Ce dossier commence à faire parler beaucoup et pas toujours en bien. Le trimestriel toulousain SATIRICON, " Lou journal des mémés qui aiment la castagne ", en parle, lui aussi, avec son ton habituel trempé dans le vitriol pétillant – le massacre à la satiriconçonneuse !
Nous reprenons ici, avec l'accord du journal bien sûr, un court passage et deux des articles parus dans cet excellent " canard déchaîné " de la Ville Rose qui, apparemment, ne la sent pas du tout.
On en parle depuis la sécheresse de 1992, mais les crédits restent à sec : le projet de barrage de Charlas se contente jusqu'à présent de faire couler beaucoup d'encre. Cette immense retenue de 110 millions de m3 est censée à la fois garantir à la Garonne un débit minimum dit de " salubrité " à Toulouse et donner encore un peu plus d'eau au moulin des agriculteurs qui confondent la Gascogne avec l'Amazonie, rêvant d'y récolter chaque été davantage de maïs.
Le conseil scientifique composé à la demande de l'agence de l'eau Adour-Garonne a tenté de torpiller la future digue de terre de 50 mètres de haut en expliquant dans un rapport remis le 9 décembre dernier [1995] que le barrage n'est pas aussi nécessaire qu'on voudrait bien le faire croire. Evelyne-Jean Baylet a dû sûrement être très en colère. La propriétaire de La Dépêche du Midi soutient sans retenue ce barrage à longueur de colonnes, expliquant chaque été en sa qualité de présidente du Syndicat mixte d'études et d'aménagement de la Garonne (SMEAG) que le fleuve n'est plus qu'un oued, et que le Sud-ouest devient un désert où on crève de soif. Les experts soulignent cependant que Charlas ne servira pas à apporter davantage d'eau à la Garonne mais, au contraire, à en soustraire pour la redistribuer vers la Gascogne. Qu'importe : le barrage se fera.
Au passage, les sages se demandent pourquoi les poissons migrateurs tardent tant à faire leur réapparition à Toulouse, alors que des sommes considérables ont été consacrées à leur retour : on en voit bien passer à Golfech, mais très peu au Bazacle. " Existe-t-il un bouchon physico-chimique à Toulouse ? ", s'interrogent gravement les experts. En clair, la Garonne est-elle bouchée comme un vulgaire W-C ? Cette question permet de considérer la notion de " débit de salubrité " de la Garonne sous un aspect plus trivial. C'est l'ingénieur des Ponts et Chaussées, Jacques Estienne, qui vend la mèche dans son rapport : " le soutien d'étiage apporte un complément utile à l'épuration ". Et si Charlas n'était qu'une chasse d'eau pour Toulouse et la station de Ginestous ?
" Si le maire de Toulouse aime ramer sur la Garonne, il n'y trempera jamais un orteil. L'eau du fleuve est si polluée qu'il va devoir débourser 700 millions pour laver la flotte à Ginestous. Pour l'aider, sa coéquipière Evelyne-Jean Baylet prévoit d'investir 1,3 milliard dans le barrage de Charlas, qui doit servir de chasse d'eau. "
Dès qu'il entendait parler du barrage de Charlas, le conseiller régional Jospin préférait s'inscrire aux abonnés absents. A Matignon, le Premier Ministre devra-t-il trancher le cruel dilemme qui oppose ses alliés Radicaux et Verts ? Les premiers, derrière Evelyne-Jean Baylet, tiennent immodérément à cette retenue de 110 millions de m3 censée à la fois empêcher la Garonne de devenir oued en été, diluer la pollution de Toulouse, refroidir Golfech et irriguer les terres de Gascogne. Les autres ne veulent pas entendre parler de ces 1,3 milliard de francs qui seraient engloutis dans plus de 400 hectares de terres noyées pour gonfler les surplus de maïs ainsi que la pollution par les nitrates des campagnes et différer les efforts d'assainissement des villes. Les Radicaux ont bien sûr mobilisé La Dépêche pour leur cause, mais ils peuvent aussi compter sur l'appui sans réserve de la puissante Compagnie d'Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG), présidée par le président radical des Hautes-Pyrénées, François Fortassin. C'est en effet la CACG, spécialiste des barrages et vendeuse d'eau aux agriculteurs, qui devrait construire Charlas. Les Verts ont surtout relayé, jusqu'à présent, les réactions indignées de la sphère associative environnementaliste et menacent désormais de faire remonter le dossier au ministère de leur copine Voynet.
Les socialistes, eux, sont tiraillés. Jean-Louis Idiart, député de la circonscription, a dû se prononcer contre le barrage pour ne pas risquer de perdre son siège. Mais ses voisins de la 7ème circonscription sont restés fort discrets. Lionel Jospin a effectué une visite de courtoisie sur le site à l'invitation des opposants, voilà plusieurs années. Depuis, il se tait. Son suppléant, l'agriculteur Patrick Lemasle, est encore plus embarrassé. A la Chambre d'agriculture où il siège également, les motions se succèdent pour, à la fois, dénoncer l'expropriation des agriculteurs du secteur et approuver la création de ressources nouvelles pour les irriguants implantés en aval.