La prohibition n'a tenu aucune de ses promesses ; au contraire elle
a vivifié le trafic, nié la liberté de conscience,
menacé les libertés publiques et porté des coups terribles
à la santé publique. Cela n'est pas nouveau. Ce qui l'est,
c'est que ces dégâts, partout visibles, sont maintenant partout
dénoncés..
CIRC
La vérité
En célébrant les combats passés contre l'obscurantisme,
les mystifications, les raisons d'État, on se croit délivré
désormais de ces aveuglements, on s'imagine qu'on peut tout dire
aujourd'hui sans aucune conséquence... Il y a pourtant encore une
vérité officielle sur le cannabis (le chanvre) et
la drogue qui est contredite par tous les experts. Une loi interdit même
d'en débattre ! Des mesures exceptionnelles sont consenties à
l'arbitraire policier au nom d'un hygiénisme discrédité
et délirant, destiné surtout à détourner l'attention
de la cause de la misère et à contrôler les populations
déviantes. L'évidence finit toujours par s'imposer même
avec retard. Il y va de la vérité contre les préjugés,
contre la propagande officielle, il y va de notre capacité de résistance.
Ne pas céder à l'intimidation pour ce qui est de la vérité
(depuis Socrate et Platon).
La prohibition n'a tenu aucune de ses promesses ; au contraire elle
a vivifié le trafic, nié la liberté de conscience,
menacé les libertés publiques et porté des coups terribles
à la santé publique. Cela n'est pas nouveau. Ce qui l'est,
c'est que ces dégâts, partout visibles, sont maintenant partout
dénoncés.
CIRC
L'actualité
La récente campagne du CIRC (Comité d'Information et
de Recherche sur le Cannabis) qui a envoyé un "joint" de cannabis
à chaque député de l'Assemblée Nationale, mais
surtout la déclaration des professionnels de la toxicomanie demandant
la légalisation des drogues (voir FV no 5), ont réouvert
le débat sur la loi sur les stupéfiants qui date de 1970
et n'a pas été vraiment changée depuis. "Les lois
sur l'immigration changent tous les six mois, mais la loi de 1970 reste
en l'état !..." comme dit le Pr. Henrion qui présidait
la commission gouvernementale sur le sujet et qui avait proposé
la dépénalisation du cannabis. On pourrait aussi simplement
déclassifier le cannabis. Ne pas mêler un produit moins dangereux
que la cigarette, beaucoup moins dangereux que l'alcool, avec les opiacées
(héroïne, morphine), produits très dangereux qu'on utilise
pourtant de plus en plus car ils sont aussi très puissants et utiles.
Les deux médecins du gouvernement, Kouchner et Voynet, sont favorables
à une légalisation du cannabis, comme la plupart des professionnels
du secteur. Ainsi Olievenstein longtemps opposé à la légalisation
et reconnaissant l'échec de la prohibition, tout comme pour la prohibition
de l'alcool aux USA, reconnaît maintenant les avantages d'un contrôle
légal. Il ne faut pas simplement dépénaliser mais
organiser la distribution pour casser les mafias de la drogue. A court
d'arguments, Chevènement avoue que la loi ne vise pas la santé
des citoyens mais le contrôle policier de la population.
La drogue
L'alcool a donc
simplement perdu son caractère de drogue exclusive. Car aucune société
ne se passe de drogue, quoiqu'on dise. L'alcool est une drogue très
dangereuse qui tue beaucoup. On s'en accommode car on a besoin de sa fonction
sociale. Certains s'offusquent, en vain, de ces pratiques dégradantes.
Il fallait, déjà dans l'antiquité, que Platon (dans
Les Lois) défende contre ces petits puristes trop sûrs
d'eux, la pratique des beuveries, le vin comme miroir de l'âme,
l'ivresse comme épreuve et révélation du caractère.
Plus près de nous Rimbaud, en voulant le dérèglement
de tous les sens reproduisait le doute cartésien (époché
de Husserl). Chacun connaît la place de l'alcool dans les fêtes,
on ne peut s'étonner que d'autres drogues y soient utilisées.
Nous savons encore ce qu'est le vin de la fraternité, le
rôle de l'alcool dans la conclusion de nombreux contrats. On se souvient
avoir chanté "Il est des nôtres" comme s'il fallait
se découvrir et baisser la garde pour se savoir frères, mais
les anciens savaient mieux rendre hommage au dieu du vin qui effrayait
déjà les bonnes âmes pourtant (Les Bacchantes
d'Euripide). Comme tous les outils, tous les remèdes, la drogue
n'est certes pas sans danger. Il faut toujours bien se conduire et les
sociétés traditionnelles avaient leurs guides. Un certain
nationalisme voudrait qu'on en reste ainsi à notre drogue traditionnelle
comme si la mondialisation n'était pas déjà là,
mais, de plus, si le vin a des vertus curatives à petites doses,
le cannabis est bien préférable pour un usage plus excessif
(et tout aussi nécessaire donc, la part maudite de Bataille). Hélas,
l'impossibilité de penser la fonction de l'alcool provoque le rejet
violent de "La Drogue", projetée en ennemi sur l'étranger.
L'alcool ne serait pas une drogue et toutes les autres drogues seraient
horribles ! Pourtant les Irlandais privés d'alcool se sont enivrés
avec de l'éther. On sentait les catholiques de loin. Les gamins
respirent des colles très dangereuses. C'est ainsi, et aucune autorité,
aucune prohibition n'en vient à bout. Il y va donc de la vérité
de l'homme qui n'est pas si naturelle, encore moins parfaite comme on l'idéalise
trop souvent, mais restera toujours errance, scepticisme et invention.
Faire la paix des citoyens
Nous ne sommes plus mineurs et nous devons pouvoir errer à notre
façon, nous n'avons plus besoin d'un État qui nous protège
contre nous-mêmes au mépris de la Déclaration des
droits de l'homme. Le New Deal s'est ouvert par l'abolition
de la prohibition de l'alcool, décidant d'arrêter la désastreuse
guerre contre la société déjà détruite
par le chômage. Il faut se rendre à la raison, reconnaître
les faits, accepter la fonction de la drogue, s'y mesurer, y répondre
plutôt que ne vouloir rien savoir de l'enfer des bonnes intentions
moralisatrices.
Rassemblons fervemment cette promesse surhumaine faite à
notre corps et à notre âme créés : cette promesse,
cette démence !
Petite veille d'ivresse, sainte ! quand ce ne serait que pour le
masque dont tu nous as gratifié. Nous t'affirmons, méthode
! Nous n'oublions pas que tu as glorifié hier chacun de nos âges.
Nous avons foi au poison. Nous savons donner notre vie tout entière
tous les jours.
Matinée d'ivresse. Rimbaud
C'est une fuite aussi, un refuge qui isole des sens devant l'agression
d'un réel insupportable, objection de conscience à une responsabilité
impossible. C'est un outil, une arme ou un masque, et attaché à
un peuple plus que sa religion (on tue encore en son nom, l'hérésie
coûte cher)...