La question d'une démocratisation de la démocratie est prise par son côté le plus difficile, celui de la participation des citoyens au débat technique qui peut apparaître comme le point faible de la construction d'une démocratie cognitive alors que c'est là que, justement pour répondre aux incertitudes de la science et à l'exigence d'une action mesurée, anticipative, se sont inventés des procédures "hybrides" pour redonner la parole à ceux qui ne l'ont pas que ce soit dans une "démocratie directe" ou délégative. On s'aperçoit alors de la liaison du savoir et de l'identité (des astronomes amateurs aux malades du Sida). La construction d'un type de savoir n'est pas séparable de la construction d'une identité sociale émergente. Ceci est très important et détermine une démocratie des minorités comme nous le verrons, puisque dès lors la question primordiale est de savoir à qui l'on s'adresse.
Après le constructivisme social, le constructivisme économique, nous voilà donc dans le constructivisme politique où le savoir de la science n'est pas toujours désintéressé, ni les citoyens de simples porteurs d'intérêts catégoriels mais où la construction des questions implique une identification des acteurs et leur participation à un échange continu. C'est un processus d'apprentissage réciproque, de traductions entre savoirs collectifs, de prise en compte et de composition des singularités plutôt que leur agrégation en masse. C'est ce que les auteurs appellent la recherche d'un monde commun, où il n'y a pas les individus d'un côté et la volonté générale de l'autre mais une composition de particularités, sorte d'auto-organisation.
Plus la démocratie délégative est achevée, acceptée, stabilisée, plus elle a tendance à accentuer la professionnalisation, la séparation entre représentants et représentés. De même la science est séparée du public par une coupure épistémologique, un monopole du savoir. On a donc un double monopole qui s'installe celui du pouvoir politique et du savoir scientifique. C'est en ce que cette séparation a d'intenable, qu'elle produit son dépassement dans les "forums hybrides" (sang contaminé) dont le rôle est de casser cette séparation, de surmonter les asymétries d'information où échouent démocratie représentative (compétitive) et marché.
En constructivistes conséquents, les auteurs font remarquer qu'on ne peut dire que la démocratie délégative prive de parole des citoyens qui n'ont pas une parole préconçue. Le représenté ne sait pas toujours ce qu'il veut. 164 La démocratie représentative produit donc une parole publique qui n'était pas donnée au départ. Sans porte-parole, pas de prise de parole mais, par sa victoire même, la démocratie exige un dépassement pour que ce ne soient pas toujours les mêmes qui monopolisent la parole.
On voit la différence avec la position libérale qui considère la liberté comme donnée, puisque, face au défaut de liberté, ses partisans voudront réduire les règles, au profit des plus forts toujours, alors que les constructivistes considèrent que le citoyen ordinaire ne peut s'exprimer tout seul, qu'il n'a pas accès au savoir scientifique et qu'il faut remédier activement à la coupure (comme Alain Ehrenberg montre que l'autonomie individuelle a besoin d'un soutien institutionnel). Tout le monde n'est pas capable spontanément d'une "montée à l'universel" et il s'agit bien de donner à tous les moyens de l'accès à l'universel. C'est la justification des forums hybrides, qui pointent les insuffisances de la démocratie de la majorité, et sont d'ailleurs presque toujours l'aboutissement de conflits, souvent violents, s'opposant à la double délégation de la science et du pouvoir.
Les sondages ou les référendums (très critiqués p214-215) qui complètent la démocratie majoritaire ne font qu'accentuer la séparation qu'ils semblent dénier en ne procédant qu'à l'agrégation d'individus isolés sans interactions, tout comme le marché, sans dialogue, ouvert à toutes sortes de manipulations. Leur usage est souvent irrationnel et dangereux. Ils servent surtout à décrédibiliser les opposants minoritaires. Il ne suffit pourtant pas de passer à une démocratie des minorités qui juxtapose encore des masses inertes alors qu'il s'agit d'obtenir grâce à la discussion une composition vivante à la place d'une simple agrégation, une production de connaissance, l'unité entre les questions et la composition du collectif (de riverains, de malades, etc.), la construction d'un monde commun. Au lieu de réduire celui-ci à l'unité d'un "peuple", c'est au contraire par sa division interne que le collectif arrive à composer avec le monde extérieur selon une dialectique très hégélienne.
Cette recherche d'un monde commun a 2 faces : l'investigation des mondes possibles, la production de savoir (objet, science) et la composition du collectif, son identité émergente (sujet, politique) exprimant la particularité sociale face à l'universel abstrait. Souvent les résultats d'un tel processus sont inattendus mais aboutissent bien à un monde commun compatible avec la recherche objective et les identités subjectives. Pour déterminer la forme la plus adaptée, il faut tenir compte d'une part de l'intensité de la question et de sa dimension collective, d'autre part du degré d'ouverture du collectif et de sa "qualité" humaine.
Comme processus émergent, l'incertitude est ici première, tant en ce qui concerne la connaissance scientifique en jeu que la composition du collectif qui se forme petit à petit. On a donc affaire à une construction d'identité collective à partir d'un problème concret, identité temporaire se construisant dans l'action en même temps que la construction d'un savoir spécifique qui exige souvent l'acquisition de compétences socialement rares (myopathes) 220. L'identité collective passe par différents stades : d'abord la simple agrégation des personnes concernées, l'identification progressive des groupes d'acteurs puis la reconnaissance d'une identité qui devra passer par la reconnaissance de la diversité et des divisions internes pour aboutir à une indispensable ouverture et un compromis acceptable (gagnant-gagnant) qui ne se réduit pas au droit des minorités ou à la confrontation des intérêts mais débouche sur la construction d'un monde commun. L'incertitude du départ est identifiée à la fin mais peut être remise en cause à tout moment et cette construction de la discussion, des compromis, des compositions des singularités n'a rien à voir avec l'unité d'un "peuple".
Pour réduire l'asymétrie de l'information, on a besoin de traducteurs, médiateurs, négociateurs, animateurs. Il faut combiner tirage au sort, formation, confrontation d'experts et de groupes de pression 163. Les conditions de la réussite son difficiles à réunir mais pour ne pas tomber dans la simple mascarade et mystification, il faut intégrer le coût de l'égal accès à la procédure ainsi que la transparence des débats, leur traçabilité, leur enregistrement et leur visibilité. Il ne doit pas y avoir de paroles de perdues. Enfin, il faut que les règles du jeu soient connues à l'avance et respectées.
Les différentes formes hybrides de démocratie, de traitement de l'asymétrie d'information vont, des sondages et des "Focus groupes" ou panels de citoyens, autour de 6 personnes, sur le même modèle que les panels de consommateurs (qui ne sont pas à négliger mais minimisent l'échange) jusqu'aux Conférences de consensus (en France Conférences de citoyen) en passant par les Enquêtes publiques, les commissions locales d'information (CLI) et les Comités de sages ou Comités d'éthique. Chacune de ces procédures a ses avantages et ses limites dans un domaine où il faut combiner les approches, les "hybrider". Les comités de sage par exemple produisent des discussions de qualité, une visibilité de l'expertise, et permettent une continuité des débats mais favorisent le consensus si ce n'est le conformisme, accueillant difficilement les groupes émergents et les idées nouvelles. Même les conférences de consensus sont loin de réaliser une solution complète et transposable partout.
Les conférences de consensus ont été inventés au Danemark pour traiter des problèmes d'actualité à forte composante technique, nécessitant une expertise bien que celle-ci soit insuffisante et laisse trop d'incertitudes. C'est une tentative de réduire l'incertitude de l'expertise par l'appel au public qui ne peut se faire par vote sur des questions si complexes. Ces conférences sont la première manifestation du principe de précaution, principe issu de conférences allemandes. Il y a donc, sur les OGM par exemple, combinaison d'un comité de pilotage (7 universitaires), un panel de 15 citoyens tirés au sort sur un "échantillon représentatif" au moins de la diversité sociale. Une formation est délivrée à ces citoyens, en privé d'abord puis en conférences publiques avec les parties prenantes (stakeholder), experts et groupes de pression. A la fin du processus, qui dure de 5 mois à 1 an selon la complexité de la question, un avis motivé est rédigé, de 4 à 6 pages, avec "la réelle émotion de l'honnêteté partagée" 239.
Bien sûr, il ne faut pas ignorer tous les pièges, l'instrumentalisation d'une démocratie participative de façade. La démocratie n'est jamais gagnée, elle ne se fait pas sans nous et toujours à refaire mais la complexification d'une société hypertechnicienne impose de se doter dès maintenant des procédures d'une démocratie cognitive à la hauteur des enjeux de notre temps. Un forum ne peut constituer une fin en soi sans se réduire à une parodie de démocratie. On peut utiliser ces procédures pour gérer l'admissibilité sociale des nouvelles techniques. Il doit y avoir, au contraire, une véritable finalité cognitive d'apprentissage réciproque qui doit déboucher sur des décisions politiques et une structuration des acteurs. Plus les incertitudes de départ sont fortes, plus le processus est long et lent. 258
En dehors des risques d'instrumentalisation, ces conférences ne sont pas satisfaisantes en ce qu'elles ne remettent pas vraiment en cause la double séparation de la science et de la délégation politique. Le principal reproche qu'on peut leur faire, en effet, comme aux formes de procès public qui peuvent avoir leur utilité, est de partir des techniques du sondage et de rester au niveau du citoyen abstrait. Ces conférences empêchent la constitution d'identités émergentes et, constituant une intervention ponctuelle, empêchent plus qu'elles ne facilitent la discussion organisée 242. C'est une amélioration de la délégation et non pas la suppression de la coupure entre représentant et représentés. La procédure produit peu de connaissances nouvelles (bien que l'exemple des Etats Généraux de la santé lancés par Kouchner montre que l'inattendu peut survenir même dans un processus très cadré).
Au-delà de ces forums hybrides inventés face aux défis
de la "démocratie technique" ce qui est en jeu, c'est de construire
une véritable démocratie cognitive, de démocratiser
la démocratie au nom du principe de précaution, en dehors
de la logique majoritaire du peuple, aussi bien que d'une liberté
sans limite ou d'une démocratie des minorités. Plus que le
vote ou la confrontation des intérêts, c'est la logique du
dialogue qui doit primer, de la médiation, de l'ouverture,
d'une négation de la séparation, qui est la définition
même de l'écologie. La liaison des forums hybrides et du principe
de précaution montre la dimension écologiste et cognitive
d'une démocratie participative bien éloignée de la
démocratie compétitive et de l'unité de la République
! Sur cette base, les auteurs insistent sur l'unité en construction
d'un savoir et d'une identité collective qui ne sont donnés
ni l'un, ni l'autre et restent provisoires mais surtout particuliers. Ce
n'est qu'en réalisant cette unité en acte qu'on réalise
la démocratie.
L'incertitude du sujet est aussi grande que l'incertitude du savoir
mais doit se résoudre comme processus dans la continuité,
un dialogue permanent (pour la science entre recherche confinée
et recherche de plein air : intervention sur l'objet de la recherche, sur
la conduite de la recherche, sur le résultat et son exploitation
enfin). Non seulement il faut un suivi mais il faut surtout une finalité
cognitive d'apprentissage réciproque qui débouche sur des
mesures politiques. Plus les identités émergentes face à
une question peuvent s'affirmer, plus elles produisent des connaissances
et permettent la fabrication d'un monde possible, pas seulement d'occuper
un espace de discussion. L'efficacité d'une procédure dépend
donc de son intégration dans le processus de décision politique,
le pire écueil étant le débat ouvert mais sans aucune
suite. Il faut donc une combinaison de trois éléments
: 1) associations (myopathes, voisinage) permettant identification et continuité,
2) implication de l'Etat qui puisse prendre les mesures discutées,
mais aussi 3) les médias pour donner au débat un véritable
caractère public.
Ces procédures dialogiques rendues indispensables en situation d'incertitude s'opposent en tout point à la "société du risque" d'Ulrich Beck (cf pages 310-313) comme le principe de précaution s'oppose au scepticisme. Pour ces sociologies du risque, il ne peut y avoir dépassement de la double délégation et de la dissymétrie de l'information. La méfiance réciproque ne peut que s'accentuer et les intérêts se combattre dans une négociation des risques et leur distribution poussant à l'extrême l'individualisme et la séparation. Cette variante extrémiste de l'individualisme méthodologique néglige la composition des intérêts, le dialogue, la coopération, la construction d'un monde commun et surtout fait la confusion entre des risques calculables et des incertitudes qui elles ne sont pas négociables et nous réunissent dans la même ignorance.
L'immense intérêt de partir des forums hybrides tient dans cette incertitude de départ, d'une situation où rien n'est joué d'avance. Dès lors la démocratie technique ne peut plus prendre la forme d'une bureaucratie d'experts car elle exige bien une démocratie cognitive faisant appel aux ressources de chacun pour s'affronter à une ignorance partagée et construire un monde commun. La dimension cognitive ajoutée ne concerne pas les lois universelles mais leur traduction particulière dans des formes contingentes et leurs multiples dimensions, ce pour quoi chacun est irremplaçable. La démocratie cognitive ne consiste pas du tout dans l'application impossible d'un savoir achevé sur des citoyens ignorants mais tout au contraire, la démocratie cognitive est bien un processus de production de savoir (au lieu de la démocratie délégative qui produit de la compétition et des compétences). Comme le disaient les consignes des cercles de qualité japonais : "la reconnaissance précède la connaissance".
La question n'est donc pas celle des experts, des compétences disponibles, mais de la production de connaissance qui consiste à passer du point de vue général et abstrait au point de vue des personnes concernées. On peut dire qu'il s'agit d'unifier valeurs et faits, sujet et objet, identité et savoir. Ainsi ce n'est pas à des spécialistes du réchauffement planétaire d'imposer la taxation du carburant alors qu'il faudrait plutôt engager un dialogue avec les transporteurs pour dégager les mesures adaptées. Cette forme de démocratie dialogique permet de dépasser la séparation entre peuple constituant et peuple constitué, au prix certes, d'identités temporaires et mouvantes, construites au cas pas cas et qui ne laissent plus aucune consistance au peuple ou à la volonté générale d'une majorité quelconque, il n'y a rien là à regretter.
Il s'agit bien d'un changement de paradigme par rapport à la démocratie libérale affectant aussi le marché, ses dissymétries d'information et surtout ses externalités qui rendent indispensable l'implication des populations concernées pour être prise en compte par le marché. La question n'étant plus pour ou contre le marché mais quelle organisation du marché car le marché a surtout horreur des incertitudes.
Les forums hybrides lorsqu'ils cristallisent des identités émergentes (séropositifs, myopathes, riverains) ne prétendent pas, contrairement à Arendt, Habermas, Rawls, à l'impartialité désintéressée d'un sujet abstrait universel et séparé de sa vie privée, mais bien à faire reconnaître la contingence de leur position et leurs propres particularités vitales. Toute connaissance remonte à un corps en peine (Canguilhem). C'est à partir de ses propres particularités que chacun participe à la recherche d'un monde commun mais pas dans une simple juxtaposition avec les autres.
Cette production de connaissance n'est pas naturelle mais difficile longue et conflictuelle (sang contaminé). Elle a besoin de procédures et d'institutions qu'elle construit chemin faisant pour ce qui peut être vu comme un processus de complexification. Ces procédures pour atteindre leur objectif cognitif doivent être efficaces aussi bien qu'équitables. Il faut pouvoir peser sur les décisions, agir et pas seulement être représenté mais des procédures équitables donnent des décisions équitables.
L'efficacité dialogique exige aussi une interaction permanente en situation d'incertitude où tout peut changer. A l'opposé des décisions tranchées par une majorité ou des spécialistes, nous avons besoin d'une action mesurée, prudente et concertée qui ne soit ni inaction, ni temporisation (263) mais démarche active et ouverte, contingente et révisable (264).
Une longue discussion du principe de précaution achève la cohérence écologique de cette démocratie cognitive en gestation. La précaution est d'abord à distinguer du risque calculable. La précaution précède la prévention et n'est pas l'abstention bien que souvent elle exige la suspension d'une exécution. Ce n'est ni le scénario du pire, ni le risque zéro qui confond obligation de moyens et de résultat, risque et faute. Ni déni, ni panique mais la nécessité de prendre des mesures (temporaires) et de mesurer les débordements. On voit qu'au coeur de l'écologie comme de la démocratie cognitive se pose la question des limites de notre savoir, d'une incertitude qui nous mobilise collectivement. On peut y répondre par une discussion publique toujours à refaire ou laisser-faire le marché au nom du scepticisme libéral. L'incertitude peut nous pousser à l'immobilisme ou au saut dans l'inconnu qui ignore simplement l'incertitude alors que le principe de précaution prend cette incertitude au sérieux, pour objet de recherche et de discussion publique avec une obligation de résultat vitale.
On a là un ensemble d'hypothèses contradictoires avec l'idéologie libérale sceptique, ignorant les particularités et les interactions humaines dans une agrégation purement quantitative. Ainsi l'hypothèse d'une liberté absolue de la volonté populaire disparaît avec l'idée de peuple et le déclin du vote majoritaire au profit d'une autonomie concrète des populations abolissant l'hétéronomie du pouvoir par la construction d'un sujet et d'une identité collective. Si on abandonne le scepticisme au profit du principe de précaution, on peut bien admettre qu'on ne sait pas ce qu'il faut faire, mais du moins on sait que les possibilités sont limités. Il y a toujours des limites à ne pas dépasser, limites qui ne sont pas données et ne peuvent être simplement soumises au vote mais doivent être discutées collectivement. Il faudrait ainsi que chaque question impliquant certaines catégories de populations les constitue en collectif permettant de construire leur identité dans la recherche d'un monde commun qui reconnaisse leur particularité dans un processus de dialogue entre les parties qui s'apparente à une "démocratie par projet". Ce n'est plus le vote qui légitime les mesures prises mais le consensus, la volonté de vivre ensemble, l'acceptabilité sociale, la pertinence enfin. On est loin de ce pouvoir hétéronome de la démocratie que dénonçait Tocqueville : que m'importe que le joug qu'on me fait porter, disait-il à peu près, vienne du Roi ou de la République! Il n'en est pas de même avec un pouvoir à l'écoute des citoyens concernés, dont le pouvoir, les contraintes, les limites ne reposent pas dans les rapports de forces politiques globaux mais dans l'accord des premiers concernés, véritable auto-nomie. La question n'est plus, dès lors, de la représentation des minorités, de la proportionnelle, ni même d'être bien représenté voire de battre l'adversaire et gagner l'hégémonie ! Il n'y a plus que des minorités, identités multiples et mouvantes selon les circonstances. L'important c'est de trouver les bonnes solutions différenciées dans ce monde complexe et on ne peut le faire qu'avec les gens concernés en construisant leur autonomie par des procédures cognitives adaptées. Hélas, c'est fort cher, on ne peut le faire tout le temps et il faut optimiser les procédures dans la pratique.
Il est difficile de faire apparaître la forte cohérence qui se dégage de cette approche et renforce l'affirmation d'un paradigme écologiste très éloigné du paradigme libéral. Le livre lui-même n'est pas sans défauts, les débuts lents. L'intérêt est plus soutenu a partir du chapitre 4 "A la recherche d'un monde commun". La portée est pourtant très grande dans la redéfinition d'une démocratie des minorités par exemple et la remise en cause du vote au profit d'un processus d'élaboration collective. Les partis politique devraient s'en inspirer. Il ne s'agit pas de supprimer la démocratie délégative mais de la doubler de procédures participatives particularisantes permettant une action mesurée à la place de la violence d'un pouvoir séparé, hétéronome. De même, il ne s'agit pas de nier la science et son difficile accès, mais le monopole du savoir. La position constructiviste, l'unité d'une connaissance avec le collectif qui l'a produite et son identification, est nécessaire à cette réappropriation du savoir et à la démocratisation de la démocratie dans une négation de la séparation toujours à recommencer, la construction d'une identité provisoire. Le livre se termine ainsi par la constatation que "Ce qui constitue notre humanité commune doit en permanence être éprouvé et collectivement débattu".