La première mission consiste sans doute à renforcer le tissus associatif, les entreprises d'insertion ainsi qu'à réorienter l'économie sociale vers ses missions originelles de développement local et solidaire par la mutualisation des ressources et des services. C'est l'enjeu de la définition d'une entreprise à but social.
On en reste pourtant encore à une notion palliative du traitement social. L'enjeu politique crucial serait de montrer que l'économie solidaire ne se limite pas au traitement social des ravages du capitalisme mais peut représenter une véritable alternative au productivisme salarial et à l'économie de marché, constituant un secteur à part entière, créateur de richesse et reconnu socialement par un véritable statut.
Étant donné les moyens extrêmement limités du secrétariat d'État, on ne peut faire autrement que de concentrer l'effort sur un nombre limité d'expérimentations de développement local (on peut commencer par 4 : par exemple le Nord, le bassin sidérurgique lorrain, Marseille et Midi-Pyrénées). Un appel d'offre aux mairies concernées devra être lancé.
Le but de ces expérimentations ne doit pas être de traiter les séquelles du productivisme passé mais bien de préparer l'avenir, la nouvelle économie du savoir et du développement personnel, l'économie de la relation appelé "quaternaire". Ceci implique d'offrir un statut aux personnes engagés dans ce secteur et pas seulement aux entreprises, mettre en place les conditions d'une sortie du salariat "par le haut", d'activités autonomes qui ne soient pas soumises à la pression de l'économie concurrentielle. En complétant les dispositifs existants et les entreprises de l'économie solidaire, on crédibilise ainsi un mode de développement alternatif qui est le seul soutenable, celui du développement local et personnel, de la production de l'homme par l'homme (formation, soins, culture, loisirs, relations).
Il faut bien sûr partir de ce qui marche déjà et des analyses convergentes sur le sujet. Concrètement, il faut d'abord assurer aux personnes qui s'engagent dans ces expériences un statut, des protections sociales et un revenu garanti. Yann Moulier-Boutang proposait pour un projet municipal parisien de tester le Revenu Garanti sur la capitale. On peut, plus modestement, garantir un revenu à ceux qui s'inscrivent dans ces expériences.
Il ne faut pas s'arrêter là mais tenter de mettre en place un véritable droit à l'initiative économique, au conseil et même à l'échec conformément à ce qui se met en place pour les start-up d'ailleurs. Le développement local consiste ici à fournir des moyens aux acteurs locaux (financement, conseil) mais aussi de les coordonner dans le souci de la valorisation des personnes et de leur savoir-faire multiples.
Différentes structures peuvent se mettre en place, ce peut être une régie locale de services à guichet unique, abritant des activités individuelles et collectives, mais cela n'empêche pas le soutien de SEL plus autonomes, de scop ou la mise en place d'un statut d'intermittent à sécuriser. Des monnaies plurielles peuvent être expérimentées pour financer ces activités avec des monnaies fondantes et non capitalisables.
Il est aussi important de mêler les publics (exclus et internautes par exemple) pour ne pas réduire cette économie solidaire aux laissés pour compte mais en faire la préfiguration de notre avenir, d'une économie du savoir dont la richesse est la société elle-même, le niveau de formation, l'ensemble des compétences personnelles qui ne se limitent plus à l'Éducation Nationale mais doivent s'acquérir désormais tout au long de la vie.
Au lieu de vouloir adapter tout le monde au productivisme salarial et inventer de nouveaux emplois au rabais, essayons d'adapter l'activité à l'homme, à ce qu'il peut faire de mieux grâce à notre assistance et notre formation. C'est ainsi que nous aiderons à naître une société plus solidaire et un développement local et personnel véritablement soutenable, orienté vers les services à la personne plutôt que vers la consommation de biens. C'est ainsi que nous donnerons une crédibilité à notre projet écologiste au-delà d'une simple limitation des ravages du capitalisme.