Voici donc, "conseil gratuit", un article tiré
de CASH, journal de
l'association des chômeurs et précaires
de Paris en 1985.
Le plein emploi est impossible dans le système de production
reposant sur la
concurrence, à plus forte raison lorsque la concurrence est
internationale.
Il y aura donc toujours dans ce cadre économique du chômage.
C¹est pourquoi
la solution la plus simple et peut-être la moins onéreuse
est la garantie
d¹un revenu minimum.
Les résistances à cette ³solution² sont d¹origines
diverses, philosophiques,
politiques, économiques, ³Libération² du 18.11.85
en donne un échantillon
assez représentatif.
À l¹intérieur du parti socialiste, certaines reposent
sur des arguments
honteux : ne pas perdre la face !, reconnaître que la modernisation
provoque
du chômage supplémentaire, reconnaître que malgré
une gestion socialiste le
chômage continue, reconnaître que la crise persiste, que
la France (quelle
France ?) s¹enrichit mais que la misère s¹étend,
c¹est reconnaître
l¹impuissance d¹une certaine politique, c¹est admettre
qu¹il est futile de
s¹attaquer aux conséquences tant que les causes persistent.
La peur de parler vrai, de sentir bon de la bouche, à quatre
mois
d¹élections importantes est irresponsable parceque la réalité
des chiffres
est incontournable.
10 millions de tous ceux qui vivent sur le territoire français
ont moins de
1800frs par mois pour vivre. Un million au moins mange le soir ce qu¹il
gagne dans la journée ou ce qu¹on lui donne. La moitié
des salariés gagnent
le SMIC, 14% d¹entre eux doivent entretenir une famille avec ce
seul revenu.
Si cette misère doit être le prix quotidien à payer
pour préserver des
illusions politiques que d¹autres, de toutes façons, dénonceront,
c¹est un
très mauvais calcul.
On reconnaît officiellement bien sur un léger accroissement
du chômage mais
une bonne partie (notamment par les suppressions d¹emplois), est
camouflée,
cachée par les préretraites, par le départ d¹un
certain nombre d¹immigrés,
par les ³stages de formation² qui ont augmentés de
173,3% pendant les huit
premiers mois de 1985, par les TUC, par l¹allongement des études,
par
l¹incarcération (le salaire social en Suède a fait
baisser la délinquance de
35%), par les radiations ou démissions des ANPE (2 367 000 en
début 85 dont
seulement 1 850 000 retrouvent du travail et dans la majorité
des cas il
s¹agit d¹emplois précaires, c¹est à dire
de courte durée et sans perspective
de réembauche).
Et si globalement il y a plus de chômeurs indemnisés, les
indemnités elles
ont baissé.
Si une partie de la droite s¹en félicite comme preuve de
l¹incapacité de la
gauche, ³de ses mensonges², etc., elle n¹a jamais fait
mieux, elle a laissé
vieillir les outils de productions (usines, etc.) pour en tirer le
maximum,
elle est en grande partie responsable de toute façon elle n¹a
aucune
solution de rechange et n¹en cherche pas.
Une autre position politique ³plus réaliste² reconnaît
³le problème social².
Là encore, cette position se retrouve à gauche comme
à droite. Les
rocardiens d¹un coté, bien qu¹ils ne soient pas seuls
et Lionel Stoléru
(droite libérale) parlent d¹un salaire, ou plutôt
d¹un revenu minimum
garanti ou ³familial².
Notons au passage comment le sens d¹un mot évacue ou met
en lumière la
responsabilité d¹un système politique : le salaire
doit dépendre du travail
et ne doit donc pas être posé comme le rapport de force
entre ouvriers et
capital, on lui préfère donc le terme de revenu, aumône
que seule la charité
³impose².
Mais qu¹ils soient de droite ou de gauche ils font dépendre
leurs bonnes
dispositions des échéances électorales, de notre
bon vote.
En gros on nous reconnaît en tant qu¹humains pour voter
mais pas pour
bouffer.
Ils nous offrent malgré tout l¹avantage d¹aborder publiquement
la question
ce qui est pour nous d¹ordinaire difficile. Nous devons être
très attentifs
à ce qu¹ils disent et à ce qu¹ils préparent,
ils pourraient très bien
organiser un ³colloque² où tout ce petit monde mitonnerait
un projet plein
de clauses, de divisions et de contrôles, dont les principaux
intéressés, à
savoir les chômeurs et leurs associations, seraient bizarrement
exclus. Pour
empêcher ça nous devons nous même organiser une
rencontre sur le salaire
social, sans exclusive, avec toutes les parties intéressées
et concernées.De
nombreux camarades nous disent sur le ton du conseil amical : attention
le
salaire social ça va être plus de contrôle, le salaire
social ça va
renforcer l¹assistanat, le salaire social ça n¹existera
jamais vous feriez
mieux de consacrer votre temps à des choses plus utiles (à
chercher du
boulot peut-être ?) ou le salaire social ça va casser
la stabilité des
salaires.
Le salaire social ça va renforcer le contrôle !
Il suffirait de répondre par une question : en quoi quelque
chose qui
n¹existe pas doit nécessairement impliquer plus de contrôle
? Quelle forme
de contrôle ?
Le ghetto nous répond-on !
Le salaire social entraînerait donc une perte du libre arbitre,
une attaque
fondamentale de l¹intégrité (morale ?) des chômeurs
et une exclusion de la
société.
Ca part d¹un bon sentiment mais n¹est-ce pas déjà
le cas ? Ne pas
reconnaître que le contrôle social existe déjà
partout, au travail comme au
chômage, et que le rôle de ce contrôle est justement
de maintenir les bas
salaires ! la division et la misère, c¹est planer à
15 000 (francs/mois)
mais qui ne le voit pas ne veut pas le voir.
Le contrôle à venir est justement un des points à
prévoir et il faut être
organisé pour peser dans les négociations mais là
encore il faut le vouloir.
Le salaire garanti par contre pourrait simplifier les démarches
et éviterait
de ³se foutre à poil² devant n¹importe quel employé
de bureau.
Le salaire social va renforcer l¹assistanat !
Cet argument est le plus dégueulasse, le plus ordurier, le plus
bête qui
soit et profondément réactionnaire.
Tout salarié qui a la garantie de l¹emploi, des tickets
restau, est assisté.
Tout syndicaliste qui a gagné le droit de s¹occuper du
syndicat pendant ses
heures de travail est assisté. Le SMIC, le 13ème mois,
la sécurité sociale
c¹est de l¹assistant.
Quand les boites sont renflouées par l¹État, permettant
de maintenir les
emplois, quand les prix agricoles sont soutenus, les taxes à
l¹importation,
etc., tout les permanents syndicaux, politiques, sont des assistés.
Tous ceux qui ont des salaires élevés qui dépendent
du travail de smicards
ou de tucistes sont des salauds qui se font assister par les prolos,
OK !
En gros cet argument dit : ³donner du fric à des salauds
de chômeurs en
respectant en plus leur dignité, c¹est du fric en moins
pour ma gueule,
c¹est risquer en plus qu¹ils occupent leur vie à autre
chose qu¹à engraisser
des patrons, inadmissible².
Six mois de boulot à la peinture, six mois de chômage et
quelques coups de
pieds au cul seraient salutaires aux camarades qui tiennent ce discours.
L¹assistant c¹est justement l¹aumône, ce qui dépend
du bon coeur du
bourgeois, ce qui est distribué individuellement.
Il n¹y a pas d¹assistanat dans le salaire social, il; y a
une revendication
qui exclut les divisions, il y la possibilité de structurer
un mouvement
objectivement prolétaire sur un besoin qui s¹oppose objectivement
au profit
capitaliste.
Il est étrange que ce que certains appellent l¹assistant
soit ce que
d¹autres appellent les grandes conquêtes ouvrières.
Le salaire social aurait pu être à la gauche de 81-86,
ce que les congés
payés ont été à celle de 36, une preuve
de la défense des travailleurs, de
la ³générosité de la gauche², une preuve
que la gauche est à gauche. Il n¹en
est rien, dont acte.
De toute façon, et pour longtemps encore, un des enjeux centraux
de toutes
les campagnes électorales est dorénavant le salaire social,
sous des formes
variées, avec des noms variés ou des procédures
de contrôle variées,
³l¹austérité² ne veut rien dire d¹autre
!!! Avis aux candidats députés.
Le salaire social n¹existera jamais !
Quand Icare essayait de voler, certains de ses amis devaient certainement
lui dire la même chose.
Est ce que la Sécurité Sociale existait avant qu¹elle
n¹existe ? Qu¹en dit
madame Soleil ?
À part que le salaire social existe déjà, bien
entendu : Suède, Angleterre
et vaguement à Nîmes...
Le salaire social va libérer les patrons !
Ils pourront licencier à tour de bras, payer des salaires de
misère, comme
au 19ème siècle, puisque chaque chômeur sera assurer
de manger, l¹explosion
sociale ne sera plus à craindre.
Pourquoi les patrons ne respecteraient plus les lois ? Les respectent
ils
seulement ? Les syndicats n¹existeraient-ils plus ?
La vérité c¹est que les salaires sociaux seront payés
en partie par les
patrons, donc qu¹ils les payent en contre partie de travail ou
sans travail
à eux de choisir.
Si le SMIC s¹obtient sans travail, les salaires devront être
plus élevés
pour ³tenter² le chômeur, intéressant non ?
Le chantage au chômage en prend un coup dans l¹aile, ça
peut aider dans la
négociation syndicale ça ! Si tu négocies, camarade
patron, tu payes et on
travaille, si tu ne négocie pas tu payes et on ne travaille
pas : choisis !
Pas de salaire social, des TUC!
Lier un salaire social, à la contre partie d¹un travail,
tendance que l¹on
retrouve dans l¹extension des TUC jusqu¹à 25 ans,
c¹est travailler en
dessous du SMIC, c¹est revenir sur des acquis ouvriers chèrement
conquis,
c¹est ce que proposent certains socialistes, suivez mon regard
!!
Pas de travail en dessous du SMIC, qu¹il soit utile, régional,
urbain,
collectif ou alors on collectivise aussi le régional, l¹urbain,
les
responsabilités, les moyens de production, les profits (non
mais des fois
!).
Si nous devons dire à ceux qui sont contre le salaire social
que le plein
emploi n¹existe pas, que tout le monde est assisté d¹une
manière ou d¹une
autre, que les congés payés n¹existaient pas avant
36, mais qu¹ils
existaient après, que la ³paresse² n¹est pas
réservée aux rentiers, nous
devons dire à ceux qui cherchent une solution que la nécessité
de satisfaire
ses besoins vitaux n¹a pas à passer par des travaux forcés
sous-payés, par
une soumission quotidienne à on ne sait quels contrôles,
par des élans du
coeur épisodiques, par des électorales ou des organisations
charitables.
En Éthiopie, au Mans ou à Vitry, la société
ne doit oublier personne lors de
la redistribution des richesses