Emploi, PARE et refondation
L’ordonnancement juridique français du
régime d’assurance-chômage est basé sur trois
principes essentiels que l’on peut résumer comme suit :
-
un lien entre droit
et devoir de travailler extrêmement fort et, depuis longtemps , sanctionné
-
une summa divisio
entre assurance d’un côté, solidarité de
l’autre
-
un large rôle
dévolu depuis 1958 aux partenaires sociaux, chargés de
négocier les termes du régime d’assurance et d’en
gérer les institutions.
Revenons
donc sur chacun de ces éléments avant d’examiner les
novations qu’apporte le PARE et les questions que cela pose, eu
égard à la structure du marché du travail, au comportement
des entreprises, aux situations et aux aspirations des hommes et des femmes
d’aujourd’hui.
Le
devoir de travailler
Corollaire du droit au travail inscrit dans le
Préambule de la Constitution de 1958, le devoir de travailler est
inscrit en filigrane dans nombre de nos textes, à commencer bien
sûr par le Code du travail qui est très explicite. Le livre III
– relatif au placement à l’emploi - du Code comprend un
chapitre intitulé : “ travailleurs privés
d’emplois ” dont l’article L 351-1 stipule :
“ En complément des mesures tendant à faciliter leur
reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement
privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont
droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au
présent chapitre. ”
Le
droit en vigueur définit ce que veut dire travailleur à la
recherche d’un emploi et ce de deux manières :
-
l’une, positive,
il s’agit d’être inscrit comme demandeur d’emploi et
d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi
c’est-à-dire d’effectuer, de manière permanente
toutes les démarches en leur pouvoir, que ce soit sur proposition de
l’ANPE ou de leur propre initiative, en vue de leur reclassement ou de
leur insertion professionnelle
-
l’autre
négative puisque la réglementation en vigueur indique les motifs
de suspension ou d’exclusion du revenu de remplacement. Il y a
“ extinction du revenu de remplacement ” pour les motifs
suivants :
·
refus sans motif
légitime d’un emploi, quelle que soit la durée du contrat
offert, compatible avec sa spécialité ou sa formation
antérieure, ses possibilités de mobilité
géographique compte tenu de sa situation personnelle, et
rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué
dans la profession et la région
·
refus d’une
formation, d’une action d’insertion ou d’une proposition de
contrat d’apprentissage
·
refus de répondre
à une convocation des agents chargés du contrôle ou de se
soumettre à des examens médicaux d’aptitudes au travail
·
ne pas pouvoir justifier
de l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi
ou commettre une fraude ou de fausses déclarations en vue de percevoir
indûment un revenu de remplacement
Enfin le Code prévoit que les
opérations de contrôle de la recherche d’emploi sont
effectuées par des agents publics relevant du ministre chargé de
l’emploi. C’est ce qui est le cas actuellement.
Assurance
et solidarité
Depuis
1992, la summa divisio assurance et solidarité est clairement inscrite
dans nos textes. L’article L 351-2 stipule que “ le revenu de
remplacement prend, selon le cas, la forme :
1°
D’une allocation d’assurance faisant l’objet de la section I
du présent chapitre
2°
Des allocations de solidarité faisant l’objet de la section II
3°
Des indemnisations prévues pour les agents non-fonctionnaires des fonctions publiques et
d’un certain nombre d'organismes publics.
S’agissant de l’assurance, il est dit
qu’elle est “ attribuée aux travailleurs
involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant
un emploi – qui satisfont à des conditions d’âge et
d’activité antérieure ” et qu’elle est
financée “ par des contributions des employeurs et des
salariés assises sur leurs rémunérations
brutes… ”. Celle-ci est à durée limitée,
peut être dégressive et calculée selon toute une
série de critères.
On notera d’ailleurs que le droit ne lie que très
faiblement le régime d’assurance-chômage et le régime
du licenciement. Autrement dit, peu importe ou presque les motifs et les
circonstances qui ont privé involontairement le travailleur
d’emploi. Si le motif d’un licenciement est réel et
sérieux – licenciement économique ou d’ordre
personnel - on ne
s’intéresse pas aux pratiques de gestion de l’emploi qui
l’ont précédé, accompagné ou suivi : par
exemple les efforts qu’a ou que pourrait faire l’entreprise en
matière de reclassement. Le travailleur est tombé dans le
périmètre ANPE-UNEDIC qui vont agir indépendamment de
l’entreprise de départ. Il n’y a que pour le cas de licenciement
sans cause réelle et sérieuse qu’existe une liaison
théorique entre code du travail et régime-chômage. Mais
celle-ci, qui a pour objectif de
faire rembourser à l’employeur les indemnités chômage
n’est quasiment jamais mise en œuvre parles prud’hommes, ni
…exécutée parles ASSEDIC.
S’agissant
du régime de solidarité, le Code liste une série de
catégories – qui s’est largement restreinte avec le temps
– qui ont droit à une allocation d’insertion parce
qu’elles “ ne justifient pas de références de
travail suffisantes pour être indemnisées ” ou, en ce
qui concerne les chômeurs de longue durée ou les chômeurs de
plus de 50 ans, à une allocation de solidarité spécifique.
L’énonciation
du dispositif de solidarité – même complété
par le RMI – fait que celui-ci ne couvre pas les nombreux chômeurs
exclus du régime assurantiel. Il ne couvre que certaines catégories
limitativement énumérées. En conséquence
s’est développée toute une foule de chômeurs qui ne
ressortent ni de l’un ni de l’autre aboutissant à :
-
l’absence totale
de couverture chômage pour des centaines de milliers d’individus
-
un renvoi de balle
permanent entre les deux régimes.
Dans un cas c’est toute la question de la prise
en charge des travailleurs précaires ou intermittents qui est
posée, dans l’autre celle des primo demandeurs d’emploi et
de nombre de chômeurs de longue durée.
Etat et des partenaires sociaux
Comment les acteurs sociaux et les pouvoirs publics se
sont-ils répartis les
rôles dans l’élaboration et la gestion du régime
chômage et sa gestion ? La loi prévoit que le régime
d’assurance constitue une “ application des
dispositions ” générales du Code du travail. Ce sont
donc les mesures d’application de ces dispositions qui font l’objet
d’un accord collectif pouvant être agréé à une
série de conditions :
-
avoir été
négocié sur le plan national et interprofessionnel entre
organisations syndicales et patronales les plus représentatives (au sens
de la loi)
-
ne comporter aucune stipulation
incompatible avec la législation/réglementation en vigueur
notamment pour ce qui a trait au contrôle de la recherche d’emploi,
à la compensation des offres et demandes d’emploi, au
contrôle de l’emploi ou à l’organisation du placement,
de l’orientation ou du reclassement
-
avoir été
soumis au comité supérieur de l’emploi (un passage si
absence d’opposition écrite d’au moins 2 organisations
syndicales ou patronales, un deuxième passage peut être demandé
par le Ministre si une telle opposition se manifeste)
Un tel accord conclu et agréé est
géré, par décision des parties signataires, par un ou
plusieurs organismes de droit privé de leur choix. Ces organismes
assurent la délivrance de l’allocation d’assurance et le
recouvrement des contributions.
Contrairement à
beaucoup d’idées reçues, l’accord du 14 juin 2000 sur
le PARE, qui signifie “ Plan d’aide au retour à
l’emploi ”, innove moins qu’on ne le croit. La question des
sanctions était déjà présente dans le
système antérieur ainsi que beaucoup d’autres
dispositions.Les seules vraies novations de l’accord du 14 juin 2000 et
de ses conséquences sont celles :
-
de l’obligation de
résultat qui est enjointe au service public de l’emploi, surtout
ANPE
- du contrat qui s’articule autour des notions de PARE et de PAP - projet d’action personnalisé – qui devra recenser les catégories d’emplois correspondant aux compétences du salarié et les prestations nécessaires (notamment formation) à l’accès aux emplois disponibles.
En liant le bénéfice de l’allocation à l’acceptation de propositions d’embauches et d’actions de formation le PARE entre dans ce qu’il est convenu d’appeler les mesures actives pour l’emploi. Ce faisant, les partenaires sociaux mettent l’ANPE au pied du mur. L’ANPE doit être en mesure de proposer à tout allocataire à partir de 2001 un plan personnalisé débouchant soit sur des propositions d’embauches soit sur des actions de formation visant à faciliter le reclassement.
Les caractéristiques de ces propositions d’embauches, en termes de compétences et de salaires sont précisées (et se font moins fortes au fur et à mesure que le temps passe et que l’allocataire ne retrouve pas du travail) et cela va bien au-delà des pratiques actuelles de l’agence. Et s’il est certain que les pratiques et les méthodes de celle-ci ont notablement évolué ces dernières années, il n’en reste pas moins qu’atteindre les objectifs fixés au moyen du PARE sera pour elle un défi en termes de moyens et de méthodes. On peut par ailleurs noter que les sanctions instituées autour du PARE mettent les services de l’Etat dans une position difficile : quelle répartition des compétences pour instruire et notifier des sanctions éventuelles ? Quelle marges de manœuvre ou au contraire quelle automaticité ?
Une novation
juridique : la logique contractuelle
Cette novation juridique est de taille. La construction du droit de l’assurance-chômage a combiné jusqu’à présent une logique conventionnelle – le régime a été largement initié et négocié paritairement par les partenaires sociaux – et institutionnelle – les ASSEDIC fonctionnent comme une institution publique face à ses usagers, l’agrément étatique achevant cette officialisation.
Aux termes de la logique en œuvre jusqu’à aujourd’hui, le chômeur est traité comme un usager par les institutions (ANPE, ASSEDIC, DDTEFP) du service public de l’emploi . Cela signifie que les obligations mutuelles des uns et des autres sont fixées par des règles générales codifiant objectifs, procédures et moyens. Il en va ainsi des missions de placement de ces institutions comme des obligations du demandeur d’emploi ou encore des sanctions applicables. A cette logique – qui n’est pas supprimée par le PARE- s’en ajoute une nouvelle, la logique contractuelle.
Avec le PARE, il s’agit bien pour les
signataires d’une forme de contrat. L’accord fait état
d’ “ engagements réciproques du régime
d’indemnisation et des demandeurs d’emploi éligibles formalisés
par un PARE dont les termes sont précisés…et dont la
signature. ouvre droit au versement des allocations et à
l’accès aux services facilitant le retour à l’emploi,
si les conditions d’indemnisation sont remplies ”. Et la
convention annexée à l’accord précise en son article
2 : “ Ces engagements font l’objet d’une
contractualisation formalisée dans un PARE signé entre le
salarié privé d’emploi et l’institution
compétente.. ”. Bien entendu, pour ces travailleurs
privés d’emploi et éligibles au régime
d’assurance, le PARE est rendu obligatoire à partir de 2001. Il
n’a aucun caractère facultatif.
Le PARE, par l’intermédiaire du PAP, vise
à offrir au chômeur
·
soit une ou plusieurs
propositions d’embauche entrant dans le champ de ses compétences
et accompagnées si nécessaire d’une formation
·
soit une prestation ou
une formation conduisant à des emplois disponibles sur le marché
du travail
et
à effectuer avec lui un suivi à intervalle de deux à
quatre semaines sous forme d’entretien individuel et à examiner
avec lui les difficultés particulières de retour à
l’emploi. Une aide spécifique pour faciliter sa mobilité
peut lui être accordée s’il accepte un emploi dans un autre
bassin d’emploi.
En retour, le chômeur s’engage
à :
-
effectuer des recherches
d’emploi personnelles, actives, permanentes et sérieuses. Il doit
être disponible et s’impliquer réellement dans la
démarche de retour à l’emploi.
-
se présenter
à l’examen des capacités professionnelles ou à toute
autre action d’évaluation éventuellement demandée
-
indépendamment de
ses recherches personnelles, donner suite aux offres d’emplois
proposées dans le PAP et à justifier ses refus éventuels
-
se présenter aux
entretiens de suivi périodique.
A défaut, il s’expose aux sanctions
prévues par le Code du travail (nouvelle rédaction de
l’accord entérinée le 23 septembre dernier).
Une actualisation du PAP est prévue si le
chômeur n’a pas retrouvé un emploi ou si aucune proposition
d’embauche correspondant à ses compétences ne lui a
été faite dans les 6 ou 12 mois suivant la signature.
Le
régime chômage face aux transformations profonde de l’emploi
Il est intéressant de procéder à l’analyse des statistiques du chômage qui depuis plusieurs années maintenant montrent qu’on a changé de structure – c’est l’effet des restructurations de l’économie et des entreprises – et que celle-ci se traduit de la manière suivante :
-
le régime
d’assurance couvre à peu près 40% des demandeurs
d’emploi
-
la part des
licenciements dans les entrées au chômage tend à
décroître pour ne plus atteindre que moins de 28% dans la part des
licenciements, celle des licenciements pour motif économique
n’étant plus que de 15% environ
-
les estimations de la
DGEFP montrent enfin que la part des salariés licenciés pour
motif économique et compris dans un plan social – obligatoire dans
les entreprises de plus de 50 personnes et en licenciant au moins 10 sur 30
jours- dépasse à peine 10% du total des licenciés pour
motif économique
-
à
l’inverse, le nombre de démissions a plutôt tendance
à augmenter sous l’effet de la croissance de l’offre
d’emploi
Parallèlement, les entrées au
chômage pour fin de contrats précaires – intérim et
CDD - dépassent désormais la moitié des inscriptions. Du
fait des conditions d’ancienneté requises pour
l’indemnisation, une forte part des travailleurs précaires ne
bénéficie d’aucune allocation alors que tous cotisent.
Enfin les bénéficiaires du régime de solidarité
tendent eux aussi à diminuer, au contraire de ce qui se passe pour le
RMI, tant les catégories incluses sont devenues marginales.
Cette situation du marché du travail, incluant
une réelle embellie financière pour l’UNEDIC, a-t-elle
amené une refondation de la couverture du risque du chômage dans
notre pays ? C’est ce qu’affirment les signataires au travers
du PARE qui a pour effet de substituer à un régime
d’assurance réputé passif – les allocations, pourtant
dégressives depuis quelques années ne seraient pas assez
liées à des mesures actives d’accès ou de retour
à l’emploi – un régime d’allocations actives,
basé sur la logique contractuelle rappelée ci-dessus. On peut
néanmoins s’interroger.
Car si le terme de refondation doit être pris au
sérieux – poser de nouveaux fondements, de nouvelles bases –
la plupart des données nouvelles du marché n’ont pas
été prises en compte, ou l’ont été de
manière marginale.
D'une part, on ne revient pas sur la division
assurance et solidarité, comme si les partenaires sociaux
n’avaient rien à dire sur les primo demandeurs d’emploi ou
une large part de CLD.
D’autre part, le régime des travailleurs
précaires est peu amélioré, alors que leur
précarité est souvent récurrente – ce sont de
nouveaux “ intermittents ” du travail et qu’ils
relèvent logiquement de l’assurance.
En outre, le régime d’assurance est
toujours aussi étranger aux pratiques de gestion de l’emploi
– la séparation entre assurance chômage, droit de la
précarité et droit du licenciement reste totale – des
entreprises, dont par ailleurs aucun défaut d’engagement
n’est sanctionné (cf. ci-dessus) à la différence des
chômeurs titulaires d’un PARE.
Par ailleurs, le régime refondé
développe une approche tutélaire du chômeur à
l’identique du système qu’il prétend remplacer :
les institutions ANPE comme ASSEDIC oeuvrent a priori pour
l’amélioration de la situation des chômeurs et
définissent pour lui un certain nombre d’actions à
entreprendre. Il peut bien entendu y avoir dialogue - et il
s ’établit dans de nombreux cas - mais au final c’est
l’institution qui décide par exemple de l’orientation
vers tel ou tel type d’emploi, du bénéfice de telle action
de formation etc...
Dernière remarque : alors qu’il devient évident que l’emploi de très longue durée dans une même entreprise n’est plus la norme – et d’ailleurs est de moins en moins souhaité par les jeunes embauchés qui recherchent à la fois une stabilité d’une relation contractuelle mais aussi une diversité de l’expérience professionnelle – le nouveau régime d’assurance chômage ne semble pas prendre en compte la nouvelle situation du travail qui est déjà marquée entre autres par :
-
la multiplication des
mobilités avec ce que cela suppose de transitions à
ménager
-
la
nécessité d’un investissement formation approfondi et
récurrent
-
la coexistence
d’un noyau significatif de travailleurs peu qualifiés et
d’une foule de travailleurs, à compétences
sophistiquées déjà habitués à une
organisation du travail autonome
-
la profonde
inadéquation du système actuel aux besoins et aux désirs
des individus d’une part, aux structures productives largement
dominées par des PME cotraitantes ou sous-traitantes de l’autre,
incapables de faire face au risque emploi selon les principes issus de la
grande entreprise et du modèle unique de travail et d’emploi
-
une crise de
légitimité des institutions et des acteurs qui les gèrent
Une véritable refondation aurait pu mener
à traiter de manière innovante
-
la question des
mutations “ industrielles ” et des mobilités
professionnelles contraintes
-
la question de
l’intermittence et du travail précaire
-
la question des
instruments de la transition et de leur gestion
Face à cela, une nouvelle relation pourrait
s’établir entre les usagers des systèmes
d’indemnisation et de transition professionnels et les institutions dont
ils relèvent. Le nouveau droit des usagers qui en résulterait
affirmerait l’individu comme acteur souverain de son itinéraire
professionnel, énoncerait ses droits à la transition
professionnelle qu’il inscrirait le plus souvent possible
d’individus dans des démarches collectives. Quant aux institutions
compétentes, elles devraient pouvoir décliner les principes
suivants: mutualisation au plus près des secteurs, des métiers et
des territoires et service aux usagers plus que catalogues prêts à
porter de mesures où faire “ rentrer ” les gens.
Sur cette base, nous pourrions imaginer au moins 10
changements :
1. Celui de la fin de la division
assurance/solidarité de manière à permettre à
chacun de bénéficier de tous les instruments d’accès
à l’emploi et d’une égalité de droits à
des revenus minimaux.
2. Celui d’une obligation de reclassement ou de
reconversion, avec son corollaire, le droit de tout individu à la
reconversion. Cette obligation et ce droit accompagneraient tout licenciement
non fondé sur la faute et qui ferait subsister un lien contractuel soit
avec la grande entreprise y compris lorsque celle-ci se trouve indirectement
employeuse en raison de sa fonction de donneuse d’ordres, soit avec un
groupement de PME, mutualisant au niveau sectoriel et/ou territorial des moyens
destinés à faire face aux aléas de la conjoncture et de
l’emploi.
3. Celui d’un système de bonus-malus, visant
à récompenser les pratiques vertueuses de gestion de
l’emploi ou à dissuader celles qui le sont beaucoup moins
(à l’instar de ce qui existe par exemple dans la branche
“ accidents du travail ” de la Sécurité
Sociale)
4. Celui d’une régulation des
restructurations à dimension transnationale par une saisine
préalable d’instances européennes appropriées
– négociation sectorielle européenne, autorité de
régulation sociale indépendante, chambre sociale des instances de
la concurrence – susceptible d’aider à la réalisation
de transitions
5. Celui de la participation des salariés
licenciés et de leurs représentants aux décisions et
à la gestion de ces opérations de reclassement, de manière
à en réduire l’approche tutélaire et à
fournir ainsi aux syndicats, voire à certaines associations, une
véritable représentativité, donc une meilleure
légitimité en même temps qu’une plus grande
proximité avec ces populations où elles sont aujourd’hui
très peu présentes
6. celui d’une véritable lutte contre les
abus massifs en matière de précarité que le droit du
travail actuel est impuissant à réaliser. L’on pourrait
fixer par exemple un taux maximum de recours par secteur professionnel et une
surcotisation pour les entreprises dépassant ce seuil
7. Celui de l’extension aux précaires du
bénéfice du système des intermittents du spectacle pour ce
qui est de l’allocation, ainsi que de structures de transitions
professionnelles, mutualisées et adaptées.
8. Celui des passerelles permettant à un individu
de capitaliser des droits à la transition et à
l’allocation, quel que soit son statut professionnel. On pourrait de ce
point de vue imaginer que chaque “ entrant sur ” le
marché du travail se voit accorder un crédit – en
allocation, et en moyens de formation – qu’il pourrait alimenter au
fur et à mesure de ses périodes travaillées et consommer
entre deux périodes, quitte d’ailleurs à y imputer une
partie de l’épargne-temps issue par exemple des 35 heures
9. Celui l’élargissement de la notion de
travailleur involontairement privé d’emploi. En effet, à
partir du moment où la mobilité d’un individu est
vécue comme positive par le système, il n’y a aucune raison
de ne pas couvrir un certain nombre de démissions. On pourrait imaginer
une surcotisation, volontaire, destinée à couvrir un large
spectre de démissions possibles.
10. Celui, enfin d’un processus visant à
faire un travail de mémoire de 30 années de souffrances issues
des restructurations industrielles qui ont profondément
bouleversé les destins individuels comme les constructions collectives.
Car comment construire un système nouveau en misant d’abord sur la
capacité d’oubli de nos sociétés ? Comment
amorcer une dynamique nouvelle en tablant sur l’amnésie collective
du passé ?
LE PARE a fait naître un débat
essentiel. Il est bien entendu assez tentant de faire la critique de ce
qu’ont prévu les partenaires sociaux et nous savons combien en ce
domaine comme en d’autres l’on ne peut avancer avec du
“ il n’y a qu’à ”. Nos interrogations
et nos propositions sont donc d’abord destinées à la
discussion ou à la controverse. Elles naissent d’un
sentiment : il est urgent certes de refonder notre système
d’emploi mais la refondation entamée depuis quelques mois semble
frileuse, hors de nombre des caractéristiques des situations et des
hommes au travail d’aujourd’hui. Elle génère alors
bien des critiques qui participent souvent des mêmes enfermements. Une voie plus appropriée
saura-t-elle être trouvée ?
Claude Emmanuel TRIOMPHE
Délégué Général,
Université Européenne du Travail