En juillet 1999, l'O.M.C. a donné raison aux États-Unis dans l’affaire du bœuf aux hormones. Depuis 1989, en effet, la Communauté Européenne interdit l’importation de la viande bovine américaine qui contient des hormones de croissance destinées à accélérer le rendement des bovins. L‘O.M.C. a sommé la Communauté européenne de faire la preuve de la toxicité de ces viandes cancérigènes tandis que les E.U. étaient autorisés à lever des supers droits de douane ?pour un montant de 116,8 millions de dollars? sur des produits européens. Ces sanctions, dont le montant a été marchandé, sont appliquées à des produits qui pèsent peu dans les échanges mondiaux, mais qui symbolisent les spécificités culturelles et surtout les résistances qui en découlent, entravant la volonté d’hégémonie planétaire des firmes transnationales. En taxant à 100 % le Roquefort, les États-Unis s’attaquent directement à une agriculture paysanne et à des producteurs qui ont décidé de proscrire les Organismes Génétiquement Modifiés dans le lait de brebis.
Le 29 novembre 1999, les 135 pays membres de l’O.M.C. se réunissent à Seattle au cours d’une conférence ministérielle destinée à lancer " cycle du Millénaire " (Millenium Round). Les enjeux sont considérables : l’O.M.C. s’est donné trois années pour tenter de démanteler l’ensemble des protections qui font obstacle à la libéralisation du commerce mondial de produits transgéniques, de produits pharmaceutiques mais aussi de services, dans des domaines aussi divers que la santé, les droits d’auteur, l’audiovisuel et de l’éducation. Les firmes rivales vont ainsi essayer de faire sauter les derniers verrous à leur déploiement planétaire en relançant l’essentiel de ce qui était dans le dossier de l’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement).
Un autre enjeu fondamental est celui de la propriété du vivant. Car l’ambition du complexe génético-industriel est de réaliser la privatisation du vivant par le biais de l’O.M.C., toute manipulation génétique assurant un "droit de propriété intellectuelle". Le patrimoine génétique mondial végétal, animal et humain devenant alors assimilable à une marchandise, avec toutes les conséquences que l’on sait : multiplication immense des risques environnementaux et sanitaires, destructuration des réglementations de protection sociale, imbroglio juridique (qui sera tenu responsable des maladies et désastres provoqués par la dispersion des OGM ?).
Il faut rappeler l’urgence d'un moratoire sur les négociations de l'OMC tant que l'impact du cycle de l'Uruguay Round en termes humains et environnementaux n'aura pas été rendu public. L'OMC doit, avant toute négociation, reconnaître le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les principaux accords multilatéraux sur l'environnement (protocole de bio sécurité, accords de Kyoto, convention des Cités, protocole de Montréal). L’O.M.C. s’occupe de "marchandiser" notre vie quotidienne alors que les existences de chacun sont liées à la précarité sous des formes multiples - précarité de la santé, du travail, du logement, de l’alimentation, de l’air, et de l’eau -.
Nos revendications :
Tout d’abord, rappelons que nous opposons une autre conception des échanges internationaux, basée sur la solidarité, la coopération et le commerce équitable. Contre le dumping social nous choisissons le développement durable, déclaration universelle des droits de l’humain de 1948, pour l’élaboration sous contrôle citoyen de réglementation des droits sociaux et environnementaux qui permettront de structurer les économies locales. Enfin pour nous, il n’y a pas à choisir entre droits civils et politiques et droits économiques, il n’y a pas hiérarchie mais solidarité entre les droits;
- Evaluer et faire le bilan avec la société civile des pratiques de l’O.M.C ;
- Subordonner l’O. M.C. aux chartes internationales, comme la déclaration des droits de l’humain et des conventions internationales ;
- Retirer à l'O.M. C. le droit de statuer sur la question du vivant et proclamer un nouveau droit humain reconnaissant les ressources génétiques comme un bien commun inaliénable de l'humanité, donc interdire les brevets sur le vivant ;- Respecter les services publics essentiels : eau, énergie, santé, éducation, culture, transports, logement ;
- Imposer le principe de précaution dans tous les domaines ;
- Mettre en place une fiscalité adaptée permettant de réduire les écarts de compétitivité qui se fondent sur la surexploitation du travail et des ressources naturelles ; et en affecter le produit au financement structurant du développement durable des pays du Sud ;
- Annuler la dette et le système de la dette de tous les pays du tiers-monde et de ceux d'Europe centrale et orientale. Instaurer un contrôle politique des Banques Centrales. Interdire les paradis fiscaux, appliquer des taxes sur les transactions financières, comme la taxe Tobin entre autres.
- Affirmer une autre logique d'ensemble en rompant
avec les politiques destructrices, "d'ajustement structurel", des organismes
financiers internationaux et en remplaçant l’O.M.C., le F.M.I. et
la Banque Mondiale par des organismes internationaux chargés de
mettre le commerce et les mouvements financiers au service du développement
durable.
L’actualité de ces jours montre que la stratégie
"Dracula" en réussissant à mettre l’O.M.C. sous le projecteur
des citoyens du monde, nous permet de poser les bases de ce contrôle
citoyen. Notre prochaine étape sera, en donnant corps à nos
revendications, d’aboutir à la reconnaissance par l’O.M.C. de leurs
légitimités.