Rendre clair ses buts

Réflexions sur les finalités politiques
Théorie des poupées russes
 
Il y a des buts métaphysiques qui semblent bien éloignés des buts concrets de nos pratiques effectives. Ces buts ne sont pas opposés pour autant mais s'emboîtent dans des stratégies à plus long terme. Il n'y a pas cohérence immédiate du local et du global, du court terme et du long terme, c'est un processus graduel et dialectique. Mais d'abord deux avertissements.
  1. On ne sait pas

    2. La première chose à savoir est qu'on ne sait pas. Marx, tout autant que Socrate, part de cette évidence première, refusant de donner des recettes pour les marmites de l'avenir (on ne peut aller plus loin que son temps). Marx n'était pas marxiste et, comme tout penseur, remettait en cause constamment les résultats auxquels il était parvenu. Corriger Marx n'est pas le trahir, c'est d'en faire l'allié du pouvoir dogmatique stalinien qui est honteux, un idéalisme de l'histoire aussi délirant que le matérialisme mécaniste qui y est associé. Nous ne savons pas plus que lui ce que l'avenir sera. Nous ne devons pas nous imaginer en grand stratège de la révolution mondiale mais essayer à chaque fois de viser au plus juste. On ne peut jouer plusieurs coups d'avance et, comme tout phénomène chaotique, les processus révolutionnaires sont aussi imprévisibles que la météo à plus de 5 jours. S'il faut avoir une idée claire de ses buts, il faut partir aussi de la situation actuelle, des revendications exprimées, sans rater une occasion d'en radicaliser les enjeux ou de pousser un avantage. La stratégie du mouvement sera le résultat des discussions du mouvement lui-même. Nous devons y participer de tous nos arguments sans jamais vouloir le diriger.
     
  2. Révolutionnaire, radical parce que réaliste

    3. L'image du révolutionnaire est brutale ou romantique. On confond le révolutionnaire avec une organisation militaire de prise du pouvoir ou bien l'idéologie de l'extrémisme, l'utopie de la bonne conscience. Pour moi révolutionnaire a le sens précis de bouleversement des structures pour les adapter aux changements historiques, aux besoins de l'époque. Révolutionnaire s'oppose ainsi au conservatisme réactionnaire mais aussi au réformisme gestionnaire. Ce ne doit être en aucun cas une simple idéologie d'autant plus radicale qu'elle n'a aucun effet dans le réel sinon de nous signaler par notre propre excellence. Je suis révolutionnaire parce que réaliste. Ce sont ceux qui croient pouvoir faire durer une situation intenable qui ne sont pas réalistes. Prendre les devants d'un changement révolutionnaire est vouloir orienter à notre avantage collectif les nécessités du temps qui s'imposeront sinon coûte que coûte. Mais c'est aussi, c'est surtout, nous rendre responsables de notre monde, acteurs de notre vie.

Les finalités de l'action politique

  1. Métaphysique
  2. Politique
  3. Moral
  4. Économique
  5. Vital
Si des conditions bien pires nous étaient imposées, nous les supporterions gaillardement si elles nous apparaissaient nécessaires et conformes à notre projet. Ce qui rend les conditions présentes insupportables, c'est les possibilités inemployées de notre époque d'unification planétaire, mais plus encore l'absence de tout projet, donnée comme une valeur de liberté face aux certitudes autoritaires. Mais la liberté n'est que la possibilité de former des projets et de les réaliser. Il faut retrouver un projet commun en favorisant sa critique, en refusant l'idéologie du pouvoir ou bien c'est le retour à l'hypnose collective. Il faudrait pouvoir partir toujours de l'insatisfaction elle-même.
 
31/03/98

Index