Quelque chose commence
S’il y a un mouvement social, nous avons autre chose à faire
qu’à nous occuper de cuisine électorale. Nous devons discuter
de ses perspectives, nous devons exprimer cette colère montante,
nous devons formuler nos propositions sur le chômage. Il n'y a pas
d'autre alternative à la stratégie électorale des
verts que l'appel au mouvement social qui est en train de s'affirmer et
la constitution d'un courant d'écologie révolutionnaire qui
lui donne un contenu politique. Gagner 3% de voix ici, élire un
communiste au lieu d'un socialiste là, qu'on aille pas me dire que
c'est une stratégie, qu'il y a là une alternative alors que
la société impatiente de retrouver sa voix porte déjà
toutes nos revendications. Nous avons l'occasion d'affirmer le caractère
révolutionnaire d'une écologie qui ne se borne pas à
entretenir les pelouses ou à rendre plus durable l'exploitation
de la planète mais porte le seul projet à l'horizon de ce
troisième millénaire dont la perspective rend la honte encore
plus honteuse de notre état présent d'impuissance. Nous devons
dire clairement que nous sommes déterminés à lutter
pour des mesures radicales à la hauteur de notre misère sociale,
les exclus ne sont pas obligés de se fier à la démagogie
fasciste et raciste aggravant le désastre.
L'impuissance politique
La crise actuelle n'est pas seulement, ni peut-être d'abord,
économique, c'est la perte du sens, la perte de la société
elle-même, de son projet et de son unité. Certes, l’avenir
n’est jamais sûr, et mieux vaut donc avoir deux fers au feu, mais
les optimistes de la conjoncture se bornent à prier le dieu de la
croissance de nous bénir de ses bienfaits qui sont bien peu probables.
Les députés gestionnaires de l’ordre établi se bornent
à consulter les oracles de l’économie. Dès lors, à
quoi bon la politique, à quoi bon la parole, à quoi bon les
hommes ? Considérer les catastrophes qui s’annoncent, les dangers
qui nous guettent devrait suffire à former les parades qui s’imposent,
à se donner les moyens de la prudence sans attendre la confirmation,
encore, qu’un navire sans gouvernail finit toujours par sombrer. Un peuple
ne se constitue pas dans l’isoloir mais dans le rassemblement concret,
dans la solidarité et l’enthousiasme de la fraternité réciproque,
dans la manifestation publique, dans la lutte sociale et politique. Un
droit qu'on n'est pas décidé à défendre n'est
souvent plus un droit. De même, un peuple qui ne fait que voter est
réduit par les gouvernements à de simples numéros,
à des statistiques, mais pas s'il manifeste son existence active
de citoyen, sa capacité de résistance et d'insoumission.
La puissance publique
Contrairement à ce qu'on pense, jamais le moment ne fut aussi
favorable à une prise de pouvoir sur l'économie, ni les moyens
disponibles aussi efficaces. Contrairement à ce qu'on prétend,
nous ne sommes pas sous la domination du libéralisme avec près
de 60% de prélèvements, avec tous les produits taxés
et contrôlés. Le libéralisme américain est lui-même
un mythe, Internet ayant été créé par le Pentagone.
L’excuse de la mondialisation est simplement la justification de ce qu’on
accepte, de ce qu’on s’obstine à trouver supportable, de l’absence
effective de solidarité. Ce qu’on ne supporte pas on s’y oppose
dans la rue et si on se mobilise contre les infanticides, pour la Gay pride
ou contre les lois sur l’immigration, c’est qu’on accepte le reste, l'humiliation
du chômage et de l'exclusion.
Le pouvoir du peuple rassemblé
Nous avons la richesse, nous avons l’éducation et si nous n’avons
plus de pouvoir, c’est de ne pas vouloir nous rassembler, de ne pas avoir
assez honte de notre pays, de notre génération. Notre société
médiatique est à la merci de l'immédiat et des manifestations
de la société civile. Non seulement les solutions sont à
la portée d’un mouvement social de grande ampleur, mais il n’y a
pas d’autre choix, sinon, de foncer dans le mur. Mur de la haine et de
la misère, de l’éclatement de la société et
de la guerre. Dire autre chose, parler des prochaines élections
pour un parlement dépourvu de pouvoir, c’est pure distraction de
cette exigence pour tous d’affirmer son refus de l’état de fait
actuel en arrêtant la machine pour l’adapter aux nouvelles
données sociales. Que peut l’assemblée nationale contre la
corbeille et tous les intérêts particuliers coalisés
en lobbies si la machine continue de marcher à la satisfaction de
ses financiers à courte vue ? Nous devons prendre la mesure de notre
richesse et de notre puissance potentielle pour éprouver notre pauvreté
actuelle, notre si dangereuse impuissance. Ne parlons plus de l’année
prochaine, allons Verts l’avenir, Verts le troisième millénaire,
parlons de la Terre, des risques qu’il nous faut affronter : arrêtons
tout avant que ça ne saute ! Il n’y a pas de différence entre
le laisser faire du pillage de la planète et de sa pollution avec
le laisser faire du chômage et de l’exclusion. C’est le laisser faire
économique du profit immédiat. Aucun marché pourtant
n'est durable sans une forte réglementation par la société.
Il est de l'intérêt des riches et du marché que la
société soit stable.
Refondation
Le désordre actuel n’est que le symptôme de l’inadaptation
des structures, d’une crise structurelle qui est pourtant surtout une crise
du sens s’immisçant dans notre vie la plus intime, privée
d'avenir. Il n’y a qu’une seule solution, la refondation de la société
autour d’un projet commun. Ce projet peut être celui d’un leader
qui sait où aller et qui nous guidera vers la catastrophe comme
tous les dogmatismes, mais je soutiens qu’il peut être celui du peuple
qui se rassemble et se tient toujours prêt à intervenir pour
réorienter la politique sur ses résultats réels. Aucune
garantie que cette pression n’aboutisse pas à une nouvelle tyrannie,
il faut en avoir toujours conscience. Pourtant, on ne peut se réfugier
dans l’inaction, il faut répondre des enseignements de l’histoire.
Les communistes refondateurs ont bien compris la nécessité
de reformuler leur projet devant la faillite historique du collectivisme.
Il semble bien que l’effondrement de l’adversaire pose aussi avec plus
d’inquiétude la question de la justification du capitalisme, privé
de son faire valoir négatif.
Les possibles à venir
Nous devons parler du troisième millénaire, non pas comme
une mystique New Age, mais comme une tâche à accomplir, comme
notre responsabilité présente pour lequel nous devons former
des projets. Il faut que les artistes formulent la richesse des
possibles en plus de l’expression de notre misère actuelle. Nous
devons parler de la société, pour la société,
et comme société et non pas comme parti électoral.
Nous sommes les seuls à voir loin et nous devons mêler nos
voix au mouvement qui commence.
P.S. Cohn-Bendit est encombrant hélas, obligé par changement de positionnement d’insister sur son réformisme au plus mauvais moment, quand la situation est insupportable pour beaucoup et exige un mouvement social. Il faut qu’il reprenne pied avec la réalité française et qu’il ne nous gêne pas avec un réalisme trop borné.