Comment les oeuvres de l'esprit ne seraient-elles pas influencées par la vie matérielle, la chaleur du soleil, le rythme des saisons, la douceur du climat, l'euphorie boursière, la guerre ou le chômage de masse ? L'activité symbolique est directement impliquée dans notre réalité quotidienne et toute création essaye de penser son temps, de le décider, le corriger ou le prolonger. Il n'est guère étonnant qu'on puisse lire dans les productions littéraires ou philosophiques les évolutions historiques ou les cycles économiques. Ni le contenu d'une oeuvre, ni sa tonalité ne doivent tout à la personnalité de l'auteur, personnalité qui est elle-même largement modelée socialement (louanges et critiques jouant comme plaisir et peine pour nos habitus).
Il nous semble important de dégager cette part commune de l'Histoire pour de nombreuses raisons mais notre but ici sera surtout d'envisager son caractère cyclique trop souvent négligé afin d'éclairer les cycles des valeurs au-delà de l'économie, leurs métamorphoses comme aufhebung, achèvement, récapitulation. C'est-à-dire qu'il s'agit bien d'obtenir, en fin de compte, par soustraction des cycles matériels, une propriété purement symbolique ou linguistique de succession des valeurs dominantes, parcourant le cercle de ses oppositions, vérité du processus plus que du résultat partiel qui n'est qu'une étape encore, clôture du sens précipité, aussi impossible qu'indispensable à toute lecture qui devra être dépassée suspendue au jugement de l'avenir. Ni la graine, ni l'arbre, ni le fruit ne sont la vérité mais seulement le cycle de leur reproduction, cycle de la vie. Qu'est-ce que reproduit ainsi le cycle des valeurs au-delà de l'écho des cycles économiques et des saisons ?
Il y a ici la même différence qu'entre l'astrologie et l'ésotérisme. L'astrologie suivant les rythmes des saisons enracine les valeurs dans la réalité matérielle alors que l'ésotérisme qui étend la succession des valeurs aux civilisations elles-mêmes prétend à une détermination symbolique de la réalité humaine.
Si nous nous situons ici dans le prolongement du structuralisme génétique de Piaget et Lucien Goldmann, de la dialectique pratique de Lukàcs, nous y décelons des cycles dont la dialectique ne doit pas être confondue avec la dialectique purement historique. On peut appeler cela une grammaire de la négation. Toute négation étant partielle, il faut un certain nombre de négations pour revenir au positif (opposition, division, négation de la négation).
Il y a beaucoup de points communs entre cycles et dialectique mais il y a aussi de grandes différences qui sont ignorées lorsqu'on ne distingue pas explicitement les cycles simplement identifiés alors à la dialectique. Hegel avait lui-même tendance à réduire la dialectique au cycle vital de la graine au fruit. Bizarrement, Roland Barthes à la fin de son "Système de la Mode" utilise le terme "diachronie" pour décrire le retour périodique des modes, évitant soigneusement de parler de cycles et donnant à la simple diachronie un sens qu'elle n'a pas. Il est vrai que la diachronie, la succession des années et des générations, implique la contrainte de toute existence, s'opposer à ce qui la précède, cela ne rend pas compte de son caractère cyclique.
Le cycle est la pure répétition des modes, ce qui n'est pas neuf dans la nouveauté, son expression formelle. Ce qui doit en apparaître, au-delà de cette grammaire formelle, c'est le contenu substantiel d'une véritable évolution historique ainsi que toute la portée de l'invention effective. Notre but est bien de comprendre, d'expliquer, non pas de prédire car les cycles vitaux ou culturels ont une existence molle qui n'a pas la régularité des sciences exactes et sont sujets à toutes sortes d'accidents, et d'abord la composition avec d'autres cycles car les cycles sont innombrables : physiques, biologiques et symboliques. D'avoir l'imprécision d'une écriture humaine n'empêche pas de les lire dans les productions de l'industrie aussi bien que de l'esprit et de se situer dans les saisons de l'histoire.
Plutôt que de prendre comme origine Descartes ou les Grecs, nous
devrions remonter aux juifs, à Zarathoustra, Hammurabi (-2000),
à la justice écrite, et même peut-être aux prémices
de l'agriculture et du Néolithique (-8000), de l'invention du travail
de la terre à l'origine de l'esclavage, du savoir et de la technique.
Mais nous irons au plus proche, là où les données
abondent afin de contenir les interprétations trop rapides. Dans
ce domaine il faut commencer par le plus évident avant de trop rafiner.
XIIIème Thomas d'aquin (Goldmann)
Aristotélisme
Début d'un secteur urbain, émergence de laraison et d'un
droit profane
rapports raison et foi = rapports tiers-état seigneurs ou Etat
religion
XV-XVI Philosophie de la nature
animisme néoplatonicien
Individu commence avec Nicolas de Cue et surtout Pic de la Mirandole
(Dignité de l'homme).
Le pouvoir de l'argent se substitue à l'honneur.
Portraits
XVIème-XVIIème Rationalisme
Combat contre aristotélisme
Descartes, rationalisme mécaniste, individu raisonnable, espace
infini (non communauté et univers), liberté et justice
Jansénisme, Racine, Spectacle (Goldmann)
Balzac, réalisme, convertibilité
1873 Walras (oncle de Gide) valeur subjective plutôt que valeur travail, utilité marginale plutôt que valeur d'échange.
Impressionnisme
Brentano, Intentionnalité
Phénoménologie
Valéry, M. Teste
Gide, Les nourritures terrestres, 1897 (liberté, mobilité,
commencement, joie)
L'immoraliste, 1909 (convalescence)
1910 Cubisme
Les caves du Vatican 1914 (acte gratuit)
Saussure, 1916 Cours de linguistique générale (conception bancaire du langage)
Art abstrait
1924 Surréalisme
Gide, Les faux monnayeurs, 1925 (faillites, spéculation)
1929 Krach
1930 Régimes autoritaires, fascismes
1933 Malraux, La condition humaine
Guernica
1938 Sartre, La Nausée
1943 L'Etre et le néant
1945 Sécurité sociale, droits sociaux, Ined
Existantialisme, féminisme
1946 INSEE
1947 Plan Marshall
science-fiction
GATT, OMS, UNESCO, ONU
1950
Guerre froide
Menace nucléaire
décolonisation, Tiers-monde
1954 Abbé Pierre
1957 Traité de Rome
Rock and Roll
Nouveau roman
nouvelle vague
1958 De Gaulle, planification, Keynésianisme
1960 Société de consommation
1961 Gagarine
1962 Crise de Cuba, coexistence pacifique, marché commun agricole
1966 Nouvel Etat industriel JK Galbraith (technostructure et managers)
Conquête de l'espace
Révolution culturelle
Beatles
Hippies
Mai 68
Contestation autorité, féminisme, libération sexuelle,
pilule, jean
Fin patriarcat
1971 Nixon fin convertibilité or
Derrida, pas de référent
1973 Choc pétrolier
Population des prisons augmente avec la dépression (1974) confirmant avec Foucault que la Loi produit le crime au niveau socialement désiré de contrôle.
1978 2ème choc pétrolier
1979 Révolution islamique
Retour libéralisme et de l'acteur
1987 Tchernobyl
Ecologie
1989 Ecroulement communisme
Mondialisation, Internet, OGM
Après le temps de l'individualisme puis de sa négation, vient le temps de la réconciliation d'un individu entièrement social bien qu'autonome (écologie).
L'écologie comme pensée globale implique l'unité du sujet et de l'objet, de la pensée et de l'Être, du réel et de sa représentation. Unité dialectique qui n'est pas sans leur séparation comme diversité mais qui doit reconnaître la détermination de l'esprit par la pratique tout autant que la détermination de la pratique par l'esprit, l'intervention du langage dans la réalité comme la construction du langage par cette réalité.
Bibliographie
Le Dieu caché, Lucien Goldmann, Tel
Frivolité de la valeur, Jean-Joseph Goux (Blusson)
Monde des livres 27/10
Le choc des générations, Bernard Préel,
La Découverte
Les Cycles du Capital,
Jean Zin
Tableau étendu
des cycles de Kondratieff
L'Ère du Verseau,
Jean Zin (amusement sur l'ésotérisme zodiacal)
Cycles
Clément Juglar
Kondratieff
Schumpeter
1930 François Simiand
Ernest Labrousse
Ernest Mendel