Les "villes en transition" sont incontestablement des initiatives positives et nécessaires qu'il faut encourager comme tout ce qui va dans le sens d'une relocalisation de l'économie et de ce qu'ils appellent les capacités de résilience locale (diversité, modularité, proximité). On pourrait cependant préférer un projet plus global de villes vertes car il y a deux points, qui sont au centre de cette démarche, sur lesquels on peut avoir un regard plus critique. D'abord la focalisation sur une fin du pétrole qui est loin d'être avérée encore, ensuite la dépolitisation d'une démarche qui gagnerait à prendre une dimension véritablement municipale.
Climat
Complexification des modèles et simplification de la réalité
Ce qu'on va examiner ici, c'est en quoi il faut passer par l'aggravation de la crise qui n'est pas contingente mais inévitable car elle opère une simplification de la réalité nécessaire à la décision politique, pour déboucher ensuite sur une complexification des modèles, un peu plus robustes mais qui ne pourront jamais prévoir l'imprévisible dans leur confrontation au réel (et qui peuvent même nous mener au pire à mesure qu'ils paraissent plus infaillibles). C'est la condition post-moderne de l'action dans un monde incertain et qui doit prendre en compte ses conséquences négatives.
La transition énergétique
On n'a rien vu encore. La crise économique s'aggrave en devenant crise politique mais ce n'est pas notre seul problème, ni peut-être le pire car la crise énergétique va rapidement revenir sur le devant de la scène. En effet, le pic de la production pétrolière pourrait bien être atteint en 2014. Oui, dans 4 ans seulement, vous avez bien lu ! Ces annonces sont toujours sujettes à caution, très dépendantes du niveau des cours, mais justement la retombée de ce qu'on a pris pour une bulle du pétrole (à l'origine de l'écroulement financier) a découragé des investissements qui auraient pu exploiter d'autres sources et, c'est un fait, les capacités actuelles sont à leur maximum. On va donc se trouver avec des risques de pénurie sur une période de plus de 10 ans sans doute. Ce n'est pas la fin du pétrole, bien sûr, encore moins l'apocalypse mais juste le signe de la remontée des prix parallèlement à l'activité économique.
Quels risques climatiques majeurs ?
Prendre conscience des risques majeurs à long terme : même si ce n'est pas le plus probable à court terme, le risque d'un emballement du climat qui provoque un empoisonnement de l'atmosphère et des extinctions massives doit constituer notre horizon, la menace qu'il faut absolument éviter et, pour cela, même si on n'arrive pas à limiter le réchauffement à 2°C, ce qui semble hors de notre portée, tout faire pour ne pas dépasser en tout cas les 4°C de réchauffement, ce qui n'est pas gagné d'avance et dépend entièrement des prochaines décennies...
L’hypothèse extrême
Les prévisions des climatologues sont en général des prévisions moyennes et raisonnables, d'autant plus qu'elles font l'objet de négociations politiques dans le cadre du GIEC, avec le souci de ne pas désespérer les populations. Cependant, les incertitudes étant immenses, il est toujours fait mention qu'on ne peut exclure des ruptures de seuils et des phénomènes d'emballements qui sortent radicalement des projections actuelles mais seraient trop improbables pour être prises en considération...
Seulement, voilà, les dernières nouvelles du climat ne sont pas bonnes du tout et renforcent justement l'hypothèse d'un emballement possible à relativement court terme. Ce ne sont pas des informations qu'on peut prendre à la légère même s'il ne s'agit pas de paniquer. Il faut du moins sérieusement envisager la possibilité d'un tel enchaînement qui augmenterait les températures dramatiquement, bien au-delà des modèles actuels, par un processus qui s'auto-alimente lui-même et qui aurait peut-être déjà commencé !
Le point sur le climat
Les réactions suscitées ce mois-ci par le rapport du GIEC sur les émissions de gaz à effet de serre justifiaient d'essayer de faire le point sur le climat. En effet, Courrier International joue la provocation en titrant Le réchauffement n'existe pas, du moins certains le croient, pour nous présenter un dossier qui confronte les opinions dissidentes à l'état des connaissances sur le sujet. De son côté, Pour la Science essaie de nous persuader, de façon un peu prématurée, "Réchauffement climatique : le temps des certitudes" !
On verra que ce n'est pourtant pas tout-à-fait aussi simple, les incertitudes sont immenses, on en apprend encore tous les mois ! On n'est donc pas au bout de nos surprises mais il y a peu de chances qu'il y en ait de bonnes, c'est plutôt le pire qui s'annonce, en particulier à cause de notre inaction, et, à la vitesse où ça va, la question de savoir si on pourra faire face ou s'il est déjà trop tard est bel et bien posée...
La part maudite
Les dernières nouvelles de l'histoire de la Terre, de l'évolution de la vie et du climat, semblent confirmer l'intuition de Georges Bataille d'une humanité vouée comme toute vie à la consumation et la dépense de l'énergie excédentaire. Ainsi, notre rôle actif dans l'effet de serre et le réchauffement climatique n'aurait rien de tellement exceptionnel ou de hasardeux, se situant dans le prolongement de tous les organismes multicellulaires dont la fonction serait liée à la lutte contre les glaciations et l'excès de production d'oxygène !
Certes nous sommes bien coupables d'avoir passé les bornes et la rapidité du processus que nous avons déclenché nous menace directement, ainsi qu'une bonne partie des organismes vivants. Rien ne nous protégera contre nous-mêmes et nos folies. A semer à tous vents nos gaz empoisonnés, nous risquons assurément d'être balayés par les tempêtes et de nous brûler aux rayons d'un soleil de plomb. Il y a urgence à réagir malgré toutes les incertitudes dès lors qu'on risque un emballement qui pourrait être fatal, mais au niveau des temps géologiques et de l'histoire de la biosphère, ce ne serait sans doute qu'une péripétie dans la co-évolution de la vie et du climat.
En effet, il est étonnant de constater, au-delà des extinctions massives et des cataclysmes que la Terre a pu connaître, comme la vie et le climat se sont ajustés réciproquement jusqu'à constituer un système dynamique qui se stabilise plus ou moins sur le très long terme. Il n'y a pas l'environnement d'un côté et les gènes de l'autre mais une interaction constante qui brouille bien plus qu'on ne croit la séparation entre intérieur et extérieur, entre vivant et non-vivant (entre sujet et objet). Ce n'est pas une raison pour faire de Gaïa un être vivant à part entière mais il y a bien une précieuse union intime entre la vie et son milieu, un équilibre dynamique, plus ou moins cyclique et jamais en repos, où se dépense notre excès d'énergie dans un foisonnement de formes vivantes aussi chatoyantes qu'éphémères, mais qui se reproduisent pourtant et perdurent à travers les âges en façonnant le monde à leur ressemblance pour en faire un monde vivant, le monde de la vie.
L’effondrement des civilisations
Dans un dossier assez intéressant sur l'archéologie de la Bible au proche-orient, le magazine La Recherche du mois de novembre fait état d'une théorie de l'effondrement des civilisations, de caractère systémique, généralisant des phénomènes répétés à des millénaires de distance. Ce sont des processus bien connus mais qui valent d'être médités, passant par les stades de l'effondrement suivi d'un âge sombre avant la renaissance des inégalités, des élites politiques et de la civilisation. On ne peut en tirer la conclusion qu'il faudrait encourager les inégalités car l'effondrement peut se produire par excès d'inégalités, la véritable richesse, c'est la cohésion sociale dont inégalités et richesses ne sont qu'un sous-produit.