Signes de détresse
Les progrès de la
médecine
et l'augmentation du niveau de vie ont permis un allongement
considérable de l'espérance de vie, pourtant cette
médecine de pointe semble butter sur toute une
série de maladies chroniques, inflammatoires et auto-immunes,
voire neuro-dégénératives, qui impliquent à
l'évidence l'environnement (on dit qu'elles sont
multifactorielles, tout comme le cancer). Si ces maladies "aux mille
noms" progressent
de façon inquiétante, avec les caractéristiques
d'une véritable épidémie, ce n'est pas seulement
que la
médecine ne sait pas y répondre encore, mais c'est aussi
que le niveau de stress a considérablement augmenté dans
nos sociétés développées, dans le travail en
particulier, alors que la qualité de l'environnement et de la
nourriture s'est fortement dégradée (hausse des
pollutions et des pesticides, baisse des anti-oxydants, des
oméga-3 et des
vitamines). On assiste donc à la conjonction des limites de la
techno-science, qui s'avoue incapable de soigner le mal-être ou
les déséquilibres biologiques, en
même temps qu'à l'emballement d'un
productivisme de plus en plus insoutenable pour l'être humain
comme pour la biosphère. A
ce stade il semble que la
médecine soit conduite à une révision
complète de ses présupposés et de sa pratique pour
revenir à une véritable "médecine
générale", c'est-à-dire à des approches
plus globales, qu'elle abandonne pour
l'instant aux "médecines alternatives".
La réduction des thérapeutiques médicales aux analyses de laboratoire, à la
spécialisation, à une symptomatologie statistique (DSM) et aux
traitements normalisés, c'est-à-dire à
une simple technique où le
malade
disparaît, découpé en petits morceaux, rencontre
désormais sa limite au moins en terme d'efficacité et d'explosion
des coûts. Il faut se rendre à l'évidence, la
plupart des maladies ont une dimension psychologique et sociale et,
comme les médecines traditionnelles, il faudrait
considérer la maladie comme un signal de détresse du
corps pour soigner le malade pas seulement le symptôme.
Au-delà, c'est la société qu'il faudrait soigner
et qui devrait mieux prendre en compte ces enjeux de santé, y
compris de santé mentale, accorder un peu plus d'importance aux
conditions de travail et
d'épanouissement de chacun. Il n'y a pas de
question plus politique.
Le
caractère
déterminant du milieu et de l'humeur dans le
déclenchement des maladies n'est certes pas une découverte
même si cela mène trop souvent à des solutions
purement imaginaires. Sans remonter à la médecine
chinoise,
Alexander par exemple a voulu fonder une nouvelle discipline sur ce
juste principe que "
théoriquement toute maladie est psychosomatique". Encore faudrait-il s'entendre sur le sens à donner à ce mot, et pour sortir de la confusion
dans laquelle les théories psychosomatiques s'enlisent, il faut revenir
d'abord à Pasteur qui avait déjà compris que "
le microbe n'est rien, le terrain est tout".
En effet le même bacille du charbon qui a pu foudroyer une poule
exposée au froid extérieur, s'est
révélé
inoffensif lorsqu'il a été inoculé à une
poule
maintenue bien au chaud. Pas de psychologie apparemment à ce
niveau
mais seulement la faiblesse de l'organisme. Toute maladie s'introduit
dans
les blessures du corps, corps fatigué, usé, vieilli,
brisé. Simplement, la psychologie et les relations sociales y participent
largement.
Le corps peut être affaibli de bien des façons, par le
froid, par l'effort, par l'effroi ou par remords, mais le fait est que le
stress du corps a le plus souvent une origine
sociale.
De sorte qu'on devrait plutôt parler de maladies socio-somatiques
(ou socio-psychosomatiques). Le danger serait ici de vouloir trop
généraliser, chaque cas est particulier (il y a d'autres
sortes de maladies, génétiques par exemple, il y a des symptômes "hystériques",
des conflits psychologiques, et toutes sortes de folies), mais c'est un
fait massif qu'on refuse de regarder en face : il existe
indubitablement un stress social qui se répercute en stress des
relations et en stress au travail avant de se répercuter au
niveau individuel en fonction de l'histoire de chacun et de ses
capacités de résistance, jusqu'à atteindre le
corps dans sa chair. Bien peu ont rendu compte de
l'étendue du phénomène, comme Christophe Dejours
dans son livre "Souffrance en France". Il ne s'agit
évidemment pas de rêver supprimer tout stress. Il y a un
bon stress qui nous
stimule et les relations sociales ne seront jamais faciles (l'enfer
c'est les autres dont on ne peut se passer). C'est juste qu'il ne faudrait pas trop en rajouter
mais tenir compte de nos limites psychiques et corporelles.
La résistance au stress
On peut dire que le rapport au stress constitue
un des fondements de l'
écologie, du rapport de l'individu à
son environnement ainsi que de l'articulation du biologique et du social. Mais qu'est-ce que le
stress ?
Le stress,
comme syndrome d'adaptation (décrit par Selye dès 1936) se caractérise par une
réaction
d'alarme (signal) suivie d'une
période de résistance jusqu'au
stade d'épuisement
qui n'est plus de l'ordre du signal
mais de l'atteinte des fonctions régulatrices
(découragement, dépression, allergies, dégénérescence).
Ainsi, lorsque la réaction de fuite (
exit) n'est pas possible, ni la
protestation (
voice),
il semble bien qu'après une période d'inhibition, on
passe de la fonction stimulante du stress à l'état
de
distress,
c'est-à-dire un état de perte de contrôle et
d'affaiblissement, qui nous livre à la
merci de toutes sortes de maladies. C'est l'état de faiblesse et
d'abandon du perdant et du dominé qui va jusqu'aux obsessions
suicidaires. Cependant, il faut souligner que,
contrairement à ce que prétend Alexander cité plus
haut, ce qui caractérise les maladies du stress c'est leur
absence de spécificité, leur absence de signification
symbolique la plupart du temps, la réaction de stress se
caractérisant par le fait d'être
indifférenciée et globale (contrairement aux symptômes psychologiques), pouvant même être
provoquée par une trop bonne nouvelle !
Le
stress est un phénomène universel qui est vital, indispensable à la stimulation et l'entretien
des fonctions biologiques mais jusqu'à un seuil où il
devient destructeur. C'est un peu comme l'effet de serre sans lequel il
n'y aurait pas de vie mais qui nous menace à partir d'un certain
point. Ce qu'il faut, dans la vie, c'est ne pas dépasser certaines limites.
Le plus souvent ce n'est d'ailleurs pas tant le niveau de stress
que sa
durée et sa répétition quotidienne qui
épuisent le corps. C'est bien le corps qui est touché et "accuse le coup"
mais à cause d'un stress qu'on peut dire social, que ce soit un stress
post-traumatique ou un stress dans nos relations. La
détresse du corps est une maladie de l'adaptation à la
société.
Du point de
vue de la société comme système informationnel,
l'effet du stress sur le corps en représente la chair, le feed back
bio-psychologique,
la fragilité du vivant face aux discours, son caractère
corporel
et temporel de friction et de résistance. Nous ne sommes pas
transparents et d'une plasticité infinie, de simples relais de
l'information et corvéables à merci.
Le seuil de
détresse fixe une limite
corporelle, toujours singulière, aux exigences sociales. Ce
signal
d'alarme
peut être entendu, servir de retour d'information, remplissant sa
fonction
de protestation auprès de l'entourage social comme de
soi-même, sinon il ne reste que la voix du corps souffrant. En
tant qu'être humain, nous sommes responsables des autres
(Lévinas). S'il
nous
faut donc une protection sociale contre un stress excessif, cela ne
saurait
suffire. Il faudrait aussi que la valeur de témoignage des
signes du stress
et de la souffrance soit reconnue socialement, et pas seulement par des
psychothérapeutes! Ce qu'il nous faudrait surtout, c'est
construire une
société
plus humaine, une société où nos plaintes
légitimes
puissent être entendues sans qu'on soit obligé de se tuer
à
le dire! Il ne s'agit pas de vouloir l'impossible ni d'éradiquer
toute maladie mais d'avoir une politique de santé et de
qualité de la vie.
Le corps et l'esprit (transduction)
Le difficile en ces
affaires de stress ou de psychosomatique c'est de faire
la part
du corps et de l'esprit. On peut renvoyer dos à dos le
"tout est chimique" et le "tout est langage" alors qu'à
l'évidence on a affaire, comme toujours avec le vivant, à
des processus circulaires, des sortes de cercles vicieux qui parfois
s'emballent quand on s'échauffe un peu. Il y a unité relative
entre le corps et l'esprit qui se traduit principalement dans l'
humeur
qui fait partie intégrante du système
immunologique (au niveau de l'embryon on peut dire que le cerveau est une extension de la peau). Impossible ici
de distinguer
psyché et
soma.
Les faiblesses du corps se
traduisent presque toujours à la fois par une dépression
de
l'humeur (même pour une grippe) et un
affaiblissement corollaire
des protections immunitaires. Ainsi la détresse corporelle se
traduit en détresse de l'humeur qui elle-même aggrave la
détresse corporelle. Il suffit d'être mal pour voir tout
en noir, parfois simplement un peu trop fatigué. C'est pourquoi
le traitement de l'humeur
peut être décisif dans les processus de guérison,
permettant d'enclencher le cercle vertueux d'une santé
retrouvée. Les anti-dépresseurs sont d'un maniement
beaucoup plus
délicat que ce qu'on prétend, il y faut un dur
apprentissage, mais bien utilisées,
ils pourraient constituer sans doute une des meilleures armes contre
les maladies dégénératives. On s'extasie qu'un
produit chimique puisse modifier l'esprit mais c'est un fait connu
depuis toujours avec les
drogues, l'alcool en premier lieu,
utilisé abondamment pour améliorer l'humeur, et dont on
connaît les limites (on est bien loin d'une quelconque pilule du
bonheur!).
Dès lors que l'humeur retentit sur le corps, on comprend bien que
pour un être social les relations et la reconnaissance sociale deviennent absolument vitales. La détermination
psychique
par les discours est donc primordiale dans la plupart des affections du corps.
En ce sens, la plupart des maladies sont des maladies de l'âme,
mais cela veut dire aussi que ce sont souvent des maladies sociales (socio-somatiques),
maladies de la relation où les mots nous atteignent dans notre corps.
La médecine ici touche au social, au regard de l'autre, à ce
qui fait de nous un animal politique, à notre écologie enfin.
Il ne faut pas se leurrer, la cause des maladies est d'abord matérielle.
Une maladie indique bien un déséquilibre, une limite de
résistance
du corps. Elle a pourtant valeur de signe en même temps que de menace. Il n'y a pas d'autre solution que de "
transformer les symptômes en signaux et les problèmes en ressources créatrices".
En effet, le phénomène central dans une conception
holiste de la santé, c'est celui de
traduction, "
du socioculturel au psychocognitif, au psychocorporel et finalement au cellulo-génétique"
p395. "
Le
corps humain tout entier peut être considéré comme
un réseau de systèmes d'information imbriqués les uns
dans les autres - système génétique, immunologique,
hormonal, etc..."
Rossi p136.
Entre différents systèmes il faut ce qu'on appelle une
"transduction" de l'information, comme le signal électrique du
neurone qui se transforme en neuro-transmetteurs chimiques ou en diverses
hormones qui seront déversées dans le système sanguin. Si
le corps peut être considéré comme unifié,
il y a pourtant un peu de jeu entre les différents systèmes, ce
qui permet d'intervenir à chaque niveau de traduction.
Reconnaître la part du social et du psychique ne doit pas faire sous-estimer ce qui reste la part des corps et de l'
inégalité
naturelle innée ou acquise,
aussi bien dans les capacités de
résistance au stress que dans les douleurs
éprouvées, handicapés de naissances ou
accidentés de la vie.
L'esprit perturbe le corps mais les malaises du corps se
répercutent directement sur l'esprit aussi (fatigue, allergies,
diabète, etc.) aggravant dramatiquement les stress subis.
Supposer tout le
monde en
pleine forme, et une détermination uniquement psychique, c'est
accabler d'un volontarisme déplacé les plus faibles ou
les plus
âgés et tous ceux qui
supportent en silence des souffrances inouïes, indécentes,
d'un corps
à la torture auquel on pourrait apporter un peu plus de
soulagement et
de réconfort. Notre conception de la santé reste
encore trop moralisante et culpabilisatrice, avec la prétention,
qu'on pourrait qualifier de religieuse ou de sacrificielle, d'une bien
inutile valorisation de la souffrance !
Le corps et la société (le surhomme)
Les choses en étaient au point que mon
cerveau ne pouvait plus supporter les soucis et les tourments qui lui étaient
infligés. Il disait : "Je renonce ; mais s'il est quelqu'un d'autre
qui tienne ici à ma conservation, qu'il me soulage d'une petite part
de mon fardeau et nous ferons encore quelque temps". (Kafka)
Qui ne reconnaîtrait dans les confidences de l'auteur du Procès
la vérité de ces situations de détresse, d'origine
psychosociale, génératrices de l'épuisement organique
propice à l'éclosion d'une maladie infectieuse ? Et plus sûrement
encore s'il s'agit d'affections en rapport avec le système neuroendocrinien,
depuis la fatigue chronique jusqu'à l'ulcère gastro-duodénal,
et généralement des maladies dites de l'adaptation.
Parce que ces situations de détresse sont souvent des manifestations
de blocages au niveau des structures sociales de communication, l'étude
de leurs remèdes éventuels ne relève-t-elle que de discipline
d'ordre sociologique ?
Georges Canguilhem, Ecrits sur la médecine, p87-88
Il faut bien admettre que c'est
en grande partie la vie en société qui nous
rend malades mais un individu ne peut pas vivre sans
société. Rien de pire que d'être trop isolé pour
un être de relations. Comme disait Bataille il y a un principe
d'insuffisance dans chaque être et l'individu laissé
à lui-même éprouve vite la "
fatigue d'être
soi".
La corrélation établie par Durkheim entre le nombre de
suicides et l'anomie sociale montre que la santé est une
question
éminemment politique. Freud remarque, dans Psychologie collective et analyse du moi, que "
toutes
les fois que se manifeste une forte tendance aux formations
collectives, les névroses s'atténuent et peuvent
même disparaître provisoirement" p174. Nous avons besoin pour vivre d'une
société solidaire et protectrice qui nous reconnaisse une
place en son sein. Or, plus les exigences sociales
s'élèvent dans nos sociétés de
compétition hors-norme, plus il devient difficile
d'accéder à une
reconnaissance sociale
qui nous est pourtant vitale. Si le relâchement des normes
sociales
diminue l'incidence des névroses de culpabilité, elle
multiplie
épuisements et dépressions, les limites du corps venant
là
où manque une limite symbolique ("quand le corps prend la
relève"), lorsqu'on ne peut plus se faire entendre ou faire valoir ses droits, lorsque la
surdité sociale est la plus forte.
C'est alors que la souffrance des corps remplace une parole qui
pourrait y mettre un terme.
Par une sorte de retournement, la tendance naturelle est pourtant de vouloir rendre les malades
responsables
de leur maladie considérée comme une faute, une
faiblesse, une complaisance, une plainte déplacée. Comme dit
Canguilhem : "
Dans une perspective de psychobiologie médicale,
assez en honneur aujourd'hui, on peut aboutir à considérer
la maladie comme la complaisance, obscurément recherchée, du
malade dans une situation-refuge de victime ou de condamné"
Canguilhem, p44.
La santé devient un enjeu de "développement personnel" et
de rentabilité économique voire de bienséance
publique. Nous vivons constamment sous
l'injonction
d'être heureux et d'une pensée qui devrait rester positive
quelles que soient les circonstances, selon les préceptes
de la bonne vieille méthode Coué qui n'est certes pas
toujours sans
effets,
mais qui représente tout de même ce qu'on peut appeler
l'idéal de
l'imbécile heureux! Plutôt qu'une pure et simple
négation des aspects négatifs de l'existence, il vaudrait
mieux les
prendre en compte, les prendre pour des informations à part
entière, en prendre acte pour ne pas les reproduire et laisser
l'espoir de jours meilleurs.
Hélas, au lieu de remettre en cause une société qui nous rend
malades, on voudrait augmenter nos capacités de résistance
à des stress de plus en plus importants, nous adapter dans une
course au
surhomme, son artificialisation par manipulations génétiques ou ce qu'on appelle le
drug design
(cocktail de produits dopants). Faut-il donc adapter l'homme à
une société inhumaine, même avec des
méthodes post-darwiniennes (non sélectives), ou bien ne
devrions nous pas plutôt adapter la société
à l'homme, construire une protection pour notre fragilité
humaine ? Contrairement à ce qu'on pourrait s'imaginer, non
seulement on ne gagne rien à être moins fragiles (si tous
les coureurs sont dopés...) mais on
perd ainsi en information, on ignore des signes de dysfonctionnement
dont il faudrait tenir compte au plus tôt. Ce n'est
pas pour rien que l'homme se distingue de tous les animaux d'être
né ainsi nu et sans défenses! Encore faudrait-il qu'il y
ait des oreilles pour entendre...
Bien sûr la dimension
politique et sociale de nos maladies ne dispense en aucune manière de
se soigner
individuellement une fois la maladie "déclarée". On a vu que la médecine actuelle y est mal
adaptée mais, comme le conseillait déjà Montaigne,
cité par Canguilhem, chacun devrait
être son propre médecin à partir de trente ans, ou
du
moins
collaborer activement avec lui, au lieu d'appliquer
mécaniquement des traitements sans les ajuster soigneusement aux
signes du
corps. On n'a pas le choix, il faut prendre sa santé en main.
Une médecine qui soigne le malade plus que sa maladie a besoin
d'un
patient plus actif !
Se déstresser
S'il
faut éviter de tomber dans une gestion du stress de type
militaire ou une
pensée positive imbécile, on dispose de toute une
série de stratégies pour essayer de remonter la pente
(résilience, renaissance, régénération!),
à condition bien sûr de garder assez d'énergie pour
cela... Le
meilleur remède, il faut le répéter, c'est la
reconnaissance sociale et le soutien des proches, la bonne ambiance, la joie de vivre.
Cela ne dépend
pas que de nous! On peut du moins tenter d'améliorer son humeur
en
se changeant les idées par la participation à un groupe,
par des petits plaisirs, par la relaxation, l'exercice, le chant, le rire ou divers
modificateurs d'humeur (anti-dépresseurs, anxiolytiques, alcool, etc).
Ensuite plus on avance en âge et plus il faut soigner le corps en adoptant un mode de vie qui
permette de retrouver un bon sommeil et une activité
physique minimum (au moins 1/2 heure de marche par jour). Le manque de
sommeil se fait très vite sentir alors que l'inactivité
tue à petit feu. La nutrition
est souvent cruciale (anti-oxydants, vitamines, omega-3) pour la
reconstitution de nos réserves (poisson, légumes et
fruits). Lorsqu'on est malade, il est utile d'y rajouter des
anti-oxydants et
des vitamines comme la vitamine C (d'autres vitamines comme les
vitamines A, D et E deviennent nocives quand il y en a de trop). Enfin,
les médecines traditionnelles nous apprennent à utiliser
des panacées (ginseng, sauge, ginkgo biloba) dont l'effet est
proche, pour partie au moins, d'un "énergisant" comme le
Sargénor. Tout ceci peut sembler bien peu mais cela constitue
malgré tout un coup de pouce qu'il ne faut pas
négliger, sans en attendre des miracles pour autant.
La
techno-science nous a dotés d'un outil supplémentaire
avec le bio-feedback qui permet d'apprendre à contrôler
une fonction comme la tension à force d'en visualiser les
variations sur un appareil de mesure mais il s'agit là encore
d'une
démarche d'athlète et qui suppose une volonté
indemne, c'est-à-dire déjà guérie de sa
détresse. Heureusement, une simple petite remise en forme peut suffire souvent pour
que tout change et que le désespoir
se dissipe soudain, le mauvais esprit sorte du corps. Ce qui nous semblait si
lourd dans la fatigue du soir, semble bien plus léger dans le
petit matin, et tout le malheur du monde glisse soudain sur nous comme sur des plumes
de canard : on est sorti de la boucle où l'esprit et le corps se
renforcent obstinément...
Cela ne marche pas toujours, loin s'en faut. C'est du moins ce qu'on
peut tenter si on en a encore la force.
Beaucoup tombent, trop isolés, et ne s'en relèveront pas,
sans jamais éveiller la compassion publique, on ne sait
pourquoi.
On sait par contre que le taux de mortalité et de maladie des
chômeurs est beaucoup plus
élevé que dans le reste de la population (Sartre disait
qu'on choisit ses morts) et ce n'est pas parce que
le soldat repart à la bataille que la bataille n'était
pas meurtrière. Chaque
maladie accuse non pas la victime mais bien le corps social
qui l'a produite, qu'on le veuille ou non. Au lieu de se replier encore
plus dans l'isolement, tous les malades en colère pourraient
peut-être un jour amplifier la protestation
populaire au nom de cette injustice qu'ils ont dû subir dans leur chair.
Utopie sans aucun doute, mais à protester du sort qui nous est
fait, nous pourrions
aider à naître un ordre plus juste et moins agressif, moins pathogène.
C'est aussi au nom de tous les malades et des faibles
que nous devons construire une société plus solidaire. En
tout cas, considérer
le stress comme un élément central d'un droit à la
santé, c'est se mettre au niveau des corps dans leur
universalité, point de vue écologiste qui suffit à
remettre en cause radicalement l'organisation économique
actuelle et son
productivisme insoutenable. Mais comment faire entendre cette
souffrance sans mots, cette douleur montante qui nous laisse sans voix et nous retire du jeu ?