Moïse et le monothéisme

Thèse historique Thèse psychologique
 


a) 1. La thèse historique


b) 2. Thèse psychologique
Tu dévoreras donc tous ces peuples que Yahvé ton Dieu te livre, ton oeil sera sans pitié et tu ne serviras pas leurs dieux : car tu y serais pris au piège. Dt 7-16
Reste la question de la survivance tenace comme peuple malgré l’exil et l’extermination. Pour cela, le dieu tribal est bien suffisant à faire l’unité et le sectarisme violent (tu seras comme étranger dans les autres peuples, séparé) et totalitaire (les prescriptions) sont un modèle d’efficacité pour toute secte. Pourquoi le meurtre de Moïse aurait-il influencé d’autres juifs sinon à maintenir la fiction d’une race, d’une histoire familiale. Même si c’est bien ainsi que se présente l’idéologie biblique la réalité est politique. Plutôt que de vouloir nier la spécificité du politique et du religieux au nom d’un concept totalitaire importé d’une autre discipline, il faut reconnaître les processus effectifs en jeu, qu’on peut lire dans le texte, à condition de ne pas plaquer ses propres obsessions (risque du délire, Freud le savait bien). La théorie de Freud (cf. Application) est aussi fausse en ce qui concerne Totem et Tabou, l’exogamie ou l’interdiction de l’inceste que sa vision de l’histoire des religions. L’apparition de Dieu-le-Père est tardif, survenant avec les premiers éleveurs nomades (Indo-Européens) et les guerres de l’âge du bronze. La religion n’est pas une formation équivalente à une névrose individuelle (il n’y a pas de sujet du collectif, il suffit d’aller voir de près) mais une représentation unitaire du monde qui doit son adoption à son efficacité pratique dans la conservation et l’extension d’une communauté ou d’un pouvoir. La persistance du peuple Juif ne tient pas à son enfance trouble mais, d’une part à cette volonté de ne pas se mêler aux autres peuples, de ne pas adopter leurs coutumes et leurs dieux ce qui suffit à leur assurer la persistance comme peuple, mais aussi à son rôle économique dans l’empire et la chrétienté, explication sans doute bien décevante pour l’idéalisme Oedipien. L’importance réelle du Judaïsme est cependant dans la religion de la Loi où l’esclave s’égale au maître sans différence de nature par simple conversion au dieu de la communauté.

Pour les Hébreux, peuple illégitime, c’est l’acte d’Alliance, l’obéissance à la Loi de la communauté, à son dieu, qui fait le peuple, son unité sans différences naturelles (le peuple proteste face à Moïse : nous aussi nous sommes le peuple élu). Le rejet des autres dieux est d’abord le rejet des rites naturels de résurrection. La négation de l’esclavage se fait d’abord en réduisant tout le peuple à l’esclavage sectaire de la Loi divine qui s’applique de façon privilégiée aux travailleurs (le Shabat). Ici l’unité du peuple sans classe (dans la religion!) s’oppose à l’unité des peuples entre eux. L’utilisation, par les Perses, de cette tradition pour s’opposer à l’Égypte ne pouvait durer qu’un temps mais attachait, ici comme ailleurs, Ce Dieu à Ce lieu alors que l’expérience de l’exil l’universalisait au contraire.
 

  • La question de Freud

  • Le monothéisme de Zarathoustra semble ignoré de Freud ce qui explique bien ses illusions auxquelles il tenait de façon névrotique ou religieuse car elles semblaient confirmer ses hypothèses devenues vérité divine et faisant de la psychanalyse un idéalisme au même titre que toute religion. En fait, si on renonce à identifier le collectif à un sujet, il n’est nul besoin d’un meurtre réel se transmettant de génération en génération sans diminuer nullement la puissance d’évocation de la culpabilité originaire présente dans tout sacrifice expiatoire. Le sacrifice du fils de Dieu peut bien trouver écho dans nos fantasmes (Totem et Tabou) sans qu’aucun événement réel n’en réponde. Le prétendu meurtre de Moïse n’explique rien en soi, par contre il est vrai que la culpabilité et le travail sont nécessaires au progrès de la civilisation. Quand à la persistance du peuple Juif, la culpabilité de son héritage (sa dette) continue à se diviser en crime symbolique contre la nature et le lieu, sa prétention à s’élever au-dessus des croyances locales ou des castes naturelles, ainsi qu’en solidarité contre les crimes effectivement commis contre son peuple et qui lui donnent consistance du regard de l’Autre, sans que le sujet ait besoin d’y consentir.
     (01/07/1995)

    [Critique de l'idéologie psychanalytique]
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