Bad Bevensen, janvier 1999
BAG-Erwerbslose
Groupes de travail au niveau fédéral des associations de chômeurs indépendantes
Après le premier congrès des associations de chômeurs en 1982 à Francfort se sont constitués les groupes de travail au niveau fédéral (BAG) des associations contre le chômage et la pauvreté. Ils étaient supposés pouvoir regrouper différentes orientations politiques, travailler sur des thèmes concrets (dans les commissions "bilan et perspectives", "revenu d'existence", "politique de l'emploi" et "coopération internationale"), et fonctionner selon des principes démocratiques (du bas vers le haut).Parmi les résultats, on peut compter : le second congrès fédéral en 1988 à Dusseldorf, la campagne contre le "contrôle des ressources" en 1988, la campagne contre le travail forcé, le développement de la revendication de "l'allocation d'existence", la construction du réseau européen "Ithaque".
Dès le milieu des années 80, une partie des groupes de chômeurs syndiqués quitta ce réseau et fonda le bureau de coordination des associations syndicales de chômeurs à Bielefeld. Après l'unification allemande (1990), la Fédération des Chômeurs Allemands (ALV) se constitua dans l'ex-RDA.
Ainsi, les groupes de travail contre le chômage et la pauvreté ne sont pas parvenus à former la coordination puissante d'associations de chômeurs, d'allocataires des minima et de jobbers qu'ils s'étaient fixées pour but de constituer.
La coordination syndicale de Bielefeld, la Fédération des chômeurs allemands (ALV), les Commissions fédérales des allocataires des minima (BAG-SHI), le réseau des Marches Européennes, et les Commissions fédérales - Chômeurs (BAG-Erwerbslose) ont tous développé leur propre structure etleurs propres formes d'action politique.
La revendication d'une allocation d'existence, posée en février1992 par les Commissions fédérales - Chômeurs comme une position primordiale et portée plus ou moins ensuite par tous les réseaux, ne s'est pas développé comme le lien déterminant qu'elle devait être. Bien que cette revendication soit toujours portée par tous d'une façon ou d'une autre, les postulats et les formes d'action des différents réseaux sont dissemblables les uns des autres.
Nous devons repréciser les choses, sur le fond comme sur la question de l'organisation. C'est pourquoi nous formulons cette plate-forme de nos revendications actuelles, de façon encore plus marquée. Elle forme un appel à la discussion.
Pour une nouvelle forme de coordination entre les différents réseaux fédéraux, nous nous fonderons à l'avenir, en tant que Commissions fédérales - Chômeurs, sur cette plate-forme de revendications.
1. Une nouvelle phase...
Nous sommes à la fin de l'année 1998. Et malgré un changement de gouvernement après 16 longues années de domination du marché, de concurrence et de froideur sociale, malgré 9 mois de journées de mobilisation et d'action mensuelles, nous avons de mauvais pressentiments ! Nous craignons que les problèmes décisifs de notre société, le chômage, la destruction de la nature, la guerre, soient combattus avec les moyens qui les ont créés : augmentation de la concurrence internationale et croissance économique.
Pendant plus de 20 ans, on a vu comment l'extension de l'économie de marché était capable de résoudre les problèmes de l'humanité.
Dans ces 20 années, il y a plus qu'un doublement des richesses mondiales. L'économie a eu des phases de forte croissance, il y a eu des investissements. Depuis 10 ans, l'économie de marché règne sur le monde entier. Le "monde" de 1998 est plus riche que jamais auparavant. Et ?
Les faits
L'écart entre le "Nord" et le "Sud" s'accroît
La croissance des profits est de plus en plus forte et concerne de moins en moins d'hommes. Dans le "Tiers-Monde", c'est la population de parties entières de continents qui est considérée comme superflue pour la croissance. Dans le rapport des Nations Unies de1996, il est écrit : "La croissance économique n'est pas une fin en soi pour ce qui est du développement humain. C'est un moyen. Elle doitélargir les possibilités de l'homme. On doit donc la juger en fonction de ses conséquences pour l'homme. Combien d'hommes voient leur revenu augmenter ? Est-ce que les inégalités de revenu entre les différents groupes de population baissent ? Que signifie la croissance pour les pauvres ?"
Une minorité riche au Nord utilise à l'excès les réserves limitées de matières premières de la planète et empoisonne par des déchets de production industrielle le sol, l'eau et l'air. Dans les pays industriels vivent seulement 23 % de la population mondiale, mais ils utilisent 82 % de l'énergie, 70 % du pétrole, possèdent 80 % des véhicules automobiles et sont à l'origine à 75 % de l'effet de serre. 80 % des êtres humains en Amérique latine, 60 % en Asie, 50 % en Afrique vivent dans des régions écologiquement dévastées.
800 millions d'hommes souffrent de la faim, 500 millions souffrent de sous-alimentation chronique. Presque un tiers de la population mondiale(1,3 milliard) vit dans la pauvreté.
Les pays en voie de développement, malgré la croissance mondiale de ces 33 dernières années, n'ont pas vu leur revenu par habitant augmenter de plus de 1,5 %. Sans l'Inde, le chiffre annuel serait de 0,4%.
86 % de la consommation privée dans le monde sont le fait des 20 % des hommes avec les revenus les plus élevés, les 20 % avec les revenus les plus bas se partagent 1,1 % de la consommation mondiale. Les 20 % des hommes aux revenus les plus élevés sur la terre consomment :
45 % de la viande et des poissons, les 20 % les plus pauvres seulement 5 %.
58 % de l'énergie, les plus pauvres 4 %.
84 % du papier, les plus pauvres 1,1 %.
Le patrimoine des trois personnes les plus riches du monde dépasse l'addition du produit intérieur brut des 48 pays les plus pauvres.
Le niveau de production et de consommation du Nord ne peut être généralisé. On ne peut pas produire marchandises et matériaux à l'infini. Encore plus de marchandises, encore plus de services, encore plus de consommation, c'est aujourd'hui le modèle minoritaire et destructeur des nations industrielles, pour lequel la vie de la majorité de la population mondiale est sacrifiée.
Pourquoi devrions-nous participer à ça ?
Précarité et peur pour sa vie se développent aussi dans les nations industrialisées occidentales
Plus de 100 millions de gens y vivent dans la pauvreté, il y a autant de sans-abris. 37 millions de personnes dans les pays de l'OCDE sont au chômage. Aux USA, plus de 19 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté.
La destruction de la nature va de l'avant
Alors que les problèmes sont connus depuis des décennies, il n'y a même pas un gel au niveau actuel de destruction, et encore moins une amélioration. En Europe, l'état des forêts s'est encore aggravé de façon spectaculaire cette dernière décennie : deux arbres sur trois sont aujourd'hui malades.
Si la faim, la guerre, le chômage, la pauvreté, la destruction de la nature et des ressources naturelles sont les problèmes de l'humanité, voilà les réponses apportées par l'économie de marché, la concurrence et la "croissance" :
Encore plus de faim, de guerre, de chômage et de pauvreté,
Encore plus d'exclusions et de misère, de destruction de la nature
Pour toujours plus d'hommes.
Encore plus de richesses, de consommation de luxe et de produits superflus
Pour de moins en moins d'hommes.
Nous avons un mauvais pressentiment car à chaque minute l'économie de marché provoque des transformations et des destructions qu'on ne pourra plus réparer. Les soi-disant progrès des sciences et des techniques se transforment en production de masse sans aucun contrôle démocratique, tant qu'ils promettent des profits. On ne prend pas un moment de repos, un moment pour réfléchir. Il n'y a aucun débat rationnel, raisonnable et démocratique sur les avantages et les inconvénients des développements technologiques, en particulier dans les domaines du nucléaire et de la recherche génétique. On continue à produire à l'aveugle et en masse, sans prendre en compte la nature et les ressources. Les dernières règles sont diabolisées comme de la "bureaucratie" inutile et détruites. Seulement au moment où la camelote a atteint le marché et qu'on ne peut plus cacher les problèmes, on fait appel aux hommes :en tant que consommateurs. Tout d'un coup, on fait appel à leur sens des responsabilités et on leur demande de changer leurs "habitudes de consommation".
Nous ne voyons pas le monde en rose parce que nous ne sommes pas des "chômeurs heureux", même si nous trouvons qu'il est bon de ne pas seulement pleurnicher sur le chômage puisqu'il est aussi "une libération de l'emploi salarié". Mais nous tenons au principe que le bonheur ne peut être que s'il touche tous les hommes, dans le monde entier. C'est pourquoi nous combattons toutes les tentatives des néo-fascistes pour s'infiltrer dans le mouvement des chômeurs. Nous croyons que les hommes ont une raison et une éthique qui leur permet de ne pas considérer les systèmes économiques comme des lois de nature. Nous ne sommes pas heureux, mais nous avons l'espoir que les hommes pourront contrôler un jour ce qu'ils fabriquent de façon rationnelle et raisonnable.
Nous avons une tâche historique envers la société...
Ce n'est pas un hasard si tous les mouvements sociaux des exclus qui se développent dans le monde entier contre les exclusions, le chômage et la pauvreté se réfèrent souvent aux droits de l'homme. On a pu considérer l'industrialisation et le capitalisme comme une libération de l'humanité du joug des mythes de la nature, de l'église et de la noblesse, une concrétisation des Lumières pendant 2 siècles, un essai pour sortir l'humanité de l'âge mineur et pour lutter pour les droits de l'homme. Aujourd'hui, deux siècles plus tard, alors que le capitalisme a créé suffisamment de richesses pour assouvir largement tous les besoins des hommes, beaucoup d'hommes sont obligés d'en appeler à ces droits pour pouvoir simplement survivre.
Il est difficile aujourd'hui de conserver ses convictions rationnelles. Entre l'économie de marché radicale et la moderne social-démocratie obsédée par la croissance, même la propagation de slogans comme "chômeurs heureux", "le travail, c'est de la merde", "on veut picoler" et "on veut avoir droit à l'échec" est admise à la cour. Elle s'intègre très bien à la société du spectacle et de la distraction, elle est vue comme une "comedy" que personne ne prend au sérieux.
Les principes " ce que nous voulons, nous le voulons pour tous", et "nous voulons une organisation et un partage justes du travail social global", eux, ils seront bien obligés de les prendre au sérieux.
2. Une nouvelle organisation du travail dans la société
La revendication d'une production et d'un partage des marchandises et des services organisés d'après les besoins des hommes serait une attaque révolutionnaire contre l'essence du capitalisme, où des multinationales et des entreprises produisent et font commerce de ce qui produit du profit, sans aucune considération pour la situation globale, sans aucun processus d'élaboration collective, démocratique et rationnelle par tous les hommes.
Les revendications que nous portons sont possibles, même à l'intérieur d'une économie de marché. Réduction radicale du temps de travail, redistribution du travail gratuit par le biais d'un revenu minimum - salaire minimum et modèles de temps partiel bien payés pour les hommes et les femmes. Ce seront des rapports de force politiques qui en décideront.
A. Nous n'avons pas besoin de "plus d'emploi", mais d'une réduction radicale du temps de travail
Tous les partis nous disent, sous l'élan unitaire d'une industrie de masse disparue : pour combattre le chômage, on doit créer plus de travail. Comme s'il n'y avait pas assez de travail socialement nécessaire qui n'attend que d'être rémunéré. Avec le slogan "plus de travail / plus d'emplois", ils entendent l'extension des emplois précaires et mal payés. Et pour créer plus d'emplois de ce genre, il faut plus de croissance.
C'est ce que nous disent chefs d'entreprise et hommes politiques depuis la fin des années 70. Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain. Dans ces 20 dernières années, il y a eu des phases de croissance et de profits maximaux, le chômage de masse a continué de s'accroître et croît encore. Nous ne voulons pas nous laisser acheter comme des idiots. Même avec une croissance économique extraordinaire, il n'y aura plus, dans les conditions présentes, de plein emploi.
La tendance mondiale est claire : de plus en plus de richesses privées sont produites grâce à de moins en moins d'emplois. Mais au lieu que tous profitent du hausse de revenu grâce à ce moindre besoin de travail, la force de travail, moindre, travaille encore plus pour moins de revenu. Et de plus en plus ne peuvent plus obtenir un emploi rémunéré et ne reçoivent pas de revenu.
Nous disons : nous n'avons pas besoin de plus d'emplois, de plus de travail. Nous avons besoins d'une réduction radicale du temps de travail. Tous ont besoin de moins de travail et d'une répartition juste du revenu.
Les faits
Selon des estimations prudentes, d'ici à 2005, 1,6 millions d'emplois disparaîtront en Allemagne dans les secteurs agricoles, de la métallurgie, des transports, de la construction, du commerce et de l'administration.
De 1992 à 1994, il y a eu chaque année 1,2 % d'emplois en moins. Depuis 1993, on assiste au contraire à un nouveau bond en avant de la productivité. De 1986 à 1993, la hausse annuelle de la productivité fut de 2 %, mais depuis 93, elle est de 4,5 %, et dans un secteur clef pour l'industrie comme l'automobile, elle est de 7,5 %. Selon le IAB, "l'emploi dans les entreprises de 20 et plus salariés va décroître dans les 5 prochaines années en moyenne de 50000 postes par an. Les créations d'emploi dues à la hausse de la production seront plus que compensées par les hausses de productivité".
Le volume de travail de l'industrie allemande s'est réduit ces 20dernières années à 40,8 % de ce qu'il était. Selon le conseiller d'entreprises MacKinsey, 9 à 33 millions d'emplois pourraient être supprimés si on utilisait à plein les avancées technologiques connues aujourd'hui.
Selon le rapport 1997 de la Banque Allemande : les profits des entreprises ouest-allemandes ont augmenté en 97 de 30 %, grâce au boom de l'exportation, moins d'impôts, et des frais de personnel stagnants. Les investissements n'ont pas suivi dans la même mesure.
Et avec ça, 7 millions de personnes n'ont pas de travail rémunéré, alors que les salariés à l'ouest travaillent en moyenne plus de 38 heures par semaine, à l'est plus de 41 heures par semaine.
Les salariés accomplissent chacun en moyenne 65 heures supplémentaires par an, en tout 1676 millions d'heures supplémentaires.
B. Nous n'avons pas besoin d'un "miracle de l'emploi" dans les secteurs à bas salaires, mais d'un nouveau partage juste du travail global, y compris du travail gratuit, entre les hommes et les femmes.
Nous chômeurs nous devons faire le ménage, nous occuper des enfants, faire les courses, nettoyer les chaussures et apporter les pizzas de ceux qui n'ont plus temps de le
faire parce qu'ils travaillent trop. Beaucoup d'emplois, en particulier dans les services, sont créés uniquement parce qu'il n'y a pas de partage du travail dans d'autres domaines. Mais à une vie sociale avec des esclaves modernes et des fournisseurs d'esclaves, pour ce qui est des emplois comme des salaires, nous ne voulons pas participer.
Nous n'avons aucun intérêt à avoir 2 ou 3 emplois différents pour ne même pas parvenir à avoir un revenu suffisant. Une classe grandissante de "working poor" n'est un avantage que pour les chefs d'entreprise.
Au lieu de partager le travail de façon juste afin que tout le travail socialement nécessaire comme l'entretien de la maison et l'éducation des enfants soient accomplis de façon égale par tous, certains préfèrent les heures supplémentaires, pendant que nous devons nettoyer leurs ordures pour avoir quelque chose à manger. Celui qui a fait ce genre de jobs, ou qui doit accomplir le travail domestique et l'éducation des enfants, sait que ce système ne peut se justifier par le salaire à "celui qui le mérite". Si vous voulez qu'on parle de salaire et de mérite : les 2/3 du travail de notre société sont non rémunérés et majoritairement accomplis par des femmes. Ce ne sont pas les occupations de luxe qui servent à l'embellissement de la vie des riches : temps libre, vacances et régimes diététiques. Ce sont les travaux socialement nécessaires. Plus de capitalisme non plus sans élevage des enfants, le travail domestique et la reproduction de la force de travail. Ces ressources sont utilisées sans être rémunérées, au contraire, quand on élève des enfants, on a toutes les chances de s'appauvrir.
Le "miracle des emplois de service" ne peut exister que parce qu'il y a encore et encore de nouveaux produits et services superflus qui sont lancés sur le marché. Nous seulement ça ne nous intéresse pas parce que nous n'avons pas les moyens d'accéder à ces "joies de la consommation", mais surtout ça conduit à des catastrophes sociales et écologiques globales.
C. Nous n'avons pas besoin de travail forcé, de contrôle social et de dispositifs disciplinaires, nous avons besoin d'un revenu garantissant l'existence et une part prise à la vie sociale, pas seulement financièrement.
D'après la logique capitaliste de la croissance, les assurances sociales, des salaires et des charges trop élevées mettent en danger la croissance de l'emploi et le profil concurrentiel du capitalisme national allemand. On doit "inciter au travail" en détruisant les garanties sociales. Les chômeurs et les allocataires de l'aide sociale, qui parce qu'ils sont femmes, trop jeunes, trop vieux, pas assez qualifiés ou pas qualifiés pour ce qu'on veut leur faire faire, sont considérés comme des "handicapés", doivent retourner sur le premier marché du travail en passant par des mesures d'incitation à l'emploi, des travaux forcés et des sous-salaires. Et même si une minorité peut obtenir ainsi un emploi : c'est une façon de les sélectionner entre eux, de les monter contre les salariés en poste, consolés par le "Travail". Ils ne peuvent alors s'organiser en une nouvelle classe, victime de la situation économique. On les tient entant qu'individus isolés "actifs", pour qu'ils ne puissent pas s'activer pour faire bouger la société. Le "reste" est abandonné à la misère, comme "superflu".
Si c'est l'économie de marché et la concurrence internationale doivent décider des salaires et des revenus, alors quel doit être le revenu minimum ? Celui d'une ouvrière en Corée du Sud ? Nous ne voulons pas habiter, travailler et consommer ici à des prix toujours plus élevés. Une spirale absurde vers le bas, et ce sont les pauvres qui en font les frais. Pourquoi la situation serait meilleure quand ce sont des gens en Asie qui sont au chômage et pas en Allemagne ?
La revendication du "droit au travail"
Nous considérons que le slogan "droit au travail" a peu d'intérêt. Dans les circonstances actuelles, elle devient même une revendication régressive.
Parce qu'elle ne prend absolument pas en compte les circonstances réelles du travail salarié. Le travail en soi n'est pas un but particulièrement intéressant, et encore moins en tant que "droit". Quand on ajoute qu'il revendique du "travail utile, sensé", ça ne change rien au caractère principalement aliénant du travail capitaliste.
Parce qu'avec la rationalisation et le caractère de plus en plus technologique de la production, on a besoin de moins en moins de salariés en poste.
Parce qu'elle s'en remet à l'Etat. L'Etat est incapable d'obliger les employeurs à créer des emplois, il n'est pas en mesure d'intégrer lui-même des chômeurs en masse dans le marché du travail. Vue d'hier et d'aujourd'hui, les plans pour l'emploi de l'Etat ont une double fonction : service du travail obligatoire et emplois aux salaires inférieurs aux normes des conventions collectives. Le chemin qui mène du droit à la force, du droit au travail au travail forcé, est, comme le montre l'expérience nationale-socialiste, un chemin très court.
C'est une erreur politique fatale de faire du travail salarié une philosophie de la vie, alors qu'il s'agit de conditions matérielles d'existence.
Nos craintes quant au slogan "droit au travail" ont été confirmées par les faits. Les mesures de travail forcé prises par décision étatique et autoritaire se sont multipliées ces dernières années à l'encontre des chômeurs et des allocataires des minima sociaux.
Les droits fondamentaux inscrits dans l'article 12 de la constitution allemande perdent apparemment leur validité pour certaines parties de la population. Les allocations sociales doivent à être "achetées" par du travail forcé. La démocratie s'efface devant le pouvoir de l'état autoritaire. Cette politique trouve une apogée négative dans la loi sur les allocations sociales pour les demandeurs d'asile: ils n'ont pas la permission d'avoir un emploi officiel, mais les allocations sociales sont pour eux inférieures au minimum d'existence.
Cette tendance se développe au niveau européen. L'européanisation des politiques sociales comporte deux aspects : la réduction des coûts des allocations sociales et le développement de mesures d'obligation. C'est dans cette direction que vont les politiques de l'emploi de pays aussi différents que l'Angleterre, le Danemark, la Suède, la Finlande, la plupart du temps sous la direction d'un gouvernement social-démocrate.
La réforme du Welfare
Nous regardons donc toutes les tentatives de réformes pour "remettre les chômeurs au travail" avec la plus extrême suspicion. Ces réformes ne veulent pas remettre en cause l'organisation et le partage du travail. Ce ne sont pas les chômeurs qui sont malades, c'est le marché du travail. Quand les allocataires de l'aide sociale ne peuvent même plus avoir une part des richesses de la société et mener une vie décente, pourquoi voudrait-on travailler volontairement pour encore moins de revenu ? Comment pourraient travailler des mères quand on ne leur offre aucune place de crèche ou de garde des enfants ? Quand elles sont payées en moyenne1/3 de moins que les autres ? Quand avec leur salaire de temps partiel elles ne peuvent même pas payer le loyer ? Tant que le travail n'est pas organisé avec des postes de travail bien rémunérés et intéressants et que les allocations sont incapables d'apporter un niveau de vie suffisant, le travail au noir est un acte d’autodéfense, socialement légitime.
Dans l'économie de marché, on ne créé des emplois que quand la force de travail humaine revient moins cher que des machines. "Plus d'emplois" ne peut signifier alors qu'une attaque sur le niveau des salaires, pour tous les salariés en poste. "Plus d'emplois" peut signifier donc aussi "plus de profits" pour les grandes entreprises ; des profits qui ne sont pas investis, mais placés hors d'atteinte de l'impôt, vers la spéculation, vers encore plus de rationalisation, pour les grandes fortunes, pour consommer des produits de luxe...
Ainsi, après l'assurance chômage et l'assurance chômage dégressive (les deux formes d'allocation allemandes qui dépendent de l'emploi précèdent), les minima sociaux sont devenus le dernier rempart contre l'extension du secteur des sous-salaires. "Eviter la trappe de pauvreté', "salaire-combi", "allocation de citoyen", "impôt négatif", tous ces modèles de réforme sont tous des attaques contre ce rempart.
Nous avons trois critères simples pour ce genre de modèle :
1. Est-ce qu'il créé des emplois intéressants et bien payés ?
2. Disposons-nous après de plus de revenu ou moins ?
3. Conduisent-ils à plus ou moins de contrôle social de la part des administrations et à plus ou moins d'obligation d'accepter un emploi précaire sous-payé ?
Notre réponse : l'allocation d'existence
Nous exigeons 1500 marks + loyer et chauffage, comme allocation d'existence, indépendante de la nationalité, du sexe et du statut familial, et sans obligation de travailler. Toute augmentation des minima sociaux ou amélioration dans leur attribution est un pas en avant vers ce but.
L'allocation d'existence est une frontière générale et solidaire contre l'appauvrissement, l'exclusion et la pauvreté dans l'emploi- un salaire minimum de fait, en dessous duquel personne ne peut être forcé de travailler.
L'allocation d'existence est l'aiguillon qui remet en question l'injustice,
- injustice que revenu et emploi soient toujours couplés, alors qu'il y a de moins en moins de gens qui ont un emploi
- injustice que le travail sans lequel une société ne peut exister, comme le travail domestique, l'éducation des enfants, la reproduction de la force de travail, ne soit pas rémunéré, bien qu'il représente un volume plus important que le travail salarié
- injustice que la "valorisation" d'un être humain doive passer exclusivement par l'emploi salarié, son revenu et sa consommation, alors que ce sont des domaines où règnent la concurrence, la brutalité et la violence, et non la solidarité, l'aide mutuelle et la tolérance.
La société n'est pas devenue plus pauvre, mais plus riche. Il ne s'agit pas aujourd'hui d'une crise de manque comme après la seconde guerre mondiale, avec peu à manger, peu de logements,...C'est une crise de richesse : en 1990, le PIB de l'Allemagne était le double du PIB de 1970, la société est deux fois plus riche qu'il y a 20 ans. Et pourtant il n'y a jamais eu autant de chômeurs, d'allocataires des minima et de pauvres. Le partage des richesses depuis 20 ans se fait sur le modèle : les salariés paient de plus en plus d'impôts et créent de plus en plus de richesses pour les riches, qui paient de moins en moins d'impôts et de charges sociales, et qui licencient. La politique économique et sociale se fait depuis 20 ans au détriment des pauvres, des chômeurs.
Nous refusons la moindre baisse de nos revenus.
Les faits
Le salaire moyen aujourd'hui < celui des années 70
Part des entreprises à l'impôt sur le revenu
1960 = 35 %, 1994 = 16 %.
Part des salariés à l'impôt sur le revenu
1960 = 51, 8 %, 1997 = 70 %
Entre 93 et 97, revenu net des salariés = - 3 %
Profits nets des entreprises entre 93 et 97 = + 48 %
Nombreuses attaques et nombreuses coupes dans les allocations (...)
(1993, Loi sur les allocations sociales aux demandeurs d'asile + "Pacte de solidarité"/ 1994, Loi sur le soutien à l'emploi / 1996, Loi sur le
système des minima sociaux / 1997, réformes de la loi pour l'emploi et réforme de la loi sur les allocations pour les demandeurs d'asile / janvier 1998, SGB III, mesures de contrôle des allocataires).
3. Nous avons besoin d'une auto-organisation indépendante et radicale
Les syndicats en Allemagne ne sont apparemment pas capables de soutenir les chômeurs de façon active et solidaire sans chercher à les récupérer. Comme nous l'avons vu lors des manifs contre la destruction des garanties sociales, à l'occasion des marches européennes de 97, pendant les journées d'action mensuelles et avant tout à l'occasion du projet de manif centrale à Berlin le 12 septembre, les syndicats réagissent par des manœuvres pour discréditer, diviser et exclure tout mouvement indépendant partant de la base. Un mouvement ou une organisation propre et indépendante des chômeurs signifie une critique concrète du travail syndical et ils ne veulent pas en entendre parler.
Nous ne comprenons pas pourquoi les salariés et leurs syndicats ne font pas de la revendication d'un revenu minimum social leur propre lutte, dans leur intérêt même pour obtenir un salaire minimum. Tant que le travail, le revenu et les formes d'allocation continueront à diviser et à jouer les uns contre les autres les salariés, les précaires, les chômeurs et les allocataires des minima, tant qu'il ne sera pas accepté par une majorité de salariés que des gens qui travaillent hors emploi puissent recevoir autant d'argent que des gens qui travaillent dans l'emploi, il faudra bien nous organiser de façon autonome et indépendante.
Les journées d'action mensuelles ont montré qu'à l'encontre de toutes les idées reçues fondées sur des enquêtes pseudo-scientifiques, les chômeurs sont à fait capables de s'organiser et d'accomplir des actes de résistance. Plus de 50 000 chômeurs, sur plus de 200 villes, sont descendus dans la rue pendant des mois. Il est temps d'organiser cette protestation, dans la théorie et dans la pratique !
Les journées d'action nous ont aussi montré que nous étions minoritaires. C'était dur de voir les médias passer sous silence les actions les plus radicales et mettre en avant l'attitude de plainte et les poses de victimes des chômeurs. Les journaux bourgeois ont raison de nous accabler de sarcasmes, quand nous ne sommes pas capables de faire autre chose que de construire des "murs des lamentations", de faire bouillir de la "soupe au chou", de coudre des "tapis de vieilles chaussettes" ou de propager des slogans comme "nous voulons du travail" et "Kohl doit partir".
Nous ne devons pas nous faire d'illusions. Tant que la constellation au pouvoir des Entrepreneurs –politiciens - médias et tant que les syndicats ne changeront pas leur politique vis-à-vis des pauvres, nous n'avons aucune chance de faire valoir nos revendications sans parler fort, briser des règles de légalité dans nos actions, et déranger la "paix" sociale.
Là où des actions ont été organisées de façon conséquente, radicale, avec courage et détermination, elles étaient dû à des alliances des chômeurs avec des groupes antifascistes, anti-nucléaires, féministes, étudiants, syndicalistes critiques, lycéens. On a fait des occupations de plusieurs jours de bureaux du travail, on a pris d'assaut des bourses, occupé des banques et des concessionnaires automobiles, bloqué des rues, fait sortir des biens de supermarchés sans payer.
Là où nous détruirons notre impuissance sociale, là où l'entraide mutuelle deviendra réappropriation par en bas, là où nous ferons l'expérience de notre puissance, de notre autodétermination et de notre autonomie, nous deviendrons un mouvement social. Malgré la critique possible, les journées d'action mensuelles furent le signal dans cette direction le plus fort émis depuis des années.
Un mouvement social de chômeurs porte en lui la graine de la généralisation : par la question de l'organisation et du partage du travail et du revenu, apparaît la question de l'organisation de la société en général. Des mouvements sociaux se développent dans le monde entier. Grâce aux récents événements et aux Marches Européennes, des contacts sont approfondis au niveau européen pour renforcer nos actions et nos revendications.
Les associations de chômeurs et d'allocataires des minima doivent se réorganiser au niveau fédéral. Elles doivent être indépendantes et autonomes, mais former une unité d'action avec d'autres. Peu après le changement de gouvernement, il y a déjà des groupes dans les syndicats qui sont prêts à une pratique concrète d'opposition en liaison avec les associations de chômeurs. Une réussite de ce genre d'alliance sera déterminant pour la survie de ces deux forces.
BadBevensen, janvier 98.