Les Verts sont, paraît-il, le parti préféré des français, conscients que les enjeux écologiques sont les problèmes cruciaux de l'avenir. Pourtant, au terme de mon mandat, je ne peux que faire part avec effarement d'un fiasco apparemment complet. Les Verts ne sont encore qu'un groupuscule inutile et dangereux, bien loin de pouvoir prétendre à gouverner et ils devraient s'appliquer à eux-mêmes le principe de précaution. Les exemples s'étalent partout de leurs erreurs et leurs renoncements (OGM, Sans-papiers, laboratoires nucléaires, 35 H, crise pétrolière, épargne salariale...). Ils ne mettent plus sérieusement en cause la croissance et leur caution d'un gouvernement si peu écologiste et social est intolérable. Malgré l'optimisme retrouvé des classes moyennes, des millions de jeunes et d'exclus ne pourront oublier le visage grimaçant d'une société qui ne voulait plus d'eux et refuse encore d'augmenter les minima sociaux à un niveau décent. Nous devons joindre notre voix à celle du belge Paul Lannoye pour réclamer un retour des écologistes à "l'alternative et non l'alternance".
Engagé dans le mouvement des chômeurs et la lutte pour le revenu, j'ai été élu au cnir par la région Midi-Pyrénées sur une ligne d'opposition radicale à l'accord avec le PS, dans une ambiance très conflictuelle avec les majoritaires. Mon objectif était de constituer un pôle radical fort en opposition ouverte avec l'écologie gouvernementale et proposant une véritable alternative au libéralisme. C'est malheureusement un objectif qui n'est pas atteint aujourd'hui, les forces de résistances à une alliance structurelle avec le PS étant trop faibles, devant les avantages électoraux immédiats, pour un parti de militants qui se transforme en parti d'élus (même s'il n'y en a pas encore tant que cela).
Ce qui est le plus désespérant c'est qu'au-delà de ces stratégies à court terme, les Verts n'ont plus d'idées, plus de projet, abandonnant même leurs principes pour se réduire au soutien de quelques leaders médiatiques. Les EGEP qui étaient sensées lancer une grande dynamique pour remédier à ce vide théorique n'ont aucun moyen et n'intéressent personne, pure mascarade.
Les commissions des Verts, indispensables pour nourrir les analyses d'un parti gouvernemental, ne fonctionnent pas ou mal, sans moyens non plus ni beaucoup de compétences souvent. C'est particulièrement dommageable pour les commissions économie et social qui ne peuvent faire face à leurs tâches essentielles d'élaboration collective et de relais des mouvements sociaux. Il ne reste donc que des positions individuelles trop souvent idéologiques.
Cela ne facilite pas le travail du cnir mais son mode de fonctionnement est stupide, ne respectant aucune cohérence et ne laissant pas assez de place à l'argumentation (2 ou 3 mn la plupart du temps avec impossibilité de répondre à une réponse ou demander un renvoi en commission par exemple). Tout cela favorise les votes purement politiques ou symboliques. On vote l'abolition de la prostitution ou l'interdiction des "marchés des droits à polluer" sans se soucier le moins du monde de la réalité, condamnation exclusivement morale mais dangereuse dans son irresponsabilité. De toutes façons personne ne suit les directives de cette foire d'empoigne, c'est une perte de temps.
Enfin la province est bien pénalisée. Vouloir participer
aux réunions des Verts coûte cher quand on habite loin de
Paris, mais c'est presque impossible quand les réunions sont un
mercredi par exemple. Pour faire de la politique nationale, il faut être
parisien (riche et fonctionnaire). Ce n'est pas que la politique régionale
soit plus encourageante avec la domination totale de la route sur le rail
et l'impuissance du CPR à obtenir l'abstention au moins de nos "représentants"
au Conseil Régional ou la difficulté pour imposer l'autonomie
aux municipales !
Face à tout cela, je ne me suis pas découragé
et j'ai même consacré une bonne partie de ces deux années
de "chômage" à me démener pour relancer le travail
théorique des Verts et redonner forme à une alternative
écologiste, fondée sur un Revenu Social Garanti, notamment
avec la rédaction collective du manifeste "réaliser l'écologie"
en 1999.
J'ai participé au lancement d'EcoRev' avec des copains d'AlV, seule revue des Verts pour l'instant, "revue critique d'écologie-politique" qui a eu un certain succès auprès d'intellectuels comme Jacques Robin ou André Gorz, et j'espère bien qu'elle continuera sans moi.
J'ai participé activement aussi aux commissions économie et social, surtout sur la question du revenu (RSG) puisque j'ai animé l'intergroupe revenus et créé un site Internet sur le Droit au revenu, mais j'ai aussi apporté des contributions sur les évolutions du travail, la nouvelle économie, le Tiers-secteur et le projet écologiste. Je participe un peu aux EGEP même si j'ai refusé toute fonction officielle et que c'est devenu une mascarade (j'interviendrai malgré tout le 6/12 sur le revenu).
J'ai mené enfin de nombreux débats au sein des Verts,
en partie sur Internet, de la guerre du Kosovo à l'épargne
salariale. Un de mes engagements majeurs a été de combattre
la logique des écotaxes (déjà dénoncée
par Gorz, Illich en 1974), ce sur quoi j'ai obtenu une évolution
de la doctrine des Verts, sensible pendant la crise pétrolière,
même si ma motion n'a jamais été votée. Par
contre, si j'ai obtenu difficilement la réunion d'une inter-commissions
sur les "marchés des droits à polluer" et si, après
une journée de débat avec Pierre Radanne (de l'ADEME), un
consensus sur cette question de tous les responsables présents a
été facilement trouvé, malheureusement devant le cnir
nous avons essuyé un échec complet, un rejet de la complexité
sur un sujet étonnamment délaissé par les Verts, au
profit d'un vote se voulant idéologique mais sans aucun souci de
la réalité et constituant pour moi un divorce entre l'intellectuel
et le politique, le signal que ma place n'était pas là mais
aussi que les Verts ne tenaient vraiment pas leur rôle, s'excluant
ainsi de la négociation internationale par un extrémisme
déplacé alors qu'ils n'osent même plus remettre en
cause la croissance et acceptent tout par ailleurs.
Comme José Bové et bien d'autres on peut donc constater
que les Verts ne servent à rien qu'à cautionner la politique
gouvernementale libérale et à servir de bouc émissaire
pour les chasseurs, les agriculteurs ou les automobilistes alors qu'ils
n'influencent en rien les politiques incriminées. Voilà ce
que c'est que de vouloir se prendre pour plus grand qu'on ne l'est au risque
d'éclater.
Il faudrait donc un improbable renforcement d'Autrement Les Verts, qui sont les seuls à mettre en cause l'accord avec le PS même si une radicalisation de leur positions et un affichage plus clair de l'alternative sont nécessaires. Mais ce ne sera pas le cas et mon souci n'est pas de sauver les Verts, ni de gagner les prochaines élections, c'est de changer le monde (excusez du peu!), de préparer l'avenir en ce début de cycle de croissance et d'inflation mais aussi de réchauffement climatique. En attendant le prochain choc des générations du papy boom, les premiers mouvements sociaux de l'inflation posent déjà le problème de la garantie des revenus et de la régulation des marchés avant que de nouvelles tempêtes ne nous contraignent à un autre mode de développement plus économe. C'est de cela qu'il faudrait se préoccuper plutôt que de "renforcer le parti". L'écologie c'est encore l'avenir. Pour l'instant ce n'est qu'une promesse difficile à tenir. J'ai apporté tout ce que j'ai pu mais on est loin de compte, à vous de changer les Verts, de reprendre la flamme.
Mon intention n'est pas du tout de vous décourager, au contraire
je crois qu'il y a encore beaucoup de ressources et de militants de valeur
mais la direction prise n'est pas la bonne et il ne saurait suffire d'afficher
une quelconque satisfaction, ni de proclamer un catalogue de bonnes intentions
qui valent ce que valent les programmes ! Il est même impossible
d'afficher encore une radicalité théorique quand on se contente
de si peu en pratique. Il faut prendre conscience de l'étendu des
dégâts, imputables à l'alliance structurelle avec le
PS (jusqu'aux pratiques d'entrisme) avec son corollaire de course aux élus
nous alignant sur les autres partis. Ce ne sont pas tant les hommes qui
sont à incriminer mais bien la stratégie. Le "moindre malisme"
peut conduire au pire et ce n'est pas pratiquer la politique du pire que
de vouloir garder sa capacité de critique et d'alternative. Le problème
n'est pas de refuser d'être majoritaire mais de savoir si on veut
changer le monde ou y trouver simplement une place.