Ecologie-politique et crise de l'énergie
EcoRev' no 20, A contre courant
Avec le
développement de la Chine et la
proximité du fameux "peak oil" (ou pic de Hubbert) à partir duquel la
production de pétrole commencera à se stabiliser puis à décliner
inexorablement, nous connaissons à l'évidence une crise
du pétrole bien plus grave qu'en 1974. Il y a un
réel problème à court terme, exacerbant les
tensions et remettant en cause la mondialisation sous sa forme
actuelle. Les enjeux sont considérables, avec les risques d'une
crise économique mondiale
de grande ampleur mais doit-on y voir pour autant la fin de notre mode
de développement et du productivisme ? Rien n'est moins
sûr, du moins cela dépend entièrement de nous car
sinon ce
n'est guère plus qu'un changement de régime, une
difficile période de transition et de hausse des prix. La
décroissance matérielle se fera par les prix et un peu
plus de misère sans doute, ce dont nous ne pouvons nous
contenter.
La situation appelle une clarification
sur les alternatives au pétrole mais aussi sur notre conception
de l'écologie-politique et la place centrale que des
écologistes peuvent donner à l'énergie ou la
simple décroissance des consommations au détriment d'un
véritable projet politique écologiste.
Pour certains, c'est comme si on allait se retrouver du jour au
lendemain sans plus aucune énergie. On nous annonce les pires
catastrophes et un
monde à la Mad Max où tout s'arrêterait par manque
de
carburant, devenu le bien le plus précieux. Avec ce
numéro "à contre courant", nous avons voulu
rétablir au contraire que l'énergie n'est pas notre
problème écologique le plus grave. On
ne peut en aucun cas prétendre que nous manquons de sources
d'énergie, c'est juste le pétrole qui va coûter de
plus en plus cher. Les priorités écologiques sont du
côté de l'effet de serre, des pollutions et
dévastations diverses, c'est-à-dire des
conséquences de notre mode de vie et de notre système de
production. Il nous a paru d'autant plus nécessaire de critiquer
une trop grande focalisation sur l'énergie, qui ne date certes
pas d'hier, et de revenir sur les théories
écoénergétiques
qui voulaient faire de
l'énergie le
principe vital et la mesure de toutes choses, avec plus ou moins de catastrophisme.
Bien sûr, le catastrophisme a une visée
pédagogique, exacerbant la rareté pour la rendre plus
sensible et prévenir à temps l'épuisement des
ressources, mais on finit souvent par se persuader de
ses propres exagérations. L'idée sous-jacente à
cette "éthique de la peur", véritable "terrorisme
intellectuel", puisqu'il s'agit bien de terroriser les
populations,
c'est qu'on serait obligé de
changer nos modes de vie pour éviter la catastrophe et d'adopter
un comportement plus
écologique qu'on le veuille ou non. En d'autres
termes, on va dans le mur si on ne s'arrête pas ! Cette vision
cauchemardesque peut sembler raisonnable et justifier toutes nos
utopies,
seulement, sous
cette forme, la contrainte écologique se réduit en fait
à bien peu de
choses puisqu'il suffit de trouver un carburant de substitution pour
que ce beau rêve écologiste s'écroule ! Il y a loin
de
l'épuisement d'une ressource à un véritable projet politique
écologiste. On risque moins des catastrophes, même s'il y
en aura, qu'une dégradation continuelle de nos vies.
Ce qu'il faut mettre en question c'est la croyance
que les contraintes écologiques nous forceraient malgré
nous à devenir plus écologistes, que ce soit par manque
d'énergie ou à cause de la "loi de l'entropie"
(Georgescu-Roegen). Ce "déterminisme
technologique"
est un nouvel avatar du sens de l'histoire,
l'épuisement des ressources jouant le même rôle que
la prétendue paupérisation du prolétariat dans le
"matérialisme historique". L'écologie-politique ne
peut consister à se ranger derrière un prophète
qui
nous menace des pires cataclysmes pour nous soumettre en tremblant.
L'écologie-politique ne résulte pas d'une contrainte
objective mais de notre façon d'y faire face, de la
subjectivité d'une vie désirable et conviviale, la vie
que nous voulons : une société ouverte et
coopérative pour une planète limitée.
Si les
destructions
écologiques, l'effet de serre et l'épuisement des
ressources rendent plus que souhaitables à nos yeux une
société plus
conviviale et une économie moins productiviste, il faut se
persuader que cela n'a rien
d'inéluctable et dépend de notre capacité à
construire une alternative écologiste, de notre organisation et
de notre
action qui ne saurait se réduire à une simple
"décroissance" de nos consommations alors qu'il nous faut un
changement radical d'orientation, une relocalisation de
l'économie et une politique de développement humain.
L'écologie-politique
est d'abord un projet politique,
organisant notre être-ensemble et la vie commune en
équilibre avec notre entourage et la biosphère. C'est une
pensée globale qui remonte aux causes économiques ou
sociales et ne se limite pas aux effets sur l'environnement ou la
gestion des ressources mais doit construire une alternative
concrète au
productivisme, c'est-à-dire de nouveaux rapports de production
insérés dans leur milieu. Notre projet politique n'est
pas un retour en
arrière, c'est une
projection dans le futur, la préservation de notre avenir, la réappropriation de nos vies.
Il
ne faut pas renverser l'ordre des causes. Ce n'est pas le manque
d'énergie qui pourra tenir lieu de projet politique, c'est
au nom de notre projet politique que nous devons tirer parti de la
crise
du pétrole pour accélérer les économies
d'énergie (transports collectifs, ferroutage,
urbanisme, relocalisation de l'économie, efficacité
énergétique, énergie intelligente,
co-génération, sobriété, isolation,
éclairage par diodes, constructions plus écologiques,
etc.) ainsi que le
passage aux
énergies renouvelables, en premier lieu l'énergie solaire qui pourrait s'imposer plus vite que
prévue. Nous devrions promouvoir
la meilleure énergie, pas l'énergie la moins
chère dans l'immédiat mais la moins polluante et la plus souhaitable à long terme. En
particulier il faudrait prendre en compte prioritairement la
réduction des émissions de CO2 pour se détourner
le plus possible du pétrole, du gaz et du charbon plutôt que de s'alarmer qu'ils puissent venir à manquer.
Du point de vue de l'effet de serre,
l'épuisement du pétrole ne
serait pas une si mauvaise nouvelle, mais on ne peut absolument pas y
compter
pour l'instant. La catastrophe c'est plutôt que ça va
continuer
encore longtemps comme ça, en rejetant de plus en plus de CO2
(et l'acidité de la mer va continuer à grimper
dangereusement pour les coquillages et le plancton) !
On peut d'autant moins tabler sur la
crise de l'énergie pour changer la société que,
même si la technologie ne peut tout résoudre, il est
certain que la technologie peut améliorer l'efficacité
énergétique et trouver des substituts au pétrole
car il n'y a rien
de plus universel que l'énergie. On peut d'ailleurs
espérer que
les
progrès de l'électricité solaire mettent
assez rapidement à
portée de tous une énergie surabondante et gratuite (la
Terre est un
système ouvert, qui reçoit son énergie du soleil, on peut donc dire qu'on manque de tout sauf
d'énergie...). Il sera plus difficile de trouver des substituts aux
matières premières consommées à outrance
par l'industrie et dont les prix augmentent aussi (il n'y a pas que le pétrole).
Pour
l'instant, les réserves d’énergies fossiles sont certes
limitées, mais encore
considérables (pétrole, gaz, charbon, huile de schiste,
sables bitumeux, méthane). La première alternative au
pétrole sera le
charbon. Actuellement, deuxième source d’énergie
dans le monde, elle
pourrait bien le rester longtemps ou passer au premier plan
malgré son
caractère excessivement polluant, du moins en l'absence d'une politique
conséquente de réduction des émissions de gaz
à effet de serre. Dès
1990, Pierre Radanne indiquait que ce n'était pas la
rareté des
ressources, mais les effets climatiques qui obligeraient
l'espèce
humaine à changer ses comportements pour adopter une meilleure
maîtrise
de la dépense énergétique.
Il ne faut pas se faire d'illusions. L'hydrogène n'est qu'un moyen de stockage de
l'électricité et l'on ne peut pas compter sur
l'énergie de fusion. ITER est une utopie coûteuse
et
inutile, par contre, il ne faut pas se cacher qu'il sera
difficile de s'opposer au développement du nucléaire
prévu dans
les prochaines années malgré le caractère
irresponsable d'une telle prolifération et le caractère
très limité des réserves d'uranium ; la
quatrième génération de centrales
nucléaires qui résoudrait tous nos problèmes
restant de la pure spéculation pour l'instant...
La plus prometteuse des énergies alternatives pour absorber les surcoûts
énergétiques dans l'immédiat, ce sont les
"négawatts", gisements d'économies d'énergie dont fait partie l'indispensable relocalisation de
l'économie. L'augmentation
des prix joue ici en grande partie le rôle qu'on voulait donner
aux
écotaxes, avec l'avantage de permettre le développement
d'énergies plus coûteuses.
La première priorité c'est le transport. On peut penser qu'avec l'augmentation des prix nos
habitudes alimentaires devraient rapidement être "démondialisées" mais cela ne suffira pas. Il
faudrait un développement considérable des transports en commun
(qui, eux, peuvent fonctionner à l’électricité), une modification des
politiques de stockage (l’absence actuelle de stocks dans les
industries, politique appelée "à flux tendus", multiplie les
transports unitaires), un changement des habitudes de travail (par
exemple ne jamais aller travailler à plus d’une demi-heure de son
domicile, ce qui imposerait dès maintenant une réflexion sur
l’urbanisme et les choix actuels grandes villes/banlieues lointaines),
débuter enfin une politique de ferroutage qui permettrait aux camions
de voyager par rail pour la majorité du trajet, etc.
Une autre priorité absolue, c'est l’isolation des maisons et immeubles
(économies de chauffage et de climatisation). L'apport de l’énergie solaire dans ce domaine où elle est le plus efficace énergétiquement, ne doit
pas être négligé. Il est sans doute exagéré de dire que "le but du siècle à venir doit être le
remplacement complet des sources conventionnelles d'énergie par
le solaire toujours disponible, c'est-à-dire un approvisionnement
exclusivement solaire pour l'humanité."
(Hermann Scheer, Le solaire et l'économie mondiale). L'avenir
est plutôt dans une multiplicité des sources
d'énergie selon les utilisations, un bouquet d'énergies
faisant feu de tout bois (géothermie, biomasse, etc.). Le solaire n'est pas toujours le mieux
placé, loin s'en faut. Il n'empêche que nous
devrions le privilégier à chaque fois que nous le
pouvons, en premier lieu pour l'habitat et la climatisation, afin de le sortir d'une relative marginalité et
précipiter le
passage à l'ère solaire.
Le problème, ce n'est pas l'énergie, c'est une
société où nous pourrions vivre, une politique
à construire, une démocratie à réinventer.
- Solaire
Potentialités et limites de l'énergie solaire pour un
développement durable, Bernard Lachal, Genève, 1994
http://www.unige.ch/sebes/textes/1995/95BLpotsol.html
Michael Graetzel. Des vitres électrogènes alimentées par les nouvelles cellules solaires nanocristallines :
http://solar-club.web.cern.ch/solar-club/SolPV/autres/vitreselectrogenes.html
Solar Club du CERN. textes sur le photovoltaïque :
http://solar-club.web.cern.ch/solar-club/Textes/textesPV.html
Il y a aussi (nanotechnologies) :
http://www.konarkatech.com/
http://www.nanosolar.com/
http://www.prospective.org/gps_front/index.php?rubrique_id=4&tpl_id=2&contenu_id=665&id=747&lettre=
- Maîtrise de l'énergie :
http://www.fondapol.org/ :
http://2100.vaour.net/wiki/Ma%EEtriseDeLEnergie/Ma%EEtrisedelEnergie
http://2100.org/w_energy.html
Jean-Marc Jancovici (nombreuses questions abordées jusqu'à l'urbanisme) :
http://www.manicore.com/documentation/environnement_prospective.html
Premier capteur d’énergie océane :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=746
- Energies alternatives :
économies
d'énergie (isolation, transports collectifs, ferroutage,
urbanisme, relocalisation de l'économie, efficacité
énergétique, énergie intelligente,
co-génération, sobriété, diodes
d'éclairage)
solaire électricité (centrale, répartie,
intégrée) (tuiles solaires, vitres solaires,
nanotechnologies, tours solaires, fours solaires, satellites)
solaire eau chaude, bâtiment (généraliser)
éoliennes (en hausse)
géothermie (terre ou mer)
hydroélectrique (presque saturé)
marémotrice, énergie des vagues, hydroliennes (courants marins)
bois (important mais polluant)
biomasse (appoint peu efficace)
déchêts (biogaz 0,5% marginal)
hydrogène (solaire, bactéries, gaz, nucléaire)
With funding from the US Department of Energy, Craig Venter’s Institute
for Biological Energy Alternatives is building a new type of bacterium
using DNA manufactured in the laboratory. His goal is to build
synthetic organisms that can be programmed to produce hydrogen or be
used in the environment to sequester carbon dioxide.
nucléaire (surgénérateurs, HTR réacteur
à haute température produisant de l'hydrogène)
fusion (foutaise)
méthane (capture CO2, méthanol)
sable bitumeux (rentabilité?)
huile de schiste (rendement énergétique? énergie accessible?)
gaz (en hausse)
pétrole (pic de Hubbert pour 2010)
charbon (le plus probable, le plus polluant)
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