Vérité | Causalité | Non-savoir | Devoir-être | "Historique" |
Négativité | Raison | Finalité | Richesse | Le suicide |
Ce qui fait l'unité de la vérité
est le faux, l'erreur, le risque qui ouvrent un espace de liberté,
de balancement, de choix où l'être se révèle
à nous comme possibilités et nous concerne, nous importe
dans l'urgence (au contraire des habitudes et conduites mécaniques
désertées par la pensée). C'est la leçon de
la philosophie moderne qu'il n'y a pas de vérité en soi
mais pour nous, ce qui ne signifie pas que la vérité
sombre dans le relativisme et le psychologisme de la subjectivité
mais que la vérité ne nous précède pas, qu'elle
est toujours réponse à l'erreur (le faux est un
moment du vrai), processus historique, dialectique, épistémologique
où la vérité advient au discours par négations
spécifiantes. Sans le risque de l'erreur, sans le non savoir il
n'y aurait pas de vérité, c'est pourtant par cette ouverture,
cette liberté avec le réel, que la réalité
dans sa présence prend consistance pour nous, maintenant, comme
non advenue, comme projet. La vérité réunit, en ses
quatre modes, les dimensions du discours en ce qu'il nous concerne, en
ce que notre liberté doit décider précipitamment.
L'essence de la Vérité est donc la Liberté comme discours.
1 | 2 | 3 | 4 | |
Nom | Libre-arbitre | Libération | Responsabilité morale | Expression, commence |
Effet | Indépendance | Délivrance | Renoncement, Loi, culpabilité | Contradiction, Histoire |
Moyen | Arbitrage, pensée | Travail, effectif | Jugement, critique, réflexion | Projet, ex-sistence |
Activité | Dénaturaliser, normer | Améliorer, rationaliser | Abnégation, bonne volonté | Risque, excès, transgression |
Objectif | Maîtrise, Ordre | Technique | Cause de soi, autonomie | Création, révélation |
Subjectif | Reconnaissance | Développement | Identification, bonne conscience | Révolte, indignation, désir |
Espoir | Justifié, sauvé | Jouissance, bonheur | Contentement, estime de soi | Réponse, dialectique |
Fondement | Nature/Culture | Erreurs, hasards | Mensonge, mauvaise foi | Ennui, idéal, symptôme |
Animal | Unité, conservation | Mortel, Universel | Encore, Puissance, +value | |
Division | Corps/Esprit | Moi/Autre | Volonté/désir | Possibles/causes |
L’évolution n’est pas simple éclosion, sans peine et sans lutte, comme celle de la vie organique, mais le travail dur et forcé sur soi-même ; [de plus elle n’est pas seulement le côté formel de l’évolution en général mais la production d’une fin d’un contenu déterminé.] Cette fin, nous l’avons définie dès le début ; c’est l’esprit et certes, d’après son essence, le concept de liberté.
La liberté implique la possibilité d'une
rupture de la causalité. Kant, dans sa Critique de la raison
pure démontre sur une page que "rien n'est sans raison", et
que donc la liberté n'existe pas, et sur la page en vis-à-vis
que la liberté existe sinon il n'y aurait pas de commencements.
C'est ce qu'il appelle une antinomie de la raison pure, qu'il résoud
en séparant le domaine de la chose en soi (liberté) du domaine
de la représentation (nécessité). Il est certes nécessaire,
comme Husserl l'a montré, que la causalité psychique soit
d'un autre ordre que la causalité matérielle mais il n'y
a là rien qui soit pour nous surprendre. Comme le montre la science
contemporaine (voir Prigogine) il
y a partout des ruptures de causalité. Toute régulation,
et la vie au premier chef (homéostasie), est une tentative
de s'abstraire d'une causalité comme la maison nous protège
des rigueurs extérieures. La liberté, qui est d'abord hésitation,
introduit ainsi un autre ordre de causalité qui contredit toujours
la simple causalité matérielle.
La liberté n’est pas l’arbitraire ni la soumission aux passions. La liberté apparaît avec la finalité dans la nature. Être libre ce n’est point pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut (avec une puissance variable et limitée, l’homme dispose d’une liberté totale. Sartre p66). Il n’y a pas de liberté désincarnée et non située, il n’y a pas de liberté pour Dieu mais seulement le pur arbitraire (l’oiseau a besoin de la résistance de l’air pour voler).
Qu’est-ce qui différencie les Dieux d’avec les hommes?
Les vagues innombrables, un flot éternel, passent devant ceux-là :
Nous, la vague nous engloutit, et nous sombrons.
Les sagesses traditionnelles distinguaient déjà la liberté illusoire d’une satisfaction des sens (Animal), la maîtrise de soi (Unité) et le détachement de la particularité (Mortel) où s’anéantit tout désir (AUM). La liberté est une conquête, un "se vouloir libre" en face de déterminations qui nous sont imposées. C’est comme liberté qu’on est reconnu par un autre être humain et la Justice se divise en débat contradictoire entre, d’une part, l’accusation revendiquant la liberté du coupable et, d’autre part, la défense insistant sur les circonstances atténuantes. De même, la détermination par l’inconscient (sociologie, histoire, psychologie, psychanalyse) ne peut éliminer la liberté même qui nous rend coupable.Goethe. Limites de l’humain
La liberté réelle est celle de notre inadéquation
à l’universel, de faire des erreurs mais aussi de profiter de la
chance. L’issue de toute lutte ou régulation reste incertaine (points
faibles/double bind). La Théorie des jeux, la stratégie (ou
l’économie comme déséquilibre informationnel) sont
entièrement construits sur cet impossible-à-savoir
que la liberté introduit dans tout calcul. La liberté est
ce qui surpasse le hasard dans sa capacité d’adaptation et prolonge
la Théorie de l’évolution, la sexualité, avec ses
miracles créatifs d’ordre et de complexité (matière,
vie, esprit).
L’important est que cet imprévisible ouvre à notre liberté
la possibilité d’une fin. Toute finalité est d’abord idéalisme
et temporalité (division pensée-forme-projet/réel-matière-présent
à transformer). Mais par le travail et l’apprentissage, la transformation
de nos propres déterminations, la liberté s’ouvre à
l’infini d’une ex-sistence délivrée de toute essence préétablie,
nous rendant responsables de nos possibles et nous identifiant à
notre action, à notre travail comme réalisation de soi ("Le
travail est obligatoire car le travail c’est la liberté." René
Clair ). Cette historicité est celle de la parole, à la fois
tout-à-fait libre et cumulative (comme la science qui ne peut que
progresser), faisant objection au temps cyclique de l’éternel retour
qui était celui des agriculteurs et de l’ordre divin, au profit
d’une histoire, d’un récit "linéaire", dont nous sommes responsables.
Délivrer, refréner, surmonter, critiquer, rationaliser,
dénaturaliser (délivrer du corps, du contingent), désobjectiver
(délivrer du pouvoir), sacrifice ou raison, générosité
ou volonté, renoncement ou fidélité, la liberté
est notre ouverture à l’être et notre devoir de réalisation,
d’invention de soi au milieu des autres et pour eux (contre eux). La liberté
de l’engagement et de la maîtrise, du devoir et de la raison peut
mener aussi à un dur esclavage, à une discipline creuse.
Les Nazis se voulaient hautement libres dans leur soumission et leur renoncement
à leur propre réflexion par idéal. Mais le psychisme
reste l’insatisfaction, un manque d’être qui est manque de savoir
et comme le disait la sagesse védique, c’est le désir,
le non-être qui est au principe de l’être.
L’argent comme ouverture à des possibles peut élargir la liberté mais une possession ne suffit jamais à la liberté. C’est le dépassement de soi qui importe toujours, la pratique. L’argent peut nourrir un ennui mortel ou participer à la réalisation de soi. On ne peut opposer pourtant complètement être et avoir car l’avoir participe à l’être (Aristote critique dans le communisme l’impossibilité de montrer sa générosité, le détachement de sa propre richesse ou l’acceptation de sa misère, c’est-à-dire de révéler son être dans le rapport à l’avoir). L’être est d’abord manque et ne se réalise qu’en acte (pas sans l’avoir).
Platon | Idée, Bien suprême, Essence (Spinoza), Ordre (Sparte, Hitler) |
Aristote | Maîtrise de soi, tempérance, modération, juste milieu ("dialectique"), activité |
Stoïciens | Détachement, vouloir l'inéluctable (suicide) |
Juifs/Chétiens | Conversion, faute |
Musulmans | Soumission |
Descartes | Autonomie |
Kant | Raison, Universel (Chose en soi, Tout a une cause/Commencement), non pathologique |
Hegel | Négativité, dialectique, histoire, raison |
Marx | Lutte, désobjectivation (sinon exploitation et idéologie) |
Freud | Conscience de soi (sinon inconscient, symptôme) |
Nietzsche | Volonté de puissance (volonté de volonté), souveraineté, créativité |
Heidegger | Errance, authenticité, ouverture, risque |
Sartre | Construction de soi, Responsabilité (conscience=désir=liberté=manque d'être=temps) |
Lacan | Changement de discours, dés-illusion, dé-sidération (pas résignation) |
Précédent (les quatre Vérités) |