Il faudra bien se décider à redonner une véritable protection sociale, une continuité "Au-delà de l'emploi" (Supiot). Pour cela il faudrait "Penser à l'envers" du fordisme comme le veut la nouvelle économie de la demande, de la flexibilité de la production (toyotisme). Ce n'est pas à l'emploi qu'il faut donner un statut désormais, c'est à la personne et d'abord un revenu garanti pour tous.
L'économie immatérielle en réseaux produit de l'exclusion alors que nous pourrions profiter au contraire de son immense potentiel de libération pour construire une production écologique de plus en plus nécessaire, une véritable alternative au productivisme salarial au profit d'un développement local et personnel. Le passage à l'économie immatérielle est celui de la production de l'homme par l'homme (formation, santé, culture) où c'est l'homme qu'il faut enrichir et cultiver, capital le plus précieux. Les institutions internationales reconnaissent désormais le "développement humain" comme la première des priorité (Amartya Sen).
Nous ne sommes plus aux débuts du capitalisme où le peuple était délibérément affamé, toute ressource commune lui étant retirée afin de l'obliger à travailler tout le temps (Weber, Gorz). Dans une économie de l'information, l'essentiel, au contraire, c'est le développement des capacités et la garantie du revenu assurant la reproduction des compétences (employabilité). Ce revenu doit être suffisant et ne saurait être inférieur au seuil de pauvreté sans menacer l'intégration sociale. Il doit surtout favoriser les activités autonomes, changer la production. Une politique de développement humain ne se limite pas au revenu garanti et doit permettre une véritable valorisation des personnes, la formation et l'accès à l'activité économique comme aux responsabilités démocratiques.
Il ne faut pas se faire d'illusions pourtant, le cynisme règne en maître comme le montre le petit livre "Pas de pitié pour les gueux". Les riches ont toujours raison d'être riches et les pauvres mériteraient d'être encore plus pauvres ! Malgré tout l'urgence du revenu garanti s'imposera tôt ou tard, si ce n'est par la précarité, du moins par l'inflation qui revient et les luttes pour le maintien du pouvoir d'achat.
La garantie du revenu est une nécessité de la reproduction de la société, de la formation continue, de l'innovation et de l'autonomie. C'est aussi la conséquence d'une "crise de la mesure", d'une valeur de plus en plus aléatoire et indépendante du travail direct (externalités positives). C'est la base d'un "tiers-secteur", d'une production plus écologique, du travail autonome. C'est enfin un revenu de citoyenneté permettant à tous de participer à la vie démocratique.
Le Revenu Social Garanti défendu par les Verts est ainsi un revenu individuel de 4000F dès 18 ans. Pour un travailleur à mi-temps, 1/2 RSG serait versé et surtout les 4000F serviraient de subvention pour les activités autonomes du tiers-secteur. Sans réduire le revenu garanti à ce minimum, c'est une base réaliste dont il faudrait faire une revendication prioritaire.
Nous n'avons plus à gagner notre vie mais à la produire. Nous avons la chance d'être né dans un temps où le salaire n'est plus mesuré à la peine mais où notre liberté devient le coeur de la nouvelle productivité. L'utopie est déjà réalisée, il ne manque que de le reconnaître et d'abolir les anciens privilèges devenus insupportables, pour imposer un véritable droit à l'existence et à l'indépendance financière. Les années qui viennent annoncent le "choc des générations" du papy boom et bien des révolutions à venir qui dépendent de nous.