Le corps et l'esprit
SI LA CHAIR S’EST PRODUITE À CAUSE
DE L’ESPRIT,
C’EST UNE MERVEILLE;
MAIS SI L’ESPRIT S’EST PRODUIT À CAUSE DU CORPS,
C’EST UNE MERVEILLE DE MERVEILLE.
MAIS MOI, JE M’ÉMERVEILLE DE CECI :
COMMENT CETTE GRANDE RICHESSE
S’EST MISE DANS CETTE PAUVRETÉ
Évangile selon Thomas, 29
a) Rapports
corps-esprit
S
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Sujet
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Verbe
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Impératif
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Pratique
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Désir
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Corps
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s
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Objet
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Nom
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Réflexif
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Théorique
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Intellect
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Esprit
|
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Totalité et relation
Nous touchons ici à la religion psychanalytique qui était
au coeur de la dissolution de l'Ecole Freudienne de Paris: d’un côté
le tout est langage de Dolto (puisque Dieu existe), de l’autre la
dénégation du corps de Lacan. Le premier pas de Freud a été
de distinguer le symptôme hystérique des symptômes organiques,
mettant en évidence une causalité psychique distincte de
la causalité corporelle mais il voudra sans cesse ramener cette
causalité psychique au biologique (jusqu’à l’instinct de
mort) et à la " genitalité". Ces remords perpétuels
sont productifs à retomber inévitablement dans le dualisme
initial (causalité psychique/corporelle) qu’ils voulaient nier alors
qu’il constituait la substance de la psychanalyse comme causalité
du sens. C’est pourtant bien ce biologisme unifiant (de l’abrégé)
qui sera responsable des tendances normatives de la psychanalyse contre
lesquelles Lacan va construire son enseignement. Lacan commence aussi par
distinguer une causalité imaginaire, à laquelle il ajoutera
ensuite une causalité symbolique, réfutant à chaque
fois les références à l’instinct ou au biologique
comme dénégation du langage et de l’énonciation. Mais
cette opposition au biologisme ne lui permettra pas de laisser au corps
la place qui lui revient jusqu’à déchaîner les mensonges
de la dissolution et les délires idéalistes ou structuralistes.
Notre projet de désenchantement de la psychanalyse aboutit
donc à la séparation de la totalité mystique
du corps et de l’esprit au profit de leur distinction et de leurs relations
dans l’unité pratique. Plus de deux mille ans après
Aristote et Platon, dont l’opposition est figurée par Raphaël
(Platon montrant le ciel et Aristote la terre), il peut sembler que l’opposition
de l’Esprit et du Corps est aussi irréductible entre le mystique
et le scientifique, le premier croyant que la pensée magique, la
prière, régit tout l’univers tandis que le second pense qu’il
n’y a pas de pensée, il n’y a que des corps. Cette position que
certains nommeraient matérialisme est tout-à-fait absurde,
surtout venant d’un marxisme basé sur le travail humain
c’est-à-dire sur une action constituée en projet et se réglant
sur la pratique. Les mondes symbolique, logique et imaginaires ont leur
propre mode d’existence sociale qui s’impose à l’esprit réellement
mais non par contrainte matérielle, pour la simple raison
que les sensations, les sens, nous ouvrent à l’extériorité
et que les problèmes symboliques ou sociaux se traitent à
leur niveau propre. Loin que l’esprit et le corps ne puissent cohabiter,
il faut affirmer au contraire leur nature double. L’esprit étant
relation ne peut se passer du corps ; mais n’est-ce pas merveille
que le corps animal puisse produire la dimension du langage qui le dépasse
absolument et lui est bien extérieur. Croire, en retour, que le
langage recouvre tout le réel empêche de saisir sa véritable
dimension. Si l’esprit s’impose au corps, c’est l’objet d’un travail
millénaire de civilisation de la nature, ce n’est pas
une donnée de départ, il n’y a pas identité de l’esprit
et du corps pour l’être parlant mais identification. Repérer
les effets corporels, " la maladie produite par un mécanisme
adaptatif qui dépasse ses propres limites par ruptures de ses autocontrôles
. Biologie des passions p349" (effets de seuil) et les distinguer des
effets symboliques ou imaginaires est indispensable à une approche
efficace de leurs registres distinctifs et de leur signification.
Car s’il y a une totalité corps-esprit, il y a séparation
aussi du corps et de l’esprit, différence de niveau : l’esprit ne
peut réparer le corps ni le corps l’esprit. L’esprit a peut-être
un rôle non négligeable dans les cancers, par exemple. Mais,
d’une part, des cancers sont possibles sans causalité spirituelle,
par simple causalité matérielle (erreurs, déclinaison
des atomes épicuriens), d’autre part, une fois le cancer apparu
il échappe en grande partie à l’esprit. De même, une
dépression est causée par une situation stressante,
c’est-à-dire que l’esprit doit y être pris par des contradictions
ou par des agressions qu’il affronte et qui sont presque toujours des affrontements
purement spirituels, symboliques ou imaginaires. La dépression survient
soit par découragement de l’esprit qui abandonne la
partie et se fait prendre en charge, soit par simple régulation
biochimique par saturation des récepteurs. Une fois installée,
l'esprit n'y peut rien. L’esprit n’est totalité que parce qu’il
est divisé et se partage entre intérieur et extérieur.
L’intérieur est d’abord la structure biochimique du cerveau,
ses humeurs qui modifient le corps et dont les altérations peuvent
être insurmontables. L’esprit représente plutôt l’extérieur,
les interactions avec le milieu, les relations sociales. Cependant il se
divise aussi en intérieur constitué par l’histoire
individuelle, les réseaux constitués par l’expérience,
soit le corps comme mémoire, continuité intérieure
formatrice de l’extériorité et, d’autre part l’extériorité
pure de la situation actuelle. Enfin l'intériorité
est dissimulation et mensonge sur l'intentionalité et l'extériorité
rapport à l'Autre et langage.
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La division du sujet
Il semble que la division des thérapeutes en pharmacologues
d’un côté et praticiens du discours de l’autre reproduit cette
opposition originaire du corps et de l’esprit se répétant
déjà de Parménide/Héraclite à Platon/Aristote.
Les philosophies du sujet (dans lesquelles ont peut citer Descartes,
Marx, Freud, Husserl, Lukács, Sartre) ont toujours le plus grand
mal à nouer le corps à l’esprit, alors que le positivisme
comme la théologie prétend déduire la pensée
de sa cause extérieure et se suffisant, pour cela, des plus mauvaises
raisons. Pour Sartre le corps est la mise à disposition des
choses, comme monde (on pourrait dire interactivité, mise en relation).
Mais l’esprit, se révélant pure négativité,
n’est pas soumis aux lois du monde, de même que la représentation
sensorielle du monde extérieur échappe déjà
à la pure détermination chimique. Il y a bien séparation
corps/Esprit et besoin/demande. L’unité supposée du corps
et de l’esprit ne doit pas gommer sous sa mystique l’hétérogénéité
radicale des trois dimensions (biologique et imaginaire ou symbolique).
De même on doit être très attentif, dans le domaine
de l’esprit, à l’opposition de la pensée théorique
et de la pensée pratique tels que nous les avons définis.
Malgré la domination de l’esprit sur le corps, il ne faut jamais
réduire le corps à l’esprit ni l’esprit au corps par un autre
tour de folie. Ainsi l’ennui n’est pas seulement la manifestation
animale de nos sens qui meurent d’ennui s’ils ne servent pas, s’ils
ne sont pas excités. Ce n’est même pas le cerveau des primates
tout orienté à la résolution de problèmes
nouveaux qui amplifierait une passion humaine qui ne tient, en fait, qu’au
langage pour qui l’ennui est le manque de l’Autre où
ce n’est pas l’Autre qui nous manque, mais plutôt que nous manquions
d’Autre, le manque de manque. Lorsque l’Autre nous habite, que nous sommes
occupés, il y a de la souffrance, du désir, de la
colère mais pas d’ennui. La satisfaction sombre dans l’ennui
non pas essentiellement par régulation des hormones et désensibilisation
des récepteurs mais par clôture du discours, délocalisation
et abolition des perspectives, la parole ne trouvant plus de destination.
Reste que l’esprit ne peut se brancher que sur les propriétés
du corps (ouverture à l’Autre/endomorphines, instrument sexuel,
plaisir d’organe, jeu de séduction).
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Tout est langage
La dernière fois nous avons terminé sur la drogue
comme échec de la fonction phallique. La drogue a posé,
de tout temps, la question du rapport du corps et de l’esprit, bien avant
les antidépresseurs actuels. La nouveauté n’est que dans
la prise en compte effective des rapports de la chimie et de l’esprit,
savoir resté longtemps ignoré du discours scientifique et
renvoyé à la sorcellerie. Plus notre connaissance du cerveau
s’affine, plus le fonctionnement des drogues devient lisible, permettant
de mieux évaluer leur effet sur le discours, la volonté et
la représentation. Car il y a un effet de la chimie sur le discours,
de l’état du corps, de sa fièvre. Dès lors prétendre
que "tout est langage" devient un énoncé mystique, livré
à un texte divin dont nous ne sommes que la lecture. C’est
pourtant l’idéologie la plus sûrement ancrée
chez les psychanalystes lacaniens et ceci, depuis longtemps et malgré
les protestations de Lacan lui-même. Si cette idéologie persiste,
c’est qu’elle est le fruit de la pratique analytique elle-même où
tout, effectivement, devient signifiant puisque c’est le discours comme
tel qui est l’objet de l’attention. Mais nous devons repérer et
séparer les domaines du corps et de l’esprit dont l’unité
n’est pas d’harmonie naturelle. Toute erreur d’attribution du symptôme
produit une confusion du sens qui fait obstacle au discours. Que
tout symptôme, même le plus corporel, doive absolument être
nommé par le discours et qu’on doit en répondre, n’implique
nullement que la causalité de tous les symptômes soit la pensée
magique. Les pratiques les plus funestes se justifient toujours par d’excellents
principes dont la moralité sert d’excuse et de dénégation
des conséquences les plus terribles. Ainsi de cette prétention
de tout réduire au langage, à la prétendue vérité
du sujet sans tenir compte des humeurs du corps, qui mènent par
leur confusion à normaliser en fait le discours, appel au
sacrifice et à la culpabilité, alors qu’il s’agit de normaliser
le corps et de libérer le discours. Tout n’est pas langage mais
tout énoncé oublie son énonciation et la trahie en
même temps.
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Le corps souffrant
Les hormones sont bien sécrétées par l’esprit,
sauf la mélatonine, mais non pas les effets de seuil, de mémoire
ou la variabilité génétique qui sont physiques, la
régulation du cerveau lui-même n’étant pas du
tout adaptée à l’environnement moderne et ceux qui prêchent
un retour à la vie naturelle donnent raison stupidement à
toutes les maladies du monde. Il n’y a rien de plus désirable que
de se doter des moyens d’adaptation disponibles. La valorisation de la
souffrance comme énergie révolutionnaire ou la valorisation
de l’angoisse et de la dépression comme facteur de l’évolution
et du sentiment de réalité est le type d’objectivation opéré
par le pouvoir qui rejoint les préoccupations d’amélioration
de la race d’Alexis Carrel et qui fait fi du réel progrès
humain anti-naturel et qui consiste à confier à la réflexion
la régulation du corps. La nécessité de laisser à
la souffrance son rôle de signal est une belle idée de moraliste
qu’on voudrait voir à l’oeuvre. La valorisation de la nausée,
de l’angoisse ne peut viser qu’à centrer la conscience humaine sur
l’arbitraire du signifiant, le manque de vrai sur le vrai, le refoulement
originaire. La belle idée que les psychotropes ne sont utilisables
qu’à condition qu’ils améliorent l’autonomie du sujet
se heurte à l’évidence qu’on refuse à cette soi-disant
autonomie d’utiliser le produit par lui-même avec les dangers de
tout outils, par crainte d’une puissance innommable qui retire, du même
coup, toute autonomie au citoyen supposé qui devra sans répit
être éduqué et surveillé (l’interdiction de
la mélatonine est un autre épisode de la volonté délirante
de contrôle de l’État). Mais le domaine de la dépendance
s’étend bien au-delà du renforcement chimique, du jeu au
sexe voire au sport. La pression des "systèmes opposants "
ne se limite pas aux drogues mais à tous les plaisirs, à
toutes les humeurs dont la répétition se renforce par habitude
en même temps que le corps y répond de moins en moins.
b) La biologie de l’âme
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La production de l’esprit du corps
Un corps vivant se définit de son unité de reproduction.
Encore est-il difficile de déterminer ce qui se reproduit dans la
variabilité adaptative sinon la reproduction elle-même (comme
s’opposant à l’entropie). La performance adaptative de l’apprentissage
favorise la capacité de varier et d’adapter ses actions à
l’environnement perçu, prenant le relais de la variabilité
sexuelle dans ses essais/erreurs. La membrane de la cellule n’est
pas simplement le confinement de son unité mais elle organise essentiellement
l’échange de cette unité avec l’extérieur,
relation, d’abord sous un mode stimulus/réponse purement
chimique. Le Réel est une création de la vie, qui n’est pas
une muraille contre l’extérieur mais une interaction, la
sensation ne pouvant saisir que le mouvement d’une singularité qui
se détache d’un fond indifférencié. L’élaboration
du système nerveux vise à un retard de la réponse
(une inhibition de l’ancien automatisme, sa négation, sa médiation),
soumise à un ensemble de critères complémentaires
avant de s’exprimer afin de pouvoir anticiper, en éloignant
le stimulus de son affectivité, réduit à une information
dans une représentation tournée vers
l’action (passage de la quantité à la qualité, la
pure différence sensorielle), et décider de l’action
du corps, grâce à la mémoire, bien au-delà
donc de l’immédiateté chimique. Le cerveau est le contrôle
centralisé des échanges du corps, extension de la peau substituant
à l’immédiateté du contact une représentation
imaginaire du monde environnant (et qui ne peut s’unifier hors d’un
langage). L’oeil ne perçoit pas la lumière mais, plus originairement,
ce sont les choses qui sont perçues (et surtout leurs mouvements),
reconstruites à partir des indices objectifs (et permettant les
hallucinations). Cette modélisation du monde à partir
d’un point de vue intentionnel (fractales) exclut cette subjectivité
de sa construction (L’individu ne perçoit jamais que le produit
de son acte de perception. Il ne doit pas percevoir les moyens qui ont
permis de le créer. Bateson p298). Le perçu est toujours
constitué en monde, c’est-à-dire en totalité signifiante,
et déjà la causalité chimique n’est plus pertinente,
l’action se constituant à partir du monde perçu et non de
l’état du corps. Pour que le corps produise l’esprit, il faut encore
l’intrusion d’une inter-subjectivité, telle que nécessitée
dans l’éveil maternel ou la parade amoureuse. Déjà,
dans cette ouverture à l’Autre règne une logique subjective
imaginaire qui n’a plus rien à voir avec la biologie des instincts
ou les lois de la physique et s’impose au corps pourtant par sa vertu adaptative
à long terme. L’étape suivante va consister à incarner
le rapport à l’Autre dans un langage (d’abord impératif,
lui aussi, puis descriptif/informatif/réflexif) dont nous avons
vu la dernière fois comment il s’impose au corps, construisant une
dimension symbolique, logique, s’ajoutant à l’imaginaire comme à
la détermination physique mais produisant la liberté humaine
comme désir de désir et laissant chacun responsable du nouage
de ces dimensions, de son identification et de son fantasme de jouissance
pour l’Autre, de leurs contraintes formelles. La première de ces
contraintes est de sortir de l’insignifiant, du sujet comme pur calcul,
par la négativité d’un dire-que-non qui intervient
dans la causalité au nom de son projet, de sa raison et de son devoir
(l’estime de soi) qui changent l’avenir dont il devient aussitôt
responsable.
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La séparation du corps
Si l’ordre du langage n’est pas d’ordre biologique, restant extérieur
au cerveau, ils ne sont pas sans rapports, qui est idéalement de
subordination du corps à l’esprit. Il est nécessaire
que nos humeurs soient sécrétées par l’esprit
qui prépare le corps à l’action (l’adrénaline ça
décharge bien de la pensée, ce corps que je dis n’être
affecté que par la structure. Télevision) et, cependant,
l’incarnation de l’esprit n’est pas sans subir les aléas des
corps, leur variabilité, les effets de seuil et de déséquilibre
(De la même façon qu’un seul homme change de caractère
en buvant et en utilisant le vin dans une quantité déterminée,
ainsi il se trouve des hommes pour correspondre à chacun des caractères.
L’homme de génie et la mélancolie. Pseudo Aristote).
Les processus de renforcement (frayage pour Freud) à la base de
l’apprentissage et de la structuration du cerveau mettent en évidence
à la fois la causalité psychique, l’effet de l’histoire sur
l’anatomie, mais, tout aussi bien une certaine irréversibilité,
hors d’atteinte cette fois de la causalité psychique. Il est de
l’intérêt de la lisibilité de ne pas
confondre symptôme corporel et sinthome signifiant. La prétention
de donner sens à tous les événements du corps
et de la vie quotidienne est un délire qui n’a pas été
jusqu’ici vraiment réfuté alors qu’une telle imbécillité
mystique ne s’impose qu’à se dire dans un cabinet d’analyste où,
effectivement, tout ce qui fait signe est porté au discours qui
doit en rendre compte. Le délire commence lorsqu’on prête
à la reconstruction du sens historique une vérité
éternelle enfin découverte quand il ne s’agit, le plus souvent,
que d’une invention dont s’habille une absence sans aucun présent.
Heureusement, les pratiques chimiothérapiques ont révolutionnés
les pratiques psychiatriques et les progrès de la recherche permettent
une approche plus précise de cette articulation de l’esprit et des
humeurs du corps. Plutôt que de prendre des vessies pour des lanternes
il vaut mieux s’éclairer de ces indications pour séparer
le symptôme comme réponse du corps, du sinthome
comme échec de la jouissance. Il ne s’agit pas du même
ratage.
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La chimie du cerveau
Le cerveau est une glande
endocrine qui libère dans le sang un certain nombre d’hormones et
est soumis aux rétroactions de ces dernières.
il existe une sortie
hormonale au niveau d’un entonnoir étroit formé par le plancher
du cerveau : l’hypothalamus.p96
La formation réticulée
est à la fois intégratrice et activatrice. Le sujet est éveillé
parce que son cerveau est activé. p137 (Biologie des passions)
Partons de la totalité Corps et Esprit : Les sentiments sont
des actes, des jugements impliquant le corps (Thymus. Il semble bien
que toutes les affections de l’âme soient données avec un
corps... car en même temps que se produisent ces déterminations,
le corps éprouve une modification. Aristote De l’âme I,1,15)
tout autant que des passions impliquant le rapport aux autres (On appelle
Passions, tout ce qui étant suivi de douleur et de plaisir, apporte
un tel changement dans l’esprit qu’en cet état il se remarque une
notable différence dans les jugements qu’on rend. Rhétorique
des passions 2.1.11 Pour Aristote les passions sont les réponses
aux représentations qu’autrui se fait de nous, ce sont des représentations
au second degré, exprimant l’estime de soi). Le corps se forme par
l’esprit (Cerveau, muscles, etc.) Une fois admis que le cerveau, dédié
à l’apprentissage, se transforme lui-même dans l’expérience
du réel extérieur, se forme par processus de renforcements
(facilitation, frayage de Freud) pouvant aller jusqu’à l’embrasement
épileptique, il ne faut pas oublier pourtant qu’il est surtout processus
d’inhibition, de négation, de contrôle. Le résultat
de la délibération intellectuelle prend possession
du corps en action et il faut bien tenir compte de son mode d’action localisé
au niveau de l’hypothalamus qui déverse dans le corps ses
humeurs, surtout que selon la modalité circulaire des contrôles
biologiques voués à l’homéostasie, l’esprit n’est
pas insensible à ces même substances injectées artificiellement.
Le cerveau, comme tout système d’information stable, comporte un
grand nombre de feed back et de contrôles circulaires limitant
toute modification de l’état de l’humeur à un temps significatif
limité ou à des effets de rebonds (accoutumance) d’ampleur
comparable ou affectant la faculté de réaction future. Les
humeurs sont les états affectant le corps durablement, l’orientation
du corps vers sa fonction actuelle, la définition de son équilibre
opérationnel (exploration, poursuite, digestion). La
tendance est toujours d’un retour à l’homéostasie, le temps
d’inertie de cet équilibrage définissant l’horizon temporel
de l’humeur, toujours limité quelque soient les adjuvants chimiques.
Certains récepteurs agissent en synergie, d’autres en opposition
(auto-récepteurs), la complexité des réseaux se résout
pourtant à un petit nombre de réponses globales (ce
qui explique qu’un neuromédiateur donné peut avoir des effets
contradictoires suivant le contexte et qu’il vaut mieux agir sur les inhibiteurs
de recapture). Si on a raison d’être prévenu contre le danger
de déséquilibrer le système, car sa maîtrise
est effectivement très difficile, c’est bien d’un manque de savoir,
de prudence qu’on peut faire état et non d’une mystique de
l ’harmonie du corps. La question n’est pas de la possibilité d’intervenir
sur l’esprit par une substance corporelle, la drogue étant aussi
vieille que le monde, de même que l’hypnose et l’hystérie
témoignent assez de l’effet de l’esprit (de la parole) sur le corps.
Il s’agit de tenir compte de ce qu’il y a et de ce qu’on peut en savoir.
Tout n’est pas contrôlé par l’esprit pourtant, même
dans le cerveau et, la partie de la glande originaire qui est restée
hors de son contrôle pourrait être la glande pinéale
où Descartes voyait l’âme (alors qu’il s’agirait plutôt
des cycles biologiques) et les hindous le troisième oeil (ce qui
est beaucoup plus exact étant donné son lien à la
lumière). L’âme, à tout prendre, irait bien mieux à
l’hypothalamus (avec l’amygdale) qui rassemble tous les centres et contrôle
les autres glandes, en premier lieu l’hypophyse (pitutaire qui contrôle
les autres glandes), l’hippocampe (pour la mémoire), la thyroïde
(pour l’énergie) et les surrénales (stress, fuite/agression)
mais restant contrôlé par la glande pinéale (épiphyse,
régulateur des régulateurs) produisant la mélatonine,
composé de sérotonine et de tryptophan, (son travail consiste
à réguler le niveau des autres hormones) le TRH (elle
contrôle la production d’énergie p86), l’épithalamine,
la vasopressine (lait maternel) mais surtout assurant le déclenchement
de l’adolescence et de la ménopause ou de la vieillesse (reproduction
et dégénérescence), comme les rythmes du sommeil ou
des règles féminines (assurant pour d’autres espèces
hibernation ou migration et saison des amours) ainsi que l’équilibre
du système immunitaire (thymus, zinc).
La glande pinéale
nous permet de vivre en harmonie avec notre environnement...Au fil des
saisons, par son influence sur d’autres hormones, elle permettait à
nos ancêtres de s’adapter aux changements climatiques...La glande
pinéale contrôle même la fabrication d’hormones qui
aident les mères à nouer ce lien intime avec leur nouveau-né
que l’on appelle l’" instinct maternel". p73
Lorsque nous sommes
jeunes, si notre taux de corticostéroïdes augmente de manière
excessive, la mélatonine agit avec d’autres hormones pour le ramener
rapidement à un niveau plus approprié. Mais lorsque nous
vieillissons et que notre taux de mélatonine baisse, son influence
sur les corticostéroïdes faiblit et leur niveau reste élevé
plus longtemps, augmentant ainsi notre exposition à des hormones
potentiellement dangereuses...La mélatonine contribue aussi au maintien
de notre équilibre par son action antioxydante; c’est un éboueur
de radicaux libres. p98
La mélatonine
participe à la synthèse des molécules responsables
du transport du zinc. Mélatonine p107
-
Système parasympathique ("identification ", milieu
intérieur, digestion)
L’hypothalamus est le
cerveau du milieu intérieur (homéostasie). (BP p141)
L’hypothalamus est donc le déversoir de nos humeurs dans
le corps, décidant entre les opposés: Faim/satiété,
plaisir/aversion, approche/fuite, ortho/para sympathique, mettant le corps
en tension vers le but destiné à l’apaiser.
Système trophotrope : "chute de la pression artérielle,
ralentissement du pouls et de la respiration, salivation, fermeture des
pupilles, digestion, défécation, érection et sommeil
; fonctions qui concourent dans l’ensemble, au repos, à l’assimilation
et à la reproduction BP p217".
L’acétylcholine sert à la transmission immédiate
(système parasympathique, organes et glandes, hypothalamus), à
la mémorisation, aux sécrétions (salivation, Diarrhées),
aversion, anxiété. Bloqué par l’atropine (belladone)
mais surtout limité par le GABA et les opiacés ou l’alcool
(dépresseurs du SNC) et de façon plus spécifique par
l’activation de neurones inhibiteurs dopaminergiques (excités par
la dopamine) comme la maladie de Parkinson le met en évidence (le
manque de dopamine ne pouvant inhiber les tremblements).
"Il existe deux grandes
classes de récepteurs cholinergiques : nicotinique et muscarinique...Les
réponses nicotiniques (jonction neuro-musculaire) sont excitatrices
et durent quelques millisecondes ; les réponses muscariniques peuvent
être inhibitrices ou excitatrices et donnent lieu à des effets
qui se prolongent plusieurs secondes" F. Dagognet p78
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Système sympathique (action sur l’extérieur,
nouveauté, agressivité, attention, intention, désir,
satisfaction)
système ortho-sympathique, ergotrope : "accélération
du pouls et de la respiration, hypertension, dilatation des pupilles, horripilation,
éveil, alerte, peur, colère ; fonctions de dépense,
de destruction et d’attaque. BP p217"
L’intérêt de la théorie actuelle de l’humeur
est son extrême simplicité conceptuelle mettant en jeu trois
neurotransmetteurs aux fonctions facilement identifiables en termes de
stratégie de subsistance dont le modèle est la prédation
: (1) Eveil-exploration-intérêt (Dopamine D1
à D5, 40 Hz), (2) volonté-concentration-inhibition/amplification
(NorAdrénaline A1-A2, B1-B2, 14 Hz), (3) satisfaction-consommation,
distraction de l’environnement (Sérotonine 4 récepteurs
5HT1(A..D) à 5HT4, 8Hz). A cette structure ternaire il faut ajouter
une multitude d’autres neurotransmetteurs assurant des fonctions telles
que, pour les endomorphines, la limitation de la douleur (endurcissement,
effaceur) aussi bien que l’apprentissage ou la jouissance de l’Autre (orgasme),
l’Histamine (H1 à H3, H3 auto récepteur) contrôle
l’intégrité (irritation, allergies), le THC endogène
(anandamide) ayant l’effet de décontraction du cannabis agit
sur les récepteurs D1 et les endomorphines. (il faudrait aborder
aussi le peroxyde d’azote dont le rôle est encore trop mystérieux
[depuis on doit à ce gaz hilarant découvert
par Gay-Lussac, deux prix Nobel et le Viagra ! 1998]). Les trois
premiers neurotransmetteurs (Dopamine, Noradrénaline et Sérotonine)
dominent pourtant largement l’humeur et on peut faire, à partir
de ces trois caractères plus ou moins dominants, une typologie qui
a sa pertinence; ce qui ne veut pas dire que l’équilibre neuronal
n’est pas le résultat, en très grande partie, de l’expérience
de l’esprit, de son histoire.
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L’histamine
Si l’histamine nous intéresse alors que le système immunitaire
semble moins lié à notre humeur que la dopamine ou la
sérotonine, c’est que le cerveau réflexif avec ses neuro-transmetteurs,
est une évolution du système immunitaire avec qui il reste
lié. Les neurones histaminiques sont groupés aussi dans l’hypothalamus
et les catécholamines sont apparentés à l'histamine
(par la tyrosine et les tricycliques). L'histamine partage le même
précurseur que la dopamine avec la tyrosine (tyrosine->histidine->histamine).
Mais son action est multiforme (allergies, éveil, circulation cérébrale,
température, alimentation, bloquer les récepteurs H1 induit
une sédation, voire le sommeil). Un des premiers anti-histaminiques
a été le Phénergan. Il ne faut donc pas s'étonner
de la liaison, connue depuis toujours, entre le "moral" et la santé.
La récente recherche montre que la liaison est produite par l'hormone
CRH (corticotropine) produite par l'hypothalamus et qui agit sur l'adaptation
au stress et aux maladies inflammatoires par l'intermédiaire du
cortisol libéré par les glandes surrénales, mais aussi
par dautres voies. Les liaisons entre humeur et système immunitaire
sont d'ailleurs évidentes dans la maladie souvent accompagnée
de dépression momentanée, comme dans la faiblesse immunitaire
des dépressifs. Le stress, qui est toujours social, aggraverait
les maladies inflammatoires, et sa suppression les soulagerait. Cette corrélation
impose de distinguer, dans la psychosomatique, la maladie comme faiblesse
du symptôme signifiant.
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Catécholamines (Locus niger-Striatum-hypothalamus)
Tyrosine->L-Dopa->Dopamine->Noradrénaline->Adrénaline
C’est la famille de l’action, la tyrosine se transformant
en L-Dopa puis en dopamine puis en noradrénaline et enfin en adrénaline.
La tyrosine transformée par la tyrosine hydroxylase, associée
à l’oxygène, l’hydrogène et les radicaux phosphores
disponibles, produit la L-Dopa (DihydrOxyPhenylAlanine)
puis, immédiatement, la Dopamine capturée par les mitochondries
(enzyme MAO de leur membrane) qui régulent le niveau de concentration
(effaceur) ou bien par des vésicules qui la stockent (capture inhibée
par la réserpine, dépresseur anti-psychotique) et la libéreront
par l’activité électrique du neurone ou bien encore elle
peut être absorbée par les cellules gliales.
Les anti-dépresseurs agissant à ce niveau :
-
IMAO : iproniazide (Marsilid), Marplan, Yylciprine, Niamide, Sursum. Danger
tyramine (cheese effect).
-
IMAO A : moclobémide (Monoclamine), toloxatone (Humoryl)
-
Tricycliques (dérivés du Phénergan, antihistaminique
H1) : imipramine (Tofranil), sérotonine+ noradrénaline, anti-cholinergique
(acétylcholine).
Le temps de latence de 2 à 3 semaines des effets des antidépresseurs
reste mystérieux, mis sur le compte de la désensibilisation
des récepteurs mais la cocaïne a pourtant un effet immédiat.
-
Dopamine
La Dopamine correspond principalement au mouvement (à l'exploration,
la curiosité, le commencement, le risque, la réaction).
Récepteurs :
-
D1, D5 montée température (D1 bloqué ou stimulé
par la caféine : anxiolyse)
-
D2 (D3, D4) baisse température (stimulants anti-dépresseurs,
antagoniste Halopéridol, neuroleptique, résignation) situés
dans le noyau pré-optique médian de l’hypothalamus.
Manque de dopamine -> maladie de Parkinson. Soigné par
L-DOPA, bromocriptine (Parlodel), lisuride (Dopergine). IMAO B sélégiline
(Déprényl), piribédil (Trivastal). Excès de
dopamine : Schizophrénie, Paranoïa. Il y a, dans les
psychoses, "hyperactivité des systèmes mésolimbiques
(postérieurs se projetant dans le noyau accumbens, tubercule olfactif,
amygdale, hippocampe, habenula) et mésocorticaux (cortex frontal,
cingulaire, rhinal, entorrhinal) les prolongements de ces neurones se rassemblent
dans les parois latérales de l’hypothalamus en un tronc symétrique
qui grimpe vers les structures homolatérales du cerveau. p176".
un récepteur D1 occupé par une cellule bloque normalement
le récepteur D2 sauf dans la psychose.
L’apomorphine stimule D1 et D2 (stéréotypies: reniflements,
mâchonnements, vomissements), les neuroleptiques anti-psychotiques
les bloquent (chlorpromazine/Largactil proche tricyclique), Melleril, Leponex,
Dogmatil (p129). Inhibiteurs de la dopamine périphérique
: Motilium, Vogalène, Prmperan. Les amphétamines libèrent
la dopamine (et la noradrénaline) dans les vésicules et sont
anxiogènes. Le modafinil ne serait pas anxiogène (ni l’Adrafinil).
Inhibition capture dopamine : Khat, Cocaïne, amineptine (Survector)
dont les effets principaux sont : suppression appétit, anti-sommeil,
stimulation de l’idéation et de la nouveauté, accroissement
des forces par l’absence de perception des signaux de fatigue.
Les amphétamines libèrent la noradrénaline en
même temps que la dopamine.
Inhibiteurs de la recapture de noradrénaline : désipramine/Pertofran,
maprotiline/Ludiomil
-
Sérotonine
Tyrosine->tryptophane->sérotonine
La Sérotonine a des fonctions multiples mais, principalement
comme satisfaction et digestion, elle isole des sensations extérieures
(comme les endomorphines et le GABA). anti-dopamine et régulateur
(sécurité, courage, affirmation de soi, amour-propre, calme,
inhibition, digestion, sommeil).
Récepteurs :
-
5HT1A stimulation (buspirone, ipsapirone, gépirone) anxiolytique
comme blocage 5HT3 (ondansetron, granisetron) et inhibe érections
-
5HT2 et 5HT1C accroît érection
-
5HT1D Sumatriptan agoniste anti-migraineux
Libération de sérotonine : flenfluramine, Capture sérotonine
(Tianeptine/Stablon)
Inhibition capture sérotonine (clomipramine/Anafranil, fluoxétine/Prozac,
fluvoxamine/Floxyfral, indalpine/Upstène)
-
Dépresseurs du SNC (Système Nerveux
Central)
Lexomil, Xanax (moitié benzo, moitié tricyclique, trouble
panique), alcool.
Les Benzodiazépines (anxiolytiques et hypnotiques) stimulent
les récepteurs GABA (acide gamma amino butyrique résultant
d’une décarboxylation de l’acide glutamique excitant) ce qui a une
action sédative et relaxante musculaire (Librium, diazépam/Valium).
Rend les récepteurs GABA plus réceptifs, ouvrant le canal
aux ions chlorures. Le neurone devient moins apte à engendrer des
potentiels d’action. Son activité électrique se trouve diminuée
alors qu’elle était potentialisée (effets éveillants,
stimulants et anxiogènes)
Le Gamma-OH utilisé dans les anesthésies peut aussi avoir
une action très efficace contre l'anxiété et les états
dépressifs ainsi que dans le sevrage alcoolique.
l’anxiété est l’effet de la nouveauté,
de la sensation.
-
Les endomorphines
On ne peut passer sous silence le rôle central, sur un autre plan,
des endomorphines, le plaisir et la douleur étant les premiers
sentiments de l’âme. La douleur est le signe d’une menace de l’intégrité
du corps, message d’une partie au tout, la douleur est le sentiment du
réel que l’action doit surmonter. Le plaisir qui en résulte
fait partie intégrante de l’apprentissage: "une réponse
comportementale n’est conservée que si elle est suivie d’une récompense...
Le plaisir est au coeur des processus d’association. Il est un principe
d’essence dynamique qui permet à la plasticité du système
nerveux de s’exprimer" BP p195. L’orgasme est aussi chargé d’annuler
le désir. La place centrale, dans la mémoire et le renforcement,
des endomorphines fait des opiacés les drogues les plus dépendantes.
En plus de la mémoire, les endomorphines assurent analgésie,
euphorie, dépression respiratoire, facilitations, renforcement et
régulation des entrées sensorielles. C’est aussi un renforcement
du lien social et des liens filiaux (épouillage) avec l’ocytocine.
Récepteurs :
-
mu : analgésie, euphorie, constipation, dépression respiratoire,
tolérance
-
kappa : analgésie, sédation, diurèse
-
delta : analgésie et stimulation (production dopamine), inhibe sécrétions
		 (anti-diarrhée).
Morphine, Héroïne, Fortal, Dolosal, Palfium, Antalvic, Propofan.
Acétorphan (inhibiteur de l’enképhalinase qui hydrolyse
les enképhalines peptides opioïdes, comme les autres endomorphines,
les endorphines et les dynorphines).
c) Les maladies de l’âme
L’adaptation de l’ensemble est donc remarquable pour l’environnement
originel de la jungle sauvage, mais la capacité adaptative qui permet
au cerveau de conquérir d’autres environnements ne modifie pas le
processus génétique qui devient fondamentalement inadapté
à la vie moderne mais que, dès les origines, le cerveau a
pu corriger par divers modificateurs de l’humeur et de la conscience (coca,
khat, thé, opium, alcool, chanvre, etc.)
-
La dépression
Le nom est trompeur et fait écran à sa réalité
physique (mieux rendue par l’ancien terme de psychasthénie)
en l’associant à la tristesse, au deuil et à la mélancolie
qui n’y sont pas toujours présents (de l’aveu même de Freud
au début de Deuil et mélancolie mais Lacan semble
réduire la dépression à la tristesse dans Télévision).
La dépression est d’abord due à un stress (inhibition,
production de cortisol et de noradrénaline). Si c’est bien le stress
qui provoque la dépression, il faut remarquer que la résistance
au stress varie beaucoup et surtout avec l’âge (dépression
tardive), mettant en cause la mélatonine et la production de dopamine,
même si le plus souvent elle est bien déclenchée par
un événement purement symbolique. "Les individus que la
société ne récompense pas, qui ne trouvent ni l’appréciation,
ni l’amour, ni la réussite professionnelle, ni le sentiment de posséder
une certaine compétence, ont tendance à devenir dépressifs.
Prozac p234". Après cette boutade, il faut se rappeler le lien
antique établi entre L’homme de génie et la mélancolie,
l’insatisfaction créatrice et sa rage révolutionnaire
qui n’ont pas toujours à voir avec la dépression physique.
Le cortisol, produit par les surrénales, traduit une
incapacité à réagir dans l’immédiat, permettant
une adaptation à long terme en reconstituant le stock hépatique
de sucre, freinant les défenses immunitaires et favorisant l’action
des catécholamines mais un excès de stress diminuant les
récepteurs d’auto-contrôles met en cause la survie des neurones
de l’hippocampe (mémoire et territoire) privés de récepteurs
corticostéroïdiens
L’adrénaline produite fait battre le coeur plus vite
et plus fort, elle mobilise le sucre en réserve dans le foie pour
la fuite ou l’attaque
"La dépression
se caractérise généralement par une altération
de la sensibilité des neurones post-synaptiques (récepteurs).
Chez les patients dépressifs et les animaux stressés, ces
cellules sécréteraient trop de récepteurs de noradrénaline
" Prozac p185 ->Athymil
"Un stress aigu engendre
une telle production de neurotransmetteurs que la cellule transmettrice
finit par s’épuiser. Devant la pénurie de transmetteurs le
cellule réceptrice libère un surnombre de récepteurs
de noradrénaline (afin d’absorber le moindre neurotransmetteur restant).
Ensuite, même si le taux de transmetteurs varient en fonction du
stress, les cellules réceptrices demeurent chroniquement surexcitables.
A l’état de repos, le taux de transmetteurs est faible car le cerveau
compense l’hypersensibilité des cellules réceptrices par
une réduction de la production d’amines." Prozac p186
Le symptôme spécifique de la dépression est un trouble
du sommeil, le réveil matinal (3-4h du matin), tel qu’on
peut appeler dépression masquée ce type d’insomnie lorsqu’il
n’est pas accompagné d’autres signes et répond aux anti-dépresseurs.
Il y a d'autres dépressions. La dépression atypique se
caractérise, au contraire donc, par une prise de poids et une hypersomnie.
Le Prozac a pu faire rentrer dans cette catégorie la sensibilité
au rejet. La PMD (Psychose Maniaco-Dépressive) évolue
par embrasements, en cycles de plus en plus courts de l'excitation maniaque
à la dépression, provoqués par des stimuli de plus
en plus faibles. Il est absurde de ne pas utiliser le Gamma-OH (utilisé
comme anesthésique seulement) pour aider les simples dépressions
suicidaires ou en début de prise d'anti-dépresseur.
La folie
L’ensemble de la profession
médicale, y compris la plupart des psychanalystes, en est venue
à accepter ce que Freud et Kraepelin avaient prédit depuis
bien longtemps, à savoir que la schizophrénie est une maladie
du cerveau et non de la famille. Dr Stevens cité par Bateson p212
Il faut quand même
être sensé, et s’apercevoir que la névrose tient aux
relations sociales. Lacan Ornicar 17/18 p22
La folie doit se lire d’abord comme résultat de l’équilibre
d’un groupe pathogène (Bateson), d’une double contrainte
(conflit) et du renforcement de la structure pathogène répétitive.
"J’ai ensuite recherché les processus d’interaction qui engendraient,
et maintenaient, les différences entre les personnes ; j’ai alors
classé ces processus en symétriques et complémentaires.
Bateson p273""Pour l’individu qui apprend, apprendre à apprendre
équivaut, en fin de compte à faire l’apprentissage du contexte.
Les descriptions du rôle et du caractère d’une personne sont
tout simplement des sous-produits de descriptions d’apprentissages secondaires
spécifiques résultant de contextes identifiables. Bateson
p274". Le résultat se divise en Schizophrénie comme
impossibilité de "signifier le Phallus" (l’identité) et en
Paranoïa comme signification fermée, achevée
et intangible (narcissique plus qu’homosexuelle), la PMD semble une Paranoïa
qui échoue et s’épuise dans le rejet de l’Autre. Cette causalité
psychique n’exclut pas ainsi son expression dans les perturbations de l’humeur.
Le modèle de la psychose correspondant est celui d’une intense
activité contradictoire de l’esprit qui, par effet de seuil
produit soit un embrasement psychotique, soit une dépression,
soit leur alternance (de plus en plus rapide). Dans tous les cas un délire
peut se construire après-coup sur ce non-sens, favorisé
par le déficit physique. Il y aurait cependant des psychoses sans
anomalie physique et des hyperactivités sans psychose. Cela
permet de distinguer une psychose passagère, effet d’un dérèglement,
d’une déficience matérielle, d’un épuisement, et une
psychose de structure qui a toutes les chances de stresser le corps au-delà
du supportable et de s’accompagner de déficiences physiques, mais
peut s’en passer. L’expérience des amphétamines pourrait
être un test de la paranoïa de chacun confronté à
cette puissance facile d'abord puis à ce terrible épuisement.
La folie est une possibilité de toute parole, son risque mais son
embrasement chimique la rend inaccessible au discours. Il ne faut
jamais avoir peur de soigner le corps, sous prétexte d’en déchiffrer
le message supposé. Le sinthome peut gagner à changer de
forme, on ne soigne pas les idées en soignant le corps ni en entretenant
la confusion du corps et de l’esprit.
-
Le sinthome
Il faut choisir entre deux hypothèses, celle qu’on pourrait
appeler bergsonienne de l’hypothèse du continu qui fait du
symptôme la totalité de l’histoire du sujet ou bien l’hypothèse
de Bateson qui fait du symptôme une expression de l’équilibre
d’un système globalisant, de son écologie (Lacan
ajoute que le sinthome, à se déchiffrer, veut se faire entendre
à qui de droit, avouant sa jouissance dans son ratage chiffré
adressé à un Autre). L’hypothèse du continu privilégierait
bien évidemment la diachronie mais l’autre hypothèse ne considère
que la synchronie. Le symptôme est toujours une tentative
de guérison (la solution est le problème) qui se stabilise
(fixation) dans un nouveau contexte. Il ne s’agit de nier ni l’influence
des facteurs historiques dans la constitution du sinthome, ni des processus
d’empreinte, de renforcements ou de stratégie d’apprentissage mais
le sinthome ne se maintient qu’à trouver une jouissance immobile
qui l’objective, en camouflant justement le rapport social qu’il exprime
dans la signification phallique. Il ne s’agit pas dans la psychanalyse,
et malgré les apparences, d’une pratique de reconstruction historique
mais bien d’analyse du transfert ce qui situe clairement la cause
dans la structure actuelle du sujet, incarnée dans sa relation
à l’analyste. Que tout ne soit pas langage, qu’il y ait la part
des corps, de la géométrie, de l’histoire ne peut empêcher
que tout soit langage pour l’Autre, ce dont témoigne l’inconscient,
et que les signes du corps, quelqu’ils soient, passent au langage pour
répondre au discours de l’Autre car le corps intervient dans le
sinthome comme image. Tout doit y passer, pourtant ce n’est pas
Tout est langage mais Qu’on dise reste oublié (il
y a toujours du refoulé qui est justement l’énonciation,
le rapport à l’Autre). Il reste souvent impossible de distinguer
avec certitude le symptôme corporel du sinthome signifiant (hystérique).
L’inconscient continue à jouer de cette ambiguïté,
c’est bien pourquoi la psychanalyse n’est pas un savoir scientifique authentifié
mais ne peut avoir à faire qu’à la dimension de l’escroquerie,
la tromperie du langage même. Inutile, donc, de vouloir sauver la
vérité d’une parole qui ne songe qu’à mentir. Il ne
faut pas avoir peur de guérir le corps même s’il vaut
mieux que ce ne soit pas le psychanalyste qui délivre les médicaments
(qui devrait être contrôlé par son consommateur) car
le psychanalyste ne peut répondre qu’à un discours par un
autre discours. La remise en cause du biologisme freudien n’est donc pas
un mépris du corps mais la volonté de distinguer les domaines
de pertinence et le refus d’une pratique culpabilisante, suggestive et
normative, prétendant substituer à la guérison
du corps une santé psychique introuvable dont le corps devrait être
la manifestation (la santé raciale) et qui devient réel enjeu
de pouvoir (il faut, au contraire, soigner le corps pour ne pas
normaliser la pensée).
-
L’urgence d’ex-sister
Après avoir réduit la psychanalyse strictement
à son dispositif et à ses implications éthiques, nous
avons pu ainsi faire la place aux autres niveaux de réalité,
et d’abord celle du corps dont l’influence se trouve ainsi strictement
limitée et mieux dominée par l’esprit. C’est une sortie de
la religion psychanalytique pour une attitude révolutionnaire
résolument orientée vers les contradictions réelles.
La politique c’est la position par rapport à l’Autre. Il y a une
position naturelle qui est pour le Patron d’être autoritaire, pour
l’ouvrier d’être soumis. Il y a une politique révolutionnaire
qui est pour un patron d’être attentif aux intérêts
de tous et pour un ouvrier d’être digne et fier. Il s’agit d’une
révolution dans l’épistémologie, dans la stratégie
envers les problèmes. La stratégie peut être définie,
avec Bateson, comme stratégie d’apprentissage, meta-apprentissage,
apprentissage sur le contexte et la forme d’exploration efficace de l’environnement.
Il y a toujours un niveau supérieur où une stratégie
joue comme renforcement d’une stratégie de stratégie, meta-apprentissage
du choix d’une stratégie efficace dans un meta-contexte dont seuls
les changements peuvent être perçus comme le veut toute perception
(nouveauté sur les différences). Les sensations sont structurées
pour fournir une meta-information compacte, en général des
dérivés, des accélérations plus que des vitesses
et dont seul les modifications sont transmises. Si nous avons des idées
fausses sur la façon dont s’élaborent nos concepts - bref,
si nous avons de mauvaises habitudes épistémologiques-, nous
risquons d’avoir des problèmes. Et il est clair que nous en avons.
Bateson p318. Principe que j’appliquerais bien à Bateson lui-même
car il ne suffit pas de savoir qu’on est vivant mais que nous sommes engagés
dans une stratégie avec l’autre, la stratégie impliquée
dans la parole doit tenir compte de l’Autre comme point de vue opposé
au sujet et non pas comme une puissance occulte dont le moi est victime
(qui suis-je pour mériter cela ?). C’est bien la parole plus
que le corps qui nous affecte, il ne sert à rien de nier pour cela
la part des corps sinon pour introduire une confusion source d’imposture.
Il ne faudrait pas qu’en identifiant d’un façon ou d’une autre le
corps et l’esprit on se laisse, en fait, dominer par le corps et réduire
à une soumission à ses besoins, à son bien supposé.
C’est justement cette prétention du savoir à couvrir la vérité
d’un voile qu’on ne pourra jamais s’arrêter de dénoncer, car
ce dont il s’agit, c’est qu’il y a toujours du refoulé et que ce
refoulé n’est rien d’autre que la relation sociale qui constitue
l’énonciation pour un Autre ("Nous recevons notre message
de l’Autre" Lacan et "on ne devrait pas dire je pense mais on me
pense" Rimbaud). Nous ne pouvons prouver notre existence pourtant
qu’en occupant consciemment, résolument notre place, en mettant
en jeu notre corps, de toute la force d’un dire-que-non qui nous donne
consistance au-delà d’un simple nom dessiné sur la page,
effacé déjà par des vagues infinies où les
corps s’engloutissent et retournent à la mer.
Le bien-être n’est pas le but ultime de l’esprit, mais un
corps qui se prête à sa volonté de faire
Le désir de durer doit se prouver à chaque instant
01/96
Apostille sur le Sinthome
-
Le symptôme
Le Tonus du corps est déjà soumis à une
dialectique des humeurs. Ainsi, l’excès de dopamine empêche
la réflexivité à laquelle l’anxiété
ramène avec profit comme conscience de soi (La dialectique des
humeurs identifie la dopamine à l’immédiateté,
la noradrénaline à la médiation négatrice
et la sérotonine au retour à soi). Le Tonus est certes
déterminé par la situation telle qu’elle est perçue
par le sujet et cette perception est elle-même sujette aux rapports
sociaux en jeu dans l’énonciation. C’est donc bien pour-l’autre
que nos humeurs nourrissent nos passions. Dans cette "immédiateté
de la médiation" il n’est pas encore question de symptôme
(sinon de seuil physique) mais simplement de relation, de causalité.
Le dérèglement du Tonus est tout au plus un symptôme
du corps, au même titre qu’une fracture, tant qu’il n’est pas repris
dans un rôle social, tombant effectivement au sinthome dont il faut
reconnaître et rassembler les caractéristiques qui le spécifient
précisément.
-
Le Sinthome
Identification du Sinthome comme fixation, répétition,
résistance (objectivation du sujet, définition du symptôme,
son ex-sistence, sa durée), et non pas seulement surgissement réel
(sinon comme fascination de l’événement).
Fonction du Sinthome comme rôle social (R, structure,
synchronie, censure, double contrainte). L’énonciation témoignant
toujours d’un rapport social, il s’agit simplement de l’identification
du sujet à ses déterminations ; Identifications que le réel
est là pour corriger, ordinairement, de ses démentis mais
qui consiste souvent à incarner le perdant, désarmant ainsi
tout jugement.
Forme du Sinthome comme surdétermination (cause
Symbolique, conviction). La réponse sociale produit une conjonction
de discours qui force la conviction du sujet, plutôt qu’une causalité
directe historique c’est ici la structure héritée du sujet
qui se confronte à une accumulation de signes dont la contingence
n’est plus soutenable sans remettre en cause tous les sens. C’est la foi
qui sauve en quoi consiste le sinthome, une foi aveugle à laquelle
on tient plus que la vie, sans laquelle elle n’a plus de sens (et bien
qu’en restant séparée).
Consistance du Sinthome comme envers de la jouissance,
jouissance dénoncée, part du sujet (I, identité, objectivation).
Ce que le sujet y gagne sans le savoir c’est une identité, même
si elle ne peut se présenter que trouée, alimentant la plainte
revendicatrice de la conscience malheureuse, déchirée. La
plainte maintient la vérité objective d’un idéal inatteignable
et délivré de tout sujet. En même temps que le sujet
admet de se réduire à l’objet social, il dénonce son
échec à y parvenir, trouvant dans ce compromis un équilibre
durable sans y penser, occupé pour toujours à courir après
son ombre. Il faut donc en affronter l’impossible pour s’en défaire
et renoncer aux promesses de cette "foi qui sauve".
04/96
[Critique de l'idéologie
psychanalytique]
[Psychanalyse]
[Sommaire]