Notre situation historique se compare aux années 1930 pour le chômage
de masse engendré par une crise de surproduction. On accuse toujours
les machines, la technologie (aujourd’hui l’informatique) de créer
le chômage mais Marx a bien montré que ce n’est pas vraiment
la cause, c’est paradoxalement la surproduction, c’est-à-dire un
surplus de richesses qui cause les crises capitalistes et leur cortège
de misères. Le Capitalisme comme concurrence doit toujours rester
en mouvement, conquérir de nouveaux marchés jusqu’à
rencontrer la limite où il doit se replier et, réduisant
la demande, aggraver le déséquilibre de l’offre et de la
demande solvable jusqu’à une destruction gigantesque de richesses
(souvent une guerre) permettant de reprendre le cycle (avec la même
technologie en progrès). Pour prendre la mesure du problème
il faut savoir que les États-Unis ont failli passer aux trente heures
en 1933 et s’ils ont préféré la politique keynésienne
du New Deal ils n’ont réussi qu’à faire passer le chômage
de 24.9% en 1933 à 15% en 1940 avec un déficit de 16.9 milliards
de dollars. La guerre a supprimé le chômage avec un déficit
de 81 milliards de dollars.
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L’impuissance gouvernementale
Face à cette soi-disant "catastrophe naturelle" que faisons nous?
La mauvaise réponse est d’exacerber la concurrence, chacun tentant
de se sauver soi-même d’abord. Cette logique capitaliste est justement
ce qui va approfondir la crise. La structure des institutions européennes
ajoute cette plaisante circonstance qu’une politique keynésienne
y est impossible par le projet de la monnaie unique (qu’il ne faut pas
remettre en cause mais faire immédiatement). Alors, on fait feu
de tout bois et ce faisant on met le feu à la maison. On déréglemente,
on libéralise, on diminue les fonctionnaires en espérant
que la société dynamisée prenne des marchés
à ses concurrents qui seront alors plus chômeurs que nous.
Mais comme chacun fait de même le chômage progresse partout
avec une augmentation constante des exclus de la technologie. La société
se défait et n’est plus dirigée que par l’économie
sans laisser aucune place à l’homme et au progrès social.
On devrait supprimer toute vie familiale et tout projet à long terme
à la flexibilité, c’est-à-dire à la précarité
et redevenir, comme les prolétaires avant les luttes syndicales,
esclaves d’une économie suicidaire et d’une concurrence de plus
en plus exacerbée qui défait tout lien social et détruit
notre environnement. On n’a pas vu le fond car les gains de productivité
de l’automatisation informatique sont effectivement considérables.
C’est pourtant un bien, que personne ne devrait faire passer pour une catastrophe
redoutable et contre quoi on ne peut rien. Aucun peuple ne peut tolérer
longtemps l’impuissance face à son avenir et croirait-on que les
peuples vont attendre que nous soyons fin prêts pour défendre
leur sort ! Plutôt que d’accepter cette mort programmée, les
forces vives vont forcer le destin mais ce peut être Hitler ou 1936.
Déjà la violence des exclus et le terrorisme se développent
à mesure des injustices subies sans plus aucun espoir. La lutte
contre la criminalité et la drogue est impuissante face à
l’extension de la misère, même les riches ne peuvent plus
profiter de leurs richesses dans une société ayant perdue
toute unité et légitimité.
La société est encore anesthésiée, profitant
de la solidarité des retraités épargnés par
la crise et restant hébétée encore des terribles échecs
du communisme. Bien sûr, étant donné l’impopularité
du gouvernement actuel, les Socialistes vont gagner les prochaines élections,
mais ils ne peuvent rien changer sans mouvement social comme 1981 l’a montré
à l’encontre de 1936. Leur culture de gouvernement dirigiste et
impuissante ne leur fait envisager aucun changement de fond, aucune réorganisation
de la production et de la distribution des revenus, aucune solution aux
problèmes qui s’aggravent mais juste un clientélisme minimaliste.
L’extrême droite semble pour beaucoup la seule véritable alternative,
refusant de se laisser faire. Le seul projet alternatif est pourtant celui
de l’Écologie-politique qui n’est pas un quelconque naturalisme
primaire mais reprend les enseignements de l’histoire à la hauteur
des enjeux de demain qui sont ceux de la gestion globale de nos ressources
et de l’économie au profit d’une amélioration réelle
de nos conditions de vie, profitable pour tous et aux générations
futures. Cela ne peut se faire sans la participation de tous. La proposition
de réduction du temps de travail n’est pas une solution suffisante
à une crise de surproduction bien qu’elle engage l’avenir sur la
voie d’une desaccélération nécessaire de la consommation.
Seul un mouvement social peut créer les conditions d’une réorientation
de l’économie sur les réels besoins sociaux.
Les Verts n’existent pas encore vraiment en France où ils ne sont
encore qu’un groupuscule, mais ils se veulent une branche d’une structure
internationale et fédérative. Malgré le nombre réduit
de militants c’est la seule alternative au libéralisme mondial qui
évite le totalitarisme (reprenant le fédéralisme anarchiste
et sauvegardant l’autonomie relative des acteurs économiques) sans
laisser l’économie à sa sauvagerie débridée
mais la soumettant à la société. La solution écologiste
qui n’est pas seulement environnementale mais citoyenne consiste à
donner au citoyen le pouvoir sur son propre environnement. Différentes
tendances s’y affrontent entre libéraux et libertaires, mais c’est
là que peut se préparer la société de demain
en soutenant les mouvements sociaux, leurs capacités d’interventions
et de solidarités effectives (il faut que la société
s’habitue à intervenir dans l’économie). Pour cela nous avons
besoin de votre énergie, de votre participation, de vos critiques,
de votre colère contre ce monde absurde et inhumain qui court à
sa perte si nous ne savons y opposer une protestation unie. Rien ne résiste
au peuple assemblé, seul manque la décision de nous rassembler.
Jean Zin (04/95)
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