La faute des Verts

Une ministre dans la tempête
Il ne faut pas confondre et mettre dans un même sac la belle réponse de Catherine BOUDIGOU, Conseillère Régionale des Pays de la Loire, avec les justifications alambiquées d'Alain Lipietz ou d'autres réactions témoignant surtout de l'incompréhension de ce qui était en jeu (on n'a pas le peuple qu'on mérite!).

Il y avait dans la demande de solidarité et de présence de la Ministre, un aspect égalitaire de mobilisation de tous, du "haut" en bas, un besoin de partager sa rage et sa souffrance, qu'elle soit reconnue en haut lieu! Il y a là un côté Napoléon partageant la soupe des soldats. Je ne suis pas sûr que je serais très bon moi-même sur ce plan de la "représentation" et nous pouvons exiger des média qu'ils ne réduisent pas les Verts au Ministre. Cohn-Bendit lui pense que ce serait un super rôle pour lui, qu'il le fasse.

Mais ce n'est pas là l'essentiel. Ce qu'on reproche aux Verts c'est de ne pas avoir exploité l'événement. Ce que les journalistes au moins reprochent aux Verts c'est de s'être sentis plus écologistes que nous. Ce qui est apparu au grand jour c'est notre absence de réponse globale. A force de vouloir se faire respectables, la mode était explicitement à ne pas faire de catastrophisme. On ne peut pas être catastrophiste quand on soutien l'optimisme de la croissance retrouvée. Il aurait semblé bien irresponsable de "profiter" des catastrophes quand elles arrivent ! Seulement pour la plupart des gens c'est tout le contraire. Quand tout va bien ils nous traitent d'oiseaux de malheur mais quand vient la catastrophe ils viennent chercher nos réponses et comme nous avons rabaissé nos prétentions devant l'incrédulité générale, nos propositions sont trouvées bien maigres. On a tort de ne pas annoncer des catastrophes qui se produiront lorsqu'elles sont d'origine humaine et ce sont bien des catastrophes hélas qui nous porteront au pouvoir car ce sont notre seul véritable facteur de conviction (de même qu'avant un krach on croit forcément que ça va continuer à monter). Quand la population est sous le choc, c'est le moment de lui en faire mémoriser les causes, exigence de tout apprentissage. Donc il faut profiter des catastrophes pour obtenir des engagements sur l'avenir, dénoncer les causes immédiates comme les causes plus profondes du productivisme. C'est cela qu'on n'a pas le droit de rater, partager la colère plutôt que les râteaux, sinon pourquoi donc aurions-nous un ministre ?

Mais nos propositions sont trop respectables, il ne faut pas effrayer les gens (que chacun se rendorme dans un profond sommeil). Ce qui reste est lamentable : une augmentation de l'essence qui ne réduira la consommation que pour les plus pauvres alors que les ventes de voiture ont connu un record. Rien pour ralentir les ouragans ou diminuer le trafic pétrolier. Un boycott de Total ? Il ne touchera que les petits pompistes et profitera aux autres ayant pollué ici et là. Il n'y a de solution que globale.

Oui on doit reprocher aux Verts de ne pas être à la hauteur des événements et de ne plus croire assez aux nécessités de l'écologie. Nous sommes de ceux qui l'affirmons depuis longtemps : "avoir" un ministre ne sert à rien s'il ne se sert pas de son poste comme une tribune, nous n'avons aucune raison de changer d'avis mais devant les menaces qui s'amoncellent, nous devons exiger des mesures à la hauteur des enjeux. Il nous faut être la mauvaise conscience de la société mais aussi porter un projet alternatif crédible non par sa modération mais par les solutions qu'il apporte, par sa viabilité effective. Devant les reproches des journalistes, je ne suis pas du côté du pouvoir. Il ne s'agit pas de personnaliser les fautes dans une logique de carrière, mais, au contraire, de comprendre la demande sociale pour donner leurs chances aux idées écologistes.

Jean Zin