CHICHE!

Revenu d'Autonomie : une révolution douce.


Vivre, et plus encore démarrer dans la vie, demande sans cesse la
garantie de cette petite base non négociable - comme l'est le droit de
survivre -, base à partir de laquelle l'individu pourra déterminer son
projet d'existence et se réapproprier le premier maillon de la politique :
sa propre vie. Pour nombre de jeunes, cette petite base est, l'objet de
chantage ou de négociations permanentes, inacceptables. Préoccupée à
survivre, une jeunesse vit au jour le jour (cf. encadré 1), ne se construit
pas, ne fait pas bénéficier la société de ses richesses.

En cause, l'époque, ses orientations lourdes qui nous précarisent de plus en
plus : individuation et complexifications des problèmes, déréglementation
des droits et sur-bureaucratisation de la vie privée, raréfaction du travail
et tendance à sa déshumanisation, à son orientation exclusive vers les
dérives d'une course au rendement, l'hypothèque sur l'avenir des métiers non
marchands etc... Comme si le champ de nos responsabilités individuelles
augmentait à proportion de la difficulté à en acquérir les moyens
nécessaires. Sous le souffle du libéralisme réel, pas celui de Madelin ou de
M6, la gestion d'une petite vie d'aujourd'hui demandera bientôt une
formation de PDG de multinationale... avec un revenu d'équipier Mc Do ?

Côté Etat, il n'est providence que dans les doléances du contribuable : les
jeunes sont interdits de RMI, les allocations dégressives des Assedic sont
incompatibles avec la poursuite d'études. Les bourses, l'aide sociale
s'intéresse au revenu des parents, non à la situation réelle du demandeur...
notamment à ses relations avec eux. La famille ! Dans ce contexte de
précarisation, l'arbitraire de la famille joue un rôle de plus en plus fort.
Est-il républicain de confier l'égalité des chances à la roulette russe des
relations familiale ?

Car en plus de revaloriser les bas salaires devenus inatractifs, le R.A. est
un fantastique outil de libération. Comme dans les luttes féministes, il
remet la famille au coeur du débat politique. Et bien non, tout le monde n'a
pas la chance d'avoir des parents libéraux (au sens de Dany !), aptes à vous
donner les bonnes bases et à vous laisser choisir votre vie. Et l'on peut
même se demander si l'image de la famille idéale n'est pas, comme toutes
celles d'Epinal, l'exception. On peut aller dans le ghetto chercher
l'exotisme en Nike des " jeunes de banlieues ". Et certes les " Cendrillon
des té-Ci " cumulent parfois... obligées de trembler devant l'autorité du
grand frère, de mentir à leurs parents pour étudier, voir de porter le
voile. Mais elles, mais ils, sont aussi légion dans les familles bien catho
et même dans pas mal qui se disent affranchies. Demandez-vous pourquoi les
cabinets psy débordent de jeunes patients.

Il nous faut d'urgence un véritable " Droit de Cité " pour les jeunes. Sa
pierre de touche pourrait être cette réponse à la précarité qui solidarise
(cf. encadré 2) des trajectoires de jeunesses si différentes, le droit au
R.A. pour tous. Notez " pour tous ", loin d'être une vague rhétorique
militante, s'appuie sur notre précédente campagne pour le droit de vote des
résidents étrangers, où, nous définissions une citoyenneté liée à la
résidence, (et donc distincte de la nationalité). Le R.A ; pour tous les
résidents, peut s'entendre comme une campagne " poupée russe ". au sens ou
elle contient une reconnaissance des sans-papiers, comme les campagnes en
faveurs des sans-papiers contiennent (implicitement) une lutte
anti-fasciste...

Et l'écologie dans tout ça ? Sans l'homme, la nature va très bien merci. Ce
que nous nommons catastrophe écologique, est donc catastrophe humaine. Parmi
les chefs d'oeuvre de l'humaine bêtise, la précarisation de la majorité de
l'humanité dans un contexte d'abondance économique (spéciale dédicace à
Jean-Pierre Gaillard), rivalise avec le trou dans la couche d'ozone. Il y a
donc urgence à remettre l'économie dans le champ politique, non par une
taxation accrue des actifs mais par une réorientation des richesses vers les
citoyens (cf. encadré 4). Née de la prise en compte des précarités,
l'écologie s'élargira demain par la prise en compte globale des ressources
produites par l'espèce humaine, pour son bien être, non son esclavage. Faute
d'espace, ne retenons que la perle des objections au R.A. : " C'est une
utopie ". Que les mous de la volonté se rassurent : bientôt cette utopie,
ils l'appelleront projet de loi. Puis acquis social. Car si Dany ne daigne
pas " percuter " sur la question, Les Verts eux avancent, espérons qu'ils ne
seront pas seuls. Alors révolutionnaire le R.A. ? Comme qui dirait : " Tu
crois que tu vas changer le monde ? Chiche ! ".

David Langlois-Mallet




 
"La revendication d'un revenu d'autonomie vise à en unifier deux autres,
jusque-là distinctes : l'allocation d'étude et l'extension du RMI aux moins
de 25 ans. La première constitue une revendication du syndicalisme étudiant
depuis les années 1950, et reste aujourd'hui mise en avant par l'UNEF-ID. La
seconde est, depuis la création du RMI en 1988, l'une des principales
revendications des mouvements de chômeurs et précaires".

"Pourquoi rapprocher deux revendications jusque là portées par des
mouvements distincts et qui, au départ, s'adressaient à des publics
largement différents ? Parce que, du fait de la massification de
l'enseignement supérieur et de la précarisation du travail, la frontière
entre étudiants, chômeurs et salariés est de moins en moins nette. Ce point
de vue est largement partagé par les mouvements de chômeurs, qui, sans en
faire un axe prioritaire, sont favorables à ce que la poursuite d'études
n'empêche pas, comme aujourd'hui, de bénéficier des minima sociaux. Une
lucidité qu'on aimerait voir partagée par les syndicats étudiants qui,
hormis SUD, s'opposent à l'extension du RMI aux moins de 25 ans".

Philippe Quirion