Sinon, René Passet constate, dans son dernier livre, que l'éthique est simplement un excellent argument de vente : ethic pays. L'éthique fait chic, l'éthique fait choc et, comme le disait la revue Alternatives économiques, "ça ne mange pas de pain". L'éthique comme image de marque, est-ce encore de l'éthique ou bien déjà du marketing ?. En rabaissant le citoyen au consommateur, on s'achète une bonne conscience comme on achetait des indulgences divines. Surtout dans cette démocratie censitaire on se met en position d'infériorité. Contre le pouvoir de l'argent on a perdu d'avance. L'éthique ne doit pas remplacer la Loi ; le bon vouloir des capitalistes la main sur le coeur d'un libéralisme de compassion ne suffit pas. Comme le montre Yves Salesse, pour que les salariés-actionnaires puissent peser sur les décisions du conseil d'administration, il faut renforcer le poids de leurs actions. Autant leur donner ce pouvoir sans avoir besoin d'être actionnaire ! Il faut imposer des normes sociales à toutes les entreprises plutôt que d'attendre le progrès social des lois du marché.
nous a dressé un tableau de l'état des finances solidaires en France qui représentent 1% de l'offre ici, alors qu'elle est de presque 20% aux USA, ce qui indique un fort potentiel de croissance. Pour se développer, ce secteur aurait besoin pourtant d'un cadre fiscal aussi incitatif que là-bas.
Pour terminer, il a été on ne peut plus clair : on ne
peut compenser par l'éthique la dérégulation de la
finance. Il ne faut pas trop attendre des fonds solidaires. Tout ce qu'on
peut faire, c'est résoudre des problèmes concrets et générer
du Droit.
soutient activement l'économie sociale et solidaire qui est aussi ancienne que le syndicalisme (mutuelles, coopératives de consommateurs, etc) ainsi que l'épargne salariale considérée comme un levier à utiliser par les salariés, comme au Canada où les syndicats gèrent l'organisme de "capital risque" le plus important, intervenant dans les petites entreprises et pesant dans le rapport de force.
L'objectif de l'économie sociale doit être le maillage de l'économie plutôt que les grosses structures. La finance peut être un outil contre les dérives du capitalisme, participer à sa régulation au niveau de l'idéologie, du contrôle des conditions de production et de la conformité au droit du travail (OIT). L'éthique n'est cependant pas une garantie dans le marché des bons sentiments et peut être l'alibi du protectionnisme des pays développés contre les pays pauvres.
estimant que l'urgence est de lutter contre la marchandisation du monde, il faut limiter le rôle de l'argent plutôt que de vouloir l'utiliser à d'autres fins.
Les fonds éthiques ne peuvent avoir qu'un impact limité, ne serait-ce que par la difficulté d'information et surtout d'évaluation des pratiques d'une entreprise, tout au plus peuvent-ils servir de "carton rouge" contre certains excès.
L'épargne salariale est problématique car 1) c'est une alternative à l'augmentation des salaires. 2) La transformation des travailleurs en actionnaires est une idée ancienne (participation gaulliste) mais ne fait que diviser les travailleurs sans leur donner de véritable poids. Il faut plutôt limiter le pouvoir du capital. 3) cela ne concerne que 20% des salariés, ceux des grandes entreprises, augmentant l'écart avec les salariés des petites entreprises. 4) La prise de participation perd son sens avec la mobilité grandissante des travailleurs. La mutualisation prévue dans la loi ne donne aucun pouvoir sur l'entreprise. 5) L'épargne patrimoniale multiplie toujours les inégalités. Ce ne sont pas les smicards qui vont épargner, ni leurs intérêts qui seront défendus par ce biais.
Simmel insistait sur la différence entre la propriété d'un bien et celle de l'argent. Dans le premier cas, la possession est une façon d'agir alors que l'argent donne l'indépendance de l'être, ce qui est tout autre chose. Un propriétaire financier ne peut avoir ainsi le comportement d'un propriétaire raisonnable. Ce n'est pas par la finance qu'on peut espérer changer le capitalisme mais par la redéfinition de la responsabilité des acteurs économiques, une refondation du droit social et de la propriété.
estime que la finance change effectivement le capitalisme, mais pas forcément dans le bon sens, plutôt dans celui de la logique américaine qui n'est pas du tout le modèle unique de capitalisme. Il faut insister au contraire sur la diversité des capitalismes et de leurs arbitrages entre cohésion sociale et mobilité. Ce n'est pas la finance qui est déterminante ici mais la négociation sociale décidant quelle type de flexibilité sera mise en oeuvre : individuelle et décentralisée (contrat) ou centralisée et coordonnées (conventions collectives, statut).
Là où la part des profits augmente, le chômage augmente aussi alors que là où une modération a pu être négociée (des profits comme des salaires) la stabilité a été maintenue. C'est bien sûr plus facile dans un petit pays. Ainsi la croissance de l'investissement en France s'est traduit par une diminution de la part du travail alors que la Hollande, notamment, en économisant le capital a maintenu le taux de profit sans dégrader le marché de l'emploi.
Le processus de financiarisation de l'économie renforce l'éloignement de la décision, sa brutalité envers le "capital humain" et malgré tout l'intérêt des positions d'Amartya Sen, reprises dans le discours de la Banque Mondiale, sur le développement humain, on ne peut en attendre aucun changement car le poids politique de l'hégémonie américaine est beaucoup plus déterminant.
Dans ce cadre, l'actionnariat salarial peut constituer un accès au conseil d'administration. Il y a des éléments intéressants dans la loi sur l'épargne salariale permettant des accords européens, de groupe ou inter-entreprises qui peuvent être positifs, notamment pour le financement des petites entreprises. Plus généralement l'accès au crédit est fondamental aussi bien pour le tiers-monde que pour les exclus et les petites entreprises. L'épargne ou l'actionnariat salarial témoignent de l'importance de plus en plus grande de la partie variable de la rémunération (intéressement, participation).
Ce n'est pas par la finance qu'on pourra réorienter l'économie sur des valeurs humaines car les circuits alternatifs restent marginaux par rapport à l'économie dominante et restent dans une logique de lobbies, d'intérêts particuliers alors qu'il s'agit de tenir compte d'intérêts globaux qui relèvent de la délibération. Si les principes éthiques ont une réelle importance, il faut les généraliser ou cela signifie clairement qu'on accepte qu'il y ait des fonds non-éthiques !
On ne peut attendre de ces fonds éthiques qu'une influence correctrice et non un changement du système capitaliste dont la finance n'est qu'une partie, le capitalisme lui-même n'étant qu'une partie de l'économie, et l'économie qu'une partie de la société. L'éthique et le bien public ne sont pas alternatifs à l'économie et au capitalisme mais en sont partie intégrante sous la forme de la confiance, du "capital humain", etc. Il y a plusieurs sociétés et donc plusieurs capitalismes. Il y a aussi une pluralité de théories économiques et non pas une pensée unique comme on nous le serine. Cette pensée standard se réduit à prétendre que nous sommes dans le meilleur des systèmes, ce qui est bien déprimant quand on est du côté des perdants.
Il ne s'agit pas de reconstruire une nouvelle orthodoxie, une nouvelle pensée unique. Les hétérodoxies renforcent le modèle libéral en s'y opposant, en le mettant au coeur de leurs critiques. Nous devrions mettre au centre la diversité de nos théories économiques effectives, alors qu'il n'y a pratiquement aucun économiste qui défend le modèle de référence du marché autonome, hors des USA et des organismes internationaux qui défendent leur politique "mercantiliste". Au contraire, tous les autres insistent sur le primat du politique, des institutions, des régulations.
Un "Appel pour une économie humaine" doit paraître dans Esprit, affirmant que la politique est notre conception de l'économie, qu'il y a une légitimité d'un autre point de vue que l'économie.
1. Le but de l'économie c'est le développement humain
(Sen)
2. La méthode est multidimensionnelle, transdisciplinaire (histoire,
morale, politique), conjoncturelle (temps et milieu)
3. Il faut rendre accessible les diverses théories économiques
afin de pouvoir être soumises au débat public
Si 3000 économistes et chercheurs signent ce manifeste, on ne pourra plus dire qu'il y a une pensée unique.