Je ne crois pas que la question écologique doit être abordée par le biais de la surpopulation même si le problème de la surpopulation est le problème d'écologie animale le plus classique. Ce qui crée notre problème écologique aujourd'hui c'est la production, l'économie humaine. C'est pourquoi l'écologie-politique est née face aux pollutions industrielles comme une nécessité de maîtrise des effets de notre productivisme. Le premier problème reste le réchauffement de la planète, pas la surpopulation. L'écologie est un enjeu politique de gestion de nos ressources, de contrôle de nos productions mais aussi de valorisation de l'autonomie citoyenne et non pas un contrôle biologique de la race. La capacité de la planète à nourrir un nombre bien supérieur d'habitants semble établi même si certains délirent sur le sujet. Par contre, je pense moi aussi que ce n'est pas souhaitable, que ce serait dans des conditions peu enviables, il n'en reste pas moins que le problème n'est pas là, et toutes les sociétés humaines ont su se réguler avant l'apparition du capitalisme qui apporte la médecine, les marchandises mais la misère aussi et non pas la richesse qui devrait aller avec. De même que je ne pense pas qu'on peut vaincre une croyance en la réprimant (le zèle contre le Loi a créé le zèle pour la Loi disent les Zélotes de la Bible) mais seulement par l'instruction, de même je pense que le problème de la population est surtout un problème de niveau de vie et d'éducation, donc de système économique. Se focaliser sur le seul problème de population est donc profondément réactionnaire, comme s'il ne s'agissait que de rendre un peu plus durable notre capitalisme sans lois en réduisant la population de ceux qui pourront bénéficier de ses merveilles. Pour autant, on ne peut pas porter les mêmes jugements quelque soit l'endroit, il y a de véritables problèmes de surpopulation locale mais le niveau acceptable de population mondiale dépend du système économique en place, de même que c'est ce système économique qui menace dès maintenant notre espèce.Je pense, donc, que l'écologie-politique doit prendre ses distances avec tout biologisme et se présenter comme une alternative économique et sociale. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut tenter aucune gestion des populations mais je considère les évolutions démographiques à la lumière des cycles de Kondratieff, une génération dominant la suivante, y compris démographiquement. On pourrait tenter d'aplanir les conséquences des cycles long en favorisant des politiques contra-cycliques au niveau démographique. Ainsi, il ne faut pas toujours parier à la baisse mais plutôt défendre une certaine stabilité. Cela reste un objectif secondaire face au choix d'un mode de production moins agressif avec les hommes comme avec tous les vivants. C'est un objectif secondaire par rapport à la réappropriation de nos vies.
Un anthropologue comme Emmanuel Todd met sur le même plan le malthusianisme, le rejet de l'immigration et la réduction du temps de travail comme partage du travail, c'est-à-dire la conception d'une richesse limitée à partager, ce qui est une évidence pour un monde planétaire, c'est-à-dire fermé (tant qu'on ne va pas sur d'autres planètes) mais est une bêtise pour le travail qui est une activité. La réduction du temps de travail est bonne pour d'autres raisons mais n'est créatrice d'emplois qu'à être rapide, voire brutale.
Le problème du malthusianisme est simplement de prendre le problème à l'envers : poser le problème de la population au lieu de poser celui d'une société humaine. On sait bien qu'on résout plus facilement la surpopulation par le développement que par la loi ou la médecine. C'est simplement que la surpopulation est un symptôme social, ce n'est pas une donnée naturelle comme la multiplication des lapins, de même que la sauvagerie du capitalisme n'est pas du tout naturelle.
Le malthusianisme est la naissance du bio-pouvoir, du gouvernement de la population comme telle, du traitement scientifique de l'humain, de l'objectivation du sujet par le pouvoir alors que ce pouvoir ne tient sa légitimité que du citoyen. Ce n'est que par la subversion de l'économie qui est responsable de cette surpopulation, par une plus grande solidarité qu'on peut résoudre ce symptôme et surtout pas en croyant pouvoir continuer comme maintenant sans rien changer sinon en réduisant le nombre de pauvres par une quelconque contrainte.
ajout 04/2000Sans remettre en cause les analyses précédentes il faut les nuancer sur 2 points. D'abord rené Dumont attire notre attention sur la misère des pays pauvres surpeuplés. Il ne s'agit pas de malthusianisme mais c'est une véritable menace qu'il ne faut pas prendre à la légère. D'autre part, les cycles démographiques montrent qu'après des phases de croissance de 500 ans environ, il y a des phases de décroissance de 250 ans comme au moment de la peste noire. La surpopulation rend de plus en plus probables des catastrophes humanitaires, famines ou épidémies réduisant dramatiquement la population. Si on n'a guère de moyens de réduire la démographie mondiale on doit donc s'attendre à une période de décroissance même si théoriquement la Terre peut nourrir une population largement supérieure. Ce n'est pourtant pas en s'attaquant directement à la démographie mais bien par l'éducation et un autre développement qu'on pourra répondre à cette menace.