L'innocence de l'Amérique, c'est celle du libéralisme, de l'irresponsabilité des actionnaires qui se lavent les mains des effets de leurs placements. Les victimes du terrorisme sont aussi innocentes que les victimes des catastrophes climatiques ou des licenciements. Quelles sont donc les valeurs partagées dont on se regorge sinon la seule valeur marchande où les choses valent plus que les gens ? Chacun est donc bien innocent de tout, mais nous sommes collectivement responsables. Pas moyen de se dérober à cette responsabilité collective, il nous faut assumer les conséquences de nos actes, les effets de notre production et de notre consommation, de l'action de notre gouvernement. Il ne suffit pas de se détourner de ce qui se décide en notre nom, s'enfermer dans le divertissement d'un monde virtuel. Ce rejet du symbolique revient inévitablement dans le réel avec toute son horreur. Innocents parce qu'irresponsables, nous sommes coupables d'irresponsabilité au moins. Il ne s'agit de culpabiliser personne, qu'y pouvions-nous? mais d'en tirer désormais les conséquences en assumant nos responsabilités collectives, redonner sens à la citoyenneté et à la démocratie. Arrêtons d'être de simples innocents, il nous faut devenir responsables d'un monde qui dépend de ce que nous en ferons. Nous n'avons pas le choix. Ce qui ce fait sans nous, se fait contre nous. Le temps de l'innocence d'une enfance irresponsable est terminé. Nous devons construire ensemble notre avenir commun.
Hélas, rien ne permet de dire qu'on en est là, encore
submergés par l'émotion, la bonne conscience, le besoin de
vengeance, le combat du bien contre le mal, la croyance qu'il suffit de
la violence pour éradiquer le mal et la folie, les discours moralisateurs
à la gloire de l'occident... Il faudra bien pourtant devenir un
peu plus intelligents, plus attentifs aux injustices, aux impasses d'un
développement inégal et aux risques écologiques.