3. La philosophie, au contraire, ne considère pas la détermination inessentielle, mais la détermination en tant qu’elle est essentielle [contrairement au point de vue théorique qui quantifie le réel d’un point de vue exclusif, la philosophie doit restituer tous les points de vue de la chose elle-même, son contenu, son essence] ce n’est pas l’abstrait, ou ce qui est privé de réalité effective qui est son élément ou son contenu, mais c’est l’effectivement réel, ce qui se pose soi-même, ce qui vit en soi-même, l’être-là qui est dans son concept. [La philosophie ne se contente pas d’une simple représentation immobile du réel mais doit rendre compte de l’apparition de ce réel, du processus qui amène le phénomène à se manifester pour "l’Esprit" qui se pose face au phénomène et comme négativité, comme projet qui change l’avenir, se conserve dans son changement, dans la continuité de sa vie ce qui donne une place, une situation temporelle, un être-là au sujet dont le développement temporel, historique est son concept] L’élément de la philosophie est le processus qui engendre et parcourt ses moments, et c’est ce mouvement dans sa totalité qui constitue le positif et la vérité de ce positif. [Ce n’est pas seulement l’état actuel de la science qui rend compte de l’effectivité de l’Esprit et de la vérité mais tout autant les détours qui l’ont rendue possible, les "erreurs" qu’il a fallu réfuter, c’est-à-dire le fonctionnement réel de l’Esprit, tel qu’il s’est incarné historiquement ] Cette vérité inclut donc aussi bien le négatif en soi-même, ce qui serait nommé le faux si on pouvait le considérer comme ce dont on doit faire abstraction [on ne peut pas faire comme si on n’était pas passé par "l’erreur", la négation qui a orienté décisivement la recherche et avait sa propre nécessité face à l’état antérieur de la science] Ce qui est en voie de disparition doit plutôt être lui-même considéré comme essentiel; [c’est l’appel à la sauvegarde des espèces menacées! Plus sérieusement c’est l’affirmation que ce qu’on rejette et la manière dont on le rejette est une action révélatrice au-delà de ce que peut en savoir le sujet, par sa disparition même] il ne doit pas être considéré dans la détermination d’une chose rigide qui coupée du vrai, doit être abandonnée on ne sait où en dehors du vrai; [rien ne se perd, ce qui est arrivé est arrivé, on ne peut faire que ça n’ait pas été, on ne peut faire du faux un pur hasard objectif autant que malheureux pouvant être écarté de la manifestation du vrai alors qu’il en est un moment nécessaire et explicable] et le vrai, à son tour, ne doit pas être considéré comme un positif mort gisant de l’autre côté. [Rien n’est jamais acquis, la vérité est toujours processus, la taupe n’en finit pas de creuser, la vérité n’est pas simplement la découverte objective de ce qui était là depuis toujours, il n’y a pas de chose-en-soi mais la dialectique historique d’une négativité qui amène la vérité au discours par sa contradiction] La Manifestation est le mouvement de naître et de périr, mouvement qui lui-même ne naît ni ne périt, mais qui est en soi, et constitue la réalité effective et le mouvement de la vie de la vérité. [Ce qui se manifeste et dont la vérité doit répondre, c’est le changement, le mouvement et, pour la vie, les générations où la vie naît et meurt mais ne s’arrête jamais de mourir ni de naître. Comme la vérité de la vie est celle de la suite infinie des naissances et des morts, il peut y avoir un savoir absolu, éternel, malgré la finitude de la vie humaine. Ce savoir absolu est celui de la nécessité de cette négation infinie qui maintient le discours en mouvement, en vie, manifestation dont la vérité doit rendre compte au fur et à mesure, trouvant dans cette négativité l’essence même de son effectivité] Le vrai est ainsi le délire bachique dont il n’y a aucun membre qui ne soit ivre; et puisque ce délire résout en lui immédiatement chaque moment qui tend à se séparer du tout, - ce délire est aussi bien le repos translucide et simple. [D’être historique fait du vrai un moment qui dépassé ensuite paraîtra un délire pour les contemporains et c’est aussi ce qui en fait l’enjeu où chacun s’enthousiasme dans sa rupture avec le passé pour sacrifier à l’esprit du temps chargé d’unifier le peuple désormais avec sa nouvelle histoire, reconstituant la totalité rompue. Dans ce mouvement, le repos est compris comme simple moment et forme de mouvement] Dans la justice de ce mouvement ne subsistent ni les figures singulières de l’esprit, ni les pensées déterminées; mais de même qu’elles sont des moments négatifs et en voie de disparaître, elles sont aussi des moments positifs et nécessaires. [Dire que le faux ne doit pas être refoulé par le vrai, ou que ce qui disparaît est encore essentiel ne veut pas dire que tout se conserve dans la vie de l’Esprit. L’histoire ne retient pas les circonstances singulières, ni les mobiles particuliers mais simplement l’effectivité historique, sa signification universelle. Il faut bien pourtant que cette signification universelle passe par l’action historique singulière, soit incarnée dans un corps et une situation sociale donnée qui ne sont pas sans influencer la signification universelle bien que voués à l’oubli ] - Dans le tout du mouvement, considéré comme en repos, [L’ensemble du mouvement, des générations prises comme cycle ou de l’histoire comprise comme désir de reconnaissance et négativité (désir de désir) peuvent être l’objet d’un savoir absolu éternel, considéré comme un repos où la négativité déjà intégrée n’a plus de prise et donc pour qui l’événement singulier n’a aucune signification] ce qui vient à se distinguer en lui, et à se donner un être-là particulier, est préservé comme quelque chose qui a une réminiscence de soi, comme quelque chose dont l’être-là est le savoir de soi-même, tandis que ce savoir de soi-même est non moins immédiatement être-là. [Ce savoir absolu confronté au mouvement réel, à la négativité agissante dont il a déjà le concept, ne peut échapper pourtant à ce qu’il laisse amener à la manifestation, à ce qui se particularise, à ce qui arrive et dont il doit rendre compte malgré tout, y répondre activement, dans l’actualité où s’incarne le concept dans son historicité, son être-là où il se révèle à lui-même comme savoir de soi-même, ce savoir lui-même étant irrémédiablement historique et donc daté]
Hegel met ensuite en cause la méthode mathématique en philosophie, méthode de Spinoza par exemple, dont la déduction dogmatique objective le monde et empêche toute nouveauté, toute histoire. Il met sur le même plan le discours courant, utilitaire, qui réduit le discours à sa signification immédiate, à l’évidence de l’objet qui exclut le sujet du libre arbitre qui constitue pourtant cet objet dans son intentionnalité. Le thème principal de la Préface est, toujours, cette réintroduction du sujet dans l’objectivation du monde, l’affirmation que la vérité est sujet, c’est-à-dire processus historique, dialectique et temporelle, et non pas simple découverte d’une certitude éternelle. C’est la résolution des antinomies de Kant qui avait montré qu’il y avait contradiction entre la pensée théorique réflexive (constituant l’objet spatio-temporel déterminé) et la pensée pratique constituant la liberté du sujet, contradiction qu’il n’a pu résoudre que par le mythe de la chose-en-soi et que Hegel élimine au profit de la dialectique du sujet et de l’objet.
Quand la Triplicité, chez Kant, était encore morte, privée du concept et retrouvée par instinct,[ La triplicité se retrouve à de nombreuses reprises chez Kant, principalement dans la Table des catégories, mais aussi dans les trois critiques ou dans la dialectique du dogmatisme, du scepticisme et du criticisme mais elle n’est pas théorisée comme telle, restant inconsciente] eut été élevée à sa signification absolue, la forme authentique y étant exposée dans son contenu authentique, le concept de la science surgit [Les successeurs de Kant, principalement Fichte et Schelling, en voulant dépasser le concept de chose-en-soi et en intégrant la finalité, ont approché le concept de la science dont Hegel est le seul représentant authentique, ayant donné toute sa portée à la dialectique du sujet et de l’objet où se constitue le dévoilement effectif du contenu historique, la temporalité de la science ] ; mais on ne peut encore attribuer une valeur scientifique à l’usage actuel d’une telle forme, usage d’après lequel nous la voyons réduite à un schéma sans vie, à une ombre à proprement parler, comme nous voyons l’organisation scientifique réduite à un tableau.[Schelling a bien posé la triplicité comme division du sujet et de l’objet et totalité, lien du sujet et de l’objet. Il introduit l’histoire mais d’un point de vue extérieur, éternel, ce qui l’amène à une pensée mythologisante, trouvant effectivement dans la plupart des mythologies la même structure ternaire mais réduite à un schéma pouvant servir à classer tous les phénomènes selon des oppositions figées (Nord/Sud, Mâle/Femelle etc.) qui délaissent le contenu effectif dans une nuit où toutes les vaches sont noires, ne constituant aucun savoir réel par ce formalisme des correspondances de la philosophie de la nature, comparable au formalisme mathématique] ...
A la science il est permis de s’organiser seulement par la vie propre du concept; la déterminabilité tirée du schéma et appliquée de l’extérieur à l’être-là est dans la science au contraire, l’âme se mouvant elle-même, du contenu plein [La science philosophique doit suivre le processus effectif, historique réel et non pas plaquer un schématisme extérieur et réducteur sur l’objet, elle doit partir de la totalité sujet-objet comme mouvement de l’âme qui s’aliène dans l’objet et se retrouve elle-même ]. D’une part, le mouvement de l’étant consiste à devenir à soi-même un autre en se faisant contenu immanent de soi-même; d’autre part, l’étant reprend en soi-même ce déploiement ou cet être-là sien, c’est-à-dire qu’il fait de soi-même un moment et, en se simplifiant, se réduit à la déterminabilité. [l’étant ce ne peut être d’abord, a priori, que l’esprit, la négativité pure sans contenu qui se tourne vers un réel extérieur qu’elle n’est pas. Dans ce réel extérieur de la perception et de la conscience, de son ex-sistence infinie, elle trouve sa propre image, sa finitude déterminée et son être figé en objet, contenu immanent de soi-même qui devient contenu de la conscience d’abord comme extériorité, comme autre, puis, s’identifiant comme conscience de soi se réduit au moment passé et, en ignorant sa temporalité, son historicité, sa négativité infinie, il se simplifie en se réduisant à ses déterminabilités actuelles dont il a pris conscience ] Dans le premier mouvement, la négativité est l’opération de distinguer et de poser l’être-là ; [l’opération de l’esprit comme négativité est d’abord de se séparer comme conscience du monde perçu (comme Sartre l’a bien montré), pur néant, ouverture à l’être prête à se remplir du réel, de l’extériorité posée comme autre] dans le retour en soi-même, la négativité est le devenir de la simplicité déterminée [c’est encore la pure négativité de l’esprit qui par la négation de l’extériorité posée d’abord se réapproprie sa perception de soi et s’y identifie, prend la responsabilité de sa situation déterminée, de sa finitude actuelle] De cette façon, le contenu montre que sa déterminabilité n’est pas reçue d’un autre et n’est pas apposée sur lui ; mais il se la donne à soi-même et se range de soi-même à un moment et à une place du tout [s’il y a bien conscience de soi, ce n’est pas sous une contrainte étrangère mais par le mouvement de la pure négativité qui se donne à elle-même son propre être en s’identifiant à l’un de ses moments et non pas encore à la totalité de son déploiement] L’entendement usant de tableaux garde pour soi la nécessité et le concept du contenu, ce qui constitue le concret, la réalité effective et le moment vivant de la chose qu’il range ; etc...c’est-à-dire qu’en fait il ne le voit pas [Les dogmatismes mathématiques et schématiques ne font qu’indiquer un contenu qu’ils écrasent sous des idéalités générales et indifférentes au contenu réel et différencié] Par contre, la connaissance scientifique exige qu’on s’abandonne à la vie de l’objet ou, ce qui signifie la même chose, qu’on ait présente et qu’on exprime la nécessité intérieure de cet objet [Hegel revient sur l’opposition de la connaissance théorique et de la philosophie. Cette dernière, comme connaissance scientifique, doit rendre compte à la fois de la différence spécifique, de la singularité de l’objet, mais aussi de son évolution historique, de son développement vital, de sa nécessité qui travaille le discours, de son concept] S’absorbant ainsi profondément dans son objet, elle oublie cette vue d’ensemble superficielle qui est seulement la réflexion du savoir en soi-même hors du contenu [cette nécessité même de rendre compte de la singularité concrète dans sa spécificité exige un total oubli de soi dans l’identification totale à toutes les déterminations de l’objet, oubli des illusions de savoirs abstraits et vides de tout contenu réel, pour qui le réel n’est que prétexte à renforcer le bien fondé du savoir indifférent à tout contenu concrèt, auto-contemplation du savoir] Mais enfoncée dans la matière, procédant selon le mouvement propre de cette matière, cette connaissance scientifique finit par retourner en soi-même ; pas avant cependant que le remplissement ou le contenu en se retirant lui-même en soi-même et en se simplifiant dans la déterminabilité, ne se soit abaissé lui-même au côté d’un être-là et ne soit passé dans sa vérité supérieure. Alors, le tout simple, s’omettant soi-même au cours du mouvement, réémerge de cette richesse au sein de laquelle sa réflexion semblait perdue. [C’est le troisième temps de la dialectique trinitaire. Après la pure liberté du sujet de la conscience, puis la finitude des déterminations du pur objet, la négativité opérant à nouveau, négation de la négation, niant le contenu déterminé de sa conscience de soi retrouve son ouverture première à l’extériorité, sa négation de toute détermination comme liberté infinie du sujet qui semblait perdue dans sa réflexion dans l’objet et dans sa propre image. On ne revient pas cependant à la première étape car la conscience de l’objectivation de soi et du retour à soi garde conscience du mouvement, de l’aliénation dans l’Autre, comme totalité de ces différents moments ; histoire que l’identification à l’objet immobile refoulait dans le cours du mouvement, le mouvement n’étant réellement conçu qu’une fois achevé !]
En général, puisque la substance, comme on l’a exprimé ci-dessus, est en elle-même sujet, tout contenu est aussi la réflexion de soi-même en soi-même.[Comme on l’a vu, la réalité n’est pas une donnée éternelle mais est constituée par l’intentionnalité d’un sujet, sa visée pratique et le retour sur le sujet de son objectivation, ce qui aboutit donc à une réflexion du sujet en soi-même par la médiation de l’objet] La subsistance ou la substance d’un être-là est son égalité avec soi-même, car son inégalité avec soi-même serait sa dissolution. Mais l’égalité avec soi-même est la pure abstraction, et cette abstraction est la pensée. [Pour qu’il y ait conscience, être-là, il faut l’unité d’un soi, l’égalité avec soi-même comme préalable, la dissolution de cette égalité est la mort, en tout cas la rupture de la conscience. L’identité du je est une identité vide, pure abstraction comme égalité je=je qui est pourtant à la base de toute pensée comme sa condition préalable] Si je dis "qualité", je dis la déterminabilité simple ; au moyen de la qualité un être(-là) est distinct d’un autre, ou est justement un être-là, il est pour soi-même ou il subsiste moyennant cette simplicité à l’égard de soi-même. Mais ainsi il est essentiellement la pensée. [Ce qui fait l’essence de tout être, son contenu est sa qualité qui s’identifie à sa déterminabilite et le distingue d’un autre (toute définition est une négation). Pour l’être-là par contre "l’existence précède l’essence" et son être ne tient plus à ses déterminations extérieures mais à sa réflexion en soi-même (je=je). Cette pure abstraction de la pensée est son être même qui lui donne subsistance "pour-soi".] - C’est ici qu’on conçoit que l’être est pensée, ici se trouve à sa place cette façon de voir qui tente d’éviter les discours habituels privés de concept au sujet de l’identité de la pensée et de l’être. - [allusion à l’idéalisme, depuis Parménide, où l’identité de l’être et de la pensée a un tout autre sens que l’être subsistant pour-soi de la conscience de soi] Du fait maintenant que la subsistance de l’être-là est l’égalité avec soi-même ou la pure abstraction, elle est l’abstraction de soi de soi-même, ou elle est elle-même son inégalité avec soi et sa dissolution - sa propre intériorité et son mouvement de se retirer en soi-même - son devenir. [ Mais la pure égalité avec soi ignorant les déterminations réelles n’est qu’une abstraction de soi et ne pouvant plus prétendre à la véritable égalité avec soi-même est en même temps la dissolution de cette égalité. Le mouvement de se retirer en soi-même en tant que mouvement change le soi et, comme devenir, est l’égalité de l’inégalité] Étant donnée cette nature de l’étant, et en tant que l’étant a cette nature pour le savoir, ce savoir n’est plus l’activité qui manipule le contenu comme une chose étrangère, ni la réflexion en soi-même en dehors du contenu; la science n’est pas cet idéalisme qui, à la place du dogmatisme de l’assertion, prendrait la forme du dogmatisme de l’assurance ou du dogmatisme de la certitude de soi-même. - Mais le savoir voit le contenu retourner dans sa propre intériorité ; et l’activité du savoir est plutôt immergée dans ce contenu car elle est le soi immanent du contenu; et elle est en même temps retournée en soi-même, car elle est la pure égalité avec soi-même dans l’être-autre. [Le savoir n’est donc pas un dogmatisme immobile et extérieur au contenu, ni la simple égalité du Moi, ni catégories transcendantes, ni savoir immédiat de l’intuition mais mouvement dialectique où le savoir est absorbé par son objet, dans l’oubli de soi, mais dans cet être-autre il maintient la continuité du sujet, son égalité dans l’inégalité des contenus et retourne en soi ] Ainsi cette activité du savoir est la ruse qui, paraissant se retenir d’agir, voit comment la vie concrète de la déterminabilité, en cela même qu’elle croit s’occuper de sa conservation de soi et de son intérêt particulier, fait en vérité l’inverse, est elle-même l’opération de se dissoudre et de se faire un moment du tout. [La ruse est celle de la négativité qui est la vérité de l’égalité je=je puisque cette égalité contient en elle-même la différenciation des deux termes de l’égalité qui est donc, en même temps, inégalité et, par celle-ci devenir. Sans avoir besoin d’agir consciemment et dans la préoccupation la plus égoïste de conservation de soi l’être-là engage le mouvement dialectique de la négativité où le soi comme devenir, changement, temporalité, s’inscrit dans le mouvement total de l’Esprit qui transforme les déterminations elles-mêmes. Tout savoir relance la question de l’identité de celui qui en fait l’acquisition]
On a indiqué plus haut la signification de l’entendement du côté de la conscience de soi de la substance ; d’après ce qu’on vient de dire, sa signification, selon la détermination de la substance même, comme substance dans l’élément de l’être, doit être maintenant claire.[l’entendement comme perception du qualitatif s’applique aussi à la conscience de soi bien que son inégalité essentielle, sa négativité dépasse cette déterminabilité et devient sa véritable substance comme devenir] - L’être-là est qualité, déterminabilité égale à soi-même, ou simplicité déterminée, pensée déterminée. Ceci est l’entendement de l’être-là. [L’être-là a une qualité, une déterminabilité, un contenu dont il peut avoir conscience comme pensée] Ainsi il est le Nous, et c’est comme tel qu’Anaxagore reconnut d’abord l’essence. Ceux qui vinrent après lui conçurent d’une façon plus déterminée la nature de l’être-là, comme Eidos ou Idéa, c’est-à-dire comme universalité déterminée, comme espèce. [La Pensée ou le Sens d’Anaxagore dépasse Parménide et Héraclite en déterminant le Nous comme ordre un et changeant, matérialité distincte du phénomène, comme cause et conscience (forme), mais temporelle comme lui. Platon, avec les idées donnera au Concept la forme d’une universalité déterminée dont l’espèce animale est le modèle] ... C’est justement parce que l’être-là est déterminé comme espèce qu’il est pensée simple; le "Nous", la simplicité de la substance. En vertu de cette simplicité ou de cette égalité avec soi-même, la substance se manifeste comme solide et permanente. Mais cette égalité avec soi-même est aussi bien négativité, et c’est pourquoi cet être-là solide passe dans sa propre dissolution. [La conscience de soi de l’être-là se saisit, de façon abstraite, en tant que détermination isolée, simplifiée, idéale aussi bien que simple matérialité de la substance. Cette abstraction permet de découper dans l’infinie richesse du concret et le mouvement temporel une espèce stable et permanente. Cette aliénation dans la pure égalité du concept contient pourtant sa propre négation comme inégalité du sujet conscient et de son objet] La déterminabilité paraît d’abord être telle seulement parce qu’elle se rapporte à quelque chose d’autre, et son mouvement paraît lui être imprimé par une puissance étrangère, mais justement dans cette simplicité de la pensée même est impliquée que la déterminabilité a son être-autre en elle-même et qu’elle est auto-mouvement ; [L’Idée ou l’Espèce semblent imposer son être à l’objet parce qu’il est appliqué de l’extérieur par la conscience mais, justement, cette simplification, cette abstraction imposée à l’objet contient la nécessité d’un être séparé de l’objet que l’abstraction ne saisit pas mais qui lui imprime son mouvement de l’intérieur] en effet, cette simplicité de la pensée est la pensée se mouvant et se différenciant elle-même, elle est la propre intériorité, le concept pur. Ainsi, l’entendement est un devenir, et en tant que ce devenir il est la rationalité. [La pensée ne peut procéder que par abstractions simplificatrices, négatrices, mais, rencontrant la substance de l’objet, se nie à nouveau, se différencie et construit temporellement son concept, comme unité du sujet et de l’objet qui n’est pas une donnée immédiate mais une construction, un devenir, ce devenir lui-même constituant la rationalité, la logique de la connaissance]
La nature de ce qui est consiste à être dans son propre être son propre concept. C’est en cela que se trouve, en général, la nécessité logique : elle seule est le rationnel et le rythme de la totalité organique; elle est savoir du contenu au même titre que ce contenu est concept et essence, en d’autres termes elle seule est l’élément spéculatif. [Il n’y a pas d’être en soi, hors d’une intentionnalité, d’un sujet connaissant, intéressé, amenant l’objet ou le phénomène à l’être et réagissant sur le sujet connaissant dans une dialectique temporelle où se déploie son concept selon une nécessité logique, historique constituant le véritable rationnel participant à la totalité de la vie de l’Esprit ; c’est le processus lui-même qui est le contenu et l’élément de l’Esprit] - La formation concrète se mouvant soi-même fait de soi une déterminabilité simple ; ainsi, elle s’élève à la forme logique et est dans son essentialité. Son être-là concret est seulement ce mouvement ; il est immédiatement être-là logique. [Le mouvement dialectique, identifié finalement au soi, réduit celui-ci à une détermination simple, celle du devenir. Ainsi la conscience de soi devient adéquate, coïncidence de la logique et de l’être, l’être-là étant réduit à sa négativité, à son mouvement et à sa logique dialectique] Il est donc inutile d’appliquer de l’extérieur le formalisme au contenu concret ; le contenu est en lui-même un passage dans le formalisme; mais alors ce formalisme cesse d’être extérieur, car la forme est elle-même le devenir intrinsèque du contenu concret. [L’inadéquation première de l’abstraction d’une déterminabilité comme conscience de soi disparaît dans l’abstraction adéquate de l’être-là comme devenir dialectique, abolissant la distinction du sujet et de l’objet au profit du processus d’objectivation et de différenciation du sujet dont le formalisme est le moteur, non plus extérieur mais principe du devenir, de son dépassement, où se constitue le contenu concret actuel. Ce qui ne s’appliquait pas de façon adéquate au sujet ou à l’objet, rend compte de façon adéquate de la dialectique du sujet et de l’objet, de leur totalité, comme unique contenu]
Hegel précise bien pour terminer ce chapitre que cette présentation ne vaut pas démonstration, la Phénoménologie constituant cette démonstration elle-même comme déploiement du concept dans l’histoire. Il ne s’agit pas ici d’opinion qu’on pourrait rejeter librement mais d’une réalité historique vérifiable et à laquelle il faut se rendre. L’attitude extrémiste ultra-révolutionnaire de l’approbation bruyante est encore un évitement de cette négativité active. La résistance au savoir est désignée comme amour-propre, non par effet de rhétorique visant à la conviction, mais par anticipation du résultat de la Phénoménologie instituant le désir de reconnaissance comme moteur de l’histoire.
Car la conscience est d'un côté conscience de l'objet, de l'autre conscience de soi-même...Ce mouvement dialectique que la conscience exerce en elle-même, en son savoir aussi bien qu'en son objet, dans la mesure où le nouvel objet vrai en jaillit pour elle, est proprement ce qu'on nomme expérience.
Les choses se présentent donc ainsi : quand ce qui paraissait d'abord comme l'objet décline dans la conscience en un savoir de celui-ci, et quand l'en-soi devient un être-pour-la-conscience de l'en-soi, c'est là alors le nouvel objet, ce par quoi une nouvelle figure de la conscience surgit.
Par cette nécessité, ce chemin vers la science est déjà lui-même science, et, par là, selon le contenu de celle-ci, science de l'expérience de la conscience... Elle atteindra ainsi le point où l'apparition devient égale à l'essence, où, en conséquence, la présentation proprement dite coïncide avec la science de l'esprit.