Cette notion de Développement durable est bien critiquable
car elle ne remet pas en cause l'économie actuelle et se contente
de la faire durer juste un peu plus (voir critique ci-après) ; cependant
prendre en compte le long terme et les générations futures
est déjà très subversif dans une société
du profit à court terme. La traduction concrète des principes
adoptés à Rio se résume à peu de choses mais
il faut en tirer le maximum de "profit". Plutôt que d'en retracer
l'historique, il vaut mieux énumérer concrètement
les domaines concernés, en sachant que tout le secteur de l'information,
de l'éducation et du spectacle fait partie du développement
durable consommant très peu, le partage de l'information ne l'épuisant
pas comme une ressource matérielle.
On ne peut s'en tenir à la politique du pire aussi il nous
faut profiter dès maintenant des opportunités du "plan
emplois-jeunes" dont le but déclaré est d'inventer des
nouveaux emplois relevant du Développement durable. Dans
chacun des domaines énoncés précédemment on
doit, déjà, nommer des éco-conseillers partout mais
ce plan ne permettra pas de créer assez d'emplois, beaucoup seront
des emplois de substitution ou sous-payés (ce peut être des
emplois qualifiés mais l'aide reste de 80% du SMIC). Cela n'empêche
pas les jeunes de vouloir profiter de l'aubaine. Sans trop d'illusion.
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20/06/96
CritiqueLa notion de Développement durable, qui est l'introduction de l'écologie dans les droits fondamentaux théoriques de l'homme (De l'ONU de Rio à l'Europe fonctionnaire) sert le plus souvent d'alibi ou de cache misère, qui peut se réduire à faire durer un peu plus l’exploitation anarchique des ressources et, comme la mise en scène de Rio, donner le change pour ne rien changer. Malgré les avancés du droit international, nous sommes obligés de nous différencier de ce réformisme minimal occultant les enjeux véritables et les nécessités d’un changement radical. La ligne de partage doit passer entre ceux qui tolèrent la société actuelle assez pour vouloir la prolonger le plus longtemps possible, aux moindres frais, et ceux qui sont persuadés de la nécessité de maîtriser les conséquences intolérables de l’économie (du chômage au gaspillage des ressources).En effet, si l’Écologie est la prise en compte des équilibres globaux, elle ne saurait se réduire à l’environnementalisme en se contentant de gommer les dysfonctionnements les plus visibles. Même un environnementaliste peut comprendre que repeindre un mur noirci par la fumée d’une cheminée n’est pas une solution à sa nocivité. Mettre un filtre à cette cheminée lui semble plus satisfaisant mais ce n’est que repousser le problème (s’enfoncer dans le détail) et, croyant supprimer une cause de pollution laisser intacte, devenues même plus acceptables, les causes profondes, structurelles, de la pollution généralisée de nos sociétés. Il est tout à fait absurde de condamner moralement les industries qui polluent, comme si elles manquaient à leur devoir alors que le seul devoir de l‘industrie dans la société capitaliste est de gagner de l’argent dans un cadre juridique donné ; c’est aux lois et réglements d’imposer leurs normes. L’appel aux bonnes volontés est aussi absurde, retour aux utopies sociales, aux soi-disant "alternatives", dont Marx a critiqué l’idéalisme et l’inefficacité, montrant que les nuisances du capitalisme devaient être rapportées à sa structure globale, à sa logique interne (l’économie devenue autonome se retournant contre la société). L’agir local est certes indispensable mais, comme tout réformisme, ne prend sens que du projet de transformation globale de la société ou bien il ne sert qu’à renforcer le système auquel il s’oppose et qui l’absorbe en fait. De toutes façons il n’y a plus de place pour un parti environnementaliste, tous les partis ayant intégré cette dimension minimale à leur programme. Il ne s’agit pas, bien sûr, de délaisser l’environnement, mais de refuser de s’y laisser réduire par les médias, ce qui nécessite de rapporter toujours les problèmes environnementaux aux lois du profit et aux nécessités de profonds changements, à une prise de pouvoir sur l’économie qui en change la nature, même s’il n’est pas question de supprimer le marché mais plutôt de l’organiser et de le contrôler. Les propositions des Verts sur l’économie sont d’ailleurs irréprochables sinon qu’on n’y affirme pas assez nettement qu’une telle pratique nouvelle du Capitalisme en change profondément la nature et donc nos modes de vie. Ou bien est-ce parce qu’on en a trop conscience qu’on n’ose défendre une mutation radicale de la société en se constituant en parti de gouvernement sur la base d’un programme économique cohérent, vraiment soutenable, et non d’un catalogue de mesures isolées. Pourtant, au temps premier de la protestation qui affirme fermement des droits bafoués, des besoins non reconnus, il faut que succède une volonté effective de donner réalité à ces droits en s’en donnant les moyens concrets. Le contrôle indispensable de l’économie, sa normalisation, même s’il permet l’organisation du marché, change profondément la nature d’un système globalisé alors que le capitalisme se basait sur l’autonomie et la séparation des acteurs. Concrètement cela signifie la prise de pouvoir, déjà bien entamée, des cadres, des compétences (voire de la bureaucratie!) sur le capital. Cette très relative défaite de l’argent n’est pas pour autant une prise de pouvoir du peuple. On ne peut rêver à l’unification du pouvoir et du peuple, à un bon pouvoir incritiquable alors que le pouvoir à la longue est toujours occupé par ceux qui aiment dominer. Mieux vaut donner au peuple de forts contre-pouvoirs permettants seuls de limiter les nuisances du pouvoir en lui imposant la volonté des simples gens. Les progrès dans la démocratie locale ne seront rien pourtant sans progrès dans la démocratie globale de notre environnement terrestre, c’est-à-dire sans une prise de pouvoir sur l’économie mondiale devant laquelle nous ne pouvons plus reculer. L’Écologie ne sera pas sérieuse et il ne faudra pas soutenir un développement durable tant que ne sera pas admis que l’anti-productivisme (qui n’est pas un anti-modernisme) est une mutation nécessaire et décisive de l’économie. Que cette maîtrise de l’économie soit difficile, devant tenir compte des échecs précédents, ne doit pas occulter qu’elle est en tout cas plus que désirable comme seule alternative durable aux politiques passives actuelles et à nos sociétés en dérive. |