1. Le premier concept de la physique, c'est celui d'
énergie.
L'énergie c'est ce qui se conserve (premier principe de la
thermodynamique). C'est donc une constante numérique. La
quantité d'énergie de l'univers est immuable par principe
(si c'est un système fermé
qui ne rayonne pas). C'est à ce niveau uniquement que "rien ne
se
perd, rien ne se crée", ce qui est la condition de la
mathématisation du réel, de l'égalité des
équations (égalité de l'action et de la
réaction). L'énergie c'est la substance du monde, son
unité physique comme son unité
de calcul. Du coup, il est impossible de définir
l'énergie
sinon de dire que c'est ce qui se transforme en matière,
chaleur,
vitesse, rayonnement selon la formule bien connue E=mC
2 (de même un accident
de voiture produit un choc E proportionnel à la masse du véhicule
par sa vitesse au carré). Comme substance, l'énergie a toujours
une localisation, une forme mais il est remarquable de définir la
matière et donc toute existence par un principe actif dans sa résistance,
son inertie même ("
le rayonnement transfère de l'inertie entre
les corps qui émettent et les corps qui absorbent" Einstein, 1905).
[Serait-ce
un effet entropique d'égalisation des vitesses et de diffusion
de l'énergie ? Il
me semble malgré tout aujourd'hui qu'on peut definir 3 modes
d'énergie élémentaire : vibration locale
(fréquence, masse),
vitesse relative (collision, inertie) et tension entre 2 pôles
(charge,
brisure de symétrie), ce qui pourrait être relié
aux 3 dimensions de l'espace ou bien une dialectique position /
relation / opposition. On pourrait ajouter l'énergie de liaison
mais c'est une énergie négative. Le problème que
pose le concept d'énergie, c'est la conversion d'une forme
d'énergie dans une autre et de sa réversibilité,
ce qu'on appelle la flêche du temps, mais plus encore le rapport
entre cette énergie des particules et l'énergie
statistique de la thermodynamique].
Cette énergie n'est pas continue mais "quantifiée" en fonction de sa fréquence : E=
hf où
h
est la constante de Planck et f la fréquence de la particule. De Broglie
rapprochera les deux formules associant matière et onde (m=
hf/c
2, ce qui laissait
espérer dès l'origine la fusion de la relativité et
de la
théorie quantique). Dans ce cadre la matière se caractérise par une longueur d'onde trop courte pour se transmettre (voir
les atomes ultra-froids).
Les effets de seuil produits par
les sauts quantiques, effets de particule pour le photon par exemple,
sonnent la fin d'une physique
du continu et donc d'un déterminisme absolu. Toute
réalité physique est soumise aux perturbations
des transitions de phase, aux fluctuations quantiques introduisant
l'indétermination
chaotique au plus bas niveau. Il y a création et annihilation
perpétuelle
de particules et d'antiparticules éphémères mais
il n'y a jamais de véritable création
d'énergie. C'est une contrainte formelle. Par contre le niveau
total d'énergie est indifférent, étalon purement
arbitraire, constante indiscernable que rien ne peut mesurer. Seules
les variations, les transformations de l'énergie sont
accessibles à la mesure (déjà pour
Galilée), sauf dans le cadre de la relativité
générale où la quantité d'énergie
définit la métrique de l'espace-temps.
Si l'énergie est ce qui se conserve toujours, le second principe de
la thermodynamique dit bien qu'il y a inévitablement de la perte malgré tout,
de l'entropie, de l'irréversibilité mais seulement au
niveau de l'organisation. Le temps est ce qui limite la durée de la
matière, de son inertie, de ses interactions, pas de l'énergie elle-même. La
durée concerne une différenciation interne (information) ainsi
que son évolution vers le désordre, la désintégration
et l'homogénéisation mais cette différenciation est
aussi un effet de l'entropie, du refroidissement provoquant des brisures
de symétrie (voir plus loin). Cette dimension temporelle est supposée aussi
par le principe de conservation de l'énergie qui ne se conçoit
pas en l'absence d'une transformation, d'un changement mais l'entropie n'est
pas un concept aussi fondamental que la conservation de l'énergie car pour qu'il y ait
entropie il faut qu'il y ait eu création de matière et d'ordre
préalable. Pas de mort sans vie, mystère de la création
du monde.
2. Le second concept fondamental de la physique est celui d'
invariance des lois physiques,
d'homogénéité de l'univers. C'est encore une fois une
condition de la physique, de l'universalité de ses lois dont la relativité
restreinte est l'expression (
toutes les lois de la nature doivent satisfaire à la condition
d'être covariantes relativement aux transformations de Lorentz). Cela veut dire que les lois de la physique sont les mêmes partout,
proportionnelles à l'énergie quelque soit le système d'inertie, nos vitesses relatives, notre position
d'observateur, le problème ici étant que la vitesse de la lumière
est la même pour tout le monde quelque soient nos vitesses respectives...
Il a fallu pour cela que la
relativité unifie l'espace et
le temps. On connaît la déroutante conséquence de cette
géométrisation de la durée impliquant qu'un objet immobile
se déplace dans le temps (pas dans l'espace) à la vitesse de
la lumière (et un tout petit peu moins vite s'il bouge).
"
Tous les objets de l'Univers se déplacent dans l'espace-temps toujours
à la même vitesse, celle de la lumière [...] La vitesse spatiale d'un objet
ne représente donc que la manière dont son trajet dans le temps est dévié"
70. "
La lumière ne vieillit pas [..] A la vitesse de la lumière, le temps cesse de s'écouler", c'est pourquoi sa vitesse est la même pour tous (mais il ne peut
plus y avoir de masse à désintégrer à cette vitesse).
Plus on va vite plus l'espace rétrécit et moins le temps passe, mais comme toute masse en mouvement
irradie, sa durée elle-même doit se rétrécir. Dans
ce cadre la matière c'est l'inertie, ce qui freine la propagation de
l'énergie et donc ce qui donne consistance à une durée
qui étire les distances de l'espace. Inertie et durée se confondent,
le temps c'est de la vitesse gelée plus que la vitesse n'est un temps
dévié, me semble-t-il, même si les deux formules sont
équivalentes.
Cette conception relativiste du temps résulte de la nécessité
de maintenir l'universalité des lois de la physique. Ce qu'on appelle
les "théories de jauge" procèdent de la même exigence
formelle de maintenir l'invariance des lois de la physique quelque soit la "
jauge" : le niveau d'énergie, le déplacement, l'angle, l'échelle, etc. On peut
donc dire que c'est une généralisation de la relativité
bien qu'on l'ait utilisé d'abord pour unifier les forces électromagnétiques
avec les forces nucléaires fortes et faibles. Le développement
des théories de jauge par Donaldson est une des bases de la théorie
des cordes (bien que Greene ne le cite pas).
3. Le troisième concept est tout aussi important, c'est celui de
symétrie
qui se confond désormais avec celui de force. Le plus
évident c'est la symétrie entre les pôles
électriques positifs et négatifs mais c'est un
phénomène général qui oppose matière
et anti-matière, électron et positon, etc (énergie
positive et négative?). Elle s'exprime en fait
paradoxalement par une certaine "brisure de symétrie",
comparable
à la cristallisation ou l'aimantation, et la force qui en
résulte, attraction ou répulsion. Contrepartie de la
conservation de l'énergie, ce qui se gagne d'un
côté doit se perdre de l'autre. S'il y
a création de particule, il y a création
d'anti-particule,
s'il y a charge négative, il y a charge positive car ce sont les
deux
faces d'un même phénomène. En fait les
théories de jauge concernent les transformations continues alors
que les symétries concernent les renversements discontinus (CPT,
Charge + ou -, Parité entre droite et gauche, Temps entre avant
et après). La symétrie va très loin et sert
actuellement de concept régulateur dans les
développements
théoriques. C'est sans doute l'inspiration principale de la
théorie
des cordes au-delà de la "supersymétrie" associant
fermions
(quarks, spin 1/2, impairs) et bosons (photons, spin 1, pairs). C'est
aussi
ce qui guide la recherche concurrente sur la "symétrie
cachée" du boson de Higgs. Les particules deviennent des
phénomènes
dynamiques résultant d'une symétrie brisée.
"
Nous avons compris que les forces ne sont
pas des ingrédients qu'il faut introduire de façon arbitraire
dans nos théories, aux côtés des particules qui y sont
soumises. Au contraire, nous comprenons aujourd'hui qu'elles résultent
des propriétés de symétrie auxquelles obéissent
ces particules. "Pour la Science no 300, octobre 2002
La symétrie et la conservation de l'énergie expliquent la
stabilité
de la matière, ce qui empêche sa désintégration
alors qu'elle est fondée sur des fluctuations quantiques produisant
sans arrêt quarks et anti-quarks. Les contraintes de la symétrie
garantissent la durabilité des choses et la conservation des lois
physiques, d'une causalité rigide construite pourtant sur une indétermination
fondamentale et une brisure de symétrie. En effet, une liaison n'est
stable que si sa masse totale est inférieure à la masse de
ses composants, la différence perdue constituant l'énergie
de liaison. Pour désintégrer la liaison, il faut donc un apport
extérieur d'énergie, c'est cette contrainte de symétrie
qui s'oppose à l'entropie et rend la matière durable mais,
dans ce cadre, on peut dire que tout ce qui existe est dû à un
défaut de symétrie (le caractère impair des fermions,
l'absence d'anti-matière, etc.), paradoxe inverse de l'entropie supposant
un ordre préalable ! Le troisième principe est bien celui d'une
symétrie brisée et structurante (la vie elle-même se
caractérise par l'introduction de la dissymétrie entre molécules
dextrogyre et lévogyre).
Les découvertes en physique au cours des dernières
décennies nous ont conduits à accorder une grande importance
au concept de symétrie brisée. L'évolution de l'univers
depuis sa naissance est envisagée comme une succession de brisures
de symétries. Lorsqu'il surgit du Big Bang, l'univers est symétrique
et sans structure. Au fur et à mesure qu'il refroidit, il brise une
symétrie après l'autre, et autorise ainsi l'apparition d'une
structure de plus en plus différenciée. Le phénomène
de la vie lui-même prend naturellement sa place dans ce tableau. La
vie aussi est une brisure de symétrie.
F. J. Dyson, Infinite in all Directions, Harper and Row, 1988
Il
faudrait ajouter le "principe de moindre action" (Maupertuis) ou
"principe d'économie naturelle" (Fermat, Leibniz) ou encore
"principe d'action extrémale", principe essentiel de la
causalité physique, relié à la conservation de
l'énergie et à la topologie de l'espace. On pourrait
discuter pour savoir s'il faudrait compter les notions de particule et
d'onde, d'interaction et de vitesse dans les
concepts fondateurs de la physique mais ils ne me semblent pas du
même
niveau que ceux de conservation, d'invariance et de symétrie qui
sont
les conditions formelles de la
mathématisation de la physique,
de son caractère universel et déterministe. L'exigence de symétrie
se traduit mathématiquement par l'utilisation de la théorie
des groupes et la géométrisation de la physique. La symétrie
correspond au processus physique alors que la conservation de l'énergie
permet de rendre compte de l'égalité (le réel n'oublie
rien) et l'invariance de l'universalité.
En bonne logique kantienne,
on a rencontré dès le début, l'espace et le
temps comme conditions de tout phénomène mais on ne peut les considérer ici comme de simples catégories
a priori
car il s'agit d'un espace et d'un temps qui ne sont plus intuitifs
(c'est le moins qu'on puisse dire) mais physiques, subissant les déformations
de la matière (et de la théorie). Le temps est devenu une
dimension couplée à l'espace, on parle d'espace-temps même
si on ne peut revenir au passé. Les physiciens font une erreur à
mon avis lorsqu'ils identifient complètement le temps physique à
la dimension temporelle ou l'espace physique à l'espace géométrique.
Si on dit que la gravité courbe un rayon lumineux, c'est qu'on trace
une ligne droite imaginaire. De même le caractère relativiste
du temps physique ne se confond pas complètement avec la notion
de temps, ce qui rend absurde les spéculations sur ce qui se passerait
avant la création du temps ! Le temps reste une dimension préalable
des fréquences, des ondes, de la vitesse, des fonctions algébriques,
d'une origine du monde. Le temps physique n'est qu'une déformation
du temps, comme l'espace physique n'est qu'une déformation géométrique.
La vitesse de la lumière rétrécit l'espace sans le
supprimer complètement puisqu'elle n'est pas infinie, c'est pareil
pour le temps dans son irréversibilité, la succession des événements
a lieu dans le temps qui ne peut se réduire à rien aussi relatif
soit-il. Il me semble d'ailleurs que le temps physique correspondant à
des rapports de durée (d'inertie) devrait être lui-même
quantifié, temps qui passe goutte à goutte plutôt que
pure continuité temporelle (relié à la vitesse de la
lumière qui n'est pas sous la forme c/t dans les formules de Maxwell
mais bien t/c comme intervalle de temps minimum).
Un autre ancien concept fondamental qui perd son caractère d'axiome abstrait, c'est celui du
vide, condition du mouvement, de la mécanique, du changement déjà
pour Démocrite. Le vide a souvent oscillé de sens entre éther
ou pur néant. Aujourd'hui, la notion de vide et d'espace ayant un
caractère physique sont plus proches de l'éther que du néant.
On parle désormais de vide quantique dont l'énergie pourrait
être considérable (ou presque nulle, ou négative) mais qui est simplement
en moyenne inerte (cette énergie invisible appelée quintessence
et qui constituerait les 2/3 de l'énergie totale aurait un effet répulsif,
anti-gravitationnel accélérant l'expansion de l'univers). Ce
n'est pas une notion purement géométrique, donc, mais qui reste
indispensable au mouvement : espace à parcourir ou support de transmission.
La vitesse de la lumière est maximum dans le vide, donc le vide a
un sens, mais elle se transmet selon les courbures de l'espace qui a bien
une étoffe physique, ce qui lui permet d'avoir une forme (qui semble
plate, éventuellement repliée). Il semble que ce soit la topologie
qui remplace la notion vague de vide par celle de dimensions, d'espaces de
mouvement ou de vibration, mais c'est une topologie qui n'est pas celle d'une
surface continue comme on le verra.
Il y a bien un autre concept fondamental de la physique qui n'est pas encore assez intégré, c'est celui d'information, inséparable du concept d'entropie, d'inertie, de singularité, d'improbabilité de l'existence
(principe anthropique). "Entropie, manque d'information, incertitude,
désordre, complexité, apparaissent donc comme des avatars d'un
seul et même concept. Sous l'une ou l'autre de ces formes, l'entropie
est associée à la notion de probabilité" (Roger Balian, Université de tous les savoirs). L'information suppose aussi la nouveauté, le
changement, des transformations qui impliquent à la fois le vide qui
permet le mouvement et le temps qui le mesure mais aussi de la matière, des formes, des
brisures de symétrie, ainsi que des représentations, des paradigmes,
des capacités cognitives... Les contraintes de l'information structurent
la physique comme toute autre activité théorique. "Ce qui limite la vérité, ce n'est pas le faux, c'est l'insignifiant" nous assure René Thom. Cela n'est pas sans conséquences pour la théorie quantique
notamment. Il ne faudrait pas glisser pour cela dans l'idéalisme
qui ne verrait dans la physique qu'une construction intellectuelle, une communication
réussie alors que sa puissance effective nous menace réellement.
Nous ne pouvons éviter d'en répondre, de lui donner sens, d'assumer
notre position dans un processus historique. On ne peut identifier un processus
comme l'entropie et un événement comme une information. Il semble
pourtant que ce concept d'information, tout comme la théorie du chaos,
soient complètement absents de la théorie des cordes que nous
allons examiner maintenant, c'est sûrement sa faiblesse de ne pas intégrer
ces nouvelles limitations conceptuelles.
Evaluation de la théorie des cordesLa présentation précédente vise à montrer
que la théorie des cordes puise aux mêmes exigences que la théorie
de la relativité et la mécanique quantique qu'elle
prolonge
puisqu'elle généralise l'indéterminisme quantique, l'invariance
(de jauge) et la (super)symétrie. Sur un certain nombre de points,
on ne reviendra plus en arrière, bien qu'on soit loin d'une théorie
achevée et satisfaisante.
Le plus intéressant, c'est que le saut cognitif et l'unification
de la physique vient de la reconnaissance d'une nouvelle limite, la "longueur
de Planck" (équivalent de
h la constante de Planck pour les
quanta d'énergie). Non seulement l'énergie est quantifiée
et ne peut prendre des valeurs continues, mais il y a aussi une longueur minimum
des quanta qui ne peuvent donc plus être assimilés à des
points. C'est de là que vient le concept des
cordes qui ne sont plus
des points abstraits mais des cordes vibrantes (ou des membranes). Du coup,
l'espace physique ne peut plus se diviser indéfiniment, il n'est
plus continu et cette longueur minimum permet d'éliminer les "probabilités
infinis" qui rendaient le modèle standard inutilisable en-deçà
d'une longueur de
10-33cm appelée longueur de Planck. De la même façon qu'en faisant
intervenir les quanta, Planck supprimait la conséquence absurde qu'un
four devrait être infiniment chaud si les fréquences étaient continues, de même en admettant que
l'espace n'est pas continu on rend impossible le sophisme d'Achille qui ne
peut rattraper la tortue. Il n'y a pas une infinité de points à parcourir entre
deux points mais un nombre fini de cordes entre deux cordes. Comme pour la
vitesse de la lumière ou les quanta, cette limite est à la
fois physique et expérimentale mais elle a de nombreuses conséquences
concrètes.
"
La théorie des cordes pose une limite à la précision
avec laquelle la gravitation peut concrétiser le formalisme géométrique
de Riemann, car elle pose une limite à la taille des objets"
257.
Ces limitations quantiques permettent d'éviter ainsi les
contradictions de la théorie du big bang en s'affranchissant de l'absurdité
d'une singularité réduite à un point où toutes les valeurs deviennent infinies, remplacée
ici par une "pelote de cordes" qui ne peut s'effondrer indéfiniment mais doit rebondir lorsqu'on atteint la longueur
de Planck incompressible.
De même qu'Einstein avait substitué un espace-temps physique déformé par la matière
à nos représentations géométriques, de même,
la théorie des cordes substitue à l'espace continu et lisse
un espace matériel, ayant des propriétés physiques
discontinues
au niveau quantique. Il n'est plus vraiment vide mais comporte un
tissu
physique comparable à l'éther, construit sur des cordes
vibrantes
tendues à l'extrême. Le caractère ondulatoire
universel de l'énergie trouve son explication dans la vibration
des cordes qui sont dotées d'une longueur minimale, alors qu'il
était inexplicable en l'absence supposée d'éther
comme support de transmission. C'est un argument fort en faveur de la
théorie des cordes. Cette limitation physique de la
divisibilité spatiale permettrait
aussi de construire une
théorie quantique de la gravitation et de l'unifier aux autres
forces d'interaction se transmettant à la vitesse de la
lumière.
L'unification de la gravitation et des forces
électromagnétiques avait déjà été
tentée en 1919 par Kaluza qui avait montré qu'il suffisait
pour cela d'ajouter aux trois dimensions spatiales de grande étendue
une petite
dimension circulaire, soit quatre dimensions spatiales
au total, dont une qu'on ne voit pas car elle est trop petite et repliée
sur elle-même. Cela
suffirait pour assimiler le magnétisme
à une déformation géométrique de cette
dimension supplémentaire, déformation comparable à
la gravitation dans la relativité générale.
Inutile de dire qu'il est impossible de se représenter un tel univers
! Il est très difficile de savoir ce que peut signifier une dimension
supplémentaire. Certains disent qu'on ne peut y avoir accès car notre longueur
d'onde est plus grande que la dimension repliée. Cette profondeur inconnue n'est peut-être
qu'une façon de géométriser la déformation de
l'espace résultant d'une accélération dans un champ
de force. Plus l'univers est physique, moins il est intuitif. Il est en tout
cas probable que notre espace habituel (euclidien) possède lui-même
des dimensions circulaires, enroulées mais à une distance
immense de milliards d'années lumières. Un vaisseau spatial
voyageant en ligne droite reviendrait ainsi à son point de départ
comme un bateau qui fait le tour de la Terre ; après un temps presque
infini bien sûr dans ce cas. Ce caractère "enroulé"
semble bien ce qu'implique la courbure de l'espace par la matière,
notamment on le verra pour les trous noirs.
Le plus grand intérêt de la théorie des cordes
c'est pourtant surtout de constituer une théorie unifiée des
particules identifiées aux modes vibratoires des cordes
et les topologies sous-jacentes qui expliqueraient masse, charge et spin. On n'en est pas encore tout-à-fait
là mais cette conception implique que les particules matérielles
sont des fluctuations, une sorte de "mousse" sur des cordes extrêmement
massives, énergétiques, tendues et enroulées autour
des petites dimensions. Comme on l'a vu précédemment, la quantité
totale d'énergie est indifférente (théorie de jauge)
et le caractère fluctuant ou marginal du niveau quantique est compatible
avec la stabilité des contraintes de symétrie au niveau macroscopique.
Au-delà de ces acquis, je dois dire que je suis, comme la plupart,
bien incapable de comprendre le détail des recherches actuelles. Je
ne suis pas tout-à-fait sûr que "
la théorie des cordes présente la propriété remarquable de prédire la gravité" comme le prétend Edward Witten, qui est le grand physicien de ce
domaine, sous prétexte qu'on peut en déduire des bosons de spin
2 et sans masse qui pourraient être les gravitons ! De même,
il semblerait que les
familles de particules élémentaires puissent être déduites de la topologie en jeu : "
Il existe une famille de vibrations de cordes de plus basse énergie
associée à chaque trou de la portion de l'espace que représente
la forme de Calabi-Yau"
241. Cela fait penser aux vibrations de trous de flûtes mélodieuses, mais ces formes de
Calabi-Yau sont sensées représenter 9 à 11 dimensions enroulées
les unes sur les autres, ce qui dépasse l'imagination !
"
Les masses des particules de chaque famille dépendent de la façon
dont les frontières des différents trous et la façon
dont l'espace de Calabi-Yau s'intersectent et se chevauchent [...] ayant
un impact direct sur les configurations vibratoires possibles".
Mon objectif n'est pas de prétendre à une compréhension prématurée
d'une théorie inachevée et d'une complexité décourageante
mais d'essayer de discerner ce qui restera acquis de ce qui reste spéculatif.
Ainsi on peut penser que les 9 dimensions supplémentaires enroulées,
impliquées par la théorie, représentent simplement
9 modes de vibration comme il peut y avoir 9 ou 10 catégories de travailleurs
(la dixième dimension, dite "constante de couplage", transforme les
cordes en membranes mais ne vibre pas). Des dimensions supplémentaires
correspondent en fait à des
matrices (des colonnes d'un tableur),
des propriétés comme la charge électrique, le spin ou
la masse. Il est possible que ce ne soit qu'une reformulation mathématique de ces propriétés
sans qu'on soit obligé d'en faire des dimensions spatiales vibratoires,
mais je n'ai aucune compétence pour le prétendre. En tout cas,
si on attend un progrès, c'est dans la simplification alors que la
tendance est encore à la complexification avec la théorie M
qui généralise les théories précédentes
et remplace les cordes par des membranes à plusieurs dimensions (jusqu'à
9-branes), augmentant le nombre de dimensions jusqu'à 11 (maximum,
c'est juré), y compris les 4 dimensions de notre espace-temps euclidien.
L'univers des trous noirs
Il reste beaucoup de points spéculatifs, pas toujours
nouveaux mais qui bénéficient de nouvelles hypothèses.
Pour certains les mécanismes d'inflation du big bang auraient créé
des bulles d'univers et nous serions dans un Multiunivers. D'autres spéculent sur un pré-big bang, problématique
puisqu'on ne sait pas ce qu'y sont l'espace et le temps. Le plus intéressant,
à mon point de vue, c'est de considérer les trous noirs comme
des particules quand ils sont minuscules ou alors des univers entiers quand
ils sont étendus, univers enroulés sur eux-mêmes. Chaque trou noir donnerait naissance ainsi à un
autre univers (en rebondissant sans sortir du trou noir!). C'est ce que
certains appellent des "fontaines blanches", origine d'un nouveau Big
bang. Dans ce dernier cas, on peut imaginer une "sélection
naturelle" des univers (trous noirs) viables...
Encore plus amusant, l'hypothèse d'un "principe holographique" (Susskind et 't Hooft):
De même qu'un hologramme peut reproduire une
image tridimensionnelle à partir d'un film bidimensionnel spécial,
tous les événements physiques que nous rencontrons pourraient
n'être correctement encodés que par des équations définies
dans un monde de plus basse dimension. 446
C'est une hypothèse plus rassurante que la multiplication des dimensions
mais pas plus compréhensible pour autant. Cela voudrait dire que toute
l'information d'un univers est à sa surface, comme un trou noir se
définit uniquement par sa surface. Rien n'existe que l'ombre dans
la caverne de Platon. Tout cela est assez excitant bien qu'apparemment contradictoire,
obscurcissant plutôt ce que la théorie des cordes peut amener
de progrès définitif (la longueur de Planck). Ce principe holographique
peut résulter de cette longueur de Planck, profondeur qu'il est inutile
de coder, définition de la matière elle-même, sa résolution
(comme celle d'une photo). Qu'on n'y comprenne pas grand chose laisse de
l'espoir pour l'avenir ! Plus on avance dans le savoir, plus on progresse
dans l'ignorance.
voir aussi http://mapageweb.umontreal.ca/lepagef/dept/cahiers/Boi.pdf pour plus de détail sur les théories de
jauge et la géométrisation de la physique (dont il ne voit
pas que c'est une matérialisation de la géométrie plutôt).
Annexe
La matière se caractérisant par une longeur d'onde implique longueur, durée et localisation.
Il y a 3 grandeurs fondamentales : longueur, durée et masse auxquelles
sont associées 3 constantes fondamentales : c, h et
G (ne faudrait-il pas ajouter la charge électrique?). "c", vitesse
de la lumière, est une fréquence multipliée par une
longueur d'onde. Dans les formules E=mc2 ou E=1/2mv2, l'énergie correspond à une masse multipliée par une
longueur au carré divisée par un temps au carré même
si dans le cadre de la relativité générale longueur
et durée sont inséparables (temps propre). G=6,67x10-11 m3 kg-1 S-2.
Rappelons que la masse m=hf/c2.
- Les constantes de Planck (unités naturelles = 1 pour E=m par exemple)
* La longueur de Planck est 1,6 x 10-35 mètre, correspondant à la force gravitationnelle au niveau quantique (L=racine de Gh/c3) mais surtout à la plus petite longueur d'onde et à la longueur des gravitons.
* Le temps de Planck, 10-43 seconde permet de parcourir la longueur de Planck à la vitesse de la lumière.
* La fréquence de Planck est 1,8 x 1043 hertz.
* La masse de Planck (minimum pour un trou noir) ou 22 microgrammes (10-6 grammes)
* L'énergie de Planck est de 1019 gigaélectronvolts (ou 1028 électronvolts), énergie
maximum correspondant à la longueur de Planck ("plus un choc met d'énergie en jeu, plus les distances qui interviennent dans la collision sont petites" Pour la Science 01/2003, p108).
"La force gravitationnelle entre deux électrons est 1043
inférieure à la force de répulsion électrique
entre leurs charges négatives" p108. Pour Dirac ce rapport de 1043 est approximativement
égal au nombre de tours effectués par l'électron autour
du proton depuis le big bang". Selon cette hypothèse "la constante
gravitationnelle est proportionnelle à l'inverse de l'âge de
l'univers". p100
Le proton a une masse 1019 fois inférieure à l'énergie
de Planck et une taille 1019 fois supérieure à
la distance de Planck. Il pourrait y avoir unification des forces de gravitation
et des forces électromagnétiques à des distances de 10-19
mètre (ce qui impliquerait que la charge électrique soit
une forme de gravitation alors que la gravitation n'a pas de pôles
opposés ce qui permet sa géométrisation).
- Transformation de Lorentz :
x'= x-vt / racine de 1-v2/c2
(ou t'= t-vx/c2 / racine de 1-v2/c2)
Quand V est beaucoup plus petit que C, la "transformation de Galilée"
x’= x - vt est une bonne approximation.
Il faut noter que pour ne pas alourdir l'exposition j'ai assimilé dans le texte l'énergie cinétique E=mv2/2 à la formule E=mc2 alors que l'énergie cinétique devient dans le cadre de la relativité restreinte E=mc2/racine de 1-(v2/c2) ce qui est équivalent à E=mv2/2 lorsque v est beaucoup plus petit que c.
Les formules de Lorentz écrites dans un formalisme
plus moderne où la vitesse-limite est prise pour unité et où l’on considère
la « rapidité » j au lieu de la vitesse v (les deux grandeurs sont liées
par l’équation v = c tanh j), deviennent les formules d’une simple rotation géométrique
d’angle q dans le plan :
x’ = x cosh j - t sinh j
t’ = t cosh j - x sinh j
ou
x’ = x cos q - y sin q
t’ = t cos q - x sin q
- Familles des composants élémentaires de la matière (fermions de spin 1/2)
|
charge
|
Matière ordinaire
(stable)
|
2è famille
(instable, masse x 200)
|
3è famille
(très instable, masse x 3600)
|
Leptons
(insensibles à l'interaction forte)
|
-1
|
e électron
(électro-magnétisme)
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µ muon
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t tau
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0
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ve neutrino e
(interaction faible, neutron->proton+e+Ve)
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vµ neutrino muon
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vt neutrino t |
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Quarks
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2/3
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U up
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C charm
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t top
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triplets (protons, neutrons) ou quarks-antiquarks
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-1/3
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d down
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S strange
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b bottom
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Les
bosons de jauge, intermédiaires des interactions comme le
photon, sont de spin entier (0 ou 1) qui sont des forces de liaison
Une particule qui n'a pas de masse se déplace à la
vitesse de la lumière avec une durée de vie infinie
La masse d'une particule, caractérisée par une longueur
d'onde d'autant plus courte qu'elle est lourde, limite sa durée
de vie, la portée de ses interactions et
sa vitesse (inférieure à celle de la lumière).
Quand elle est libre, elle se désintègre (ou oscille) après un temps
inversement proportionnel à sa masse.