Sortir du chômage avec un revenu garanti
Il y a différentes sortes de chômage.
- Le chômage frictionnel qui est dû à une
adéquation forcément
imparfaite entre l'offre et la demande, au temps d'attente pour choisir
un candidat, au temps de trouver un travail approprié. Ce
chômage est inéliminable. Il y aura toujours entre 300
000 et 500 000 emplois non pourvus et qu'on pourra toujours opposer aux
chômeurs qui ne trouvent pas d'emploi. Les politiques de
formation ou
de "travail forcé" peuvent rogner sur les marges mais pas
supprimer ce
chômage de base et il n'est de l'intérêt de personne
d'utiliser les gens à contre-emploi. Le manque de
fluidité du marché du travail,
c'est-à-dire la protection des salariés augmente
incontestablement ce
chômage frictionnel mais tout cela reste marginal quand on a des
millions de chômeurs.
- Le chômage classique est dû au coût du
travail supérieur à celui
du marché. C'est le problème de la mondialisation, de la
concurrence
avec les pays pauvres et la cause des délocalisations qui se
font au
détriment des pauvres d'ici (que les riches sacrifient de bon
coeur).
Des entreprises comme le textile prennent de plein fouet ce "dumping
social" qui nous tire vers le bas. Cela nous oblige à nous
adapter à
cette nouvelle division internationale du travail. La baisse des
charges sociales ne suffirait pas, ce sont les salaires qui devraient
être fortement diminués aussi en l'absence de protections
douanières, alors que,
malgré ce qu'on veut nous faire croire, ce n'est pas du tout la
cause principale du chômage. Ceci dit, si un coût
élevé du travail favorise l'automation et une
haute productivité cela pénalise le travail non
qualifié
(devenu "inemployable"). Le basculement d'une partie des charges
sociales vers
l'impôt aurait un effet bénéfique sur les petits
boulots ou les emplois
à faible valeur ajoutée. De plus, le financement par la
tva permet de
répercuter sur les produits importés une partie du niveau
national de
protection sociale (contournant le dumping social).
- L'ampleur actuel du chômage relève pourtant beaucoup
plus de ce
qu'on appelle le chômage keynésien, ou crise de
liquidités (crises cycliques qui sont des crises de la consommation et surtout de
l'investissement). Autrement
dit, c'est la lutte contre l'inflation et la politique de l'Euro fort
qui sont responsables en dernière instance du niveau de chômage en Allemagne et en
France
(aggravés par les "réformes" nationales réduisant drastiquement le
pouvoir d'achat
des pauvres et chômeurs). Les politiques keynésiennes sont
appliquées
abondamment par les Etats-Unis depuis Roosevelt jusqu'à maintenant mais abandonnées en Europe sous
prétexte
qu'elles ont échoué pendant une période dite de
"stagflation", nous précipitant ainsi dans 30 années de dépression. Il est
vrai que la mondialisation rend plus délicate l'injection de
liquidités
dans l'économie mais il est certain qu'autour de 5% d'inflation serait
favorable
à l'emploi comme pendant les 30 glorieuses, on y viendra sans
doute par
les matières premières qui sont tirées à la hausse par la croissance
chinoise (il n'y a pas que le pétrole).
Les causes du chômage selon nos gouvernants seraient la peur
d'embaucher pour les patrons et le manque d'incitation à
travailler
pour les chômeurs ! La pensée magique règne en
maître. La vérité c'est que les causes sont
macroéconomiques et largement monétaires,
c'est-à-dire à l'avantage des
rentiers (des capitalistes et des retraités). Il faut,
coûte que coûte,
éviter l'inflation,
tout est là. On peut donc dire que le chômage est voulu
d'une certaine façon. Ce
n'est pas un défaut, c'est un objectif. Ce qu'exprime le "NAIRU"
(Non
Accelerating Inflation Rate Unemployement) destiné à
éviter qu'un
chômage trop bas ne fasse monter les salaires ! Dans ces
conditions
prendre des mesures contre le chômage c'est vouloir
réparer d'une main
ce qu'on détruit de l'autre. C'est aussi ridicule que de
prétendre lutter contre la misère alors même qu'on
l'organise en indemnisant de moins en moins de chômeurs, en faisant bien attention que le chômage ne nourrisse
pas son homme et ne fasse pas monter les exigences des travailleurs !
On pourrait croire que la misère est un défaut du
système de protection, mais les arguments employés
(trappe à pauvreté, désincitation au travail)
montrent que c'est une volonté
délibérée de ne pas donner trop de protection,
volonté délibérée de
misère pour qui ne travaille pas afin de garder le travail
désirable à tout prix. Pas étonnant dans ces conditions que ça ne marche pas
même si on
peut espérer que, mécaniquement, avec le Papy Boom le
chômage commence à baisser tout de
même d'ici peu.
Il faudrait ajouter l'analyse des transformations du travail de
plus en plus précaire et intermittent, en dehors même du
chômage de
masse qui rend cette situation invivable en l'absence de protections et
d'un revenu garanti. Là-dessus, pour lutter contre la
précarité on fait
des contrats super-précaires sans aucune protection et on veut
réduire les indemnités de
chômage rendues responsables du niveau de chômage ! Exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire. Ce sont
des politiques cruelles, aggravant le chômage au lieu de le réduire, et qui pèsent sur les salariés
fragilisés. C'est par le bas
que le droit du travail s'effrite, c'est par le bas qu'on reconstruira
nos protections sociales, en premier lieu par la garantie d'un revenu décent,
permettant de retrouver un emploi et soutenant l'activité.
La RTT elle-même n'est qu'une fausse solution qui ne peut
jouer que
sur une fraction relativement faible des chômeurs et qui a
déjà atteint
ses limites en tant que mesure uniforme. Il faut encourager
plutôt la
modulation des horaires au long de la vie, le temps choisi, mais on ne
peut en attendre la solution au chômage même s'il peut y
participer.
Bien que la marge de l'Euro soit très étroite, la cause
du chômage est
largement monétaire et pour éviter de nourrir la bulle
immobilière
c'est par les revenus les plus bas qu'on peut relancer
l'activité, et
donc par l'augmentation des minima sociaux et une meilleure indemnisation du
chômage en attendant une véritable garantie du revenu.
Il faudrait prendre en compte enfin les contraintes écologiques et
la nécessité de relocaliser l'économie en la réorientant vers
l'immatériel et le développement humain. C'est pour cela qu'une façon de
résoudre la question est locale, combinant monnaie locale et systèmes
d'échanges locaux, le dynamisme local devant se répercuter ensuite sur
les autres activités. La
création de
monnaies locales et de coopératives municipales permettrait de
ne pas se limiter à un revenu minimum mais de profiter de la conjoncture pour s'engager
dans une politique de développement humain plus adaptée
aux nouvelles
forces productives de l'ère de l'information.
Pour sortir du chômage de masse on a besoin d'une relocalisation de l'économie, d'une politique
monétaire plus souple de la banque centrale européenne et d'une garantie
de revenu, avec une véritable sécurité sociale, au niveau national,
constituant un facteur de stabilisation économique. Tout le reste est
poudre aux yeux quand ce n'est pas purement et simplement la
culpabilisation des chômeurs et l'apurement des comptes par le
sacrifice de populations entières.
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