L'écologie n'est rien si elle n'est pas radicale et ne cherche pas à s'attaquer aux véritables causes, si elle ne veut pas changer le monde et se contente de le rendre plus supportable en supprimant ses nuisances les plus visibles. Mais, d'un autre côté, l'attention à la vie réelle, aux nuisances effectives oblige à considérer tout progrès réformiste comme un acquis bénéfique. Notre diversité doit être une complémentarité. Il y a des réformistes qui se passeraient bien des radicaux pour gérer tranquillement leur petit domaine, ne souhaitant que gagner quelques places dans l'oligarchie des notables. Ce parti de notables écologistes n'est pas crédible et se fondra très vite dans le PS. La pure radicalité est aussi vaine la plupart du temps. Le seul parti écologiste viable est un parti ayant un programme radical mais qui cherche à être présent à tous les échelons de la "démocratie".
La différence entre un élu radical et un politicien est
la différence entre le discours de Voynet au début de son
ministère, appelant à la critique, à la poussée
populaire et militante, et puis la culture de gouvernement qu'on nous refile,
maintenant qu'il faut défendre quelques réalisations bien
modestes : on ne peut pas faire mieux, il ne faut pas demander plus.
Si pour faire ce qu'ils feraient sans nous, nous devons accepter le conservatisme
du PS, autant s'y dissoudre immédiatement.
Concrètement cette politique écologiste est décentralisatrice
et défend les droits de la minorité. Ni le national ne peut
imposer leur conduite aux régions, ni les régions ne peuvent
se conduire avec les groupes locaux comme une autorité supérieure
mais, au contraire, comme l'instrument de la coordination de nos forces
fédérées. Il faut ajouter nos forces et non pas nous
détruire nous-mêmes. Les décisions concernant les départements
ne peuvent être imposées contre la volonté des intéressés
mais doivent être élaborées en commun avec les porte-paroles
et non plus à la discrétion des manipulations d'un négociateur
auto-proclamé (02/98).
Les écologistes se distinguent justement en restituant la fonction du global, de la totalité, avec pour conséquence de n'avoir pas vraiment de base sociologique puisqu'ils s'adressent à tous ceux qui respirent, à tous les habitants de la planète. La base sociale actuelle est bien celle de la "classe universelle", celle des fonctionnaires qui ont en charge le bien public, mais cela ne doit pas rester leur seule base et attentifs au négatif, aux déchêts de la croissance, les écologistes s'intéressent d'abord aux plus faibles, aux exclus, aux chômeurs. Cette "faiblesse" à court terme est pourtant ce qui fait la valeur et la force de l'écologie pour l'avenir. Cela implique de ne plus pouvoir raisonner sous la forme de l'opposition ami-ennemi. Le point de vue de la totalité inclut la diversité (pas l'identité) et les droits de la minorité, préférant la coopération à la hiérarchie ou aux rapports de force, etc. Mais aussi, cela oblige à ne pas séparer les moyens et les fins comme les arrivistes à la course médiatique ; il ne s'agit pas de prendre le pouvoir, mais de redonner à tous pouvoir sur leur vie.
L'écologie ne doit pas servir simplement à limiter les
dégats mais elle doit être la réappropriation de
la vie, pour tous, la négation d'une économie séparée
de la société, et l'affirmation de notre communauté
humaine. Le revenu d'existence réclamé par le mouvement
social pourrait être la première marque d'une économie
moins productiviste que le salariat, retrouvant la dimension humaine et
la dignité du citoyen (08/98).
Raisonner concrètement à propos de la loi sur les 35 H, par exemple, c'est constater que c'est une mauvaise loi qui ne fait qu'introduire la flexibilité dans les entreprises alors que l'idée de la réduction du temps de travail et la campagne des Verts pour les 32 H restent des bonnes idées à défendre.
Ainsi il faut afficher notre volonté d'un ralentissement de la croissance dans les pays développés, comme but à atteindre. Ce n'est pas une raison pour soutenir aveuglément des restrictions budgétaires qui profiteront aux privilégiés et toucheront durement les plus démunis, nous devons au contraire dénoncer le caractère destructeur et inhumain de ce système économique. Comment on s'en sort concrètement ? Il ne peut être question pour des écologistes de défendre des politiques keynésiennes de croissance, qui sont pourtant raisonnables dans la logique de l'économie productiviste actuelle. Ce n'est pas une raison pour combattre simplement la croissance, sans souci pour les effets sociaux et sans examen du contenu d'une politique de rigueur. Il ne s'agit pas de soutenir les intérêts des rentiers, souvent les plus irresponsables et destructeurs, sous prétexe d'une limitation abstraite de la masse monétaire. Nous devons défendre notre modèle global de décroissance écologique et non pas approuver les fluctuations d'un productivisme sous prétexte qu'il n'est pas toujours orienté à la hausse
L'écologie ne doit pas être une contrainte supplémentaire mais une libération. Combattre la croissance doit profiter à tous pour cela il faut exiger d'abord une meilleure répartition de la richesse, et du traitement de l'exclusion et ne pas condamner une croissance qui profite aux plus faibles si, à court terme, aucune autre solution n'est envisageable (il ne faut pas être dogmatique), tout en maintenant l'objectif de décroissance à long terme qui est une meilleure gestion de nos ressources.
L'important est de voir qu'on ne peut raisonner que dans le cadre d'une politique cohérente, globale. Aucune mesure ne suffit en elle-même, il faut que le résultat global soit assuré par une cohérence qui peut donner sens à des écotaxes, etc. Ce n'est pas une mesure isolée, qui emmerdrait simplement tout le monde, qu'il nous faut défendre, mais une amélioration globale de la qualité de la vie par une meilleure gestion de nos ressources pour parler comme les économistes. Nous devons avoir une stratégie de passage d'un état de l'économie à un autre moins productiviste (plus durable), et non pas nous satisfaire d'un supplément d'âme, d'un petit effort expiatoire pour montrer nos bonnes intentions.
Il faut aussi distinguer les croissances. La production immatérielle prenant une place prépondérante dans la civilisation informationnelle, il n'y a aucune raison écologique de limiter la croissance de l'éducation par exemple (c'est plus discutable pour les activités juridiques et financières). L'embêtant est que cet argument sert à couvrir un productivisme beaucoup plus destructeur, valoriser la croissance quantitative c'est rentrer dans la logique du capitalisme. Il vaut mieux s'en tenir encore à l'anti-productivisme et lutter pour la société et non pas pour la croissance.
Le revenu d'existence est ce que le mouvement social a trouvé de mieux pour dépasser le salariat et son productivisme. On ne peut raisonner comme si on pouvait instituer le revenu d'existence sans changer profondément tout le reste. Les prélèvements devraient être modifiés et le versement à tous pas obligatoire car de toutes façons récupéré par l'impôt sur les revenus élevés. Ce n'est pas une mesure isolée d'aide sociale, c'est l'affirmation de notre communauté humaine, l'intendance suivra...