- Le sens du sacré
Pour mesurer le facteur
subjectif, on ne peut se contenter simplement
de la conscience cognitive, ni même de ses émotions ou de
son intersubjectivité, il faut revenir à son origine dans
le sacré malgré le désenchantement du monde achevé
depuis que le Dieu des juifs et des chrétiens en a chassé
tous les esprits, livrant une nature sans âme à la démesure
de la technique. Il ne faut pas croire qu'on se soit débarrassé
pour autant de tout sacré ni du sacrifice qui reviennent sous d'autres
formes régler notre jouissance, car le sacré relève
du langage comme valeur, liberté et communauté, sens commun
qui nous relie et constitue un monde du sens, rite et norme sociale assurant
la circulation, l'échange social et la clôture du sens comme
du groupe. Le sacré est ce caractère productif de la Loi,
la dimension magique qu'elle garde dans son effectivité, réalité
et puissance supérieure envers qui nous sommes toujours redevable.
La subjectivité émerge donc comme liberté d'un corps
qui s'éprouve devant la Loi comme culpabilité et désir,
d'abord de façon assez peu individualisée mais assumée
dans des sacrifices collectifs. Le sacré est, comme le Droit pour
Hegel, la manifestation de la liberté humaine et son objectivation
dans la Loi, puissance du sujet qui, en devenant effective dans la Loi
devient puissance objective et séparée du sujet, destin de
toute parole donnée qui doit être tenue. Le fétichisme,
l'objectivation du sujet, est un moment nécessaire de la dialectique
mais qui doit être dépassé pour y reconnaître
les rapports sociaux constituants au lieu d'accuser la Loi d'arbitraire
et de puissance étrangère de domination.
Le sacré et la religion relèvent d'une linguistique plus
que de la sociologie qui a sa part aussi, bien sûr, et Marx avait
sans doute raison d'y voir
l'opium du peuple mais pas vraiment dans
le sens qu'il pouvait y donner. Il voyait bien que toute
projection
religieuse idéalisée était prélevée
sur la réalité terrestre mais il avait tort de n'y voir qu'une
"consolation" de la misère et encore plus de s'imaginer qu'il suffirait
de ramener le royaume des cieux sur la terre pour que tout s'arrange (abolir
l'Etat, la Loi, le refoulement) car ce qui est perdu dans l'opération
c'est le sens et plus encore la jouissance même. Plutôt qu'une
projection du subjectif il s'agirait donc de la constitution du sujet comme
idéalité symbolique, non-naturelle et détachée
des corps, inassimilable à la conscience donc et auquel seul le
sacrifice donne sens, car il ne faut pas croire que les paroles ne sont
que bavardages et n'ont pas de sérieuses conséquences. Les
dieux donneront corps justement à ces premières représentations
du sujet comme être de paroles, sur-réels.
Le sacré est fondateur du pacte de la parole, témoin de
la
liberté même qui le menace, d'un monde livré
à l'incertitude et à la tromperie humaine qui n'a plus rien
à voir avec les lois de la nature et leur
nécessité.
On est ici dans l'artifice, le symbolique, le sens, la norme qui signe
notre appartenance et notre parole. Le sacré se manifeste ainsi
par l'
interdit, la prohibition (de l'inceste), la séparation
(de la Mère), la limite (de la communauté), la dette (originelle)
et le sacrifice enfin qui est le
signe de la valeur des signes (voir
la signification du phallus de Lacan).
Le sacré vaut exactement ce qu'il nous coûte, le prix qu'on
est prêt à payer pour une parole donnée. On ne peut
nier avec quelle facilité la vie est sacrifiée pour un idéal,
tenir parole, ne pas perdre la face et rester crédible. Le sacré
est donc toujours "contre-nature", plus encore que rituel ou culturel,
habité d'une terreur sainte et de rêves de transgressions
débridées qui n'en sont qu'habillages imaginaires du sacré
comme puissance étrangère où le sujet ne reconnais
plus sa propre puissance dont il s'est séparé.
Le subjectif apparaît donc bien avec la parole, les discours qui
en règlent l'échange mais pas sous un mode anodin de transmission
d'information. Il s'éprouve d'abord dans le sacré, la transgression,
le mensonge, la dette comme culpabilité,
faute originelle
de notre
liberté qui nous remet en cause. Le sujet est d'abord
ce qui est
mis en question par l'autre. Dans le sacré se
dit à la fois la norme et le risque de transgression. C'est la liberté
humaine qui se manifeste ainsi comme "non-nécessaire", en oppositions
aux nécessités naturelles, jusqu'à constituer une
menace. C'est la liberté qui se manifeste dans les prohibitions
qui balisent un espace de parole dans une représentation commune
et des règles d'autant plus respectées qu'elles le sont par
tous sans y penser. Comme l'a montré Lévi-Strauss pour les
structures élémentaires de la parenté l'interdit
organise la circulation des désirs plutôt qu'il n'y constitue
un obstacle comme on le croit à première vue. Ainsi, la Mère
interdite n'est pas vraiment désirable en soi mais la séparation
introduite par la Loi, nécessaire à l'échange et l'ouverture
sur le social, la constitue après-coup et pour toujours en désir
interdit cristallisant les fantasmes de transgression. L'obligation s'adresse
à une liberté, l'interdit peut toujours être transgressé
mais son respect est un signe d'appartenance, un respect des autres (qui
le respectent).
L'effroi du sacré est dans la destruction des liens du monde
(de la communauté) comme le non-respect des règles d'un jeu
rend le jeu impossible, disperse les joueurs et bloque toute communication
(n'est-ce pas là où nous en sommes ?). Cette intériorisation
de l'extériorité du sens n'est pas qu'une simple habitude
à prendre, une seconde nature, mais doit être prélevée
sur la jouissance des corps,
contrepartie du sacrifice comme violence
incorporée donnée en gage de l'implication du sujet comme
dette, manque et désir. En ce sens, le sacré est bien la
violence originelle dont le principe demeure "
tout bien ne s'acquiert
qu'au prix d'une souffrance". On peut dire que notre époque
et toute une littérature utopique voudraient nous persuader du contraire,
comme si ce n'était qu'une lubie chrétienne alors qu'il suffit
d'aller voir ailleurs ou retourner aux sources pour retrouver ce que la
psychanalyse éprouve quotidiennement.
Certes, la sacralisation de la Loi, de l'ordre et du pouvoir profite
aux dominants et dégénère en
idéologie dans
la fragmentation des religions et le multiculturalisme global, jusqu'à
se réduire en simple respect de l'organisation comme du code de
la route (le franchissement de la ligne blanche et la peur de l'uniforme
gardent cependant une charge de transgression encore vive). Le sacré
s'est, paradoxalement, intériorisé alors que c'est une fonction
sociale et s'il n'est plus séparé du profane, il divise le
sujet entre bonne et mauvaise foi, bonne volonté et inconscient
ou jouissance. En effet, que ce soit dans les Védas, les Gathas
de Zarathoustra ou la Bible, la réflexion sur le sacrifice va consister
à dévoiler derrière le fétichisme de l'offrande
d'abord la signification sociale d'un sacrifice qui permettait de "naître
à la communauté" (tournant éthique) pour ensuite insister
sur le fait qu'on ne pouvait offrir rien d'autre que notre liberté,
notre vie, le s
acrifice de soi, de son désir. Le mystère
du sacrifice se transforme pour devenir l'enseignement du mystère
de la "bonne foi", de l'intériorité et de la liberté
sacrifiée au sens, mais la Loi n'a plus d'ancrage social et chacun
est renvoyé à son histoire personnelle comme s'il était
responsable du monde et de la situation qui lui est faite.
"
Sans sacré, l'homme moderne reste à la fois autonome
et solitaire, délivré et désenchanté, souverain
et impuissant, partagé entre ce qu'il ne peut plus croire et ce
qu'il voudrait cependant espérer." Enc. universalis
- Sacrifice et jouissance
Le sacré chassé de la société marchande,
le poids de la dette n'en est pas pour autant allégé. C'est
ce qu'il faut penser, le passage de la Loi sacrée à l'exigence
d'autonomie et de jouissance aboutissant à la dépression
et la déstitution du sujet dont la psychanalyse rend compte. Il
ne s'agit pas seulement de l'intériorisation de la norme, comme
s'il ne restait rien de la charge émotionnelle de la prohibition.
Le respect des institutions et le franchissement de la ligne blanche témoignent
de la persistance sociale de l'instance de la Loi et d'un sacré
largement dévalué pourtant par le travail de scepticisme,
de délégitimation continuel (Gauchet). Le terrible attrait-répulsion
du sacré se réfugie au plus intime du sujet, non pas tant
dans sa foi mais là où on ne l'attendait pas sans doute,
dans sa jouissance et sa sexualité où il doit s'affronter
à la redistribution des rôles, le brouillage des frontières,
la précarité symbolique et l'absence de séparation.
Comme Ulrich Beck le souligne depuis longtemps, non seulement l'individu
doit se substituer aux institutions en assumant personnellement les questions
de l'époque mais il doit en plus s'affronter à des institutions
inadaptées et rétrogrades, incapables de prendre en charge
les nouveaux parcours individuels. Plutôt qu'un en-deça de
la Loi, on voit bien qu'il s'agit d'un au-delà d'une Loi dépassée
qui n'a pas trouvé encore sa nouvelle formulation.
C'est bien le "désenchantement du monde" et l'effacement de la
Loi sociale et religieuse qui caractérise la modernité depuis
la privatisation de la religion dans nos démocraties. La psychanalyse
enregistre comme déclin et défaut du Père ce qui résulte
d'une perte des repères sociaux et de l'instance de la Loi commune
en tiers des rivalités ou séductions imaginares, obligeant
chacun à opérer des choix auparavent largement prédéterminés,
intériorisant pour chacun les questions sociales. L'événement,
pas assez souligné dans sa banalité, c'est bien que le déclin
de la Loi ne nous a pas rendu la vie plus facile, bien au contraire, multipliant
les conflits. Sans la séparation de la Loi au nom du Père,
il est difficile de gagner son autonomie, se couper de la dépendance
maternelle. Le Droit comme la hiérarchie canalisent les violences
provoquées par les rivalités imaginaires. Sans foi ni Loi
pour se reposer, il nous faut recommencer chaque jour négociations
et sacrifices. L'absence de Loi nous épuise. En voulant se réapproprier
sa jouissance, le sujet se perd dans l'annulation de son opération
: il n'y a pas de signification, c'est-à-dire de désir et
pas seulement d'intentionalité, sans castration et sans Loi. Non
seulement plus il y a de libertés et plus il y a de pouvoirs, comme
disait Foucault, mais pour qu'il y ait des libertés, un marché
par exemple, il faut des lois. La liberté politique n'a rien de
naturelle, c'est une construction artificielle, constitutionnelle. Il n'y
a pas d'absence de Loi mais plutôt une Loi minimale, celle de l'argent
ouvrant l'espace économique aux rivalités imaginaires de
la concurrence dans un détournement de la violence qui peut éclater
à tout moment. Pour l'instant, en renonçant à la norme
mâle, c'est la jouissance qui s'en est trouvée ébranlée,
l'absence de mouvement social ramenant chacun à soi et la débandade
sociale devenant défaillance individuelle.
En s'emparant de la dernière jouissance transgressive la sexualité
perpétue, grâce à l'interdiction de l'inceste mais
sur un mode privé, le sacrifice et la Loi qui n'est plus ordre social
mais Loi du Père devenue le réceptacle de la jouissance dans
une objectivation, une fétichisation grandissante de l'objet du
désir, du phallus imaginaire qui représente le désir
de la Mère (qui l'attache au Père), objet convoité
de la rivalité sexuelle au prix de la castration. A croire se libérer
de la Loi, on ne fait que l'intérioriser et régler son désir
sur le désir de l'Autre, renforcer le mimétisme jaloux, et
plus on se croit libre, plus on croit simplement l'objectivité du
sens, hypnotisé par l'objet lui-même qui n'est pourtant que
le drapeau qu'on se dispute pour l'amour de l'Autre. Y croire tout-à-fait
mène à la folie mais on ne peut y échapper complètement
sans annuler désir et sujet. La perte de la Loi la Père-son-nalise.
La personnalisation ne date donc pas d'hier, cet enfermement névrotique
où chacun se construit son roman des origines sur les ruines
de la religion sociale puisqu'on peut la faire remonter au déluge
et aux religions du salut.
En appelant sa transgression la Loi sacrée faisait surgir les
rêves d'une société sans lois pour un temps de jouissances
sans entraves que réalisaient momentanément quelques
fêtes et carnavals. C'est effectivement ce qui est arrivé,
mais en beaucoup moins drôle ("avec le sérieux d'un devoir").
Le déclin de la Loi a fait sauter toutes les barrières, toutes
les limites à une exigence infinie de jouissance comme unique Loi
que rien n'arrête et qui nous soumet à rude épreuve
jusqu'à la dépression et la "fatigue d'être soi", avec,
de plus, un regain de la dépendance maternelle. La naïveté
anarchiste prend l'ensemble des biens comme donnés et dont la Loi
serait simplement l'obstacle, rabattant la jouissance sur le plaisir du
corps alors même qu'elle appelle à la transgression, comme
s'il n'y avait aucune contrepartie à la jouissance, comme si elle
n'était pas en son fond transgressive et jalouse. Comme une colombe
fatiguée de la résistance de l'air ne pourrait pourtant voler
dans le vide où elle s'effondrerait, il nous faut comprendre que
cette résistance de l'interdit nous porte plutôt, c'est l'obstacle
qui crée le désir. Il faut tirer la leçon du sacré
et considérer la jouissance dans son ambivalence de terreur et d'extases,
de sacrifice et de plénitude.
Le tragique, ce que les psychanalystes appellent la castration, enseigne
bien autre chose que le soulagement de la crainte et de la pitié.
C'est pourtant un secret de polichinelle : que la jouissance est à
la mesure de la peine et qu'il n'y a rien de pire qu'un ennuyeux bien-être
dépourvu d'émotions. Pour donner consistance au sens, il
ne suffit pas de le réduire au savoir, il faut admettre que le sens
prend consistance du sacrifice du corps en s'identifiant au manque
jusque dans l'amour. Le sens ne vaut qu'à ce qu'on y mette le prix
et un homme met sa vie en jeu pour une parole donnée. Le sacrifice,
porteur du sacré, est le signe de la valeur des signes avons-nous
dit. Ce n'est pas seulement qu'un don exige contre-don des dieux, mais
bien que la destruction de ce qui a le plus de valeur est l'affirmation
d'une valeur plus haute. Ainsi toute jouissance idéalisée
est prélevée sur le corps. Du risque de la vie comme prix
du sens. Ce pourquoi il n'est pas question du "désintéressement
de l'artiste" mais bien plutôt de son sacrifice, en premier lieu
du sacrifice du savoir-faire et de la reconnaissance. C'est sans espoir
de ce côté. L'aurions-nous oublié que l'actualité
nous le rappelle. La dureté du monde n'est pas celle de la matière
et de ses lois mais bien du coeur de l'homme.
- La Loi de l'échange (séparation et substitution)
On pourrait dès lors se retourner contre le discours trompeur
de la libération qui nous soumet à un joug plus inflexible
encore et sans recours, victimes du complet mensonge de la jouissance au
nom d'une foi illusoire dans la délivrance et la transgression de
tout lien. Ce serait une inutile régression pourtant, la répétition
d'une position réactive qui conforte la fausse opposition de départ
d'une jouissance bridée par la Loi (c'est la Loi qui me rend
coupable prétend Paul). Il faut plutôt désobjectiver
la jouissance, redonner au Phallus, à l'objet du désir la
seule consistance de représenter le désir de l'Autre, d'en
être l'étendard, le symbole, et redonner à la Loi sa
fonction normative de communication. Il ne faut tomber ni dans la dictature
de la jouissance ni dans celle de la Loi, encore moins dans une sorte d'autisme
sans désirs mais reconnaître dans la Loi et la séparation
ce qui permet la circulation des désirs, la substitution
des objets, la métaphore du désir ; même s'il faut
le payer d'une perte intérieure, d'une amputation, d'un interdit
primordial, on peut dire enfin d'un malentendu. Aucune raison d'en faire
porter tout le poids à l'individu et son histoire personnelle alors
qu'il s'agit de la question sociale, de l'existence de la société
et du sens en dehors des corps, espace hors d'atteinte du sacré
dont la puissance exprime à la fois notre liberté et notre
appartenance, ce qui nous constitue comme discours, inclus dans un "nous",
devant qui nous nous sentons responsables.
Un sujet est d'abord sujet du discours, position subjective avant
tout point de vue. C'est ce que nous devrons examiner plus justement. L'individu
ne s'identifie pas toujours au sujet mais si c'est comme individu qu'il
peut se caractériser par sa formation, son apprentissage, c'est
sa qualité de sujet qui lui confère une continuité
identitaire, une responsabilité. Ce qui confère au sujet
son unité, ce n'est pas l'unité de la conscience, ni même
de se constituer en "centre du monde" ou en projet mais comme interlocuteur
pour les autres et désir de désir, désir de reconnaissance.
C'est à partir du langage que sont mobilisées les ressources
émotionnelles du corps. Il n'y a pas cohabitation de l'esprit et
du corps mais saisie du corps par l'esprit qu'on peut d'autant moins séparer
du corps qu'il se constitue dans la négation du corps, le sacrifice
des besoins animaux. Le sujet est ce qui nous met en question, négativité,
désir, non-savoir et liberté. L'émotion et l'imagination
n'en sortent pas intactes mais sont pris dans le fantasme qui organise
le rapport du sujet à la jouissance comme dans le mythe qui organise
le rapport de la société au sacré. Le sujet, prélevé
sur le corps, est toujours d'abord sujet pour un autre, coupable, liberté
assujettie au nom et à la dette. Il peut devenir sujet avec les
autres, compréhensif, en assumant son appartenance à une
communauté humaine, puis sujet en et pour soi à la
fin du parcours, c'est-à-dire projet collectif, réalisation
de l'histoire comme liberté, réalisation du réalisant,
esprit. On est loin du simple opérateur d'une structure, tout autant
que d'une combinaison indéterminée de raison et d'émotion
ou de flux !
Pour résister à la jouissance et au roman familial, arrêter
le déchaînement imaginaire et l'autodestruction, il faudrait
donc redonner force au sacré, au symbolique, au sens commun, à
l'engagement, la parole donnée, sans renoncer à l'interprétation
bienveillante de la Loi. Sur ce chapitre les psychanalystes passent souvent
pour des curés. De leur faute car il ne s'agit pas de réactiver
la Loi du Père sévère, bien au contraire mais de retrouver
notre fondement social et vital dans une norme symbolique, arbitraire,
comme tout code, mais indispensable aux échanges humains. Il n'y
a pas le choix et même si c'est risqué. Nous savons ce qui
est sacré désormais, les religions du monde le déclarent
à l'ONU, c'est les conditions de notre vie sur Terre et la
vie de chaque individu qui sont sacrés avec tous ses droits, c'est
notre unité et notre solidarité qui sont sacrés. Encore
faudrait-il que ce sacré soit assumé socialement et respecté
dans les faits : le droit à l'existence, à un revenu, un
logement, l'accès aux soins, à la formation, à la
solidarité sociale enfin. C'est un passage à l'âge
adulte de la responsabilité après une adolescence insolente,
turbulente et tourmentée. On sait qu'on n'abandonne pas les folies
de sa jeunesse sans y perdre ses illusions mais on ne peut vivre longtemps
dans l'insouciance d'une durée qui se rappelle à nous. Il
faudra faire des sacrifices, on n'a pas le choix.
Note de juillet 2006 : il faudrait sans doute introduire une
distinction intéressante de Véronique Hervouët entre
2 sortes de sacrifice. Le sacrifice "phallique" (en gloire) de nos
richesses, scellant l'alliance avec la divinité qu'on "oblige"
de la sorte au contre-don, et le sacrifice de l'Autre (du bouc
émissaire) expulsant le mal (transgressif et porteur de la
castration) pour souder le groupe et réparer l'outrage.