S'il n'est pas question d'un véritable pouvoir du peuple, par contre, dès l'origine, la démocratie athénienne a été surtout le règne de la discussion publique. La Démocratie est justifiée depuis Aristote à cause de la capacité humaine de se tromper, à cause de l'inexactitude de la raison pratique plutôt que sur le bon sens partagé. Il ne faut pas oublier que ce sont en fin de compte des contraintes militaires qui expliquent les différentes constitutions et ce sont clairement les conditions de la défense d'Athènes par ses marins qui ont imposé cette démocratie de l'argumentation publique et de l'adhésion populaire. Mais, comme le jugement artistique, la démocratie témoigne de la dimension collective de la vérité (arts, sciences, marchés). C'est bien la démocratie qui a favorisé l'émergence de la philosophie du dialogue et pour Socrate il n'y a pas de philosophe en-dehors de la cité. Ce règne de l'opinion publique favorise pourtant les sophistes plutôt que les philosophes et peut condamner Socrate à mort, au désespoir de Platon qui voit dans ce pouvoir de la parole publique démagogie et "théâtrocratie". La démocratie directe est non seulement impossible (dominée au mieux par Périclès) mais dangereuse si elle ne s'appuie pas sur des Lois, car il faut une continuité des règles sociales et derrière les joutes verbales, ce sont des forces réelles qui se combattent. La rhétorique des sophistes met déjà au service de l'argent toutes les ressources de la "communication". Il n'y a pas de "liberté naturelle" sans institutions, c'est une construction sociale. De l'autre côté, la loi républicaine ne peut remplacer le débat public. Le fondement du Droit et de la politique est d'ailleurs la procédure contradictoire (procureur et avocat, majorité et opposition). Le chemin de la démocratie est étroit entre démagogie et bureaucratie, comme toute vertu est un difficile équilibre tel le courage entre peur et témérité. La démocratie directe a une place irremplaçable notamment dans le mouvement social et la démocratie locale en tant que "démocratie face à face" comme dit Bookchin mais on ne peut se passer d'un cadre juridique et symbolique plus global, il faut préférer le terme de démocratie participative instituant une dialectique vivante entre les lois et les citoyens, dialectique qui ne peut être enfermée dans la loi justement.
Pourtant, paradoxalement, nos démocraties s'enracinent moins dans cette démocratie athénienne à la citoyenneté limitée que dans l'empire romain qui nous a légué le droit romain, à travers un catholicisme qui est bien la religion de l'Empire et de l'universalité (catholicon). Du Protestantisme, instituant un rapport direct de l'individu à Dieu, aux droits de l'homme de 1789 puis au Code Napoléon qui les formalise, on retrouve l'Empire universel pour lequel il n'y a pas de corps intermédiaires dans un rapport direct de chaque sujet à l'empereur (lui-même choisi par ses soldats). Un esclave peut devenir empereur et ce qui importe à l'empire c'est d'unifier les peuples qui le composent. Ce à quoi les idéaux du christianisme ont largement participé. La personnalité juridique romaine trouvait là un fondement universel qui faisait de chaque être humain, maître comme esclave, Romain aussi bien que Juif, l'incarnation du divin. L'Empire est égalitariste, c'est une méritocratie et non une aristocratie. Nous en avons hérité le juridisme (P. Legendre) qui va se révéler l'instrument du libéralisme plutôt que d'un quelconque pouvoir du peuple là encore.
La prise de pouvoir par la bourgeoisie correspond à son rôle objectif dans une société qui ne dépend plus de l'épée de la noblesse mais de la richesse sociale. L'État fiscal s'est constitué d'après Schumpeter lorsque les armées devront être plus nombreuses que la noblesse, contre les Turcs notamment. Dès lors la capacité de l'État se mesurait au nombre de combattants qu'il pouvait entretenir grâce aux prélèvements sur la richesse sociale ou grâce à l'or du Pérou pour l'Espagne. L'État fiscal est originairement dépendant de l'économie et la Révolution française est bien contemporaine de la révolution industrielle, adaptation nécessaire à la nouvelle donne. On peut dire que c'est l'officialisation d'un gouvernement par l'économie, par l'intérêt privé, de la place stratégique de la société civile plutôt que la mythologie de l'intérêt général incarné par Robespierre comme par le Roi. Pourtant c'est le passage aussi à une guerre de masse qui préfigure la démocratie de masse auquel nous devons deux terribles guerres.
La démocratie avait été précédée par le protestantisme et les philosophes. La Révolution a été ressentie par toute l'Europe comme un événement métaphysique. C'est la faute à Voltaire, c'est la faute à Rousseau. Ils ont en effet fourni toute la mythologie universaliste qui servira à recouvrir sous l'universalisme du Citoyen abstrait les privilèges effectifs ainsi que la misère concrète. Cette "usurpation" de l'universalisme révolutionnaire par les intérêts particuliers de l'impérialisme napoléonien devait nourrir la réaction identitaire de Fichte (Discours aux Allemands) qui allait finalement aboutir au nazisme. Il est vrai que cette idéologie de l'universel au service de la négation de l'autre allait s'épanouir dans le colonialisme "civilisateur" et l'idéologie "progressiste". Cet universalisme abstrait est d'abord le support du capitalisme, du salariat et de la marchandisation du monde, de la domination de l'abstraction financière. A travers le débats sur le foulard à l'école et la laïcité comme avec la parité se construisent pourtant les exigences d'un universalisme concret, prenant en compte les inégalités effectives pour favoriser les défavorisés (Kojève) afin de restituer l'égalité effective des Citoyens.
La démocratie témoigne pourtant bien de la dimension collective de la vérité (principe de contradiction, norme, universel) mais lorsque la démocratie a voulu rejoindre son concept de volonté générale, elle est tombée dans la Terreur avant de se réaliser par l'Empire. C'est le paradoxe sur lequel s'est construit la dialectique de Hegel. L'affirmation absolue de la liberté se retourne en négation de toute liberté. La liberté collective consistant dans une volonté générale indivisible que les députés doivent représenter (et non les intérêts de leur départements), toute déviation devient suspecte, d'être celle d'une faction, d'un ennemi du peuple. En interdisant les corporations, la Révolution reprend cette même logique qui est celle de la main invisible du marché ne tolèrant aucune entente considérée comme une "conspiration contre le bien public", la République ne se divise pas ! Et tombe dans l'Empire qui rétablira la liberté civile grâce à son Code par lequel le Droit romain s'impose à l'Europe. Mais après la dictature de la majorité, après l'usurpation napoléonienne, la démocratie sera la proie de la dictature des intérêts privés.
L'intérêt général se dissout ensuite dans les intérêts privés comme l'Etat fiscal dans l'économie. Liberté d'exploitation, Justice commerciale et Prospérité économique sont les véritables principes de la démocratie bourgeoise (1848) qui n'a rien d'universel, élections censitaires ou exclusion des femmes. L'État est mis au service des intérêts de la classe dominante jusqu'à la privatisation de l'État qui jouera constamment son rôle de "socialiser les pertes et privatiser les profits". Benjamin Constant qui avait dénoncé l'usurpation de Napoléon croyait qu'il suffisait d'une bonne division du pouvoir, pourtant le "suffrage universel" (sans les femmes) accordé à une population encore largement féodale aboutira aux plébiscites de Napoléon III qui enterrent pour longtemps toute prétention à une démocratie "représentative".
De cet échec de la représentation, est né le projet d'une démocratie pédagogue et de l'Éducation Nationale, celle des instituteurs de la République qui étaient bien utiles à l'industrialisation et au développement de la technique. L'éducation par l'État menace cependant la liberté du citoyen qu'il veut former, de l'hygiénisme au fascisme. Le Citoyen n'est plus le fondement de la souveraineté mais l'objet des manipulations du biopouvoir (médecine, école, asile, prison) jusqu'à l'amélioration de la race (eugénisme). Il n'est plus qu'un administré, sous la domination d'un scientisme sans âme. La république éducatrice tombe ainsi dans la démocratie de masse, la propagande et les mouvements de foule. Les horreurs du colonialisme progressiste inaugurent les massacres de masse du XXème siécle. A se vouloir "démocratie populaire", les masses gagneront bien quelques droits concrets mais en perdant toute démocratie puisqu'on y perd la capacité de débat démocratique, d'argumentation publique, le vote devenant purement formel.
L'augmentation du niveau de formation de
la population ainsi que les nouvelles possibilités techniques semblent
permettre désormais une véritable démocratie. Pourtant,
ce qui va s'imposer, avec ce monde médiatique de la pensée
unique, c'est la conception de la démocratie dans l'Empire américain,
celle d'une démocratie de prospérité comme on l'a
appelée, une démocratie de marché (Hayek), de consentement
plutôt que de représentation ou d'expression. Le vote n'est
ici qu'une épreuve conventionnelle pour départager les offres
politiques comme dans un marché. On retrouve sans doute l'argumentation
publique, incarnée par la liberté de la presse, mais fortement
parasitée par la "communication", l'argent et la propagande. Cette
démocratie de marché, se présentant comme la fin de
l'histoire avec le couple capitalisme+droits de l'homme, est une démocratie
multiculturaliste (et non pas multiculturelle) qui a tendance à
substituer le sondage au vote et les mobilisations sportives aux mobilisations
démocratiques, abandonnant toute représentation de l'intérêt
général, chacun étant responsable de son propre destin.
La démocratie du consentement remplace la violence du pouvoir par
le contrôle, la séduction, le spectacle, la publicité,
la consommation et tout l'attirail du bio-pouvoir. Il y a pourtant bien
dans la démocratie américaine tous les éléments
d'une démocratie des minorités mais détournés
par l'oligarchie financière et une politique impériale.
Il n'y a donc pas plus de "peuple" que de volonté générale et l'individualisme est aussi mythique que la démocratie directe ou la justice pris isolément. L'histoire témoigne pourtant d'un processus vivant, d'une dialectique entre ces divers enjeux symboliques, notamment entre la loi et la résistance citoyenne. Seul ce mouvement de la subjectivité citoyenne et révolutionnaire redonne à chaque fois un contenu démocratique que ne peut garantir aucune démocratie formelle, aucune apparence officielle. Il faut ainsi reconnaître notre réalité actuelle, celle d'une démocratie de réseaux, dans toutes ses dimensions contradictoires.
Seuls restent deux réseaux crédibles en concurrence (on appelle cela en marketing la "loi des deux"!) : les Républicains et les Démocrates (RPR et PS), entre lesquels les électeurs ont le droit de choisir selon les les performances mais surtout selon les moyens financiers des candidats : il y a effectivement une majorité de millionnaires au congrès. En fait de démocratie, on a bien affaire à une oligarchie sous contrôle citoyen comme le veut la théorie aristotélicienne dès lors que le principe de l'État est la richesse. D'ailleurs, on parle de plus en plus de "démocratie des actionnaires" dans les entreprises, autant dire d'une démocratie censitaire. Mais cette domination du profit n'est pas durable et la colère du ciel vient rappeler brutalement notre solidarité planétaire et nos limites écologiques, notre existence comme société et comme vivants qui ne se réduit pas à l'intérêt immédiat.
Cette démocratie de réseaux en concurrence sur le marché politique n'est donc pas nouvelle mais elle rencontre désormais les nouveaux modes de production en réseau de la "nouvelle économie", favorisant des nouveaux modes d'action politique "par projet", en "réseaux citoyens" dont le modèle est ATTAC. On retrouve d'une certaine façon la logique syndicale ou corporatiste mais avec de grandes différences en ce que ces réseaux restent ponctuels, sans délégation, et surtout directement politiques, au service de l'intérêt général et non pour défendre des intérêts professionnels. Contrairement à la démocratie de masse qui nous homogénéise dans la concurrence de tous contre tous, la démocratie de réseaux valorise la connexion et donc la différence, la nouveauté, la singularité, la diversification structurante d'un tout ordonné et solidaire (Spencer) plutôt qu'une pure égalité où chacun est interchangeable. Plus on est différents, plus on dépend les uns des autres, plus on est comme les autres, moins on existe.
Cependant, cette ouverture positive ne doit pas cacher les conséquences de la logique du groupe de pression. Les réseaux ne sont pas plus démocratiques que le marché, ils ne suppriment pas les lieux de pouvoir et ont besoin d'être organisés pour laisser à chacun sa place.
Dans ce contexte pourtant, les habituels réseaux secrets dénoncés par toutes les mystiques de la volonté générale, du peuple ou du marché, se banalisent et acquièrent une nouvelle légitimité (francs-maçons, juifs, etc.) dans un contexte de communautarisme multiculturel. Ainsi les francs-maçons de Figeac contrôlent ouvertement la majorité des élus du Lot sous la direction de Martin Malvy qui a réussi à se faire élire président de la région et cela semble normal. Dans le Sud-Ouest, les anciennes traditions sont encore bien ancrées et le clientélisme radical-cassoulet perpétue les relations féodales. C'est donc tout-à-fait naturellement que ces traditions féodales sont revivifiées dans le contexte général de re-féodalisation que dénonce Alain Supiot avec la récente tendance à remplacer la loi par la contractualisation. Il faut voir dans ces réseaux clientélistes (l'enracinement des élus) comme dans le regain des mafias, un refus du marché et une protection contre le libéralisme, mais on voit bien ce qu'on y perd en universalité, la reconstitution des privilèges et le renoncement à la démocratie elle-même. L'espace public ne se réduit pas aux contrats mais s'ouvre à l'universel.
Pour construire une véritable démocratie participative nous devons tenir compte de ces aspects contradictoires. Prendre la mesure de notre prétendue démocratie qui n'a plus rien de représentative permet ainsi de justifier l'activisme politique, les revendications minoritaires comme contribution indispensable au débat publique. C'est au moins une action "publicitaire", d'argumentation publique (ONG). La démocratie en réseaux n'est pas du tout l'expression directe d'une majorité mythique, c'est plus un mode de décision par les plus intéressés, les plus actifs. Le Citoyen ici, c'est celui qui agit, pas seulement celui qui vote. On s'approche ainsi de la démocratie participative avec cette notion qui retrouve la définition du Citoyen par Kojève comme synthèse du maître et du travailleur, citoyen révolutionnaire transformant le monde par son action.
L'action est pourtant toujours très minoritaire, il faut en avoir conscience. C'est donner raison aux minorités actives contre la majorité silencieuse. Réserver la qualité de Citoyen aux participants actifs à la vie politique serait pourtant bien élitiste, renforçant l'exclusion des plus faibles et négligeant la dimension universelle du langage et de la loi, d'un discours commun et de règles communes. Il ne faut pas tomber dans le réductionnisme d'une société réduite à une addition de minorités ou de communautés, même fédérées. Le mouvement social est indispensable mais ne saurait suffire, il faut aussi donner toute sa place au symbolique, aux droits universels et au point de vue global de l'écologie, de la politique tout simplement unifiant les citoyens au-delà de l'intérêt particulier. On ne peut séparer les dimensions du local et du global, comme on ne peut séparer le politique de l'économique. Il faut protéger aussi ceux qui ne s'expriment pas, tous les laissés pour compte. Le droit des minorités actives ne doit pas restreindre les droits des minorités passives et la démocratie participative ne peut se dispenser du suffrage universel ni de l'héritage juridique pour y inscrire des institutions durables même si elle ne s'y réduit pas. C'est au nom de notre commuauté globale et de notre sens de la justice que chacun est valorisé dans sa différence. La condition d'une démocratie participative est l'existence d'une solidarité sociale effective ainsi que de lois sociales autant que l'action de chacun pour les améliorer. Nous devons insister sur la nécessaire dialectique des institutions et de l'action citoyenne. S'Il faut certes se méfier d'un référendum d'initiative populaire pouvant imposer la domination d'une majorité et des votes contradictoires, il faut malgré tout développer les possibilités d'expression y compris par référendum (tout en étant conscient de ses limites).
Dans le contexte actuel, les actions de lobying, les mobilisations de réseaux participent plutôt à la déligitimation et à l'affaiblissement des États. Ce coup de grâce ne fait que renforcer le pouvoir des multinationales et légitimer leurs pressions qui restent la principale menace même si l'AMI a été repoussé. On revient aux conceptions du Droit défendues par le nazi Carl Schmitt, comme pur rapport de force, opposition simpliste entre amis et ennemis, la politique consistant dans l'arbitrage entre luttes des opinions et luttes des intérêts, domination d'une "majorité" sur le même mode que la "loi du marché" imposant sa norme. La démocratie se réduit ici à la "transparence" des procédures juridiques, nécessaire à la confiance des marchés. Pourtant, à trop mépriser la dimension universelle et dogmatique du Droit, d'une loi fondamentale et d'un récit des origines, il ne reste plus de fondement à notre communauté d'individus atomisés, en lutte seuls contre tous. Nous n'avons plus rien à nous dire, chacun occupé à tromper les autres. Kojève a bien montré l'inconsistance des conceptions léniniste ou nazi d'un Droit réduit au rapport de force. Il nous faut reconstruire une nouvelle légitimité commune au-delà de l'intérêt immédiat. Il n'y a pas de vérité sans une exigence de communauté, sans la sincérité d'un projet commun.
Ainsi, bien qu'on puisse en partager les constats, on ne peut se satisfaire de la position de Christian Marazzi (La place des chaussettes) au sujet de la démocratie, qu'il définit pourtant comme étant désormais celle des sans-droits puisqu'elle n'est plus universelle (exclus, sans-papiers, sans-travail), faisant de tous des immigrés potentiels. Il pense qu'elle doit dès lors évoluer d'une démocratie représentative dépassée, à une démocratie extra-territoriale (de réseau) qui est une démocratie à géométrie variable (concrète) prenant en compte la différence autant que l'universel. Si la démocratie n'est plus l'expression d'une volonté générale abstraite, elle doit être le lieu du débat, de la parole publique, des projets. On retrouve bien là les thèmes de la démocratie participative et d'une démocratie des minorités.
"a) les choses dont on part concernent toujours la vie des personnes, ou bien la définition biologique de l'habiter dans le monde. Les choses dont on part s'appuient donc sur une matrice écologique, au sens littéral du "discours sur la maison", de l'étude de comment organiser/ordonner au mieux la demeure des hommes.Il rejoint donc la plupart de nos analyses bien que nous avons vu que la démocratie n'a jamais été vraiment représentative, mais pour nous il ne suffit pas de s'inscrire dans cette compétition de projets. Les tristes constats que nous avons fait sur l'état réel de la démocratie derrière ses prétentions affichées ne visent qu'à obtenir un progrès réel dans le processus de démocratisation, la constitution d'une véritable démocratie participative prenant pleinement en compte les acteurs mais sans oublier tous les laissés pour compte. Le droit des minorités actives ne doit pas restreindre les droits des minorités passives et la démocratie participative ne peut se dispenser du suffrage universel.
b) les choses à faire sont des "projets" sur la base desquels s'agrègent sujets et acteurs qui se définissent à partir de ces projets. En régime post-fordiste la représentation politique vient des projets concrets qu'on veut réaliser. C'est l'immatérialité, dans le sens de la vision, de l'imagination des solutions possibles, qui soutient la représentativité. C'est l'exact opposé de l'actuel régime politique d'assemblée, dans lequel la représentation politique précède l'élaboration des projets" p175Christian Marazzi
C'est d'abord au niveau local que la démocratie peut retrouver ses droits dans de nouvelles pratiques mais on ne peut se passer de l'affirmation politique de notre communauté de destin qui n'est pas seulement vitale mais aussi économique et culturelle, pas seulement locale mais tout autant planétaire. On ne peut séparer les dimensions du local et du global, comme on ne peut séparer le politique de l'économique. Le climat nous totalise et nous oblige à prendre conscience de notre solidarité, assumer nos responsabilités envers les générations futures. Contrairement au libéralisme et au communisme, l'écologie-politique donne autant d'importance à la liberté individuelle qu'à la liberté collective et elle donne toute sa place à la personne autant qu'à sa communauté et son environnement, pour ce qui est notre destin commun, notre solidarité locale et planétaire.
Au-delà de cet aspect contradictoire, le plus important restent les conditions économiques de la démocratie. Il n'y a pas de démocratie politique sans une certaine démocratie économique, il n'y a pas de solidarité sociale sans une réelle solidarité économique. La société est un élément essentiel de l'économie (Agarwal) comme l'économie est un élément déterminant de la société. On ne peut séparer droits politiques et droits sociaux, notamment on ne peut démocratiser les entreprises sans renforcer les protections sociales. Sinon on ne peut avoir plus qu'une démocratie de guerre (économique), c'est-à-dire une dictature encore, simplement consentie. Il faut offrir un cadre économique plus démocratique, comme les coopératives municipales de Bookchin, permettant d'échapper à la pression concurentielle plutôt que de compter sur l'autogestion ou la propriété salariale des entreprises capitalistes. Il faut donner d'abord les moyens à tous de participer à la vie politique et nous devons penser cette démocratie participative comme un peu plus égalitaire et protectrice (revenu garanti) mais surtout comme la reconnaissance des compétences de chacun, le droit d'intervention, le droit à l'opposition, à la résistance, à la formation, à l'assistance. Il faut prendre la mesure du changement entre une démocratie de la volonté générale centralisatrice et cette démocratie participative valorisant la diversité et les minorités, l'expression de chacun et l'innovation. Après le temps de la liberté et celui de l'égalité, voici donc peut-être le temps d'une véritable fraternité, temps de la rencontre et du savoir, de la connexion valorisant chacun dans sa différence.
Quitter la prétention à la représentation, c'est dépasser les prétentions de l'identité comme de la "compétition pour l'hégémonie", et le cortège des dominations, des racismes, des exclus. Dès lors ce qui compte, ce n'est pas la majorité mais le consensus, le projet commun (c'est pourquoi les majorités sont de 60% chez les Verts) et la circulation du pouvoir (contre la professionnalisation). Dans ce contexte, il ne faut pas se tromper sur le sens de la proportionnelle qui rejoint les droits de l'opposition. Il ne s'agit pas d'obtenir ainsi une représentation exacte mais une expression d'un plus grand nombre d'acteurs et de points de vue pour organiser le consensus. Le consensus lui-même comporte des dangers d'immobilisme, ce qui amène à valoriser à nouveau les minorités actives, l'expression de l'opposition, du dissensus. Le consensus n'est pas l'homogénéité mais bien plutôt une diversité assumée, valorisée socialement. Dans ce contexte le vote majoritaire perd sa fonction et l'AG des chômeurs de Jussieu par exemple ne votait presque jamais. Chacun pouvait soutenir ou non une action, après discussion mais sans décision de l'assemblée.
Dans cet encouragement à l'initiative, à l'autonomie, il ne faut pas retomber dans la représentation d'une volonté générale ou d'une quelconque essence immobile nous ramenant à la passivité du spectateur. Ce qui remplace l'identité collective, c'est un projet collectif. C'est pour mobiliser toutes les forces au service de ce projet commun qu'il y a valorisation de la différence, de l'expression elle même et de la participation active du plus grand nombre (ce qui justifie le recours au tirage au sort comme pour les jurés). D'une toute autre façon que le marché, c'est bien la confiance dans la subjectivité à créer du désirable qui doit être affirmé comme notre dignité de citoyen et la primauté de la pratique, de l'action sur la simple consommation passive. Plutôt qu'une démocratie, on devrait donc parler d'une participation citoyenne, de l'expression des différences et de l'organisation de la cité qui les rassemble mais nous devons affirmer, contrairement à l'idéologie libérale qui nous isole, qu'il n'y a pas de liberté individuelle sans liberté collective, sans projet collectif.
Passer de la passivité
du spectateur à la citoyenneté active passe aussi par une
économie solidaire (et un revenu citoyen rémunérant
l'action politique réservée sinon aux riches). C'est l'affirmation
de notre possibilité de configurer le monde et passer de l'économie
subie à l'écologie conçue. Wallerstein situe en Mai
68 le retour de la liberté, Hobsbawm le fait remonter à la
résistance au nazisme. Ce qui domine encore pourtant c'est le consentement,
la paix civile, voire l'émerveillement devant la technique. Les
historiens du long terme savent pourtant que les révolutions
reviennent régulièrement régénérer le
pouvoir. On peut donc puiser dans l'expérience historique la confiance
dans la renaissance du mouvement social, d'une nouvelle affirmation de
la société et d'une refondation politique qui sont l'essentiel,
l'enjeu métaphysique de la dimension collective de la vérité
recouverte par le Spectacle de l'absence.
Il y a bien une dimension métaphysique de la liberté et de l'égalité comme en témoignait la Révolution française et le protestantisme, s'exprimant encore dans la réciprocité du contrat (Rousseau). On ne doit ni la négliger, car c'est ce qui nous importe, ni s'y fier vraiment car elle est prise dans des rapports de forces effectifs et leurs jeux d'illusions. Rien de plus ridicule que Mitterand à Versailles, en roitelet de province proposant à Reagan et Tatcher un monde plus solidaire. L'argumentation impose bien les conditions du dialogue (Habermas) mais seulement à long terme et jamais parfaitement. Il faut régulièrement renverser l'ordre ancien pour aider le nouveau à naître. Même si l'histoire se fait au travers de passions et d'intérêts individuels, dans ce progrès dialectique Hegel postule une ruse de la raison qui finit toujours par s'imposer, non sans sombrer hélas dans les plus grandes erreurs avant de s'en repentir. La raison nous parle et se transmet mieux que la force brutale qui s'impose dans l'immédiat. L'utilitarisme ne reconnaîtra pas le poids de ces raisons métaphysiques sans "intérêt" qui pèsent de tout leur poids pourtant sous la forme de l'anomie sociale repérable dans toutes sortes de domaines et notamment celui des rapports sexuels et du mariage (comme il y a 2000 ans, d'après Duby). Idéologie d'une société dépressive qui ne croit plus en elle-même (on n'est plus chez soi, étrangers à soi-même).
L'individualisme est sans mémoire et sans signification. L'individu ne se suffit pas d'un utilitarisme égoïste et même à se réduire à l'argent ou au sexe, il s'inscrit dans un discours partagé. C'est pourquoi métaphysique et raison seront toujours plus décisifs que passions, intérêts, forces. L'homme n'est pas seulement des gènes, des hormones, du plaisir, c'est avant tout une société, des rapports humains, un sens partagé dans un discours. L'idéalisme est bien réel, au point que, si la vie vaut quelque chose, on puisse mourir plutôt qu'elle ne vaille plus rien. La métaphysique du Contrat Social aura participé à la dissolution des liens communautaires par la fiction d'un individu (complètement formé par la société) pouvant passer contrat avec la société alors qu'il en est le produit, comme un enfant d'une mère. Il était indispensable de séparer l'individu de sa communauté mais l'individu isolé n'est rien (Bloom). L'individualisme, le règne de l'argent sans pensée laisse la vitrine vide pour un désir affolé, une plainte sourde cherchant des valeurs perdues, insistance d'un désir de société sans lequel il n'y a pas de réussite mondaine et auquel doit répondre le projet d'une écologie préservant la liberté individuelle tout autant que la liberté collective.
Toute légitimité se fonde toujours dans une communauté de destin et de valeurs. Il ne s'agit nullement de revenir à la démocratie originelle ou à une ancienne communauté mais nous devons inventer une véritable démocratie à venir et une nouvelle communauté, qui n'a jamais existé encore (TIQQUN). Du collectif on ne retient plus que l'ivresse des foules, mais les fêtes ou le sport ne sauraient suppléer à la nécessité vitale d'une vérité commune. L'enjeu est concret, car sans conscience collective, il n'y a pas de liberté collective ni de communauté et notre destin est laissé à sa course aveugle.
La religion est ce qui assurait ce discours commun, fonction de clôture linguistique et de norme sociale où se nouent langage et société. Ce récit mythique s'appuie sur les origines pour fonder un projet social. C'est pour cela que le libéralisme, qu'on peut définir comme la négation de la société et de la politique est beaucoup plus insupportable dans une république laïque, dépourvue des secours de la religion, que pour un pays protestant comme les États-Unis, profondément crédules, où le désir de société peut se réfugier dans les communautés religieuses. Du collectif on ne retient plus que l'ivresse des foules, mais les fêtes ou le sport ne sauraient suppléer à la nécessité vitale d'une vérité commune, célébrée chaque jour dans les journaux du soir sans y croire vraiment. Pourtant l'enjeu est concret, car sans conscience collective, il n'y a pas de liberté collective ni de communauté et notre destin est laissé à sa course aveugle.
Mais comment constituer une communauté respectueuse des personnes ? Dans "La communauté inavouable", Maurice Blanchot pose la question de la communauté comme celle de "l'origine apparemment saine du totalitarisme le plus malsain", "le souvenir des soviets, le pressentiment de ce qui est déjà le fascisme". Il trouve la réponse dans Georges Bataille :"A la base de chaque être, il existe un principe d'insuffisance..." (principe d'incomplétude). Avec Lévinas, on peut dire en effet que notre être est d'abord ce qui est mis en question par l'autre. L'illusion ici est pourtant de croire à une communauté sans projet (Mai 68) alors que Guy Debord a montré qu'il n'y avait absence de communauté que si on accepte de subir passivement le Spectacle de la société marchande. Plutôt que le parti de l'absence, nous devons nous rassembler comme parti de la négation dans une communauté d'action. C'est par la négation de la négation (la négation de l'ordre marchand qui est négation de la société) que nous pouvons accéder immédiatement au positif d'une véritable communauté humaine d'individus libres et égaux. Nous devons faire exister notre communauté dans son dépassement, vers ce qui lui manque pour être plus humaine. La démocratie participative est cette négativité en acte. Comme les Grecs ou les romains le savaient bien, on n'existe jamais autant que dans dans la participation à la vie politique, la lutte et la résistance à un monde qui se fait sans nous. En tenant notre place dans l'histoire simplement ou, pour le dire autrement, pour comprendre le monde il faut le transformer.
Il n'y a pas de démocratie achevée, pourtant. Réfutant les rêves d'utopie politique, d'un meilleur des mondes sans plus aucun conflit, nous devons affirmer que la subversion et l'opposition seront toujours aussi nécessaires, c'est la base d'une démocratie participative qui n'est plus une démocratie de masse mais de minorités. Il faut passer des revendications majoritaires imposant une norme, aux revendications minoritaires à l'exception (qui peuvent concerner une majorité comme le féminisme), que ce soit les luttes écologiques locales, les luttes des gays, des toxicomanes ou la revendication d'un "revenu garanti pour tous". Le paradoxe est que cette valorisation de la diversité, de la personne concrète, contre la domination majoritaire ne peut se faire qu'à partir du point de vue global d'une société riche de ses différences, de ses complémentarités. L'action citoyenne ne prend sens qu'à s'inscrire dans un projet commun, à faire valoir ses droits, à mettre en cause la responsabilité de la société et le sens de notre communauté humaine, de sa justice.
Les droits des minorités et de l'opposition peuvent être la base d'une constitution écologiste obtenant une approbation majoritaire mais la liberté s'use si on ne s'en sert pas : tout dépend toujours de nous, la part du risque et du sujet vivant, de sa résistance aux injustices (les nouveaux droits syndicaux des lois Auroux n'ont ainsi fait que renforcer la désyndicalisation en fonctionnarisant les syndicats). La démocratie dépend du mouvement social plus que le mouvement social ne dépend des structures démocratiques, c'est un processus historique qui est encore en marche.
Il y a des périodes plus actives que d'autres et nous quittons le long sommeil des luttes sociales pendant une dépression maintenant dépassée. Tout est encore possible. L'Homo economicus de la marchandisation du monde n'est pas durable. L'avenir de la démocratie est à nous !
La pensée est la séparation de l'être, il faut dès lors s'assurer toujours qu'on ne rêve pas, critiquer ses propres présuppositions, dialoguer avec les autres. La négativité de la liberté est mouvement vers le réel. La fin de la philosophie est la réalisation de la philosophie comme prise de conscience de l'humanité dans des institutions et des pratiques démocratiques, réalisation du dialogue comme principe de contradiction.
D'un bout à l'autre, il s'agit d'une subversion de l'"objectivité" officielle qui conduit, au nom de notre liberté de sujet à l'engagement politique actuel de résistance, de critique du pouvoir et de la domination économique qui nous traitent en objet. Car notre tâche de citoyen est de transformer notre monde, d'y exister comme vivant au lieu de subir notre vie et sa dégradation actuelle en simple spectateur.
Ainsi, la "découverte" de la République romaine passe par la "déconstruction" d'une représentation régnante qui s'articule dans le système des représentations sociopolitiques de l'époque. L'accès à la vérité du monde présent suppose cette déconstruction. La connaissance de l'Histoire s'avère indissociable de la critique de ce que nous nommerions de nos jours l'idéologie. Claude Lefort, préface aux discours sur Tite-Live de Machiavel, p14
Moi, je dis que ceux qui condamnent les tumultes de la noblesse et de la plèbe blâment ce qui fut la cause première de l'existence de la liberté romaine et qu'ils sont plus attentifs au bruit et aux cris qu'ils occasionnaient qu'aux bons effets qu'ils produisaient... Ces bonnes lois, ce sont les tumultes qui les ont engendrées, que la plupart condamnent inconsidérément.
Les corps les mieux constitués et qui ont une plus
longue durée sont ou ceux qui renferment dans leurs institutions
mêmes les moyens de se renouveler souvent, ou ceux qui arrivent à
ce renouvellement par des accidents, des moyens étrangers et pris
hors de leur constitution.
Il est encore une vérité plus claire
que le jour : que ces mêmes corps doivent périr faute de renouvellement
; or, ce changement ne peut s'opérer qu'en les ramenant à
leur principe.
Pour Hegel, la liberté objective exprime que "l'association en tant que telle est elle-même le vrai contenu et le vrai but ; et la destination des individus est de mener une vie collective, et leur autre satisfaction, leur activité et les modalités de leur conduite ont cet acte substantiel et universel comme point de départ et comme résultat.271". L’arbitre du Droit est déjà le principe de l’État : "L’État comme réalité en acte de la volonté substantielle, réalité qu’elle reçoit dans la conscience de soi universalisée, est le rationnel en soi et pour soi . 270". L’erreur serait d’en faire "la volonté générale, non comme le rationnel en soi et pour soi de la volonté, mais comme la volonté commune qui résulte des volontés individuelles comme conscientes, l’association des individus dans l’État devient un contrat, qui a alors pour base leur volonté arbitraire, leur opinion et une adhésion expresse et facultative.272" et pourtant, c’est bien la forme que doit prendre l’État car "l’État est la réalité en acte de la liberté concrète.277 " et "ni l’universel ne vaut et n’est accompli sans l’intérêt particulier, la conscience et la volonté, ni les individus ne vivent comme des personnes privées, orientés uniquement vers leur intérêt sans vouloir l’universel. 277 Dans la vérité, l’intérêt particulier ne doit être ni négligé ni refoulé, mais accordé à l’intérêt général, et ainsi l’un et l’autre sont maintenus. 280".
Kojève :
L’homme ne risque pas seulement sa vie : il sait encore qu’il doit le faire. Et il ne se contente pas de travailler : il sait que le travail est un devoir. Mais il n’y a aucun sens de dire que l’homme lutte ou travaille parce que c’est là (pour lui) son devoir. Au contraire il n’a une notion du devoir que parce qu’il lutte et travaille [..]
Références bibliographiques succintesC’est l’être même de l’homme qui est un devoir-être. 248A l’encontre du Droit aristocratique, le Droit du citoyen n’admettra pas l’existence de droits non compensés par des devoirs, ni de devoirs sans droits correspondants [..]
Tout comme le Maître, le Citoyen aura des droits (et des devoirs) universaux. Les droits de tous étant égaux, ils découleront de l’appartenance d’un chacun au tout, à la société en tant que telle ou à l’État. Et les devoirs seront des devoirs envers tous, c’est-à-dire envers la Société prise dans son ensemble ou envers l’État. Mais du moment que l’État est universel et la Société homogène, les droits et les devoirs appartiendront non pas seulement aux groupes, mais à un chacun pris isolément. Ce n’est pas en tant que citoyen de tel ou tel État national, ou membre d’une telle famille (aristocratique par exemple) ou de tel groupement social (classe) que l’homme aura des droits et des devoirs, mais en tant qu’individu. Poussés à leurs maxima respectifs, l’individualisme et l’universalisme juridiques vont coïncider : les droits et les devoirs les plus personnels, qui ne peuvent être exercés que par l’individu en question, seront les droits et les devoirs les plus universels, c’est-à-dire ceux du citoyen pris en tant que citoyen, ou ceux de tous et d’un chacun. 320
Il conçoit le contrat qui est la catégorie juridique bourgeoise fondamentale, comme le Droit aristocratique sa propre catégorie fondamentale, c’est-à-dire le statut [..] Pratiquement il s’agira de contrats avec la Société en tant que telle ou avec l’État, et ce seront des contrats collectifs. On pourra donc dire d’eux qu’ils fixent le "statut" des personnes juridiques. Mais ce statut sera le résultat ou l’expression (fixée juridiquement) d’interactions sociales. Le statut sera donc un contrat, et le contrat un statut. 321
D’autre part ils ne sont plus fixés même à vie : on peut à volonté changer de métier, de classe sociale, de famille, et même de nationalité. Et chaque appartenance est une fonction de l’activité consciente et volontaire, d’une interaction avec l’État ou la Société, c’est-à-dire avec ses membres : on est ce qu’on fait ; l’activité n’est pas fixée par l’être. Mais si l’on considère les rapports des individus entre eux, on peut dire que l’évolution du Droit du citoyen consiste dans le remplacement progressif des contrats bourgeois par des statuts aristocratiques. Car la liberté des contrats diminue de plus en plus. L’État impose des types de contrat que l’individu n’a plus qu’à accepter ou refuser 322
John Stuart Mill, De la Liberté, Presses Pocket
(liberté de discussion, limitation de toute autorité, etc.)
Aristote, La Politique (philia, oligarchie, etc.)
Bookchin, Le municipalisme libertaire, Ecosociete (démocratie
face à face, coopératives)
Kojève, Esquisse d'une phénoménologie
du droit, Gallimard (procedure contradictoire, citoyen révolutionnaire,
critique de Schmitt et Lénine)
Kojève, Introduction à la lecture de Hegel,
Gallimard (Christianisme/ Droits de l'homme/ Terreur/ Napoléon,
dialectique, désir de reconnaissance, processus, raison examinant
les lois, etc.)
Pierre Legendre, l'Empire de la vérité,
Fayard (l'empire et le droit au fondement du management et du biopouvoir,
la mise en scène de la Loi) , Miroir d'une Nation, l'ENA, Mille
et une nuits (contrat et loi, refeodalisation)
Ernst Bloch, Le principe Espérance, Gallimard
(projet, finalisme)
Maurice Blanchot, La communauté inavouable, Minuit
Michel Foucault, Dits et écrits, Gallimard (Biopouvoir
et gouvernabilité)
Guy Debord, Commentaires sur la Société
du Spectacle, Gallimard (apparence, passivité, secret)
Félix Guattari, Les trois écologies, Galilée
(dissensus, singularisation, réseaux)
Christian Marazzi, La place des chaussettes, L'éclat
(démocratie par projets)
voir aussi :
Platon, Les Lois (théâtrocratie, jeu et lois,
etc.)
Thucydide, La guerre du péloponèse (La
démocratie athénienne devenue dominatrice et abattue, etc.)
Machiavel, Discours sur Tite-Live, Flammarion (lois et
résistance du peuple, division de la société, rôle
de la religion, etc.)
Rousseau, Le Contrat social (volonté générale,
la souveraineté ne se délègue pas)
Fichte, Discours à la nation allemande (réaction
raciste à "l'universalisme" napoléonien)
Tocqueville, La démocratie en Amérique
(oppression majoritaire)
Benjamin Constant, De l'esprit de conquête et de
l'usurpation (usurpation des procédures démocratiques par
Napoléon, démocratie de prospérité)
Carl Schmitt, La notion du politique, Calmann-Levy (ami/ennemi)
Boltanski, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard
(réseaux, justice)
Et Locke, Montesquieu, Marx, Schumpeter, Lévi-Strauss,
Freud, Lacan, etc.