Si pleurer, c'est déjà être consolé[1], les consolations ne manquent pas à notre vallée de larmes. Il y a aussi, sans conteste, un plaisir de la recherche de la vérité et de l'écriture qui, même à rendre compte de nos malheurs, nous console vaguement de l'injustice du monde et de la précarité de l'existence dans le commerce avec les idées éternelles, un peu comme un blues déchirant peut exalter notre sentiment de vivre dans l'expression même de la douleur la plus profonde. Il y a indéniablement un bonheur de la philosophie, presque malgré elle, mais c'est l'erreur la plus commune parmi les philosophes de prétendre faire du bonheur la promesse de leur philosophie comme d'une quelconque sagesse ou psychologie normative. Si le philo-sophe avoue qu'il n'est pas sage, c'est d'aimer trop la vérité et de ne s'intéresser qu'au discours public, au bien dire enfin plus qu'à son bien-être.
Or, la vérité est presque toujours déceptive, ce serait une erreur vraiment d'y rechercher une quelconque consolation que rien ne justifie au contraire puisqu'à perdre nos illusions, c'est la rugueuse réalité à laquelle on se cogne (c'est ça le cognitif). Ce serait trop facile de pouvoir attribuer nos malheurs simplement à notre aveuglement, à un voile que la philosophie déchirerait pour nous ouvrir enfin à la jouissance interdite (Béatrice), à la splendeur de la vérité (claritas) et au point de vue divin (dit du troisième genre ou de Sirius, bien au-dessus des simples mortels). C'est le conte pour enfant que nous racontent toutes les religions et dont la philosophie n'a pas pu se défaire depuis Aristote qui critiquait pourtant avec quelques raisons le souverain bien de Platon mais qui le remplace immédiatement par la contemplation du philosophe et le bonheur de savoir. Il ne restait plus aux professeurs de vertu et aux petits maîtres qu'à s'engouffrer dans ce nouveau marché avec chacun sa petite recette entre exaltation des plaisirs et refoulement stoïque des peines. A ces faux philosophes qui voudraient faire de nous des spectateurs satisfaits et passifs du spectacle du monde, il faut opposer une lucidité plus diabolique sans doute mais une philosophie désabusée et stratégique, dépourvue de promesses autres que celles d'une action organisée.
Il n'y a rien qui permette dans les lois de la nature, les sciences sociales ni l'expérience historique d'être trop optimiste. Nous n'avons pas de raison de nous réconcilier avec le monde même s'il est le produit de nos actions, point où Marx avait raison contre Hegel sauf que c'était juste pour repousser la réconciliation au supposé communisme à venir, avec des promesses bien plus insensées que celles de Hegel pour qui la lutte des classes et les contradictions sociales n'ont pas de fin. Seulement, ce n'est pas parce que rien n'est sans raison ou que l'argumentation tend à l'universel qu'on devrait s'en satisfaire et ne plus s'opposer au monde qui court à sa perte. Dans sa lutte perpétuelle contre la mort qui nous ronge aucune vie ne peut rester inactive ni espérer la fin de l'entropie universelle. La lutte et la contradiction sont bien au fondement du monde de la vie et non le laisser-faire du simple spectateur. Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas renverser l'ordre établi qu'il faudrait le prétendre juste et passer dans le camp de la réaction. Il n'y a aucune raison de renoncer à plus de justice ni à vouloir aller au bout des possibilités de l'époque, il faudrait du moins mieux tenir compte des rapports de force matériels et se donner des objectifs réalisables au lieu de se payer de mots.


Mon blog, qui prenait la suite le 20/10/05 du site "
Il n'y a pas eu de miracle grec. En fait, hein, il n'y a jamais de miracle. On peut bien sûr trouver que notre chambre toute rose à nous est un véritable miracle dans une France rancie et xénophobe, mais c'est un tout petit miracle. On ne sent aucune velléité de mobilisations sociales capables d'en tirer parti comme en 1936. Pour la relance promise, il ne faut pas s'imaginer qu'elle puisse être à la hauteur alors que la crise est loin d'être finie, qu'elle n'est pas du tout limitée à la Grèce et que la pression des marchés risque de rogner encore des protections sociales pourtant de plus en plus vitales. Il y a bien eu quand même le miracle des révolutions arabes qui ont lancé un mouvement mondial d'agitation mais dont le résultat est bien éloigné, pour l'instant du moins, des espoirs les plus fous des révolutionnaires comme de ceux des démocraties occidentales...
Je me suis demandé comment on pouvait souhaiter que les choses s'arrangent au mieux, à supposer même qu'on ait des dirigeants exceptionnels, mais de quelque façon que j'envisage la question, je ne vois que la nécessité de précipiter la chute au plus vite maintenant. Peut-être un manque d'imagination de ma part mais il y a de bonnes raisons de penser qu'on ne pourra pas s'en sortir sans passer par le défaut de paiement, des dévaluations massives et un retour de l'inflation, pas seulement pour les Grecs mais une bonne partie de l'Europe et les Etats-Unis au premier chef. C'est un peu répétitif de ma part mais il y a indéniablement encore un risque de krach de la dette, d'éclatement de l'Europe, de désordres monétaires et de tensions internationales. Il vaudrait mieux crever l'abcès que de faire inutilement durer le supplice.
Les élections présidentielles, sont les élections les plus folles, celles qui donnent lieu régulièrement aux espoirs les plus démesurés. On nous promet de changer le monde tous les 5 ans avec force moyens de communication et foules rassemblées. Crise oblige, cette fois, plus que les autres, une bonne part de l'électorat a même cru que cette élection pourrait déboucher sur une véritable alternative et non sur une simple alternance. Même le président en place s'est cru obligé de jouer la rupture avec soi-même ! Or, ce qui frappe derrière le triomphe des discours qui prétendent se faire l'expression des désirs collectifs, c'est une forme partagée d'hallucination collective qui mène à s'illusionner sur une possible victoire en prenant la petite partie qu'on représente pour le tout d'un peuple fantasmé. Chacun parle au nom du peuple mais pas du même peuple à chaque fois...
Comme on le voit bien, colloque après colloque, il n'y a pas du tout d'unité du revenu garanti dont les différentes versions expriment toute une gamme de positions politiques différentes. C'est qu'on ne peut donner sens à un dispositif isolé qui dépend du rôle qu'on lui fait jouer dans l'organisation sociale. Cela peut aller de la simple mesure sociale, d'un palliatif du marché du travail assurant une consommation minimum, jusqu'à l'élément d'un nouveau système de production relocalisé qui change la façon de produire en donnant accès au travail choisi. C'est uniquement grâce à un ensemble de dispositifs faisant 
Il ne fait aucun doute pour moi, qu'être de droite, c'est être un salaud, égoïste et violent envers les autres, partisan du colonialisme, de l'esclavage, de l'extermination des pauvres, du rejet des immigrés, du mépris des faibles, de la dictature de l'argent, si ce n'est de la dictature tout court. On voit bien tous les thèmes défendus par la droite, de la sécurité ou la xénophobie à la défense des riches ou de la réussite individuelle, en tout cas de la culpabilisation des assistés, toute la barbarie humaine même bien refoulée. On sait que Sarkozy a bâti sa carrière sur le refus de s'excuser d'être de droite, légitimant au yeux de ses partisans soulagés les positions les plus immorales (sa réplique habituelle étant "on ne va pas se gêner !").
La mode est au revival de ce qu'on croyait enterré depuis longtemps, occasion de rappeler que rien ne se perd d'un passé qu'il ne suffit pas de refouler. Ainsi, il n'a pas suffi de la victoire de 1945 pour supprimer tous les fascistes, de même que l'écroulement de l'URSS n'a pas été la disparition de tous les communistes de la terre, même réduits à la portion congrue. Ce n'est pas seulement que ces idéologies survivent et reviennent nous hanter mais que les nazis et les staliniens sont encore parmi nous sous d'autres habits néolibéraux ou religieux. Cependant, l'histoire ne se répète pas et les idéologies comme les gens évoluent dans l'après-coup de l'expérience et la confrontation avec de nouveaux contextes. Les fascistes d'aujourd'hui ne sont pas aussi abjects que les fascistes d'hier, de même que les communistes qui restent ont beaucoup changé et perdu de leur assurance. Qu'on assiste à une résurgence du passé qui se donne en spectacle ne veut pas dire que ces idéologies tournées vers un temps révolu auraient un quelconque avenir en dépit du retour critique dont elles auraient été capables.
4 ans ! plus de 4 ans déjà que cette crise systémique a