A propos des "communautés organiques", suite au
message d'Alain à propos de
la revue Silence.
Comme toi, je m'inquiète des théories de
la prétendue "nouvelle" droite, et
la façon dont ils ont su détourner à
des fins idéologiques douteuse nombre
d'idées "justes" d'un peu partout.
Mais attention à ce débat sur ces communautarismes
ethno-culturels, car il
est miné si on l'aborde par l'angle du refus global,
car, derrière ce
refus, il y a la disparition en filigrane des sociétés
indigènes, Papous,
Amérindiens, etc., autrement dit ce qu'il faut
appeler des "solutions
finales", phase ultime du processus colonial. Et c'est
là que la "nouvelle
droite" attend, où réside son piège.
...
Et puis, derrière cette question, se pose aussi
celle des "droits
collectifs", de la "propriété collective",
souvent en paradoxe avec nos
conceptions de droits individuels ou de la propriété
privée, fondements
uniques des "droits de l'homme", ainsi que la possibilité
de sociétés sans
État ("contre l'État", disait Pierre Clastres).
Qu'une extrême droite se soit emparée de
ce créneau pour resservir
réchauffée une "néo"-socio-biologie
a de quoi inquiéter, d'autant plus si
le "contre-feu" idéologique est si mal construit
par ignorance du monde dit
"primitif", tribal. Et l'indifférence actuelle
de DV ou des Verts sur la
disparition programmée des communautés
indiennes de Guyane - qui nous
concerne directement - augure mal la réponse à
ces "nouvelles" thèses
cryptofascistes. A moins d'un sursaut salutaire, qui
ne devrait, je
l'espère, guère se faire attendre.
On ne peut s'étonner des dérives fascisantes de l'écologie, on les rencontre tous les jours des "défenseurs de la vie" qui luttent contre l'avortement aux idéologies identitaires de la pureté. La vérité est que l'écologie a d'abord été de droite, conservatrice de l'ordre établi, puis le biologisme et l'hygiénisme formeront la base de l'espace vital nazi qui réduit l'homme à l'animal. Le souci du global, de l'unité sociale, a d'abord produit (logiquement dirait-on presque) le totalitarisme. L'écologie ne se confond cependant pas avec le fascisme car il y a aussi une composante libertaire dans l'écologie-politique mais cette composante pêche plutôt par sa dénégation du global renvoyé à une unité mystique tout comme "la main invisible du marché". De toutes façons, on ne saurait considérer, comme Furet pour le communisme, que le fascisme est une invention contingente dont l'histoire aurait pu se passer. Le fascisme était une catastrophe nécessaire pour ne pas la reproduire, mais tout comme la religion, le fascisme ne se réduit pas à la propagande, il tient plutôt à une redoutable jouissance de l'unité dont le besoin s'impose violemment à une société déstructurée. Les anciens savaient déjà que la perte du civisme était le prélude à la tyrannie. Dans notre monde, c'est l'isolement de l'individu seul face à la totalité, privé de médiations, de corps intermédiaires, qui est le germe du fascisme de masse comme il l'a été du bonapartisme. Les fascistes ont ainsi posé à leur façon le problème de la totalité sociale face à l'atomisation des individus. Marx y répondait autrement, malgré le stalinisme qui est si proche du fascisme. L'écologie-politique apporte une autre approche encore.
Ainsi, il ne faut pas s'étonner, des dérives fascistes de l'écologie, il faut s'en différencier. C'est même ce qui empêche tout "ni-ni" donnant de l'écologie une vision unifiée hors des divisions politiques. Il y a une écologie de droite (des lois de la nature), une écologie centriste environnementaliste et libérale (qualité de la vie des cadres), enfin une écologie-politique de gauche de maîtrise de notre production, de ses déchets et de ses effets globaux.
L'écologie-politique est une éthique de responsabilité, pas un retour en arrière à une fusion mythique avec la nature. Ce n'est pas une négation de toute l'économie mais une négation de la séparation de l'économie et de la société ou de la nature. Ce n'est pas une négation de l'individu mais de l'individualisme, de la séparation de l'individu et de son monde. Ce n'est pas une négation de la liberté mais du libéralisme de la loi du plus fort qui nous prive de toute liberté collective.
Reste cette opposition communautarisme-individualisme. L'individualisme a été dénoncé dans un livre récent (Le mythe de l'individu) mais dans "La Question juive", la critique de Marx était encore plus féroce. Les Droits universels abstraits sont ceux d'un individu abstrait, c'est le pouvoir de l'argent qui est la véritable loi sociale. Le capitalisme et le Droit brisent les anciens liens de dépendance mais laissent les individus plus vulnérables, isolés face au marché. Le rapport économique, qui est un non-rapport humain, est certes le rapport le plus universel. Pourtant, il ne peut s'agir ici non plus d'un retour en arrière, du rétablissement des anciens liens de dépendance qui assignaient à chacun sa place. On ne peut ignorer les avancées décisives du Droit et de l'autonomie individuelle, ni de l'économie et de la technique. L'écologie est citoyenne, participative, négation de la séparation de l'individu dans des institutions républicaines, valorisation sociale de la singularité de chacun. L'écologie-politique démocratique ne peut reconnaître ainsi que des communautés construites ou de fait, et non des communautés originaires. Ce qui nous oppose au fascisme de l'identité et à son point de vue particulier relativiste, c'est l'éloge écologiste de la différence s'élevant au point de vue global.
Il ne s'agit ni de se satisfaire des Droits de l'homme abstrait, ni
de renoncer à ces droits, mais de les rendre effectifs (en particulier
comme droit d'existence, ou Revenu d'Existence). C'est pour cela
que je vais manifester là, présentement.