MOTION D'URGENCE SUR LE TEMPS PARTIEL

Décision Cnir-99-105
La détermination de la position des Verts devient urgente. Il est
pratiquement acquis, y compris par le cabinet de Martine Aubry, que la
"loi-balai", complétant la loi de réduction du temps de travail du 12 juin
1998, devra comprendre un volet sur la question. Un groupe de travail,
comprenant un Vert, se réunit au Conseil d'Analyse Économique du Premier
ministre. En outre, nos propres revendications sur les minima sociaux (75%
du SMIC) entrent en contradiction  avec la possibilité  d'un travail à
temps partiel sur un faible salaire plein-temps, et ce, quelle que soit
l'évolution future du SMIC lui-même.

Le CNIR de Limoges  avait esquissé une synthèse conforme à nos valeurs de
l'incitation au temps partiel librement choisi et d'un minimum d'existence
élevé : l'attribution d'un second chèque , que ce soit pour les anciens
"pleins temps" ou les anciens chômeurs. Cette synthèse a été plus brouillée
que précisée lors du CNIR de décembre 1998 par une nouvelle motion dont un
amendement a voulu mettre l'accent sur les perversions du temps partiel,
devenu trop souvent contraint. La phrase "un complément de revenu social
doit être versé à hauteur du revenu d'autonomie  quel que soit le temps de
travail choisi par le salarié" peut impliquer, selon la façon dont on la
comprend et le niveau de salaire concerné, soit l'interdiction du second
chèque, soit un revenu total plus élevé pour un temps partiel que pour un
plein-temps, soit le même  revenu quel que soit le travail fait!
La présente motion vise à clarifier la position que les Verts défendront en
public et dans les instances de débat et de décision (CAE, Assemblée
Nationale).

1° Les positions traditionnelles des écologistes et la politique Bérégovoy

Bien avant l'institution du RMI, les Verts ont prôné le partage du travail
par une double voie :

* Une réduction massive du temps du travail pour tous, avec maintien de
revenu pour les bas et moyens salaires, "assurant les moyens, y compris
pour les mères célibataires, de vivre dignement."

* Une voie secondaire : l'encouragement au temps partiel librement choisi,
grâce à la garantie de retour au temps plein et à un second chèque
compensatoire au prorata du coût des charges évitées à l'État (FNE) et au
système de l'UNEDIC.

A l'encontre de nos propositions, le gouvernement Bérégovoy avait baptisé
"partage du travail" une politique d'encouragement aux entreprises, les
incitant à casser des temps pleins en deux en leur attribuant, à elles et
non aux salarié-e-s, sous forme d'abattement de cotisations sociales, le
bénéfice des économies réalisées sur l'indemnisation du chômage.

Ces mesures, que nous avions vivement combattues, ont abouti à une montée
vertigineuse de l'offre de demis-emplois, à demi-SMIC, laissant ceux et
surtout celles qui étaient contraints de les accepter dans une situation de
profonde misère et précarité.

Cette politique est devenue aberrante avec l'institution du RMI. Même avec
un RMI à 2300F, l'acceptation d'un demi-emploi de 19 heures pour 2500 F
devenait une insulte à l'effort du travailleur qui acceptait un gain net
ridicule pour une "demie-semaine"... pouvant en réalité le ou la mobiliser
sur toute la journée, 6 voire 7 jours sur 7. Pourtant, la très grande
majorité des femmes concernées l'ont accepté dans l'espoir d'une insertion
et surtout d'une reconnaissance sociale. Cela deviendrait impossible dès
lors que (comme le proposent les Verts) le RMI dépasserait un demi-SMIC,
raison invoquée pour ne pas augmenter les minima sociaux.
Dans les faits, cette politique a institué un "apartheid salarial",
relégant une catégorie de femmes, principalement celles qui ont besoin
d'une emploi à tout prix, les mères célibataires ("Fantines" de notre
temps), dans une véritable filière d'emplois à temps partiels contraints,
surtout dans la restauration et le commerce. Elle touche également, en
volume moindre, les hommes, plutôt dans le nettoyage.
Cette évolution a conduit les Verts à concentrer leurs explications et
leurs actions sur la réduction du temps de travail officiel, à dénoncer le
temps partiel contraint, et à se contenter de mentionner "pour mémoire" le
temps partiel choisi.

Cette position est aujourd'hui insuffisante. 80% des hommes à temps
partiel, 40% des femmes, déclarent être dans cette situation contre leur
gré et souhaiter un plein-temps. Il faut donc à tout le moins :
* Préciser et bien cadrer ce qu'est un temps partiel "vraiment choisi" ;
* Prendre en compte le caractère sexué de la société humaine et combattre
les effets pervers et discriminants du temps partiel, dans notre lutte pour
l'égalité des sexes dans le respect des différences de choix de vie ;
* Fixer une position cohérente pour les chômeurs accédant à un temps
partiel et les pleins-temps choisissant un temps partiel ;
* Soulager la misère des temps partiels à bas salaires et des chômeurs.

2) Le débat actuel

Actuellement, la notion de second chèque, forme adoucie d'une notion
d'Allocation Universelle ou de Revenu d'existence, progresse très
rapidement dans les mouvements de chômeurs et de précaires. Le MNCP s'est
prononcé en particulier pour le cumul bas-salaires/ maintien partiel du RMI
(qui n'est accepté que pour un an dans la loi sur l'exclusion). Dans
l'ensemble, les Verts soutiennent cette orientation, première étape vers un
découplement "utopique" des revenus et de l'activité.

Face à cela, les syndicalistes, en particulier de tradition communiste,
notamment dans AC!, craignent que l'existence même du second chèque
encourage les employeurs à ne concéder que des bas salaires directs et à
offrir des temps partiels. Leur lutte contre le temps partiel contraint les
conduit à critiquer le principe même du temps partiel, y compris choisi, au
motif qu'il induirait les femmes à renoncer à des carrières plus
ascendantes. Au sein du Collectif national pour les droits des femmes,
beaucoup soulignent que ce processus conduit à situer les femmes en marge
de l'emploi par rapport aux hommes (notion salaire d'appoint), et à
maintenir l'idée de leur présence moindre dans la vie sociale au profit de
la vie privée.

Tout en ayant parfaitement conscience des réalités qui suscitent ces
réactions, les écologistes ne peuvent partager les a priori syndicalistes
en faveur du salariat plein-temps et de ses idéaux productivistes
(hiérarchie, etc). Ils se refusent également à réduire la vie sociale au
salariat, et soulignent depuis toujours l'importance de l'activité sociale
non-salariale (vie associative, entraide de voisinage, SEL, etc).
Nous devons affirmer une voie originale reposant sur deux principes :
* Un revenu est un droit, garanti par une société solidaire, et non par
l'embauche accordée par un patron particulier.

* Le libre choix de son mode de vie, donnant un poids variable à la "valeur
travail" et à d'autres formes de réalisation individuelle, selon les choix
propres à chacun/une, est un objectif d'une société d'individus autonomes.
Ces principes doivent être combinés avec le réalisme dans l'affrontement au
libéralisme et au sexisme. Ils ne doivent pas conduire à dispenser les
employeurs d'une cotisation directe sur le coût du chômage, ni à renforcer
la position subordonnée des femmes.

Il ne peut donc être question d'interdire le temps partiel (ce qui
aboutirait à supprimer non seulement le temps partiel choisi, mais toute
une série de postes qui ne peuvent être qu'ainsi organisés). Refuser les
compensations d'une second chèque accordé au salarié pour un temps partiel
(choisi ou volontaire) conduirait à "sanctionner les victimes" (pour les
temps partiels contraints) et à pénaliser les femmes, comme les hommes,
qui, refusant les objectifs de vie du productivisme, choisissent le temps
partiel. Incidemment, refuser les formes de compensation du temps partiel
ne fait que le jeu de l'UNEDIC et de l'État, qui seraient dispensés de
restituer aux "temps partiels" les économies ainsi réalisées sur le coût du
chômage.

"Respecter le choix du temps partiel", c'est prendre en compte le fait
qu'il est d'autant plus difficile à accepter que la perte de salaire est
forte, et dans la réalité d'aujourd'hui c'est en général la femme qui "perd
le moins". Le temps choisi ne s'étendra aux hommes que s'il est
partiellement compensé au niveau du salaire (comme d'ailleurs la réduction
générale du temps de travail). C'est aussi reconnaître la contribution de
ceux qui choisissent le temps partiel à la lutte contre le chômage, et donc
leur restituer ce qu'ils font économiser à l'UNEDIC.

Mais, parallèlement, il faut supprimer toute incitation aux employeurs à
créer des postes à temps partiel là où un plein temps serait possible, et
lutter pour la réelle égalité professionnelle des femmes (en étant
conscient qu'une telle lutte ne se réduit pas au rapport salarial : c'est
toute la vie qui doit changer). On ne peut accepter de transformer le
rapport au travail et au salaire qu'en menant cette lutte contre la
discrimination et le partage sexiste des tâches, à tous les niveaux.

Décision Cnir-99-105

MOTION amendée

* Les Verts réaffirment leur soutien à la hausse des minima sociaux vers une Revenu Social Universel (RSU égal à 75% du SMIC). Ils ont conscience qu'un tel RSU ou même un RMI porté au-dessus d'un demi-SMIC garantit un niveau de revenu supérieur au SMIC à mi-temps, et donc implique pour ceux qui travaillent un complément de revenu.

* Parallèlement, les Verts réaffirment leur soutien au libre choix du temps partiel. Le "libre choix" implique une compensation pour la baisse de salaire résultante, et une possibilité réelle de revenir au temps plein.

* La technique du second chèque est la seule permettant d'amener un complément de revenu, que le temps partiel soit contraint ou choisi.  Il doit être attribué, en fonction du RSU, au prorata de la différence avec l'horaire légal (au moins un demi-RSU pour un mi-temps, un tiers pour un-e salarié-e travaillant 2/3 de l'horaire légal, etc.). De la sorte, les pleins-temps qui le souhaitent ne sont pas trop pénalisés à choisir un temps partiel, et les temps partiels contraints échappent à la misère.

 Une telle mesure répond donc à nos objectifs concernant les revenus.
 Reste à contrecarrer, dans le même temps, les effets pervers de l'extension du temps partiel :

* Les employeurs à temps partiel doivent se voir supprimer tout abattement de cotisations. Les sommes ainsi récupérées doivent aller au FNE, qui financera le second chèque.

* L'UNEDIC elle-même doit contribuer au FNE, selon une évaluation annuelle du coût du chômage évité par l'existence de travailleurs à temps réduit.

* Le principe de "priorité pour le retour au plein temps", déjà inscrit dans le Code du travail concernant le temps partiel, doit être précisé dans la loi-balai. Concrètement, la loi doit attribuer, de droit, tout plein-temps créé dans une entreprise à une personne à mi-temps en ayant fait la demande, par ordre d'ancienneté.

* Face au problème des suppressions dûes au regroupement de deux mi-temps en un seul plein-temps (phénomène qui sera à la mesure de la prolifération des mi-temps Bérégovoy), la collectivité et l'entreprise négocieront un plan de reconversion, y compris dans le tiers-secteur.

* Une vigoureuse politique d'équipements collectifs et de création de postes liés à l'enfance, notamment dans le tiers-secteur, déchargera les femmes d'une partie du poids de leur "double-journée" et leur permettra de choisir plus librement leur temps de travail professionnel.

* Les discriminations sexistes à l'embauche, au salaire, ou à la promotion des salariées, à plein-temps ou à temps partiel, feront l'objet de sanctions financières qui seront elles-mêmes attribuées au FNE.

* Dans le cadre des négociations sur les 35 heures, le "maintien intégral du revenu des faibles salaires à plein-temps" se traduit pas une hausse de 11,6 % du salaire horaire. Cette mesure doit absolument être appliquée aux temps partiels (c'est d'ailleurs le cas dans l'accord des entreprises de nettoyage). La baisse du chômage qui résultera de la RTT doit conduire à un relèvement des horaires minimaux conventionnels. En outre, dans la mesure où des entreprises sont incapables d'offrir des temps pleins à toutes celles (et ceux) qui le demandent, les heures excédant le contrat de travail à temps partiel doivent être payées comme des heures supplémentaires.

* Par ailleurs, la loi du 12 juin 1998 limitant les "coupures" et précisant le temps de travail "effectif" doit être efficacement contrôlée par les inspecteurs et contrôleurs du travail dont le nombre doit être considérablement augmenté.

Ces aménagements ne dispensent pas de la lutte idéologique et concrète sur le partage des responsabilités dans la vie familiale, lutte qui exige de vraies campagnes d'opinion, et une éducation non sexiste

A l'instar du système existant dans la fonction publique, la loi doit prevoir une modification provisoire des contrats de travail (pendant une durée déterminée) avec retour automatique à la situation antérieure en fin de période, sauf renouvellement à la demande du ou de la salarié-e.