaque candidat à une élection se croit obligé de promettre la rupture avec le passé, nous voilà replongés dans l'histoire par ses mauvais côtés et une connerie humaine au plus haut qui nous laisse désemparés - en attendant la sanction du réel et la reprise des luttes sociales sur les ruines de la politique ?

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