La violence des débats sur la violence vient d'abord de l'amalgame de toutes les violences comme si elles étaient comparables, ensuite la violence nourrit la violence, la haine engendre la haine mais aussi les dispositifs anti-violence génèrent leur propre "clientèle". En fait chaque violence a un sens, c'est ce qu'on ne veut pas voir en ne voyant que la violence elle-même (c'est l'histoire du doigt et de la Lune, de la forme et du fond). Le niveau de violence est l'image d'une société, de sa solidarité et de sa justice comme on le sait depuis l'antiquité. Les premières réponses ont d'ailleurs orienté vers les bonnes solutions immédiates (revenu minimum + légalisation contrôlée des drogues ainsi que les transports en commun gratuits).1. Ce n'est pas parce que les "libéraux" et conservateurs posent des problèmes tels que la violence ou les fonds de pension que nous devrions y répondre. L'écologie me semble plutôt le constat qu'on n'a pas de réponse à tout, qu'on ne sait pas quoi faire des déchets nucléaires, par exemple, ni comment se protéger efficacement contre la protection de l'amiante. L'écologie est souvent dans la position de dire que "le roi est nu" : les questions sont posées pour ne pas apporter les réponses qui s'imposent. Il ne saurait être question pour un écologiste de se limiter à un traitement des effets, l'écologie n'a de sens qu'en remontant aux causes. On ne doit pas considérer comme accessoire, mais comme essentiel la prise en compte de l'environnement (familial, social, économique, local, etc.) Pour les écologistes on peut dire que tout est le produit de l'environnement et les dysfonctionnement sont un symptôme de l'organisation (comme l'écologie cognitive de Bateson et les thérapies familiales ou systémiques de Palo Alto). Depuis Aristote au moins, on sait que la violence est souvent une réponse à l'injustice. Les sociétés justes ou simplement légitimes ont très peu de violence. Mais il est possible aussi de contenir la violence par la terreur. L'actualité du discours sécuritaire de la gauche n'est pas seulement un discours électoraliste mais la conséquence de son conservatisme, de sa volonté de ne pas traiter les causes, de ne pas changer la société et la rendre plus humaine car ce serait léser les intérêts légitimes de la classe moyenne.
2. Il ne faut pas accepter non plus les amalgames comme les discussions trop générales et qui se veulent philosophiques (appel aux valeurs) sur l'ordre, la société, la délinquance. Confucius enseignait déjà que ce n'est pas du tout la même chose que de participer à un ordre juste ou injuste. Comme je l'ai écrit dans un article de la Feuille Verte, il y a des "Violences légitimes", pas seulement dans la résistance aux nazis. Il n'est pas question de se demander comment mater une révolte d'esclaves mais plutôt de les encourager à se révolter. Il y a donc société et société, la notre étant largement délégitimée, mais il y a surtout délinquance et délinquance. La délinquance s'attaquant aux marchandises ne peut être mise sur le même plan que la violence faite aux personnes qu'il est absurde de confondre avec les délits de consommation de Cannabis par exemple.
3. Bien sûr, tout gouvernement est confronté à l'ordre qu'il doit maintenir et toute victime de la violence est simplement une victime de plus. Si on ne veut pas toucher aux causes, on ne peut que sévir. Ce n'est pas parce qu'on participe au gouvernement qu'il faut prendre les yeux du pouvoir, nous devons rester du côté des citoyens. Pour un gouvernement, le problème est surtout de rendre les victimes plus soumises, notre point de vue d'écologiste est plutôt de les défendre. Le Droit peut être très violent par son abstraction froide mais sa véritable valeur est d'être un droit contradictoire où s'affrontent procureur et avocat, le premier accablant le coupable au nom de sa liberté et le second faisant appel aux circonstances atténuantes, aux déterminations sociales. Le pouvoir est toujours du côté du procureur, pourtant mieux vaut la carotte que le bâton pour assagir les révoltes. Ici, c'est la possibilité pour tout français même le plus misérable d'accéder aux plus hautes fonctions. Malgré quelques cas faisant exception, c'est pourtant bien réellement une fausse égalité républicaine, la fausse égalité de l'argent, une fausse démocratie comme une fausse richesse qui nous dépouille de tout. L'élitisme républicain est surtout une justification de l'élitisme, les quelques leaders du peuple qui ont accès à ces élites sont les plus féroces, persuadés de leur propre valeur alors qu'ils ne doivent leur ascension souvent qu'à la trahison des leurs. (There is room at the Top they are telling you still but first you must learn to smile while you kill. John Lennon Working class hero, de mémoire). Chevènement défend réellement, avec toutes ses forces de police, ce libéralisme violent dont il accuse les discours de Cohn-Bendit.
4. Je suis un délinquant, ne serait-ce que parce que je cultive et fume de l'herbe interdite. Je ne suis pas du côté du pouvoir mais de la contestation de cet ordre injuste, de cette économie absurde. Comme le communiqué de Chiche suivant les violence de l'année dernière, je soutiens les jeunes qu'on a privé d'avenir. Ce que je voudrais, ce n'est pas les contrôler ou les manipuler, mais politiser leur révolte, leur donner un débouché. Je voudrais aussi que la violence contre les personnes soit au minimum, c'est même une question d'efficacité du message, mais on ne doit avoir aucun respect pour les marchandises (je soutiens les actions de "récupération" des chômeurs dans les supermarchés).
5. Enfin, à propos des fantasmes de suppression de la violence par de simples mesures d'urbanisme, je voudrais rappeler que les situationnistes avaient commencé par le concept d'Urbanisme unitaire qui préfigurait l'écologie (dans une version urbaine) mais très rapidement, ils se sont rendu compte que la question n'était pas celle de l'urbanisme mais seulement du système capitaliste marchand qui nous isole (société du spectacle). Il ne suffit pas de démolir des logements donc, même si une déconcentration est bien écologique. Tout ce béton pourrait être "habité" comme en témoignent de nouveaux sports urbains (escalade artistique d'immeubles de Béton). Vouloir simplement répartir les pauvres dans toute la population me semble insupportable, il faut par contre si possible casser les ghettos. L'urbanisme ne doit pas être le rêve d'un technocrate mais la réappropriation de l'espace par tous.
Pour résumer : Arrêt de toutes les violences (racistes, économiques, sociales) et Droit au revenu sont indissociables : la paix sociale a un coût. Pour le traitement de la violence au jour le jour, il faut doigté et attention, pas des discours tonitruants.
Pour l'idée que tout cela est dû à la permissivité moderne, au manque de Père ou d'autorité, à Mai 68 etc. c'est trop un amalgame de n'importe quoi pour en discuter vraiment : la violence est sociale (ça ne veut pas dire que tout va bien dans les familles qui abritent toujours la plus grande violence, depuis toujours).
> Je suis assez d'accord que dans une société idéale, tout irait bien.
Je ne parle pas de société idéale, mais de mesures réalistes qui peuvent être prises immédiatement : augmentation des minima sociaux et légalisation des drogues. Ce sont les politiques répressives ou éducatives qui sont irréalistes.
> Par contre actuellement, ce sont des smicards qui voient brûler leurs voitures sous les
Toujours le même argument honteux : nous vous protégeons contre vous-mêmes. Le pouvoir veut toujours notre bien !
> yeux de la police qui a ordre de laisser faire (la Reinerie Toulouse).
Interprétation au premier degré. Je ne connais pas la situation mais il ne suffit pas de s'intéresser à de soi-disant inoffensives balles en caoutchouc, il faut étudier la stratégie pour juger de l'opportunité d'une intervention. La belle volonté du yaka taper dessus n'y peut rien.
> Il y a fort à parier que ces braves travailleurs honnêtes des cités voteront FN si
Comment peut-on reprendre ce thème sur cette liste : soyons FN afin que le FN ne vienne. C'est idiot et complètement irréaliste. Des réactions comme celle là font penser qu'on n'évitera pas l'expérience du fiasco des politiques autoritaires et c'est assez déprimant.
> rien ne change rapidement. La révolution que tu sembles espérer risque de ne
> pas être la bonne!
Je ne le sais que trop, mais la mauvaise n'est pas durable. Ce ne peut être que beaucoup de malheur pour constater une impasse.> Ne pas laisser faire me semble la moindre des choses. Les armes anti émeutes
Qui parle de laisser faire ? Il faut évidemment protéger de la violence, ce n'est pas forcément les armes à la main !
> ont été inventé pour s'en servir. Une balle en caoutchouc, ça vaut mieux qu'une
> balle en fer. Que penser des émeutes suite au braquage de Tain l'hermitage
> parce qu'un des jeunes participants au hold-up avait pris une balle? Doit on
> légitimer cette dérive des mentalités qui en arrive à considérer comme normal
> de faire des braquages? Non, il y a certes du travail à faire pour que tout leLa question des mentalités ne dépend pas de notre bon vouloir mais des conditions sociales réelles. C'est bien sûr important, plus que d'aligner des policiers car, comme le dit Rousseau "Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme pas sa force en droit, et l'obéissance en devoir". On peut dire que le paradigme actuel n'est plus tenable, c'est d'ailleurs ce que les politiques expriment (fracture sociale, exclusion). La force est une illusion lorsque le malaise est général.
> monde vive mieux à long terme avec des revenus correctes etc, mais il y a aussi
> des mesures urgentes à prendre pour éviter une explosion de la situation qui neLes mesures urgentes à prendre (sinon il faut une explosion!), sont comme il est déjà dit, l'augmentation des minima sociaux et la légalisation. Le reste c'est montrer ses muscles, c'est du baratin.
> ferait que gonfler le FN.
>
Là, c'est moi que ça gonfle, que ça désespère qu'on se laisse prendre dans ce discours sécuritaire qui détourne des causes évidentes : du culte des meilleurs et du mépris des pauvres, de l'ignorance des causes et de l'histoire qui s'en tient aux pauvres évidences de la force qui a montré tant de fois ses limites. Rien ne remplace une société juste, pas seulement dans les discours.