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Il fut notamment, sur
la guerre en Yougoslavie, un de ceux qui contribuèrent à
calmer les ardeurs bellicistes de certains, à dénoncer «
la guerre de propagande », à réfléchir sur le
sens de l’engagement non-violent (position de principe qui n’implique pas
la passivité mais exige la recherche d’une alternative à
la violence), dont on a pu constater ces derniers mois qu’il est plus facile
à affirmer en temps de paix qu’en temps de guerre... Ajoutons que
l’adresse de son site personnel (fr.marxiens), faisant référence
à un illustre barbu dont on ne se réclame plus guère
dans la mouvance écolo, est une invite à en savoir plus.
A l’heure où l’écologie politique devient furieusement tendance
à Saint-Germain-des-Prés, au risque de se perdre dans les
sables du social-libéralisme, on s’est dit qu’on avait peut-être
là l’antidote sous la main. Allez-y voir, vous ne serez pas déçus
du voyage !
Georges
Lapouge
Le site de la semaine
http://jeanzin.fr/ecorevo/perso/pub/politis.htm
La
page d’accueil annonce la couleur, en vert et rouge : « Ecologie
révolutionnaire ». Suit une citation de Saint Just : «
Le calme est l’âme de la tyrannie, la passion est l’âme de
la liberté ». Une photo de Guy Debord, une autre de Lacan,
nous renseignent sur le Panthéon personnel du propriétaire
des lieux, où ces deux illustres contemporains reposent aux côtés
de référents plus anciens : Hegel, Marx, Freud. Nous aurions
donc affaire à un philosophe, frotté de psychanalyse et proche
de cette internationale situationniste à qui l’on doit la critique
radicale de la « société du spectacle ». Mais
laissons à Jean Zin le soin de se présenter lui-même
: « La plupart des courriers que je reçois me demandent qui
je suis et ce que je fais. Il n’est pas toujours facile de répondre
sur ce qu’on fait, encore moins sur ce qu’on est, du moins lorsque l’on
n’a, comme moi, aucun titre officiel à quoi que ce soit et les compétence
effectives les plus hautes dans plusieurs domaines pourtant. J’ai donc
pris l’habitude de me désigner par la négative, et même
selon une formule mathématique comme « non P complet ».
Veuillez ainsi me considérer comme non-philosophe, non-psychanalyste,
non-programmeur, non-pianiste- peintre- poète- père- politicien.
Debord se disait « docteur en rien », on m’a insulté
récemment d’un « étudiant en rien », pourquoi
pas ? Sauf que je ne me contente certes pas d’étudier, je cherche
réellement à transformer le monde même si je ne fais
souvent qu’y échouer. » Suit l’énoncé d’un riche
parcours, qui va de la Sorbonne à l’activisme politique à
plein temps dans le Lot, où il vit et milite chez les Verts, en
passant par diverses expériences dans les réseaux lacaniens,
la gérance d’une petite société d’informatique, l’organisation
de cafés philosophiques ou la rédaction d’un petit journal
local. Jusqu’à ce constat désabusé : « Après
des années consacrées à devenir excellent, à
la pointe des possibilités de l’époque, il me faut me rendre
à l’évidence que toute cette excellence ne peut trouver d’emploi
dans ce monde, sinon à servir les intérêts les plus
bas... ». Et c’est aux intérêts les plus haut que Jean
Zin entend se consacrer...
L’écologie
révolutionnaire
On
trouvera donc mille et une choses sur ce site, de quoi occuper mille et
une nuits ! Réflexions sur la morale et la métaphysique,
sur l’amour ou la drogue, sur la paix et la guerre... On y trouvera, et
ce n’est certes pas inutile en ces temps de confusion, une intéressante
« foire aux questions » qui définit l’écologie
politique : « Il n’y a pas de ni-ni qui tienne (ni droite, ni gauche).
Il y a une écologie de droite fascisante (la défense des
lois de la nature), une écologie centriste environnementaliste et
libérale (qualité de la vie des cadres) et une écologie-politique
de gauche de maîtrise de notre production, de ses déchets
et de ses effets globaux. » et qui propose, dans le cadre de cette
écologie de gauche, un dépassement des deux écoles
réformistes (libérale et étatiste) par une «
écologie révolutionnaire (qui) veut sortir du productivisme
et abolir le salariat, conscience des contraintes planétaires, des
transformations du travail et des possibilités de l’avenir. »
Ce qui situe clairement Jean Zin dans la minorité des Verts et l’opposition
à une participation gouvernementale. Pour autant, il participe pleinement
à la vie du mouvement, au plan local et national, rejoignant certains
majoritaires (comme Lipietz) sur la nécessité de l’instauration
d’un revenu d’existence, seule façon de répondre au problème
du chômage (nombreuses pages sur ce thème).
Les marxiens
débarquent !
Les
« petits hommes verts » de Jean Zin n’ont donc, on le voit,
qu’un assez lointain rapport avec le prurit électoraliste qui agite
certaines composantes de son parti ! En témoigne ce court texte
du 21 juin, qui a donné cette semaine son titre à notre rubrique,
« Après nous le déluge ! » :
«
Si on veut être sérieux, on ne parle pas du temps qu’il fait,
on parle des élections pas du climat, pourtant notre été
pourri peut tout à fait préfigurer ce qui nous attend avec
le réchauffement du climat. Au début chacun se dit que ce
n’est pas dramatique qu’il fasse un peu plus chaud, on est tous un peu
frileux, nostalgie de l’Afrique originaire. Seulement après quelques
grosses chaleurs, ce qui nous attend c’est le déluge, tout simplement,
dès que l’évaporation augmente (ce qui n’a pas vraiment commencé
encore) comme au temps de la fonte des glaciations. Le réchauffement
de la planète c’est aussi le mauvais temps chez nous, un été
oscillant entre chaleur insupportable et refroidissements, c’est surtout
de plus en plus de pluies. Le Sahara pourra reverdir mais beaucoup de terres
seront inondées. Ainsi, il ne fallait pas prendre à la légère
cette expression de l’irresponsabilité : après-nous le déluge.
Ce
n’est pas nouveau, dira-t-on, puisque c’est un phénomène
naturel. Mais ce qu’il y a de nouveau, c’est que, cette fois-ci, c’est
vraiment la faute des hommes. Dans les mythologies antiques, le déluge
était vécu comme la suppression de la création par
son dieu créateur reniant sa créature à cause des
péchés des hommes, de leurs disputes, leur égoïsme,
leur éloignement du Dieu. Ce sentiment de culpabilité a fait
progresser la conscience de soi en produisant le travail humain, l’agriculture,
d’abord comme service aux dieux (faire le travail de la nature à
sa place pour être utiles aux dieux et « gagner sa vie »).
Pourtant, je peux vous l’assurer, l’homme n’était pour rien dans
les précédents déluges alors que c’est bien sa faute
réelle, sa démesure qui le menace lui-même cette fois.
Faudra-t-il
la colère du ciel pour comprendre enfin qu’on ne peut continuer
à gaspiller nos ressources dans une vie d’enfer ? Chaque cyclone
menaçant sera désormais chargé de notre culpabilité
et les déluges à venir accuseront longtemps notre insouciance
irresponsable. Il ne s’agit pas seulement d’un « réchauffement
», non, après-nous le déluge !
Le
contentement d’un progrès des écologistes ne doit pas camoufler
le conservatisme, le libéralisme, le productivisme qui se mondialisent
et qu’il ne faut pas simplement tempérer de quelques précautions,
mais qu’il nous faudra radicalement remettre en cause. Il y a urgence.
Il faut bien se réjouir du progrès des écologistes,
mais non pas s’en contenter, petit pas à petit pas, comme si le
temps ne nous était pas déjà compté : après
nous le déluge !
Malgré
les excellentes perspectives que nous vaut cette victoire pour les chômeurs,
les sans-papiers et tout le reste (hélas !), nous sommes un certain
nombre à nous rassembler pour affirmer la nécessité
d’une écologie radicale anti-productiviste autour du Revenu d’Existence
et réaffirmer notre honte de participer à un gouvernement
si libéral, productiviste et psycho-rigide. Notre préoccupation
n’est pas les prochaines élections mais notre refus de ce monde
inhumain qui n’est pas durable, notre refus de continuer cette course en
avant qui ne fait qu’empirer notre vie sans souci pour l’avenir, car, nous
le répétons : après nous le déluge ! ».
Heu...
à la semaine prochaine ?
Le revenu d’existence
«
Le Revenu d’Existence a été défendu depuis longtemps
par divers économistes [1] mais c’est le dernier mouvement des chômeurs
qui lui redonné toute son actualité en s’appropriant cette
revendication à travers l’augmentation des minima sociaux et le
droit au revenu. Depuis cette mesure s’impose petit à petit, gagnant
de plus en plus de partisans dans tous les milieux. Le Revenu d’Existence
devrait être versé à tous puisque c’est un droit universel,
chacun peut y prétendre, mais il n’est pas nécessaire de
le verser à ceux qui n’en ont aucun besoin. La caractéristique
principale du revenu d’existence, qui le différencie du RMI, est
son caractère inconditionnel, ce qui signifie d’abord qu’on peut
le cumuler avec un travail. Ce cumul avec un travail rémunérateur
est même fortement encouragé (mais sans être obligatoire),
l’impôt sur le revenu s’appliquant ensuite progressivement au revenu
total (revenu d’existence + revenu du travail). L’autre différence
avec le RMI est le caractère individuel du revenu d’existence, donnant
l’autonomie à chaque sexe. »
«
Ce n’est donc pas une mesure contre le travail mais, au contraire, une
incitation à compléter son revenu, afin de favoriser les
activités peu rentables mais agréables, créatives,
artistiques ou artisanales, plutôt écologiques (tiers-secteur).
C’est une réorientation de la production, une sortie du salariat
et du productivisme au profit d’un nouvel artisanat, passage au qualitatif.
Il faut faire attention à ce que ce ne soit pas (comme le voudraient
certains libéraux avec un revenu d’existence complémentaire
trop faible de 1600 F) pour favoriser les travaux stupides et mal payés
(qu’il faudra au contraire mieux payer). C’est une question de niveau.
Le Revenu d’Existence doit assurer l’autonomie permettant de refuser un
travail mal rémunéré mais c’est aussi une subvention
de 4 000 F aux activités artisanales ou éco-sociales trop
peu rentables. (...) »
Intervention à Lamoura
(journées d’été des Verts), le 28/08/98
[1]
Le Revenu d’Existence a été défendu par certains ultra-libéraux,
comme Friedmann, mais surtout par le « distribuciste » Jacques
Duboin dès 1934,
plus
récemment, le BIEN (Basic Income European Network) qui a regroupé
en
1986 des économistes, de toute l’Europe, attachés à
un revenu de base
(basic
income). Il faut signaler, entre autres, parmi les partisans récents
du revenu d’existence : Alain Caillé (du MAUSS - Mouvement Anti-Utilitariste
dans les Sciences Sociales) depuis 1996 et André Gorz (Misères
du présent, richesse du possible,1997) qui y était opposé
auparavant. Depuis le mouvement des chômeurs, beaucoup ont rallié
cette revendication dont Alain Lipietz (voir Chimères et postface
de La Société en sablier) ainsi que la commission «
social » des Verts (mais aussi la revue Alice, Guy Sorman, etc.).
G.L.
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