Ecologie-politique, science et religion

L'écologie-politique n'est pas issue de la science écologique mais des nuisances de l'industrie et des limites planétaires. L'écologie-politique étant la conscience du global, il y a souvent confusion avec l'écologie comme mystique de l'unité ou comme mode de vie. Les mystiques New Age se veulent effectivement écologistes mais un parti politique n'est pas une secte.

Ne confondons pas  politique et "religion" : la politique "organise" la
société et la "religion" dicte un comportement personnel, privé. La pensée
républicaine laïque établit, du moins en théorie, une séparation nette
entre ces deux domaines. On peut juger être une dérive "droitière" (et
réactionnaire) tout ce qui tendrait à vouloir fondre les deux en un organe
de pouvoir, se légitimant mutuellement, totalitaire sur un peuple.

Autant une pensée politique peut être progressiste tant qu'elle ne quitte
pas sa sphère propre : la société-la Cité,  autant elle peut devenir
dangereuse car totalitaire si elle se mêle de juger nos comportements
privés, de choisir à notre place ce qui est bon ou mauvais pour nous-mêmes.
Une sorte d'appropriation de notre conscience, ce qui fait de nous un
individu raisonnable et libre, un être politique, un citoyen à part entière.

L'écologie - à mon sens - comme "pensée" politique établit une sorte
d'échelle de préoccupations sociales où la préservation à long terme de
l'environnement occupe une place centrale, devant le profit économique (au
contraire des libéraux) par exemple, mais se doit de laisser chacun LIBRE
de disposer de sa vie, de sa conscience et de son corps.

Là où elle devient "religion", c'est quand, au nom de principes
métaphysiques, pudiquement renommés philosophiques, elle décide de se mêler
de nos vies privées. Car, comme toutes religions, s'ensuit inexorablement
une escalade de la condamnation morale à des formes d'inquisition des
comportements jugés "déviant du modèle idéalisé", de cette tendance
obligatoire vers la perfection telle que la conçoit le dogme, dans sa soif
et sa quête d'absolu, ivresse qui a obscurci bien des raisons. Bien des
folies ont eu pour départ une évidence première de nature tautologique, les
discours démagogiques en sont truffés : "pour le développement" (comment
être contre ?), mais on ne dit pas comment ni à quel prix ; "pour la
défense de la vie" (là aussi, comment être contre ?), mais au point de
s'immiscer dans toutes les vies ? Pour l'"égalité sociale" socialiste et le
peuple, au point de tomber dans des génocides de type Pol Pot ? Une forme
archaïque mais qui marche encore est "pour la gloire de Dieu"... Le
simplisme primaire a toujours payé auprès des ignorants et des imbéciles :
éblouis par un point trop lumineux (une évidence pleine d'idéal), comme
hypnotisés, ils ne voient plus ce qu'on leur dissimule dans l'ombre.

On peut accepter la spiritualité, le libre choix de conscience de chacun -
on le doit même -, mais on ne peut accepter en revanche que cette liberté
naturelle étouffe celle d'autres choix, d'autres comportements, au prétexte
fallacieux de "lutte contre le vice et pour la promotion de la vertu"
(comme le nom d'un ministère taliban), dont la forme la plus classique
consiste à condamner le plaisir et à glorifier le sacrifice. Il en est
ainsi des choix sexuels, de la famille classique à l'homosexualité, en
passant par l'échangisme ou la bisexualité, dont le seul critère à retenir
est le libre consentement, le désir, entre adultes. Il en est ainsi de la
contraception et de l'avortement, fondés sur la liberté accordée aux femmes
de disposer et de leur corps et de leur destinée. Il devrait en être ainsi
aussi des drogues, quoique certaines légales soient encore tolérées, comme
l'alcool ou le tabac.

Vouloir régenter par interdits et opprobre stigmatisant ceux qui s'écartent
du modèle de pureté n'est plus de l'écologie politique, mais de l'écologie
religieuse, ce qu'on appelle aussi de l'hygiénisme. En fait un enfer pavé
de bonnes intentions, un avatar masqué de cette monstruosité qu'est
l'eugénisme.

BigDD
 

 
Entièrement d'accord avec BigDD sur ce débat: politique et morale/religion
doivent être deux sphères quasi-étanches, à savoir que l'une ne doit pas
primer l'autre (quand la politique prime la morale, c'est le totalitarisme,
type fascisme ou stalinismo-trotskysme: voir la façon dont LO gère les
comportements individuels de ses adhérents; quand la morale prime le
politique, c'est l'intégrisme). On a la chance en France d'être dans une
république laïque, où les deux sphères coexistent plutôt bien. Ce qui ne
signifie pas que les représentants des "morales" ne doivent pas être
consultés quand la politique légifère les rapports humains, mais comme
sont consultés toutes les associations, les syndicats, etc...
L'avortement est une affaire personnelle, surtout de la femme, parfois du
couple. La société n'a pas à dicter ce qui est bien ou pas, ce qui est
"moral" ou pas. A la CAP, on appelait ça une politique profondément laïque,
"a-morale". On étendait ce principe, par exemple, aux toxicomanies: c'est
au nom de "la" morale que l'on admet l'alcoolisme, mais que l'on envoie un
drug-adict en prison. Mais il ne s'agit pas de remplacer une nouvelle
morale (révolutionnaire, écolo, tout ce que vous voulez) à une morale dite
"bourgeoise", mais bien de s'interdire tout type de principe lié à la
sphère "morale/religion". Seule position possible, d'ailleurs, pour faire
exister une vraie liberté de conscience.
 
Franck Contat

L'écologie-politique est une éthique de responsabilité, pas un retour en arrière à une fusion mythique avec la nature. Ce n'est pas une négation de toute l'économie mais une négation de la séparation de l'économie et de la société ou la nature. Ce n'est pas une négation de l'individu mais de l'individualisme, de la séparation de l'individu et de son monde. Ce n'est pas une négation de la liberté mais du libéralisme de la loi du plus fort qui nous prive de toute liberté collective.

Jean Zin

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