Celui qui ne fait rien,
Certain qu'il n'y a rien à faire,
Certain que ses forces ne s'y mesurent pas
Rajoute de tout son poids
Aux lourdeurs du monde et à ses fausses lois
Morale et politique | La bande des quatre | Tableau historique | La création du monde |
Nous avons d’abord distingué quatre modalités de la vérité (révélation, vérification, impartialité et authenticité). Puis nous avons vu que chaque vérité était fondée sur une liberté. Enfin ces quatre libertés détermineront quatre morales (moralisme, éthique, justice, esthétisme) puisque la morale est la pratique de la liberté consistant à se donner une règle raisonnable, et dont le contenu vise à établir l’égalité d’un véritable dialogue avec l’Autre (visant sa liberté et sa réalisation politique plutôt qu’une simple protestation morale).
Dialogue armé pour faire vaincre ses propres conditions. Debord
Être libre c’est construire un monde où l’on puisse être libre. LévinasMorale et Politique
La politique, comme rapport actif à la société, vise la satisfaction de notre humanité, notre être-ensemble, et l’achèvement de notre morale c’est-à-dire de notre liberté. Platon identifiait la république à la justice et, pour Aristote, l’éthique ne se concevait pas sans la politique, qu’elle précède comme civisme, mais qui seule assure l’autarcie (suffisance, indépendance et satisfaction de tous les besoins humains, de l’âme autant que du corps). En effet, comme nous l’avons vu, le langage fait de nous un animal social et politique (Philia) qui ne se réalise comme raison et vertu qu’au sein d’une communauté de parole. Machiavel a semblé fonder la politique sur la séparation de la morale, mais il se sépare de la morale essentiellement par son réalisme, l’exigence d’efficacité (la réalité efficiente, les hommes tels qu’ils sont) mais aussi les différences de niveau, ce qui n’empêche pas la moralité supposée du Prince d’être elle-même décisive. Le moralisme ne peut rester pur que dans l’inaction alors que la politique est la nécessité de la réussite bien que les moyens d’une fin ne soient pas tous moraux, c’est l’art du compromis (il faut se donner les moyens de ses fins, il y a une hiérarchie entre les fins, une cruauté peut en éviter de pires, on ne peut être plus faible que son ennemi et la conservation de l’État est la première vertu, tout corps tend à se conserver). La moralité elle-même demande, en effet, des conditions politiques minimales, un ordre où les gens ne s’entre-tuent pas (Hobbes, Homo homini lupus). Tout État est fondé sur la violence mais l’État est la possibilité d’un débat politique et d’une paix morale. Nous dépendons complètement des conditions politiques et, pour cela, nous devons y prendre notre part. Pour Hegel, non seulement la conscience se reconnaît dans les autres consciences mais elle sait que le monde de l’effectivité est celui des autres consciences et s’exprime dans la Loi commune. La conscience se réfléchit donc dans la pratique commune et se pense comme substance collective (Politique).Politiquement correct
Liberté, égalité, fraternité sont effectivement les principes même de la morale (du dialogue) et la morale n’est rien si elle n’est efficace et se suffit du désordre qu’elle dénonce en faisant la belle âme. Hegel avait déjà montré que la morale de l’effort ou de la compassion ne peut être autre chose qu’une ascèse vide si elle ne se préoccupe pas d’efficacité et donc de politique. Marx ajoutera qu’on ne peut se satisfaire d’un savoir contemplatif du sens de l’histoire, ni de bons sentiments, mais qu’il faut réaliser la philosophie, la morale, dans les faits et de sa place. L’un comme l’autre ont dénoncé la charité comme hypocrisie, le seul rapport qui vaille étant l’égalité et la solidarité politique. Pour Hegel la politique c’est participer à l’effectivité historique actuelle, au progrès de la liberté. Pour Marx c’est d’abord l’exercice de cette liberté, lutte morale du faible contre le fort, tentative d’imposer le droit, de rétablir l’égalité, la dignité, la volonté du citoyen (la raison) à une économie trop libérale et inégalitaire qui nous traite en objets alors que nous en sommes les acteurs. L’analyse de la marchandise comme réalité objectivante camouflant les rapports sociaux dont elle est pourtant entièrement constituée sera systématisée par Guy Debord comme spectaculaire concentré (totalitarisme) et diffus (libéralisme) puis intégré (technocratie) qui nous ôte toute initiative comme sujet, ne laissant que violence et terrorisme pour briser l’impuissance. La société aboutit à se supprimer elle-même comme société. L’utopie dictatoriale qui s’est réclamée de Marx n’était qu’une version bureaucratique du capitalisme. Il s’agit, bien au contraire des délires de puissance du pouvoir, de la reconnaissance des droits réels de chacun, d’une institutionnalisation de la vérité des rapports sociaux comme dialogue. Si le pouvoir qui nous traite en objet est impuissant à sauver notre dignité et nos existences broyées encore faut-il qu’il y ait intervention des gouvernés, il faut qu’une volonté l’impose, qu’elle se constitue et se persuade de son droit. Plutôt que science du nécessaire (Platon, idéal, utopie, fascisme) nous devons faire de la politique un art du possible (Aristote) qui ne soit pas un accommodement ni un conservatisme mais se veuille radical. L’écologie impose sa contrainte, ses prévisions et sa prudence. "Dès que l’homme ne se dirige plus, les forces extérieures le reprennent... Tout ce qui est mécanique, tout ce qu’on laisse aller, est faux et mauvais. Alain40". C’est la révolte pourtant qui trouve une solution et non pas la solution qui fera la révolte (les révolutions partent souvent de revendications particulières mais se nourrissent de leur propre force). Aujourd’hui la conscience maussade d’un avenir incertain n’est pas encore le rejet d’une existence gâchée. On arrive à se mobiliser pour les animaux, pour la Gay pride ou contre les pédérastes. On devrait arriver à se mobiliser pour l’essentiel : redonner sens à notre communauté, donner au marché une régulation humaine, faire du travail un développement. Le pouvoir existe à l’évidence (télévisuelle), rien ne résiste au peuple assemblé, seule manque la décision.La bande des quatre
Chaque système a son principe d’après Montesquieu : honneur/monarchie, crainte/tyrannie, vertu/démocratie (idéologie/totalitarisme Arendt) mais, d’après Tocqueville, la véritable vertu est toujours dans l’équilibre des droits et des devoirs. La politique est (1) souveraineté (Machiavel), direction et contrôle, gouvernement de la société, d’une communauté effective disposant d’une puissance de conservation et de défense (force, sûreté). La nation qui n’a pas les moyens de ses ambitions n’a pas de voix dans la négociation internationale. L’unité de la communauté est fondamentale, le lien social où se constitue son identité (amis/ennemis). Chacun devrait y participer au nom de son appartenance à la nation comme citoyen libre dont procède le souverain (Rousseau) mais sans unité, sans fraternité, sans Philia, il n’y a pas de politique. (2) Le gouvernement doit assurer à tous le bien-être (Aristote) et la survie à long terme, la conservation de la communauté, son autarcie (richesse). L’incapacité est une faute impardonnable de ce point de vue mais chacun doit rester juge de l’efficacité et faire respecter l’intérêt à long terme. La prospérité est, on ne le sait que trop, le premier devoir d’un bon gouvernement (3) La loi, le Droit, l’État assurent la rationalité des rapports sociaux, leur conservation (Montesquieu). Bien que toujours insuffisant et perfectible le Droit, qui est d’abord droit des marchandises, est ce qui crée la possibilité du marché en l’organisant par une rationalité acceptée avec confiance et sûreté pour régler tout conflit interne. La stabilité de la Loi exige des médiations et des corps intermédiaires, des contre-pouvoirs qui la limitent et la légitiment. Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir (Rousseau53). Si l’anarchie supposait une absence complète d’État elle ne serait qu’une sauvagerie mais l’absence d’État n’a jamais signifié que l’absence de forces de répression, ce qui est simplement le signe d’un régime populaire (le mandat du ciel). Sinon la théorie anarchiste est surtout fédéraliste et c’est bien cette tradition qui a été reprise et approfondie par les écologistes (la subsidiarité, penser global agir local). Marx pensait aussi que le Droit et l’État n’étaient que des instruments de domination de classe mais il faut plutôt prendre en compte ses critiques justes pour dépasser, améliorer le Droit et non pour le supprimer ce qui est laisser tout pouvoir au tyran. (4) Le calme est l’âme de la tyrannie, la passion est l’âme de la liberté. St Just 51. Il n’y a pas de politique durable sans l’intervention de la société elle-même, son initiative, son expression, le sentiment de son existence souvent réduit à la guerre contre un ennemi qui soude la communauté, sinon c’est la division de la société elle-même comme résistance, refus, lutte des classes, subversion et violence (Sorel) où elle se divise avant de reconstituer un nouveau compromis. On ne peut se contenter d’être objet du pouvoir, nous devons être sujet de l’histoire, acteur de notre avenir. C’est la dimension esthétique de la politique exigeant la participation de chacun au cours du monde (Oswald), sa révolte, la manifestation de sa propre existence dans une lutte victorieuse, dans un projet d’avenir en progrès. Pas de liberté sans espérance, pourrait-on dire avec la ferme conviction qu’il ne suffit pas de compter sur ses droits mais qu’il faut toujours être prêt à les défendre et faire valoir son propre point de vue. Impossible de ne pas voir là ce que Hanna Arendt a décrit comme totalitarisme reposant sur l’idéologie et la "vérité". L’étendue du désastre d’un XXème siècle qui n’a pu se mesurer à cette nouvelle exigence, réduit à un champ de massacres, n’empêche pas cette exigence du sujet historique de hanter la passivité médiatique prête au pire encore si on n’y pare avant, si on n’y prend garde !
1 | 2 | 3 | 4 | |
Principe | Communauté | Bien-être | Justice | Liberté |
Théorie | Paternalisme | Utilitarisme,économisme | Légalisme | Idéologie (progressisme, libération) |
Qualité | Autorité,souverain | Compétent, prospère | Impartial, confiance | Solidarité, dénonciation |
Vertu | Honneur, force | Intérêt | Formalisme | Refus, opposition, créativité |
Besoin | Représentation, communication | Autarcie, distribution | Arbitrage, échange | Mouvement, expression, conflit |
Hiérarchie | Reproduction | Concorde | Contestation/invention | |
Objet | Ordre, conduite | Economie, Ecologie | Droit, relations | Politique, idéologie |
Opposition | Amis/Ennemis | Riche/Pauvre | Légal/Interdit | Résistance/Passivité |
Chose en soi | Corps | Marchandise | Ecrit, Parole, Autre | Intentionnalité, rapports sociaux |
Régime | Aristocratie ou Tyrannie | Oligarchie ou mafias | République ou bureaucratie | Démocratie participative ou Totalitarisme |
Cause | Efficiente | Matérielle | Formelle | Finale |
Universaux | Fraternité, Bien | Prospérité, Bon | Egalité, Vrai | Liberté, Beau |
(1) Aristocratie. Le pouvoir sur la société. Meilleur gouvernement, gouvernement des meilleurs, sinon Tyrannie ou Démagogie.
Cette idéologie politique, issue de la religion et des liens de parentés, est bien la plus ancienne (indo-européens) mais elle n’est pas morte pour autant puisqu’elle est reprise par Platon, les divers traditionalistes (Guénon, ésotérismes), Hitler, Léo Strauss et l’Écologie de droite. C’est la théorie de la société comme organisme (Menenius Agrippa. Sorel réfute la comparaison, les organes ne pouvant être isolés), la division des classes naturelles. Les meilleurs (aristos) sont formés pour assurer le bien général, c’est le gouvernement des sages, de la vertu, du mérite s’opposant à une domination illégitime dite tyrannique (détournant le bien général à son profit) et à la démocratie (assimilée au gouvernement des ignorants) livrée aux démagogues et aux passions. Pourtant cette idéologie raciste est réfutée depuis l’origine presque, la politique ayant toujours vécue de compromis entre diverses traditions dans les cités sumériennes déjà cosmopolites (Ninive, Babylone). Aristote réfute cette idéologie du mépris de la démocratie en montrant que le jugement de la foule est souvent meilleur que celui des spécialistes et des sages en matière d’art.
La fonction nécessaire est celle d’identification au groupe, à la communauté (Philia) qui s’exprime dans le besoin de reconnaissance et d’honneurs, décorations etc. (pas seulement de richesses). Nécessité d’un ordre stable, de procédures communes, d’une communication efficace et d’une capacité d’action (souveraineté), donc d’un pouvoir sur la société, une servitude volontaire. Il y a des raisons autres que la force d’obéir pour assurer une liberté que l’individu isolé ne pourrait accomplir (Égypte, Sumer/Babylone, armées). Cette obéissance n’est acceptable pourtant qu’à être assumée et comprise comme telle (c’est pour Sorel la supériorité des armées révolutionnaires).
(2) Oligarchie ou démocratie censitaire. Richesse. Pouvoir pour la société.
Une oligarchie se prend souvent pour une aristocratie. Elle ne se base pas pourtant sur la vertu ou le mérite mais sur la compétence et la richesse, les liens de dépendance mafieuse. Une oligarchie se forme si elle se pense beaucoup plus capable que les pauvres démocrates ou si, comme aujourd’hui, l’économie tient lieu de société. C’est encore une domination de la science supposée, de technocrates au service de la richesse immédiate. Le Capitalisme n’est pas autre chose assurant la suprématie de l’économie sur le politique. Le bon marché des marchandises est la grosse artillerie qui abattra toutes les murailles de Chine (Marx). Mais la richesse a toujours été bien public autant qu’instrument de domination. L’intérêt ne suffit pas et se détruit lui-même, sombrant dans la corruption et la crainte. "Au moment où la société découvre qu’elle dépend de l’économie, l’économie, en fait, dépend d’elle" (Debord vs31). La domination de l’intérêt ne tient qu’à la grande différence entre la pression de celui qui défend son propre intérêt et la protestation de celui qui défend l’intérêt général. Paradoxalement, la logique du Capitalisme du "self made man", objectivant les lois de l’économie en pur calcul, réduit le citoyen à la passivité du spectacle, à une idéologie industrielle désincarnée et folle.
Il y a une nécessité vitale pour tout régime d’assurer la prospérité, la conservation de la société et l’indépendance qu’Aristote appelait Autarcie. Aristote préférait le pouvoir de la classe moyenne selon ses principes raisonnables. L’écologie trouve dans le devoir de prévoyance et de prudence son fondement le plus sûr comme écologie environnementale, utilitarisme moderne basé sur le contrôle de l’efficacité et des nuisances, le "rendement social" qui pourrait être effectué par des technocrates écologistes.
(3) Démocratie formelle ou République. Droit (ni force, ni coutume). pouvoir comme société.
La république, ce qu'on appelle ordinairement démocratie, n’est pas tant le pouvoir de tous que le pouvoir de la parole, du discours et de la Loi. Pour Aristote la démocratie exigeait une certaine communauté de bien, une vertu républicaine qui met l’intérêt général au-dessus de l’intérêt particulier, sans quoi la démocratie n’est qu’un dépeçage de l’État. On ne peut vouloir se priver de la capacité de chacun de choisir et de s’adapter au mieux à sa propre situation cependant pour Aristote la démocratie ne doit pas être totalement directe mais tempérée et légale, disposant d’une constitution et de lois stables. Il ne connaissait pas la démocratie représentative dont la théorie est surtout l’oeuvre de Benjamin Constant mais qui a dégénéré en clientélisme, dépossédant le citoyen de tout pouvoir effectif pendant que le député gère son fief et ses voix pour en tirer le plus de profit, reproduisant les dépendances d’une oligarchie. La démocratie formelle des Droits de l’homme se limite au respect des règles juridiques, ce n'est donc qu'une république. La réalité de la "démocratie" peut être l’oligarchie des millionnaires du Congrès américain, le noyautage de l’État italien ou la technocratie française, l’important est que les règles soient respectées d’une fiction juridique. L’exemple italien montre cependant que la société ne peut tolérer une trop grande corruption du droit (opération mains propres) et témoigne de la place grandissante du droit dans toutes les sociétés développées.
On pourrait faire un manuel des pièges de la démocratie à éviter. Le premier étant le mirage d’une démocratie directe et totale offerte aux manipulateurs et à l’usurpation. L’excès de démocratie est toujours impraticable et sert vite d’alibi ou de plate-forme à l’usurpation ou au stalinisme. Il faut distinguer le dogmatisme d’avec la fermeté des principes. L’expérience doit nous servir d’enseignement. Les premières démocraties opéraient des distinctions entre les citoyens que nous ne faisons plus mais elles avaient plus de souplesse dans leurs formes. Ainsi en cas de guerre Athènes n’hésitait pas à se donner des stratèges mais, la guerre finie, elle savait aussi frapper ses généraux trop puissants d’ostracisme. Robespierre entraîné par le dogmatisme de Rousseau interprétait la Volonté du peuple comme extériorité qui s’impose à l’intériorité (des suspects) et devient ainsi Terreur et dictature. Contre son idéologie de la Vertu, Sadi Carnot déclarait "Malheur à une république où le mérite d’un homme, où sa vertu même serait devenue nécessaire !". L’intérêt interdit se couvre du manteau de la vertu qui en perd toute substance. Benjamin Constant ayant vécu l’ascension de Bonaparte, son usurpation, plaidera pour une démocratie tempérée ou une monarchie constitutionnelle appuyée sur des corps intermédiaires (dont la destruction est imputable à l’ancien régime d’après Tocqueville). Hegel voit une ruse de la raison dans la dialectique d’une liberté absolue qui se renverse en terreur avant de devenir effective grâce à la tyrannie de Napoléon ! Il faut se méfier aussi d’un légalisme réduit à la simple propriété privée. L’écologie entre dans cette république juridique comme Écologie réglementaire.
4) Démocratie réelle, participative, écologique et citoyenne (ou guerre et Totalitarisme). Pouvoir de la société
Assez de paroles, des actes ! On ne peut réduire longtemps
les peuples à la simple représentation, livrés à
des spécialistes. Comme dit Rousseau "Si donc le peuple promet
simplement d’obéir, il se dissout par cet acte". Que serait-donc
une démocratie véritable et conforme à notre morale
de liberté? Il ne suffit pas que la démocratie assure une
égalité formelle et donne à tous des droits, encore
faut-il que ces droits deviennent effectifs mais cela dépend toujours
de l’intervention de la société elle-même qui pèse
sur les équilibres mécaniques. Il faut rappeler à
chaque fois le risque du totalitarisme dans cette idéologie volontariste
et révolutionnaire (Hitler, Staline, Mao). Il faudrait tenir compte
de la tradition française qui est considérable en politique,
tenir compte de la révolution française et de ses enseignements
confirmés hélas par la révolution russe. Il n’y en
a pas moins nécessité d’intervenir dans l’histoire, de créer
l’avenir. Cette dialectique de la négativité doit s’exprimer
soit dans l’union contre un ennemi commun, où se reconstitue l’unité
première, soit dans la division d’une communauté comme résistance,
révolte ou lutte des classes (revendications et manifestations).
La vie historique de la société est dans cette créativité
de la lutte pour la liberté, une révolution régulière
contre l’ordre ancien et la retrouvaille d’une communauté plus profonde.
On ne change pas la société pour autant, on remet les pendules à l’heure. On ne peut que s’adapter à la situation réelle de la société (primauté des compétences sur le capital). On ne supprime que les classes moribondes et les dominations devenues illégitimes. C’est pourquoi Mai 68 a triomphé, malgré son refus du pouvoir, rendant toute autorité illégitime. De même l’Écologie ne peut que s’imposer à mesure même de la mondialisation. Politiquement je suis persuadé que le seul choix est celui d’une tyrannie écologique fascisante ou d’une écologie citoyenne. Écologie décentralisée, fédéraliste, d’initiative. Le pouvoir restera à une classe moyenne, ou à une surclasse, mais qui doit être tempérée par un contre-pouvoir réel des masses, leur participation aux décisions et la subsidiarité (fédéralisme). Il faut sans doute éviter les illusions du Conseillisme permanent mais faciliter les interventions ponctuelles des citoyens les plus faibles ou des assemblées de citoyens. L’essentiel pour l’action est de trouver un sujet unificateur, un mouvement, pour lequel puisse se former des comités, des coordinations imposant la volonté des citoyens à l’économie.
Les politiciens ne sont coupables que de laisser croire que la solution pourrait venir d’eux et non pas de nous tous. Les gentils technocrates, comme Rocard, nous cherchent les meilleures solutions qui ne pourront cependant que reculer le problème, car l’essentiel, comme Sorel l’a montré, c’est la participation active et le mythe unificateur de la société permettant de manifester son existence, de peser sur l’économie sinon livrée aux appétits immaîtrisables des intérêts personnels.
Marx a posé le véritable problème qui est celui de la maîtrise de l’économie après la maîtrise de la nature, car l’économie livrée à elle-même et détournant la puissance technique, se retourne contre son producteur et détruit la nature, la vie même. pourtant le collectivisme n’est pas la prise du pouvoir par "le peuple" mais, toujours, par une surclasse (la fin de la noblesse n’a pas donné le pouvoir au peuple, le tiers-état se scindant en bourgeoisie, prenant le pouvoir, et en prolétariat, dépouillé de tout). Il vaut mieux que cette réalité ne soit pas niée dans les discours et que des contre-pouvoirs puissent s’établir. En effet, ce qu’il faut c’est contrôler l’économie, la réglementer, l’encadrer (non pas s’occuper de la production elle-même) et pour cela créer une communauté prête à défendre ses intérêts réels en dépassant la concurrence de chacun contre tous.
Egyptiens | Religion, légitimité, pouvoir d'unification |
Indo-européens | Racisme (exclusion), Aristocratie, domination |
Cyrus | Unité des peuples et des races |
Platon | Utopie, Despotisme, rationalisme (sages dirigeant des singes !) |
Aristote | Démocratie tempérée, classe moyenne, vertu, autarcie |
Alexandre | Croisement des peuples mais division maîtres/esclaves |
Juifs | Séparation des peuples mais sans division maîtres/esclaves |
Romains | Alliance Sénat et Tribuns |
César | Césarisme, autorité acquise par ses actes |
Musulmans | Soumission à la communauté |
Machiavel | Effectivité, réalisme (pouvoir humain et non divin) |
Hobbes | Pacte social pour éliminer le meurtre, paix par la force, soumission au souverain (Léviathan) |
Montesquieu | Lumières, constitutions (démocratie, monarchie, tyrannie), sûreté |
Rousseau | Nation, peuple souverain, liberté (Tiers état, privilèges) |
Utilitarisme | Optimisation de l'utilité ou du bonheur social |
Terreur | Volonté générale, suspects |
Tocqueville | Religion abstraite (centralisme contre corps intermédiaires), équilibre droits/devoirs |
Napoléon | Universalisme en parole, particularisme en acte, provoquant le Discours à la nation allemande. Fichte |
Hegel | Peuple, liberté, héros, ruse de la raison, dialectique |
Benjamin Constant | Monarchie constitutionnelle, médiations, démocratie tempérée |
Marx | Prolétariat, droits réels mais aussi "abolition des classes" et "dictature du prolétariat" |
Bakounine | Etat=domination de classe, destruction de l'Etat, fédéralisme |
Sorel | Violence illégale (Nietzsche, Hobbes), invention, autonomie |
Lénine | Avant-garde qui se prend pour le peuple |
Hitler | Hygiénisme, lutte pour la vie, espace vital, peuple, racisme, revanche |
Staline | Extrémisme, productivisme et propagande. Paternalisme |
Lukàcs | Sujet/Objet, réification |
Mao | On a raison de se révolter. Contradictions principales et secondaires. Dialectique pratique |
Sartre/Aron | Pureté des principes, du côté des victimes/réalisme des solutions, du côté du pouvoir |
Debord, Mai 68 | Jeunesse comme sujet, autorité illégitime (sans prise de pouvoir), stratégie |
Terrorisme | Impasse de l'impuissance individuelle, action spectaculaire de l'ère médiatique |
Droits de l'homme | Spectateur, humanitaire, ingérence |
Coordinations | Initiatives de la base |
Ecologie | Citoyen, pouvoir sur son propre environnement, Penser global, agir local |
(Hegel, Phénoménologie, Esprit, Pratique)
La nouvelle bonne volonté du Conformisme voulant affirmer son appartenance à son peuple va rencontrer dans l’opposition des devoirs de la famille, comme Loi divine, et des devoirs de la communauté, comme Loi humaine, d’abord la culpabilité puis la corruption avant de s’aliéner dans un Droit formel. Les équivoques du Droit laissent au jugement de chacun de prendre le parti de la conscience vile (victime intéressée) ou de la conscience noble (prête au sacrifice et à la vertu). Mais le sacrifice qui ne va pas jusqu’à la mort est ambigu et tombe dans la rébellion (à la revendication de la conscience vile). Dès lors, ce n’est plus seulement le sacrifice qui compte mais la justesse du conseil, de la loi et du commandement, son contenu universel comme langage du pouvoir. Cette valorisation sans limite du contenu s’épuise d’abord dans la flatterie jusqu’à perdre dans l’extériorité de la culture toute signification sérieuse mais la perte du sens est déjà la foi qui se sait être-pour-un-autre, rapport individuel à l’Universel. Le rassemblement encyclopédique du savoir de l’humanité dissout pourtant cette confusion et cet individualisme dans l’unification du savoir de tous et s’opposant au savoir religieux dénoncé par les Lumières comme corruption du clergé et création humaine intéressée (obscurantisme). Mais les lumières et la puissance de sa critique sombrent pourtant dans l’hypocrisie, l’utilitarisme matérialiste et enfin l’inaction. Jusqu’à se retourner en pure Volonté du peuple, comme volonté agissante de tous, liberté absolue de la Révolution française qui sombre pourtant dans la faction et la Terreur de la simple suspicion, de la division de la volonté générale, perdant encore ainsi toute effectivité. La nouvelle conscience morale, représentée par Kant, revendique cette ineffectivité de l’universalité comme pur devoir être, simple volonté divine. Le but est cependant dévalué par cette inaction et se retourne enfin dans l’action effective d’une bonne conscience inébranlable qui sait que l’action ne vaut que par son intention, sa conviction propre et sa réalisation consciencieuse. Mais la conviction ne vaut qu’à être exprimée et reconnue par l’autre, c’est le langage de la reconnaissance qui unifie les consciences de soi d’abord dans la confusion de la belle âme inapte elle aussi à l’action. Le jugement moral condamne durement cette passivité comme hypocrisie et mépris de l’autre mais il ne peut éviter que son propre jugement se condamne à son tour soi-même, s’égalisant enfin à l’autre dans le Pardon. C’est pour Hegel à peu près le dernier mot mais si l’histoire a réfuté cette fin contemplative, le Savoir absolu reste le savoir du savoir comme histoire, processus dialectique.
Précédent (Morales) |