La politique reste une affaire locale
La recherche, no 357, octobre 2002
Un livre et un article (Qui vote pour qui ?) du démographe Hervé Le Bras
montrent que les votes politiques sont déterminés par des traditions
locales qui peuvent être très anciennes et non par des appartenances de classe ou une quelconque volatilité.
La conversion d'une région prend souvent la forme d'une épidémie
avec point de fixation diffusant aux alentours comme les chasseurs de la
Somme. Ce qui compte c'est l'implantation d'un parti, ses relais locaux plus
que son idéologie. Ainsi les communistes résistent dans un
secteur agricole de la Bretagne.
D'abord il faut reconnaître la structure fractale de la répartition
des populations et catégories sociales qui ne sont pas uniformément distribuées mais
plus ou moins concentrées sur des capitales régionales, les préfectures,
les sous-préfectures... "La répartition de la population
sur le territoire et, partant, la concentration de certaines activités
centrales obéissent à une contrainte globale forte. Au contraire,
les répartitions de votes en faveur d'un parti ou d'un candidat donné
semblent obéir à des règles de progression ou de transmission
locales". La carte politique reflète la géographie plus
que le type de population. Parfois un simple cours d'eau stoppe net une contagion
diffuse. Les "effets de voisinage" montrent que "les électeurs ne réagissent pas indépendamment les uns des autres en un lieu donné" (R. Putnam) mais définissent
ensemble leurs intérêts
par contagion physique, émotionnelle. Cet "interactionnisme" est une
réfutation à la fois du sociologisme et de l'individualisme
(la politique n'est pas un marché).
Même s'il faut le relativiser car il y a à l'évidence
des mouvements d'opinion plus globaux, il est remarquable qu'à l'époque
de la mondialisation et de la domination médiatique, la politique
réponde toujours à une logique de conquête territoriale.
"Une fois conquis un territoire, un parti crée des
institutions qui lui permettent de se maintenir et de résister à
ses rivaux", parcourant "une sorte de cycle de vie de leur naissance,
et premier développement, à leur jeunesse déjà
endiguée, à leur maturité et à leur nécrose".
On ne saurait assez souligner l'importance de cette constatation pour la
construction d'une nouvelle culture politique, d'autant plus pour une politique
écologiste qui doit favoriser la relocalisation de l'économie.
Un parti ne peut durer que s'il réussit son implantation locale, le
niveau national est largement un leurre. Il faut commencer par le bas, construire sur le sol, avec nos voisins.
Alors que paraît le dernier livre de Jeremy Rifkin : "L'économie
hydrogène", tout un dossier est consacré à une
critique assez violente de ce cette mode de l'hydrogène soutenue par
les gaziers, alors que d'autres solutions sont plus efficaces à court
terme pour réduire les émissions de co2. Le passage à
l'électricité n'est pas contesté, permettant une amélioration
notable des rendements par rapport à la transmission mécanique,
c'est la pile à combustible qui serait contestable face à des
solutions hybrides (carburants verts plus électricité) ou des
piles zinc-air qui semblent bien préférables mais ne sont pas
soutenues par des industries puissantes. En fait l'intérêt décisif
de l'hydrogène réside dans sa possible décentralisation
(la production par énergie solaire) et l'absence de toute pollution
locale. Produit industriellement son intérêt est beaucoup moins
évident surtout compte tenu des risques et difficultés de stockage.
L'électricité solaire serait la seule véritable solution,
justifiant d'y consacrer plus de recherches et moyens industriels. Le temps
que les voitures à hydrogène soient assez au point pour se
généraliser, il se pourrait que d'autres techniques les supplantent.
A court terme le développement des transports en commun et une
réorganisation générale des transports autour du ferroutage
restent le plus urgent.
01/10/02
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