Les écologistes ne peuvent pas reprendre à leur compte
sans critique le concept de mondialisation tel qu'il s'impose dans
les médias. Ce concept qui semble rassembler toutes nos difficultés
actuelles et sert d'explication universelle doit justement, pour cela,
être critiqué comme non productif et simple amalgame de données
hétérogènes. L'Europe est-elle identique à
la mondialisation (il n'y a que 8% de commerce hors Europe) ? N'est-elle
qu'une mondialisation partielle ? mais alors où s'arrête la
mondialisation ? Car face à la levée des revendications identitaires
et xénophobes, il faut que les écologistes qui représentent
la conscience de la mondialisation achevée, rappellent que
la mondialisation ne s'est pas arrêtée depuis le Néolithique
(Toynbee), nous assistons seulement à son achèvement effectif
dans plusieurs secteurs (technique, information, médecine, transport,
finance), ce qui n'est pas encore tout à fait le cas pour l'économie,
encore moins pour la politique. Il faut distinguer, en effet, la mondialisation
de la dérégulation financière et de la concurrence
avec les Etats-Unis, de même qu'il faut dénoncer l'irréel
du discours libéral alors qu'on est dans une société
intégralement contrôlée ; les arguments forts du néo-libéralisme
sur la productivité de l'autonomie recouvrent en fait de simples
intérêts catégoriels des possesseurs de capitaux,
comme Napoléon utilisant jadis les idéaux de la révolution.
Cela ne doit pas nous faire renoncer à cette autonomie qui est aussi
une leçon de l'écologie. Ce qu'il faut dénoncer, c'est
l'économisme (le spectaculaire intégré de
Guy Debord) et la " mondialisation " des marchés financiers hors
de tout contrôle politique, non pas notre devenir monde historique.
La commission culture doit différencier clairement la mondialisation
de la culture (la rencontre d'autres cultures en voie d'unifications) avec
la mondialisation sauvage des marchés financiers, les effets
de déculturation du capitalisme (décrits et dénoncés
par Marx déjà), les ravages de la technique rationalisatrice
(dénoncée par Heidegger et Lukács). Les enjeux ne
sont pas minces face à la réanimation de mythes nationalistes
et d'intégrismes religieux ou face aux pratiques sordides et désastreuses
de l'économie libérale (La
4ème guerre mondiale a commencé. Sous-commandant Marcos).
Il ne s'agit pas de nier la réalité actuelle de la mondialisation,
au contraire. Il y a, bien sûr, une très réelle mondialisation
des techniques (médecine, informatique, rationalisation/Descartes,
fonctionnaires), de l'information (TV, Internet, culture, spectacles,
finances), des transports (marchandises, immigration, tourisme)
et, enfin, de la pollution (ozone, CO2). Mais, la conquête
de la Lune est aussi un facteur de la mondialisation. La mondialisation
du néolibéralisme américain qui s'impose à
la finance mondiale n'est pas la fatalité d'un devenir monde qui
nous dépossède de nos racines, c'est un moment de domination
de la logique financière hors de tout contrôle planétaire.
Il y a, bien sûr, plusieurs sauts qualitatifs dans la mondialisation,
correspondant à l'unification politique du monde connu. La dimension
planétaire des enjeux exige la constitution d'un organe de régulation
politique mondial sauf à subir passivement la dictature du marché
et du court terme. L'impuissance politique est le choix de l'efficacité
économique et non sociale, concurrence de tous contre tous sans
arbitrage en faveur du long terme ou de l'intérêt général
qui est désormais planétaire. Ce n'est pas la mondialisation
qu'il faut accuser ici, mais son insuffisance. Réclamer l'autonomie
de la Nation n'est plus aujourd'hui que réclamer son impuissance
présente, c'est simplement renoncer à agir et donc se soumettre
aux lois du marché. La nécessité d'un gouvernement
mondial est la nécessité d'une capacité d'action et
de régulation, nécessaire au marché aussi bien, cela
ne dit pas la forme d'un tel gouvernement dont il faut limiter sévèrement
le pouvoir qui ne peut s'exercer de façon trop globalitaire mais
doit au contraire préserver la diversité ; la nécessité
demeure d'en assumer la tâche dont dépend notre survie, sans
jamais dissimuler les risques.
L'impuissance politique ne peut être surmontée que par
un dépassement de l'économisme, un retour au politique, au
social, à une nouvelle communauté qui est désormais
inévitablement mondiale pour gouverner l'économie et ses
nuisances à l'avantage de notre qualité de vie réelle,
et où le travail, devenu communication ne serait plus un supplice
mais un projet socialement utile.
J.Z.
Texte envoyé à la commission culture
des Verts
après la réunion de Calais sur la Mondialisation