Réponse à la pétition pour l'écologie sociale opposée à l'accord électoral des Verts et du PS.
Corn, le 27 janvier 1997
Chers amis,
J’approuve entièrement vos critiques contre l’écologie-gestionnaire ainsi que la nécessité d’un pôle radical, alternatif et social de l’écologie. Je souhaiterais, donc, participer à votre regroupement et pourtant, je ne sais si je peux être signataire de votre texte.
En effet, je supporte de moins en moins les prétentions des Verts à une super-démocratie qui n’est que poudre aux yeux, mensonge spectaculaire. Depuis Sanguinet où j’ai découvert les graves dysfonctionnements de la démocratie interne, j’ai eu la confirmation à l’assemblée générale des Verts Midi-Pyrénées que le "tourniquet" est aussi impraticable que la " parité". Je m’opposerai toujours à la prétention de maintenir des principes qui ne sont pas effectifs, confiant à des procédures quasi magiques le soin de corriger (en imagination) le manque réel de démocratie et permettant surtout de maintenir l’image de notre propre excellence malgré une pratique en fait dirigiste et médiatique. Les règles de la démocratie sont simples et ne peuvent être améliorées sinon par une mobilisation effective et renouvelée que ne pourront jamais nous éviter des procédures soi-disant infaillibles pouvant être l’objet de toutes les manipulations (usurpation, stalinisme).
La même tendance à privilégier sa propre excellence sur l’efficacité réelle me semble entacher les propositions de "stratégie autonome" aux élections de 1998. L’accord avec le PS est, à la fois, un accord catastrophique pour la capacité des Verts à proposer une société alternative, et... un excellent accord électoral, voire inespéré, donnant la possibilité au mouvement écologiste de s’exprimer à l’Assemblée. Il est ridicule de vouloir proposer une autre stratégie pour les élections elles-mêmes, ce qui ne servirait qu’à diviser nos forces tout à fait inutilement. Le problème n’est pas, ne doit pas être, limité aux élections qui ne peuvent rien changer sans un mouvement social de grande envergure. Il ne faut pas se soustraire de la stratégie électorale mais ajouter l’exigence sociale.
Ce point est primordial, et là, mon accord est total. L’expérience a montré que les socialistes au pouvoir, ou quelqu’autre parti, ne peuvent absolument rien changer si un fort mouvement social ne force pas la main du pouvoir économique comme en 1936. Un mouvement social obtient beaucoup plus sous la droite qu’un programme électoral de gauche sans pression de la rue. On peut raisonnablement penser que la situation économique ne pourra pas s’améliorer avant une dizaine d’années. On se trouve donc dans une situation comparable aux années trente et, on sait, qu’aucun peuple ne supporte une dégradation continuelle de son avenir. Ce sera donc 36 ou Hitler ou le New Deal. Si les socialistes au pouvoir ne changent rien fondamentalement (et ils ne le peuvent sans mouvement social), on peut craindre alors que plus rien ne s’oppose à une montée irrésistible du Front National.
Notre rôle doit être, non pas de s’opposer aux socialistes, encore moins à nos propres représentants, mais d’appeler clairement à une mobilisation générale, à une grève générale dans la foulée des élections (voire avant) pour que les citoyens prennent leur destin en main et opposent à l’économie souveraine la volonté de recréer un lien social et un projet commun. Cet appel aussi pourrait être de pure forme, aussi peu effectif pour les Verts que ses prétentions démocratiques. Au moins il poserait le véritable problème qui est, non pas de confier à de meilleurs experts notre devenir, mais bien de faire de chacun l’acteur de son propre destin au lieu de subir une catastrophe annoncée
.Jean Zin