Pour Jussieu
Avant que le mouvement des chômeurs,
déjà bien affaibli, n'aille s'enfouir sous les vacances,
nous pouvons mesurer plus précisément l'importance de l'Assemblée
libre de chômeurs et fainéants de Jussieu. On ne peut
s'étonner que beaucoup n'y participent plus, ce dont il faut s'étonner,
c'est qu'il y en ait qui restent. C'est une raison de se réjouir,
car il y a bien des raisons pour continuer cette expérience qui
devra laisser sa marque même si elle devait s'arrêter sous
cette forme.
Ce qu'il faut défendre : Jussieu comme acteur
de l'avenir
-
Jussieu est d'abord un lieu dont la fonction principale est de rencontre
et de communication entre les luttes. A condition de ne pas rester entre-soi
et d'aller contacter les luttes. Le lieu, donc le nom, peut changer, ce
qui importe c'est qu'il ait lieu. C'est là qu'il faudrait un minimum
d'organisation.
-
Ensuite c'est un Assemblée libre dont la forme doit être
reproduite ailleurs et améliorée, se caractérisant
principalement par l'absence de vote remplacé par la discussion,
le consensus et l'autonomie responsable. C'est améliorable mais
il faut garder ce fonctionnement non-représentatif.
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Enfin, c'est un contenu, une prise de position politique sur la crise du
travail qui s'exprime comme Chômeurs heureux pour l'abolition
du salariat et la réappropriation de la vie. C'est là
l'essentiel même si, actuellement, il s'agit surtout d'une affirmation
immédiate et temporaire (TAZ).
Il y aussi la pratique de réappropriation directe contestant
la marchandise (ballades) qui reprend les formes d'action politique
inventées par les chômeurs (Arras) et qui me semblent dépendre
plus du moment et du rapport de force comme forme de protestation (qui
sème la misère, récolte la colère, Contre le
chômage le pillage).
Ce qu'il faut éviter : Jussieu comme groupe constitué
C'est bien sûr un groupe qui agit, heureusement, avec ses rapports
humains. Mais ce groupe ne doit son intérêt, sa force et sa
solidarité qu'à l'objectif commun de libération politique
et non pas simplement à la tendance de tous les groupes à
se reproduire et protéger ses membres. Il faudrait donc éviter
:
-
De s'interroger sur soi, sinon pour se donner une stratégie. Nous
sommes là pour changer l'avenir pas pour célébrer
le passé. La tendance à l'auto-contemplation est le
symptôme de l'absence de projet, de contenu.
-
Survivre à un cadavre. Ce qui est mort doit être reconnu
mort. Ainsi je ne pense pas que la coordination nationale ait encore une
quelconque réalité. Si Jussieu doit continuer, c'est dans
un projet effectif, pas dans une habitude ennuyée.
-
Se couper du monde comme Zone Autonome Temporaire qui constituerait
une alternative à la société me semble une erreur.
Je pense qu'on dépend toujours de la société extérieure
et qu'il faut, qu'on peut en changer la logique si on l'atteint au coeur.
Toute la légitimité et l'enthousiasme des zones libérées
vient du mouvement social quand il s'affirme avec détermination.
Tout ne dépend pas de nous. La répétition des actions
lasse vite s'il n'y a pas d'écho. Il ne s'agit pas d'abandonner
ce style d'action mais de les réserver aux moments favorables, comme
les occupations d'usine.
La situation actuelle, qui est celle des négociations salariales
sur les 35 heures doit permettre de lier la question du travail (de sa
flexibilité comme de sa rémunération) et celle du
chômage ou des précaires. Jussieu y a sa place pour défendre
sa position singulière partagée par beaucoup, le droit de
vivre sans gagner sa vie par un salaire. Il devrait y avoir des manifestations
mais surtout beaucoup de grèves. A la rentrée, donc, les
chômeurs ne pèseront pas le poids s'ils ne s'introduisent
dans les usines pour faire alliance avec les salariés, et plus si
affinités... A la guerre de position, il faudra opposer une guerre
de mouvement.
7/6/98
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