Le discours de la méthode
(théorie et pratique)
Il y a une méthode écologiste, plus sans doute qu’un
projet. En effet, l’écologie n’est pas, comme beaucoup le
croient encore, la défense de la vie, ni la sauvegarde autoritaire
de notre planète. Cette version romantique de la nature a
inspiré, malgré ses bonnes intentions et sa sensiblerie,
ce qu’on peut appeler l’écologie de Droite, celle de la race, de
l’espace vital et de l’hygiénisme, rejoignant les défenseurs
de l’ordre divin. Le nazisme vaut ici démonstration qu’un contrôle
autoritaire et centralisé des menaces écologiques mène
au désastre total, à des horreurs et dévastations
démesurées, sans commune mesure avec les premières
réussites, flagrantes, de cette volonté ferme et décidée.
Ce qu’il faut hériter de la vie, c’est au contraire la prudence,
la diversité et l’autonomie, la souplesse d’une adaptation à
un environnement local, la richesse des réponses multiples et des
rencontres.
La dialectique peut-elle casser des briques ?
L’écologie repose d’une part sur la prise au sérieux
des nuisances, du négatif de la production et d’autre part sur les
équilibres globaux mais aussi sur la complexité en jeu dans
le rapport du local au global. Cette complexité justifie le régionalisme,
le fédéralisme, l’intervention citoyenne locale sans que
l’enjeu global et planétaire de sauver l’avenir ne soit oublié.
Cette dialectique est comparable à la dialectique marxiste
comme rapports de la théorie et de la pratique : la théorie
doit se corriger dans la pratique et la pratique trouver sa théorie
(c’est ce qu’on appelle épistémologie). Ainsi, les
contraintes globales peuvent être contredites partiellement par des
données locales. Le totalitarisme, ou le globalitarisme actuel,
agit comme une tornade destructrice. Le meilleur moyen d’adaptation est
l’intelligence décentralisée, l’autonomie et la multiplication
des acteurs, leur capacité de réaction, d’intervention, de
perfectionnement. Cette complexité instable doit être régulée
par des institutions, des corps intermédiaires, de multiples médiations
juridiques qui évitent de sombrer dans la terreur révolutionnaire
ou libérale d’un arbitraire sans lois (appelé Théâtrocratie
par Platon) mais ces institutions doivent, tout de même, périodiquement
être renversées par l’action révolutionnaire des citoyens
pour retrouver leur vigueur et leur légitimité.
De ce thème de la Dialectique, et qui a l’inconvénient
de justifier toutes les trahisons, nous devons retenir pourtant qu’il
n’y a pas de bien qui ne contienne quelque mal, que la liberté
conquise se retourne en Terreur révolutionnaire avant de
se réaliser dans le Code civil sous l’Empire et revenir
à la République. Ce n’est qu’après bien des
négations partielles qu’un projet transforme le réel, en
étant transformé à son tour comme projet. Cela ne
doit pas nous permettre de faire tout et son contraire mais plutôt
de s’opposer aux points de vues unilatéraux et simplistes, privilégier
la prudence et la vigilance, la capacité de critique, de réaction,
de correction, d’intelligence enfin. De la discussion naît la
lumière.
Jean Zin
|