- Ce n'est pas l'énergie qui manque...
Avec le développement de la Chine ou de l'Inde et l'augmentation continue de la consommation américaine, malgré la proximité du "pic de Hubbert" (moment à partir duquel la production de pétrole va atteindre son maximum avant de commencer à diminuer inexorablement), les prix du pétrole s'envolent inévitablement, créant pour nos économies un véritable choc mais qui pourrait se révéler salutaire face à l'immobilisme des Etats et la fuite en avant d'un productivisme insoutenable. La fin du pétrole n'est pas la fin du monde, c'est un difficile moment de transition prévu depuis longtemps et auquel nos sociétés ne se sont pas assez préparés mais ce n'est pas notre problème le plus grave, cela pourrait même constituer à plus long terme une chance dans la lutte contre un réchauffement climatique qui menace de s'emballer.
En effet, on peut dire qu'on manque de tout sauf d'énergie puisque la Terre est un système ouvert qui reçoit son énergie du soleil et bien plus qu'il ne nous en faut. Ce n'est donc pas l'énergie qui manque, c'est juste le pétrole qui va être de plus en plus cher. Comment le regretter alors qu'un prix trop bas incitait au gaspillage et qu'il est la cause principale de l'aggravation de l'effet de serre ? Ivan Illich avait bien prédit que trop d'énergie pouvait faire exploser la société. Il se pourrait même qu'on arrive à faire exploser la planète avec un réchauffement trop rapide. Les scientifiques sont très inquiets devant le dégel inattendu du permafrost (terre gelée) en Sibérie, ce qui se traduit par un risque important de libération du méthane qu'il contient, accélérant dramatiquement l'effet de serre (Le monde 11/08). A une échelle bien supérieure c'est ce qui s'était produit lors de plusieurs extinctions de masse, la libération de méthane augmentant considérablement l'effet de serre (20 fois plus que le CO2) tout en appauvrissant l'atmosphère en oxygène (ce sont les mammifères et les dinosaures qui s'en étaient le mieux sortis au permien). On n'en est pas là mais voilà notre horizon et ce qu'il faudrait absolument éviter !
Au regard de cet enjeu majeur de survie la crise du pétrole constituerait plutôt une véritable opportunité, accélérant le passage de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information (voir encadré), si on ne risquait pas le développement d'énergies encore plus polluantes, comme le charbon, et si les réserves n'étaient pas encore assez considérables pour continuer à courir à la catastrophe, sans rien changer. Pas de quoi se réjouir non plus des conséquences économiques et sociales d'une augmentation des prix du pétrole avec tous les effets de manque d'une véritable toxicomanie de nos sociétés à cette énergie trop bon marché. On pourrait en attendre au moins la confrontation avec les limites de notre mode de développement et des ressources de la planète si la France ne se particularisait par une croyance quasi religieuse dans le nucléaire, symbole de la science triomphante, malgré les risques insensés qu'on fait courir aux populations à l'ère du terrorisme technologique.
Le plus probable reste que tout continue comme avant, avec simplement des carburants plus chers, privilégiant le court terme ! En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut absolument pas compter sur la sobriété individuelle, sur le changement de comportement des populations, c'est le système qu'il faut changer. Il faut proposer des énergies alternatives et opérer des changements dans l'organisation économique et sociale jusque dans l'urbanisme et l'habitation.
La seule alternative pour absorber les surcoûts énergétiques dans l'immédiat, ce sont les "négaWatts", gisements d'économies d'énergie avec toute une gamme de mesures plus ou moins politiques. Le plus immédiat ce sont des comportements de sobriété, en premier lieu l'isolation des bâtiments. La généralisation des nouveaux éclairages par diode divisant par 10 la consommation de l'éclairage devrait commencer dans les années qui viennent. L'amélioration de l'efficacité énergétique concerne tous les appareils électriques, en particulier leur mode veille. L'énergie intelligente vise à optimiser la dépense énergétique par rapport aux besoins grâce à un pilotage informatique très fin. La construction de nouvelles maisons devrait dès maintenant répondre à de nouvelles normes écologiques, se rapprochant de ce qu'on appelle les "maisons passives" utilisant au mieux l'énergie solaire. A plus long terme une politique d'urbanisme, de transports collectifs et de ferroutage peut réduire considérablement la dépense énergétique mais le plus décisif et le plus difficile sans doute, ce serait une indispensable relocalisation de l'économie privilégiant les circuits courts, à contre-courant d'une mondialisation déchaînée qui multiplie absurdement les trajets de marchandises.
Les transports et l'habitat (dans une moindre mesure) sont les deux plus gros consommateurs de pétrole. Les transports devront se recycler vers le méthanol sans doute, plutôt que l'hydrogène, et l'habitat vers le solaire mais la priorité doit rester de réduire les transports et d'isoler les habitations. L'hydrogène qu'on nous vante tant n'est qu'un moyen de stockage de l'énergie, particulièrement encombrant et difficile à manipuler, ce n'est en rien une solution même s'il sera utile pour le stockage de l'énergie renouvelable et pour des moteurs non polluants. Le méthanol est loin d'être satisfaisant, ce n'est pas la formule magique qui nous dispenserait de réduire les transports mais c'est un bon compromis qui a de nombreux avantages. La seule énergie désirable pour remplacer le pétrole, c'est le solaire dont le développement est très prometteur avec une baisse des coûts et un meilleur rendement. Avec le solaire on quitte définitivement l'ère de l'énergie pour l'ère de l'information mais cela prendra du temps et, il faut le répéter, dans l'immédiat le plus probable c'est le charbon (et d'autres hydrocarbures comme les huiles de schiste), ce qui serait vraiment catastrophique !
L'avenir se joue maintenant mais la question du réalisme se pose avec de plus en plus d'acuité entre rapports de force à court terme et des enjeux vitaux à plus long terme. Qu'est-ce que le réalisme aujourd'hui ? Est-ce la concurrence internationale contre laquelle on ne pourrait rien, le libéralisme qui nous dominerait pour toujours ? Est-ce la fin catastrophique du pétrole ? ou bien est-ce la prise de conscience que ce monde n'est pas durable, constater la catastrophe d'un monde qui va inexorablement vers un réchauffement aux conséquences incalculables ? Ce n'est pas dire que c'était tellement mieux avant, mais la maison brûle, ce n'est pas qu'un slogan, et nous devrons trouver rapidement des alternatives vivables, en premier lieu au pétrole dont les prix ont déjà commencé à flamber.
LEMONDE.FR | 11.08.05 | 12h31 • Mis à jour le 11.08.05 | 12h47
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-679312,0.html
Une très grande partie de la Sibérie occidentale connaît actuellement un dégel sans précédent qui pourrait accélérer le réchauffement climatique, selon l'hebdomadaire britannique New Scientist. Des scientifiques de retour de cette région russe ont déclaré que la plus vaste zone gelée de la planète était en train de fondre, pour la première fois depuis sa formation il y a 11 000 ans. En fondant, le permafrost d'un million de kilomètres carrés - soit la superficie de la France et l'Allemagne réunies - pourrait libérer dans l'atmosphère des milliards de tonnes de méthane, un gaz à effet de serre, indique le magazine.
Le retour du charbon (site http://www.fondapol.org/pdf/Etude-loez.pdf)
Les économies d'énergie : http://www.negawatt.org/
Les réserves de pétrole : http://fr.wikipedia.org/wiki/Régions_pétrolières
Conférence 2003 sur le pic pétrolier : http://news.stcom.net/modules.php?name=News&file=article&sid=918
Jean-Marc Jancovici. L'homme et l'énergie, des amants terribles :
http://www.x-environnement.org/Jaune_Rouge/JR04/jancovici.html
http://www.manicore.com/documentation/environnement_prospective.html
http://www.manicore.com/documentation/reserve.html
http://www.manicore.com/documentation/articles/index.html
So Watt ? L’énergie : une affaire de citoyens, Benjamin Dessus et Hélène Gassin
- Le méthanol comme carburant de substitution ou pile à combustible
Personne ne parle du méthanol alors qu'il pourrait être le produit de transition entre énergie fossile et renouvelable selon le prix Nobel de chimie George A. Olah (interviewé par la revue EcoRev', ecorev.org). Il y a deux façons de produire du méthanol, à partir du méthane ou par combinaison entre hydrogène et gaz carbonique.
Le méthanol (CH3OH) est un alcool obtenu généralement à partir du méthane (CH4). Le méthane, c'est ce qu'on appelle le gaz naturel ou le biogaz (ou le GNV pour les véhicules) qui se dégage dans tous les processus de dégradation de la matière organique en anaérobie (marais, rizières, élevages, termites, etc). Il y a émission de 535 millions de tonnes de méthane par an dans l'atmosphère (70% d'origine humaine), ce qui participe pour 1/4 à l'effet de serre, ce n'est donc pas négligeable. La durée de vie du méthane dans l'atmosphère n'est que de 12 ans alors que le CO2 dure en moyenne plus de 50 ans, mais une molécule de méthane absorbe 23 fois plus de rayonnement qu'une molécule de dioxyde de carbone. C'est ce qui rend les libérations massives de méthane si dangereuses, pouvant mener à l'emballement du réchauffement climatique. Ceci pour situer le méthane entre énergie fossile et énergie renouvelable. Les réserves actuelles de gaz naturel sont limitées et pourraient atteindre leur pic d'ici 30 ans, donc peu de temps après le pétrole, sauf que "de larges réserves d’hydrate de méthane sont également présentes dans les régions sub-arctique et sous la mer au niveau des plaques continentales". Certains mettent en doute la faisabilité de leur exploitation, voire soulignent leur dangerosité car "en exploitant les hydrates du fond des mers, il est très probable que l'on ferait remonter de grandes quantités de méthane dans l'atmosphère (cela équivaudrait à exploiter du gaz naturel avec des fuites énormes)". Ce sont des problèmes à résoudre mais si le réchauffement climatique devait libérer ce gaz "naturellement" il deviendrait vital de puiser avant autant qu'on peut dans ces réserves ! Le méthane c'est aussi une énergie renouvelable d'origine biologique, bien qu'à un moindre degré, mais dont la récupération et la consommation aurait cette fois un impact positif assez rapide sur l'effet de serre.
Liquide à température ambiante, le méthanol est bien plus facile à stocker que l’hydrogène et son utilisation massive ne nécessiterait pas d’investissements lourds en infrastructures. En effet, bien qu'il soit un peu acide naturellement, le méthanol constitue un bon carburant pur ou mélangé à l’essence traditionnelle. Il peut également être utilisé seul dans des piles à combustible (DMFC, Direct Methanol Fuel Cell) utilisables pour les téléphones ou PC portables, les voitures électriques, etc. Dans ce type de pile qui arrivent sur le marché, le méthanol est directement oxydé en présence d’air pour produire de l'électricité en donnant de l’eau et du CO2. La pureté du méthanol permet de ne produire ni oxydes d’azote, ni oxydes de soufre, pas plus que de gaz organiques réactifs, polluants majeurs des moteurs automobiles. La quantité de CO2 produite est environ divisée par deux en comparaison de ce que l’on obtient classiquement dans les moteurs à combustion.
Le méthanol peut aussi servir à transformer l'hydrogène en carburant plus maniable. En effet, l'hydrogène étant le gaz le plus léger c'est celui qui prend le plus de place et qui est le plus difficile à transporter (avec des risques de fuites sinon d'explosion). Il serait donc plus avantageux de transformer en méthanol liquide l'hydrogène produit par de l'électricité renouvelable (solaire, éoliennes) en le combinant avec du CO2. Avec ce procédé de recyclage du CO2, le méthanol devient une énergie renouvelable sans impact significatif sur l'effet de serre. Le méthane, qui manque déjà aux USA, ne peut constituer une véritable alternative qu'à pouvoir exploiter les gisements sous-marins d'hydrate de méthane, alors que le méthanol restera toujours utile pour transformer l'hydrogène en carburant.
Que ce soit à partir d'énergie fossile, comme carburant moitié moins polluant, ou bien à partir d'hydrogène combiné avec du gaz carbonique pour stocker les énergies renouvelables, le méthanol a de bonnes chances de s'imposer comme un substitut au pétrole. Il ne s'agit pas de prétendre que le méthanol serait une énergie idéale et une solution durable qui nous épargnerait un choc brutal et une réduction drastique de nos consommations, seulement qu'il est préférable au pétrole et au charbon avec de fortes probabilités qu'il constitue l'énergie de transition entre énergies fossiles et renouvelables. C'est du moins l'opinion de Georges A. Olah, opinion contestée par d'autres spécialistes...
- L'avenir solaire (article EcoRev')
http://jeanzin.fr/ecorevo/sciences/solaire.htm
Le solaire est notre avenir mais le présent reste sombre et il est bien difficile d'évaluer ses potentialités de développement à court terme, entre innovations prometteuses et annonces prématurées, politiques volontaristes et réalités du marché. Aussi, il n'est pas inutile de faire le point sur les diverses technologies du moment (solaire thermique ou électrique, centralisé, réparti ou intégré).
- Centrales solaires thermiques, tours solaires
- Chauffage solaire
- Electricité solaire (silicium, films plastiques, colorants, infrarouge, chloroplastes)
- Architecture
Gaïa Ecotecture en Irlande :
http://www.econovateur.com/rubriques/anticiper/habitat0503.shtml
Maison passive :
http://www.natpro.be/dossier_maison.htm
Source T-T, sept. 2002:
UNE MAISON vraiment écologique! C'est une société hollandaise qui l'a conçue. Elle coûte, en transports et en matériaux, comme en extraction de ceux-ci, 25% de moins qu'une construction traditionnelle. Ses secrets: construction en bois, et, de l'eau qui, dans les murs sert de volant thermique et remplace donc la masse d'un mur ordinaire. La circulation, pour l'eau chaude et pour le refroidissement, est à convection naturelle (pas d'électricité). ( IRC ++31-70-361 02 99)
- Vers les LEDs
Une loi sur l'énergie votée par les Etats-Unis fixe pour objectif ultime le remplacement des lampes à incandescence, voire des lampes fluorescentes, par des lampes électroluminescentes à semi-conducteur (LEDs) ou organiques (OLEDs). Energie et Développement Durable no 8 septembre/octobre 2005
• Consommation électrique à même puissance lumineuse par différents types d'ampoules :
- incandescence : 75 watts
- Fluocompacte : 15 watts
-LED : 2 watts
• Durée de vie moyenne des différents types d'ampoules :
- incandescence : 1 000 heures
- fluocompacte : 10 000 heures
-LED : 100 000 heures
• Même comparatif pour 4 heures d'éclairage/jour :
- incandescence : 1 an
- fluocompacte : 6 ans
- LED : 60 ans
- Vers le frottement zéro. Jean Michel Martin. Pour la Science 334, Août 2005
"Deux surfaces cristallines peuvent glisser l'une sur l'autre sans aucun frottement ou presque. La découverte de ce phénomène inattendu ouvre d'intéressantes perspectives, notamment dans le domaine de la lubrification des moteurs". Le principe c'est que deux surfaces cristallines qui roulent l'une sur l'autre ont un frottement maximum lorsque les deux surfaces ont leurs atomes alignées dans la même direction alors que les forces de frottement s'annulent presque lorsqu'elles forment un angle de 45°. C'est ce qu'on appelle la "suprafriction" et qui pourrait réduire l'utilisation des huiles de moteur en recouvrant les pièces mécaniques de films cristallins. "Nissan espère développer rapidement cette lubrification "propre" et équiper ainsi les pièces de machines thermiques, les micromachines et, dans le domaine médical, les prothèses et certains instruments de chirurgie [...] Le frottement ultrafaible ou la suprafriction ne sont pas encore une réalité quotidienne, mais ils ne sont plus tout à fait une utopie".
- Hydrogène, de l'eau dans le gaz
http://ecorev.org/article.php3?id_article=424
- L’hydrogène : une source d’énergie dangereuse pour la couche d’ozone ?
http://www.cirs.net/breve.php?id=553
Une économie mondiale dont la source d’énergie serait l’hydrogène pourrait engendrer des trous dans la couche d’ozone de plus grande dimension et de plus longue durée au-dessus des pôles, selon une étude menée par des chercheurs du California Institute of Technology (Pasadena, Etats-Unis).
L’énergie obtenue à partir de la combustion d’hydrogène est directement convertie en électricité grâce à des appareils dénommés cellules combustibles. La généralisation de ce mode de production d’énergie permettrait de réduire de manière drastique les émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement global et de la pollution atmosphérique.
Mais un problème demeure. Une partie de l’hydrogène produit, stocké et transporté se perd dans l’atmosphère. Du fait de sa légèreté, l’hydrogène remonte rapidement dans l’atmosphère. Au niveau de la stratosphère, il réagit avec l’oxygène pour donner de l’eau. Une économie basée sur l’hydrogène rendrait la stratosphère plus humide et plus froide. Il en résulterait une réduction de la quantité d’ozone de 5 à 8 % au-dessus du Pôle Nord et de 3 à 7 % au-dessus du Pôle Sud, d’après les calculs effectués par Yuk Yung et ses collègues. Toute la question dans ce contexte est de savoir à quel rythme une économie fondée sur l’hydrogène sera introduite. Si cela prenait plus de 50 ans, les CFC (gaz propulseurs des bombes aérosols et réfrigérants) auront disparu ainsi que, de ce fait, le problème de la couche d’ozone. D’ici là de surcroît, les fuites d’hydrogène en direction de l’atmosphère pourraient se trouver amoindries grâce à des avancées technologiques.
(Juin 2003)