Qu'on se le dise : ce ne sont pas les politiciens qui font la société et l'histoire, ce sont les peuples ! Que n'a-t-on entendu (de Cohn-Bendit entre autres) sur les peuples renvoyés à leur vie privée (de public), il fallait se confier à des professionnels sympas qui feraient de leur mieux pour nous éviter tout souci ! On comprend cette attitude après des années de défaites, une passivité et une atomisation grandissante. Après la chute du communisme, le libéralisme se croyait vainqueur pour toujours (proclamant la fin de l'histoire, le capitalisme devenu notre nouvel état de nature) comme le IIIème Reich qui devait durer mille ans ! La politique consistait à éviter le pire, si on peut dire, car c'est ainsi qu'on y mène le plus sûrement.
Mais ça ne se passe pas ainsi. Ce qui arrive n'est jamais ce qu'on veut mais la liberté a toujours resurgi de ses décombres. Depuis 1995 un petit peu, depuis l'élection de Jospin un peu plus et depuis le mouvement des chômeurs et le krach mondial, de plus en plus le mouvement s'inverse de la soumission des années de crise. Les lycéens sont décisifs car ce sont les seuls qui peuvent réhabiliter la citoyenneté et la responsabilité dans toute la société. Pour ces adolescents, devenir responsables et citoyens c'est devenir adultes et reconnus. Ce qui n'avait plus de sens pour la plupart, ces dernières années, reste une évidence pour ces jeunes qui veulent participer à l'organisation de leur vie.
On voudrait nous faire croire qu'il ne s'agit que de petites revendications matérielles locales mais on ne met pas 500 000 personnes dans la rue pour des dysfonctionnements locaux. Ces dysfonctionnements sont considérés comme du mépris et ne peuvent se résoudre que si on écoute les lycéens, qu'on les associe à leur lycée, qu'on les reconnaît comme force et comme catégorie sociale, qu'on reconnaît leur droit à un avenir. Ce qui se constitue dans ces manifestations, c'est une parole commune. C'est ce qu'on appelle un effet de génération ces immenses rassemblements revendicatifs et ludiques qui s'épanouissent au soleil de l'adolescence. La jeunesse sert, comme toujours, à redonner toute sa vigueur à une révolte usée. Il était ainsi très important que ce mouvement soit "spontané", qu'il soit perçu par les lycéens comme leur propre mouvement, leur propre prise en main de leurs problèmes. Comme toujours, à partir de ces revendications évidemment légitimes, va se construire une vision d'un "monde légitime" et se poser la question de la fin d'un mode de développement insensé et criminel qui épuise la planète et génère sa propre pauvreté, son chômage, son insécurité et ses pollutions insupportables. L'expérience de leur propre force doit mener les lycéens à demander plus, à demander le droit d'avoir une vie où chacun puisse avoir sa place. L'expérience d'une foule généreuse ne peut pas s'éteindre et s'oublier. Même un questionnaire, des cahiers de doléances ne s'oublient pas. Nous pouvons espérer pour l'avenir. Vive les lycéens !
Car la période est cruciale, après la mondialisation et l'Euro, l'informatisation et Internet, le chômage et le krach mondial, la politique va être à nouveau décisive. Nous aurons des choix de société importants à faire, des combats à mener. C'est la fin du laisser aller, du chacun pour soi. Nous devrons dire quel monde nous voulons, devenir responsables de l'avenir. C'est dans ce contexte que le mouvement lycéen vient nous poser la question du monde qu'on voudrait pour nos enfants et de cet avenir bouché qu'on leur laisse. Serons-nous assez à y répondre ?
Vive les lycéens !