Questions |
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Alain
Les aléas de la conjoncture économique,
le krach des nouveaux riches, permettent de rétablir à
nouveau le caractère cyclique de l’économie capitaliste dont
l’euphorie récente prétendait à une hausse perpétuelle
des cours des actions... Ce sont ces propriétés des foules,
l’euphorie et la panique, qui provoquent les crises, les bulles spéculatives
qui éclatent un jour ou l’autre, entraînant avec elles
le mythe de la croissance, en même temps que la dépression
en chaîne des économies. Il faut rendre hommage à la
maîtrise à laquelle est parvenue la gestion mondiale de l’économie
et de ses crises. 1987 a fait date dans la coordination des économies
pour éviter les conséquences du krach : c’est la prise de
conscience de la mondialisation et son accélération.
Une gestion mondiale de l’économie a bien, en effet, les moyens
de corriger les crises mais il n’est pas du tout sûr que les moyens
actuels soient suffisants car les économistes savent que les remèdes
ont toujours, comme les drogues, quelqu’effet pervers sur le long terme
où resurgit la contradiction initiale. Hélas, la tendance
des experts est toujours de rejouer la dernière guerre, pas de se
préparer à la nouvelle.
Cycles et destructions écologiques Le capitalisme n’est pas, malgré le baratin
des époques fastes, une accumulation de richesses perpétuelle.
Il provoque aussi nécessairement des destructions de richesses (Schumpeter)
qui sont inacceptables humainement et écologiquement. Le capitalisme
a besoin de la croissance (+ de 3%), du renouvellement technique
incessant, de nouveaux marchés. C’est plus que n’en peut supporter
notre planète mais surtout, ce progrès est toujours temporaire,
cyclique car la contrepartie de la croissance est la dépression,
perte de richesse entraînant dans sa chute toute l’économie,
provoquant de brusques augmentations du chômage et d’énormes
destructions (perte de pouvoir d’achat, de consommation, faillites). A
côté des ravages de cette logique du capitalisme il est risible
de voir les Américains refuser de préserver notre atmosphère
en diminuant les émissions de CO2 sous prétexte
que cela engendrerait du chômage...
Efficacité et morale Il y a une efficacité indéniable du
capitalisme, du marché libre, qui résulte de l’autonomie
de décision et de l’intéressement des acteurs. Il
y a des nuisances telles qu’il faut imposer à ce marché des
règles sociales qui en assurent le contrôle au bénéfice
du marché lui-même. La confiance est, en effet, un
facteur essentiel du marché. Il faut bien constater qu’elle est
souvent bien naïve, comme est bien naïve la présentation
par les libéraux des bienfaits de l’initiative privée. On
sait, en effet, comme c’est le plus souvent la bassesse, la tromperie,
la brutalité, la cupidité qui l’emportent et font les fortunes,
pendant que les créateurs, les pionniers ne récoltent qu’une
gloire posthume. Impossible de faire de notre vie économique trouble
et impitoyable un modèle de vertu.
Passivité libérale ou autonomie écologiste active La maxime du spectacle est " tout ce qui apparaît
est bon, tout ce qui est bon apparaît ". C’est évidemment
faux car beaucoup de ce qui apparaît est mauvais et il ne suffit
pas de savoir faire, il faut surtout faire savoir. Il ne
faut pas croire les bouches d’or qui glorifient le capitalisme triomphant,
la liberté créatrice. Ce ne sont que de médiocres
profiteurs du système, qui les emploie à ses basses besognes.
Ils ne font que se conforter dans leur idéologie et ils aimeraient
bien que Marx ait eu tort en tout, alors que chacun admet aujourd’hui la
domination de l’économie qu’il établissait alors contre tous,
mais pour la critiquer. Il ne faut donc pas croire les petits avocats de
la finance mais cela ne nous empêche pas de défendre l’autonomie,
le marché contrôlé, l’initiative privée, la
compétence, sans se fier aux caprices de la main invisible des spéculateurs.
Ce n’est pas, pour autant, ignorer que le capitalisme d’état soviétique,
soi-disant collectiviste, est pire encore. Ce n’est pas ignorer que les
fonctionnaires sont souvent inefficaces et imbus de leur pouvoir,
ne représentant pas l’intérêt collectif mais seulement
les intérêts de leur propre carrière. Nous n’avons
pas à choisir entre la peste capitaliste et le choléra bureaucratique.
Les écologistes sont pour une économie de marché corrigée
par la société, une responsabilisation des fonctionnaires,
l’autonomie et la " subsidiarité " mais ils abandonnent la
prétention de tout organiser et de produire par décision
étatique globalitaire, sans pour autant se laisser dominer par les
aléas du marché et de la spéculation. L’écologie
juge les résultats en imposant des normes, en taxant les pollutions
et les nuisances, en répartissant les richesses avec pour seul critère
la qualité de vie réelle de la communauté.
Économie et Droit Tant de choses inacceptables, tant d’humiliations
du chômage à l’embauche, au travail, à la banque. Ici
pas de droits de l’Homme, pas d’égalité, pas de liberté
sinon pour les capitaux, et encore moins de fraternité. Aucun droit
ne semble tenir devant la destruction de nos ressources et de notre environnement.
Cette destruction de la nature déjà dénoncée
par Marx, condamne à court terme un libéralisme forcené.
Qu’on n’aille pas porter au crédit du capitalisme d’avoir amélioré
le sort des ouvriers alors qu’il a fallu toutes les luttes ouvrières
pour nous délivrer du travail des enfants –- qui revient –- ou pour
gagner une sécurité sociale –- menacée désormais.
Nous devons avoir honte du capitalisme, mais ainsi nous ne pouvons avoir
honte que de nous-mêmes, honte qu’il n’y ait plus de société.
L’avenir du capitalisme L’économie, si longtemps sous-estimée,
est aujourd’hui triomphante et veut faire oublier sa toute nouvelle position
dominante avec la prétention d’en faire une loi naturelle, s’imposant
depuis toujours. Avec le krach boursier, image de notre nouvelle morale,
nous sommes dans une situation intenable où chacun individuellement,
pour ne pas perdre un petit profit, précipite la chute de tous dans
le chaos. C’est ce qu’on voudrait généraliser au nom de l’intérêt
à court terme. Mais, non seulement le capitalisme ne s’est imposé
que récemment, mais surtout il ne pourra durer, une fois la mondialisation
achevée. Il y a déjà les germes de son dépassement.
Ce n’est plus vraiment l’argent qui détient le pouvoir (les achats
et les ventes sont programmés sur ordinateurs), ce sont les compétences
(les énarques en France où il y a collusion avec l’État)
qui détiennent aujourd’hui la réalité du pouvoir et
peuvent tenir compte du long terme, des contraintes écologiques.
Enfin, la transformation du travail par l’informatique rend de plus en
plus inefficaces les rapports hiérarchiques et les pressions du
marché, alors même que la notion de temps de travail devient
floue (entre information, formation, préparation et même repos).
L’efficacité n’est plus proportionnelle au temps de travail, comme
l’était la force de travail avant l’automation généralisée.
Jean Zin
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Question Feuille Verte No 3 |