Quel revenu garanti individuel dans la

zone euro?

 

L'Euro commun interdira les monnaies nationales mais pas les inégalités

 

Mars 2002 le franc français, la peseta, le franc belge, la lire italienne, le florin, le mark seront interdits de circulation. Ce sera fini du casse-tête des changes de monnaie pour les marcheurs européens qui, pour se payer un morceau de pain et une canette de bière ou d'eau, doivent laisser une partie du peu dont ils disposent dans le bureau de change. Dans ce futur proche, où on sera tous obligés de compter en Euro, on pourra aussi comparer les revenus "de subsistance" attribués selon les pays aux exclus du travail et des allocations de chômage : 930 Euros au Danemark, 817 Euros au Luxembourg 518 en Belgique, 438 aux Pays Bas, entre 347 et 457 selon les Lànder en Autriche, 370 en France, 360 en Irlande, 340 en Finlande, 330 en Suède, 320 au Royaume Uni, entre 263 et 276 selon les Lànder en Allemagne, 180 à 228 selon les Régions autonomes en Espagne, 110 Euros au Portugal (1). Si rien ne change d'ici là, sur les 12 millions 350 000 européens qui perçoivent un revenu de subsistance", il y en aura un bon nombre qui n'auront pas la possibilité de palper un billet de 500 Euros (3 275FF). Les revenus de subsistance ont été instaurés dans les pays européens, selon des formules différenciées et à des périodes différentes, mais pour les mêmes raisons : de plus en plus de chômeurs en fin de droits, des situations de pauvreté de plus en plus graves et visibles. Par exemple, le système britannique proposé par Beveridge était fondé sur la garantie d'un niveau minimum de ressources dès 1945, le minimum d'existence (minimex) a été légiféré en Belgique en 1974, le RMI a été concrétisé en France en 1988. L'Italie met cette année un pied à l'eau avec prudence

 

chant à les catégoriser entre individus objectivement indisponibles pour le travail, donc handicapés sociaux ou individus paresseux et profiteurs.

 

 

Le workfare

 

Là dessus s'est greffé le concept du workfare venu du grand ouest, plus exactement de Californie où le gouverneur Ronald Reagan visait dans les années 70 à réduire le nombre d'allocataires au sein du dispositif d'assistance aux familles. Le système s'est généralisé aux Etats Unis lorsque Reagan est devenu Président. La thèse soutenue était celle du poverty trap, le piège de la pauvreté que certains traduisent par" la trappe de la pauvreté,, l'aide de l'État représenterait un piège pour les pauvres. Les bénéfices sociaux accordés "généreusement" par l'État maintiendraient les pauvres dans la pauvreté et les réduiraient à l'état d'assistés permanents incapables de reprendre confiance en eux-mêmes et de se réinsérer activement dans l'économie productive. Le workfare a transformé la relation existant entre l'allocataire et l'État en un rapport d'échange le travail (work) en échange de l'assistance ("are). Dans l'Union européenne d'aujourd'hui, cette thèse a de nombreux adeptes. Les technocrates appellent cela " les politiques actives du chômage ". Les Lignes directrices pour l'emploi dans l'Union européenne (intitulées aussi processus de Luxembourg) recommandent aux Etats de passer des mesures passives (allocations de chômage) aux mesures actives afin d'inciter - par la pression sociale et les contrôles - /es chômeurs à chercher du travail. Les textes officiels qui annoncent les lois européennes n'hésitent pas à utiliser la caricature pour appuyer cette thèse. Ainsi la Commission européenne vient-elle de sortir un rapport à partir de dossiers établis par les Etats portant sur les critères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociales (2). Les allocataires de revenu minimum sont décrits d'emblée comme des personnes " ayant connu des ruptures dans leur vie sociale . prison, séparations familiales, migration forcée, perte de logement, surendettement...Par rapport à la population totale, hommes seuls et familles monoparentales y sont nettement sur-représentés."... "Les personnes abusant de substances nocives, alcool ou drogues, souvent sur-représentées parmi les allocataires de revenu minimum oscillent entre aptitude ou inaptitude au travail.".

Ces descriptifs sont terriblement pernicieux, d'autant plus qu'il est (quand même) précisé plus loin que les allocataires de revenu minimum sont des personnes qui ne peuvent plus (ou pas encore) bénéficier des allocations de chômage ; c'est à dire les jeunes au sortir de la scolarité (3), les personnes ayant interrompu leur activité professionnelle pendant longtemps ou n'ayant jamais travaillé (les mères de familles notamment) et les personnes qui ont des emplois à temps partiel ou à durée déterminée ne remplissant pas les conditions minimales.

 

 

Pourquoi Cet acharnement de culpabilisation des allocataires de revenu minimum?

 

Cette campagne de dénigrement, d'intimidation et de culpabilisation est aberrante. Pourtant, elle est reprise cil

écho dans de nombreux colloques européens et nationaux où des "spécialistes" du social se convainquent entre eux que les allocataires de revenu minimum sont "irrécupérables", .. "inemployables", "inadaptés", "manquent d'esprit d'entreprise " et abusent de la situation. Pourquoi cet acharnement ? est-ce parce qu'ils grèvent les budgets sociaux ? NON. En terme de dépenses budgétaires, cela coûte très peu. Les dépenses relatives à ce qui est appelé " exclusion sociale " représente 1,6% des prestations sociales de l'Union européenne, soit 0,5 du P.N.B (4). L'enjeu est ailleurs.

 

Une stratégie de domination et d'exploitation

 

Il concerne l'ensemble des travailleurs, selon une stratégie de domination et d'exploitation clairement explicitée dans les textes officiels européens.:" Pour obtenir les résultats "oulits, uii élargissement de I 'échelle de salaires vers le bas suppose une réduction de 20 à 30<4 du coûz salcirial des acti"ités peu qualifiées, comiiie c'e la a été le cas par exemple, aux Etats unis dans les ahuées 1970 et 1980. Eu outre, pour être efficace, une icîle mesure nécessiterait en Europe, une réductioii équi~'alenie c/es aîlocatioiis de chôniage et des prestcitioiis sociales afin d'éviter " le piège de la pauvreté".

Ainsi, lorsque la culpabilisation fait effet - et qu'elle s'accumule à la difficulté de vivre avec des revenus insuffisants, ou à l'angoisse d'une chute brutale de revenu pour ceux qui viennent d'être mis au chômage et qui sont confrontés aux risques du surendettement - les chômeurs peuvent être incités à accepter n'importe quel travail, à n'importe quels prix et conditions de flexibilité ; et par là généraliser la précarité, diminuer la valeur du travail et limiter les exigences d'augmentation de salaire minimum.

 

L'échec des politiques d'activation du chômage dans les Etats membres.

 

Dans ce même rapport (2), les Etats admettent la précarité des emplois proposés dans le cadre des mesures d'activation du chômage. " Neuf EtaL~ membres ont d~'eloppés des lilesures qui ont pour objectif' ultime, sou veut à

long terme, la réintégration sur le mcirché du tra~'ail... Dans ces ,ieiif LtaLv, des tâches utiles à la société solit proposées, notamment par les communes, dans les secteur~ de 1 'cli tretieli des lieux et bôti,ijenLç publics, de I 'e,ivironnement, des services collectiFf'~, des hôpitaux. Les partici/)a'its reçoi,'ent un compléinent au rei'enu îiiiniiiiîiin sous forme de prime ou de rembourseinent de frais en cou rus... Les pa nicipants resteut c-oiiiî~lètement dépeiid~iii ts des prestations sociales. Pour ces raisons ces 'nesu i-es solit li,iiîtées. Certains Etats préfèrent I 'option suii'ci'ite les emplois aidés dans le secteur non marchand - . Les cil q) 10 is ojferLç sont pour I 'esse,itiel de qualité iiii,ii,,iaîe, bas salaires, temps partiels, cou rtc durée, peu de garantie de reconduciion. Peu defc')rliiiiles dépasseut I 'aiiiiée. Les contractants n 'acquièrent pas tolijours une foriiiatioii professio,inelle qu 'ils pourra icut valoriser dcois uii emploi ultérieur ". L'évaluation des mesures incitatives s'adressant aux employeurs n'est guère plus encourageante : " il y a des risques de substitution des personnels existai? L' pcir des employés siibi'entionnés, et Ici néc'essité d'évaluer à l'avenir la qualité des emplois obteiius ". On comprend mieux pourquoi il est Si important de charger de tous les vices les allocataires de revenu minimum, car sinon, il faudrait bien reconnaître les absurdités et le manque d'humanisme de certaines orientations des lignes directn'ces pour l'emploi dans lesquelles se sont engouffrés tous les Etats sous la pression de la Banque Centrale Européenne.

 

 

L'urgence d'une revendication chiffrée.

 

C'est donc pour lutter contre cette politique de régression sociale et cette stratégie de culpabilisation que les Marches européennes ont l'audace de revendiquer un revenu garanti individuel permettant de vivre dans la

dignité, sans aucune discrimination d'âge, de sexe, d'origine ou d'autre type. Afin de fixer cette revendication chiffrée, il est utile de tenir compte de certaines données

 

1. Les niveaux de vie sont différents dans les pays de la zone EURO

Il y a un marché unique et une monnaie unique en Europe, mais les niveaux de vie sont très diversifiés. D'où les risques de dumping social et de mise en concurrence des salariés les uns vis à vis des autres et de tentatives de convergence vers le bas pour les pays qui ont obtenu des avancées sociales. A titre indicatif, le coût horaire d'un ouvrier de l'industrie en France est de 16,13 Euros (104,90 FF). au Portugal, il est de 4.75 Euros et en Allemagne de 25,4 Euros.

 

2. La dé fin ftion du seuil de pauvreté est en débat

EUROSTAT, qui avait établi des statistiques relatives à la pauvreté à la fin des années 80, aboutissait à un chiffre de 57 millions de pauvres dans les 12 pays membres étudiés. Le seuil de la pauvreté était fixé à la moitié du revenu moyen de chaque pays. MAIS, un débat est ouvert aujourd'hui sur les unités de mesures, les indices de pauvreté, les échelles d'équivalence entre les pays. Attendre les résultats de ces mises au point nous entraîne à perpète. Pendant ce temps là, le revenu des économistes et des statisticiens sera garanti, a lors que les situations de pauvreté et les états de souffrance des chômeurs et des précaires risquent de s'aggraver.

 

3. Les salaires minima varient entre 334 Euros et 1141 Euros

Dans tous les pays des conventions collectives fixent généralement des salaires minima pour les branches 4e l'industrie, pour les groupes professionnels, pour les entreprises. L'Irlande et le Royaume uni ont fixé en 1998 un salaire minimum horaire. 7 Etats membres de l'Union européenne appliquent un salaire minimum national mensuel: la Belgique, l'Espagne, la Grèce, la France, le Luxembourg® lew`Pay{-Bas, le Portugal. E.4re_I 98_ et 1997, l'écart entre 3ala-r% minimum et le sala

 

il s'est élargi légèrement dans les autres quatre pays. Le cas le plus extrême concerne les Pays-Bas où le salaire minimum est tombé de 65% du salaire moyen en 1980 à 49% en 1996. En 1996, les ratio extrêmes étaient de 59% en France et au Portugal et de 42% en Espagne. Aux Etats Unis, le ratio correspondant était de 34%.

 

4' Le Produit Intérieur Brut (P.LB.) est le principal indicateur de la zone EURO

Depuis le l0janvier 1999, la politique monétaire est définie pour l'ensemble de la zone EURO par la Banque

Centrale Européenne sur la base du P.1.B. Le déficit public ne doit pas dépasser une valeur de référence fixée à

3% du PIB, la dette publique accumulée ne doit pas dépasser 60% du PIB la croissance est évaluée cil f~inction du P.T.B. C'est donc en référence du P.l.B. que devrait être fixé le revenu garanti individuel.

 

Le tableau ci-joint donne des informations sur le revenu minimum existant dans chaque pays, sur le salaire minimum lorsqu'il existe ainsi que les indications qui permettent de fixer un pourcentage commun du P.I.B. de chacun des pays. Une vigilance s'imposera pour tenir le cap d'une convergence ', dans le progrès ". Ce ne sera pas simple, compte tenu des différences existant déjà entre les 15 Etats membres et de par l'entrée dans l'Union européenne des pays de l'Est où les niveaux de vie sont extrêmement bas.

 

Le revenu minimum ne peut être une aumône . C'est un dû. Aux stratégies d'exploitation et aux campagnes de culpabilisation et d'humiliation des sans travail et des précaires, temporaires, vacataires, supplétifs, intermittents, CDD, intérimaires et travailleurs indépendants " et isolés de tous les pays de l'Union européenne, les Marches européennes contre le chômage, la précarité et les exclusions ont décidé de répondre par la revendication européenne qui implique une plus juste répartition des richesses.

NOTES:

(1) Dans certains pays, certaines allocations supplémentaires conditionnelles (notamment pour le logement) peuvent doubler les montants.

(2) Rapport de la Commission au Conseil, au PE, au CES et au Comité des Régions sur la mise en oeuvre de la recommandation 92/441 /CEE du 24 juin I 992 portant sur les cntères communs relatifs à des ressources et prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociales. (COM (98) 774 final du 25.01.1999. cette communication de 1992 énonce les principes et les modalités de la mise en oeuvre d'une garantie de ressources conforme à la dignité humaine comme cela avait été édicté dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de décembre 1989.

(3) 7 Etats membres mettent des limites d'âge dans l'application des dispositifs de revenu minimum. 18 ans en Belgique, Irlande, Pays~Bas et Royaume Uni, 25 ans en France et Espagne, 30 ans au Luxembourg.

(4) Rapport sur la Protection sociale en Europe I 997. A titre indicatif ,les dépenses de santé représentent 2 1,8% des dépenses totales de la protection sociale, soit Ô,2% du P.l.B.

(5) Communication Croissance et emploi dans le cadre de stabilité de l'UEM. Réflexions de politique économique en vue des grd'nde~ orientations de 1998. COM (1998)103 final. (25/2/I 998)

(Ô) Chiffres de 1997.

(7) EUROSTAT. Salaires minima dans l'Union européenne 1997.

 

Informations utiles pour le chiffrage d'un revenu garanti individuel européen basé sur un pourcentage commun du PIB

Pays PIB/par tc~e/ 50% PIB/par sakure ,mni- 4~% PI~par ~Iùwiiaincii- Iti ,n<>iuuiic Reve,idieatii>,is

Ixu- mon e,i te~ep(Ir~nois en mlLm mensuel ~par'izoes en siielen coi~ des ~Iarches

Furos (1997) Fun>s Eu~s &ulS ~I>UyS eunjpée'l'les

(Eun~s) pour le re~'enii

'iwwniui/

Luxembourg 2 716 i 358 1141 Furos LFR) 817 (à partir 32 964 LFR % (lu PIB

(46 027 I 087 de 30 ans> fixé par moi

Dannemark 2 674 1 337 910 930 (à partir 6 998 DK

de 18 ans)

Deutschland 1 892 946 756 263-276 514-540 l)NI

Sveridge i 892 946 756 330 2 884 SFK

Ôsterreich I 866 933 747 347-457 4769-6290

ATS

France i 700 384/338 (à 2500 FF

750 875 988 Euros partir de 25 2200 FF

(6 422 FF) ans) (cohabitant)

Belgique i 742 871 1 079 1~uros 697 518/223 21 000 F~

(à partir de 9 000 FB

(43526BFF) 18 ans;) (cohabitant)

Nederland i 692 846 i 011 Furos 677 438 (à partir 965 NLG

de 18 ans)

Finland i 647 837 670 325-340 (à 1934-2021

partir de 18 FIM

ans)

U.K i 608 804 643 320 (à partir 213 GBP

de 18 ans)

Ireland i 500 750 600 360 (à partir 283 IEP

de 18 ans)

Italia 1 484 742 593 (exp 590000

nence sur 29 Lires

communes)

Espaa~a 992 496 469 Furos 397 180-228 à

(77854 partirde~~ 30000à

pstas) ans) -~ 38 000 pstas

Greece 834 417 440 Enros 333

Porutgal 800 400 334 Furos 320 110 (à partir 22 100 PTF

(66 933 de 18 ans)

PTF)

EUROPE 1600 800 640