L¹IDÉOLOGIE EST LA PREMIÉRE ARME DES EXPLOITEURS

 
Nos fidèles lecteurs (c¹est ceux qui payent) et les petits salauds (les
autres) qui ont eu la chance de lire CASH n°1 savent déjà que l¹unique enjeu
des années politiques des dix prochaines années sera le salaire.

Salaire sous toutes ses formes, allocations, stages, rémunération du
chômage, du travail, pré-retraites, retraites, exonérations et
remboursements divers...

Les différentes catégories de travail et de non-travail ne sont que des
moyens, des divisions pour justifier l¹inégalité de la redistribution des
richesses produites.

Ceux qui disent avoir des solutions pour résorber le chômage ne sont pas des
imbéciles mais des menteurs. Leur seul objectif est de fausser le débat.
Il n¹y a qu¹un débat qui tourne autour d¹une seule question : quelle société
voulons-nous ?

Une société où l¹instrument de mesure est l¹Homme, une société dont
l¹objectif est de satisfaire les besoins de tous ceux qui la composent ou
une société bizarre dont le dieu insaisissable est l¹économie, dieu qui
distribue à quelques uns pouvoir et argent et, à tous les autres, misère,
incertitudes et handicaps de toutes sortes : inadéquation au marché du
travail, rigidité des comportements, incapacité à gérer sa vie. Une grande
catégorie d¹idiots qui n¹ont même pas le droit de savoir qu¹un nuage
radioactif les survole et qu¹on rend coupable des résultats désastreux que
provoquent des choix politiques dont ils sont soigneusement tenus à l¹écart.
Quand ces menteurs sont français ils le sont deux fois plus.
 

La France figure au nombre des pays riches de la planète (...). Son PIB par
habitant est deux fois supérieur à celui de l¹Espagne, 7,5 fois supérieur à
celui de la Turquie, il dépasse de 23% celui de la Grande-Bretagne et de 39%
celui de l¹Italie. (...)L¹exigence de solidarité est à la mesure de notre
pays (...)La France peut donc et doit -elle en a les moyens- être une nation
plus étroitement solidaire².

        Discours de G. Dufoix devant l¹Assemblée Nationale (présentation du
budget de l¹aide sociale).


Le salaire social existe en G.B., en Hollande, en Suède et la France a les
moyens de se le payer aussi.

Les dirigeants savent parfaitement que chaque année 200 000 emplois fixes
disparaissent (INSEE :-23 000 en 84, -130 000 en 85; 270 000 annoncés par
Seguin pour 86) que 700 000 nouveaux demandeurs arrivent chaque année sur le
marché du travail (il faudrait créer 320 000 emplois par an pour retrouver
un taux de chômage acceptable en l¹an 2000), que malgré la transformation
régulière d¹emplois fixes en ³emplois flexibles ou si l¹on veut précaires²
(200 000 par an, un total actuel de 2 300 000) permettant de partager le
travail et bien entendu le même salaire, que malgré le retour au pays 50 000
³étrangers², il y a chaque jour que dieu fait 2 600 000 chômeurs (34% de
hausse des inscriptions depuis...81), dont un million officiellement
non-indemnisés. La Banque de France estime que l¹adaptation des effectifs
demeurant la préoccupation numéro 1 des employeur, cette tendance va
continuer².

PRÉCAIRES ET AUTRES CHÔMEURS OFFICIEUX

800 000 travailleurs au noir. Pas d¹impôts mais ni sécu ni retraite. Ils
contribuent à la suppression des emplois permanents² disent les syndicats
depuis qu¹ils n¹imposent plus rien aux patrons. Mais c¹est l¹occasion qui
fait le larron ! Piètres larrons d¹ailleurs, payés avec un lance-pierres au
hasard des embauches ou pas payés quand l¹employeur est un escroc. 100 000
fantômes n¹apparaissant plus dans les statistiques, vrais chômeurs mais
³faux² demandeurs d¹emploi (dispensés ou radiés de l¹ANPE). 190 000
impatients, 160 000 ayant crées des ³sociétés individuelles d¹indépendants²
(camelots, démarcheurs, marché, nettoyage, bâtiment, etc.).
30 000 ³sociétés à responsabilité limitée². Ce genre d¹entreprise a créé 500
000 emplois en 84 et en a supprimé dans la même période 462 000.
Beaucoup de ces aventures ont une espérance de vie très courte. Avis aux
amateurs de crédits, faillites et autres saisies. 40 000 chômeurs déclarés
actuellement en prison. 192 000 tucistes (au 21/12/85)
800 000 pré-retraités d¹un coût de 48 milliards de francs en 1985. Certains
se plaignent qu¹ils coûtent plus cher que l¹ensemble des chômeurs indemnisés
bien qu¹ils perdent plus tôt que prévu une bonne partie de leur pouvoir
d¹achat. Si les patrons ne veulent plus de leur expérience on est preneurs !
3 300 000 bénévoles. Puisqu¹il ont du travail ils sont classés ³en
activité², bien qu¹ils ne touchent aucun salaire !

Avis aux amoureux du travail... Personnes en âge de travailler, ils donnent
leur temps, pour la plupart dans des associations qui tentent de réparer les
dégâts humains provoqués par la ³crise².

La différence entre le gauche et la droite ne réside pas dans la démarche de
création d¹emploi. L¹idée de la société qu¹ils ont est la même, ils prient
le même Dieu ³Économie².

À ce titre, tous les effets de manche autour de la trop fameuse suppression
de l¹autorisation administrative de licenciement ne doivent pas faire
illusion. En 1984, alors que cette loi était en vigueur, il y eut 1 531 000
licenciements dont 841 000 étaient le fait d¹entreprises qui n¹étaient pas
en train de disparaître c¹est à dire soumise à l¹autorisation (dans la même
période, 1 301 000 créations d¹emplois, perte sèche 230 000). Rocard lui
même, à ³7 sur 7² (le 01/06/86) reconnaissait que 90% de ces autorisations
étaient accordées. Les refus concernent généralement les syndicalistes et
les salariés entre 50 et 55 ans.

La différence réside dans le ³traitement social². Sous la précédente
législature, les autorisations étaient accordées en échange de mesures
sociales financées par le patronat. La suppression de cette loi revient à
faire supporter à l¹État la presque totalité du coût social des ³aléas de la
production², toute la distinction est là. Le PDG Pilate se lave les mains,
Pi l¹autre (l¹État) crache au bassinet, le moins possible au nom du même
libéralisme.

Le libéralisme n¹est rien d¹autre qu¹une façon de se décharger du coût
social de la ³restructuration², personne n¹étant responsable puisque c¹est
économique. Haro sur les salaires ! Directs, indirects, individuels et
collectifs.

Attendez vous aux suppressions de subventions (le caritatif va se raréfier)
et aux aides sociales de toutes sortes (réduction de 150 millions de francs
dans les crédits d¹action sociale pour 86, ³Le Monde² du 06/06/86).
Libéralisme égale moins de fric et plus de flics (au cas ou il y aurait des
mécontents ?).

Tout le monde veut ramener le chômage à un taux tolérable. Ce qui est
³tolérable² pour eux est ce qui est ³supportable pour nous ou contrôlable,
notre nombre effraie.

Ce qui est intolérable pour nous c¹est l¹idée d¹une société dont quelques
millions de ses individus sont exclus du partage des richesses produites.
C¹est la société qui traite d¹assistés ceux qu¹elle exclue. C¹est la société
qui n¹en est pas une puisqu¹elle ne protège pas ses membres et les exclue.
Si l¹État libéral c¹est l¹État qui se libère de ses devoirs de solidarité
envers ceux qu¹il est censé représenter, alors il y a plus qu¹une ³société
duale², il y a deux sociétés. Et la société des pauvres doit s¹organiser
pour se protéger, survivre, obtenir la reconnaissance de son existence et
proposer à l¹ensemble de ceux que l¹on ballote au gré des ³colères divines²
une alternative humaine.

Sources :
- ³Quid 1986²
- ³Liaisons sociales² sup. mens., fev et avril 86
- ³Libération²
- ³Le Monde Diplomatique² mai 86
- ³Union Sociale² fev. 85 n°351
- ³Actualité Industrielle Économique et Sociale² n° 35, fev. 86